Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OFD-075
Attention :
Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.
Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès par balle de D’Andre Campbell, survenu lors d’une interaction avec la Police régionale de Peel (PRP), à Brampton.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès par balle de D’Andre Campbell, survenu lors d’une interaction avec la Police régionale de Peel (PRP), à Brampton.
L’enquête
Notification de l’UES
Le 6 avril 2020, vers 18 h 43, la PRP a contacté l’UES pour signaler que, vers 17 h 56, l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 2 s’étaient rendus à une résidence, à Brampton, en réponse à un appel concernant une querelle familiale. Arrivés sur les lieux, ils ont trouvé D’Andre Campbell, qui se battait avec sa mère. M. Campbell est devenu violent envers les agents qui ont tous deux tenté de le maîtriser avec des armes à impulsions, sans effets. L’AI a dégainé son arme à feu et a tiré sur M. Campbell. M. Campbell est mort sur les lieux.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4 Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 4
Plaignant :
D’Andre Campbell Homme de 26 ans, décédéTémoins civils
TC no 1 (père) À participé à une entrevue TC no 2 (mère) À participé à une entrevue
TC no 3 (sœur) À participé à une entrevue
TC no 4 (sœur) À participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 À participé à une entrevue AT no 2 À participé à une entrevue
AT no 3 À participé à une entrevue
AT no 4 À participé à une entrevue
Agents impliqués
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.Éléments de preuve
Les lieux
À 21 h 29, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé à une résidence – une maison individuelle de deux étages – sur Sawston Circle, à Brampton.. L’incident s’est produit dans la cuisine qui contenait une table et quatre chaises à l’extrémité sud, un îlot central ainsi que les appareils ménagers habituels. M. Campbell était dans la cuisine, allongé sur le dos par terre, du côté nord de l’îlot, près de la cuisinière. M. Campbell était habillé et plusieurs objets médicaux étaient éparpillés autour de son corps. Plusieurs objets ont été trouvés et recueillis dans la cuisine, notamment : de nombreuses étiquettes jaunes et roses d’identification anti-félon d’armes à impulsions; deux armes à impulsions jaunes sur le sol, au coin sud-est de l’îlot; des fils d’arme à impulsions; un couteau argenté d’une longueur totale de 33,5 cm, avec une lame de 19,5 cm, à l’angle sud-est de l’îlot et deux cartouches argentées de balle de calibre .40 par terre, l’une à l’extrémité sud de la cuisine et l’autre au côté sud de l’îlot. Deux projectiles ont été trouvés dans la cuisine, l’un sur le comptoir, dans le coin nord-est de la cuisine, derrière une plaque de céramique et un support, et l’autre sur le carrelage, sous le mollet droit de M. Campbell.
Figure 1 - Le couteau de cuisine argenté situé à côté d’une arme à impulsions et de fils d’arme à impulsions
Figure 2 - L’emplacement de la deuxième arme à impulsions (2) et d’une cartouche (7).
Figure 3 - La deuxième cartouche.
Schéma des lieux
Éléments de preuve matériels
Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a examiné et photographié les objets suivants en possession de l’AI : - un pantalon cargo de la police, avec une tache de couleur rouge/brune visible sur la jambe droite, au niveau du genou, du tibia et du revers du pantalon. Une tache de couleur rouge/brune était également visible sur la jambe gauche du pantalon, au niveau de la cuisse;
- une sonde d’arme à impulsions et un fil attaché à une tuque noire de la PRP. Ces objets, ainsi qu’un masque jetable, étaient dans la poche gauche du pantalon cargo. Il y avait une paire de gants de fouille noirs dans la poche droite. Des bottes de policier avec une tache de couleur rouge/brune, près de l’embout de la botte gauche, et deux taches de couleur rouge/brune visibles en bas et sur le côté droit de la botte gauche, près des œillets des lacets.
- un gilet balistique et une ceinture de service de police avec l’étui vide de l’arme à impulsions.
- Une arme à feu de la police – un pistolet Smith and Wesson M&P 40 – était dans son étui. Le pistolet avait une cartouche intacte dans la chambre, et treize cartouches intactes dans le chargeur. Il y avait deux chargeurs de rechange dans leurs pochettes; chacun contenait quinze cartouches non percutées.
Figure 4 - L’arme à feu de l’AI.
Éléments de preuves médicolégaux
Résumés des données de l’arme à impulsions
Données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AT no 2
Données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AI
Soumissions au Centre des sciences judiciaires (CSJ) et résultats
Les projectiles étaient des balles chemisées à pointe creuse de calibre .40. Ils ont été tirés avec une arme à feu à canon rayé avec cinq arêtes et sillons, torsion à droite. Ils ont été examinés au microscope et comparés aux balles tirées par le pistolet de l’AI lors d’un essai. Les projectiles tirés avec le pistolet de l’AI lors de l’essai ont été examinés au microscope et comparés aux projectiles récupérés sur le lieu de l’incident. La classe et les caractéristiques concordaient.
L’UES a également soumis un T-shirt blanc taché de rouge que portait M. Campbell, ainsi que deux balles et deux douilles récupérées sur les lieux pour déterminer si des résidus de décharge d’armes à feu étaient présents ou non et, dans l’affirmative, pour déterminer la distance entre le canon du pistolet et le vêtement au moment du tir.
Le T-shirt a été examiné visuellement, au microscope et par photographie infrarouge. De multiples défauts ont été observés sur le devant et le dos du T-shirt. Certains semblaient être associés aux sondes d’une arme à impulsions. Aucun résidu de décharge d’armes à feu n’a été observé [2] autour de ces défauts; par conséquent, aucun autre examen n’a été effectué.
Enregistrements des communications
Résumé des appels au 9-1-1 et des communications radio de la police
Appels au 9-1-1
Piste 01 L’appelant dit qu’ils ont besoin que la police vienne à Brampton, puis raccroche.
Piste 02 Le 9-1-1 tente de rappeler et tombe sur la messagerie vocale d’une femme.
Piste 03 Le 9-1-1 tente de rappeler, parle à la femme – une voisine; elle est essoufflée et, lorsqu’on le lui demande, ne donne pas son adresse.
Piste 04 Le 9-1-1 tente de rappeler (vraisemblablement la femme); pas de réponse.
Piste 05 Le 9-1-1 tente de rappeler (vraisemblablement la femme); la messagerie vocale se met en marche, le 9-1-1 raccroche.
Piste 06 Inaudible; semble un appel interne du 9-1-1 pour avertir, « Coups de feu ».
Piste 07 9-1-1 à l’ambulance [traduction] « [on a besoin de vous d’urgence… deux coups de feu » à [adresse de M. Campbell].
Piste 08 Le 9-1-1 parle à un homme du PRP, l’avisant que des coups de feu ont été tirés, mais qu’on ne sait pas par qui.
Piste 09 Une femme frénétique dit que son frère a appelé la police, que la police est venue, qu’il avait une arme, mais ils ont essayé de l’arrêter et ils ont fini par lui tirer dessus. Elle appelle de l’extérieur de la maison et ajoute qu’ils ont tiré deux coups de feu sur lui.
Piste 10 Une femme des communications parle à un homme au sein de la PRP, lui demandant s’il écoute [l’appel radio]. Il répond par l’affirmative.
Piste 11 L’agente des communications explique à une femme de la PRP comment se rendre sur les lieux, puis dit qu’une demande d’assistance d’urgence a été déclenchée, suivie de rapports de coups de feu.
Piste 12 La PRP parle à l’ambulance, demandant leur heure estimée d’arrivée.
Piste 13 Un agent de la direction des enquêtes criminelles se connecte par téléphone.
Piste 14 L’agent de la PRP de la piste 11 demande à l’agente des communications de transmettre l’historique de l’incident à une autre personne.
Piste 15 Un homme demande si l’incident était une fusillade impliquant un agent. L’agente des communications répond [traduction] : « Il y a eu une [demande d’assistance d’urgence] … puis ajoute : « Des coups de feu ont été tirés ».
Communications radio de la police
Piste 01 Dit qu’un homme est sans signes vitaux et que les services médicaux d’urgence poursuivent leurs efforts.
Piste 04 Transmission indiquant que l’homme a été « prononcé » à 18 h 01.
Piste 05 Transmission indiquant que l’AT no 2 et l’AI sont conduits au poste séparément.
Piste 06 Transmission indiquant que [les transmissions sont interrompues en raison d’une urgence] ne sont plus nécessaires.
Piste 7-20 Communications diverses à propos du personnel; rien de particulier concernant les agents en cause ou à la fusillade.
Piste 21 [3] L’agente des communications envoie un « appel prioritaire dans la zone 440, incident domestique à [les lieux.] Un homme belligérant sur la ligne qui jure et demande que la police vienne tout de suite et qui affirme que ses parents essaient de se disputer avec lui ».
Piste 22 L’agente des communications avise les agents qui interviennent que l’appelant [maintenant connu comme étant M. Campbell] est [traduction] « mis en garde [armé et dangereux, risque de fuite, violent ou agressif] » et souffre de schizophrénie et de trouble bipolaire. Elle ajoute que la police s’est déjà rendue à cette résidence en février 2019 pour un homme atteint de troubles mentaux, M. Campbell, né en 1993. Il a été arrêté à cette occasion après avoir tenté de s’attaquer à des membres de sa famille. L’agente des communications note que M. Campbell ne prenait pas ses médicaments à l’époque. L’AT no 2 accuse réception de l’information.
Piste 23 Une voix masculine [vraisemblablement l’AI] dit que les deux unités sont arrivées [sur les lieux].
Piste 24 On entend une succession de sons brefs et très forts. L’agente des communications annonce une [demande d’assistance d’urgence] de l’AT no 2. On entend une voix masculine dire que des coups de feu ont été tirés. L’agente des communications avise toutes les unités du lieu de l’appel demande de s’abstenir de toute communication en raison d’une urgence. Une personne – vraisemblablement l’AT no 2 – dit qu’environ deux coups de feu ont atteint un homme à la poitrine.
Piste 25 Transmission indiquant qu’[une unité] est sur les lieux.
Piste 26 Transmission de [l’unité] rapportant que [traduction] « les deux agents sont [OK], nous avons un homme blessé par balle ».
Piste 27-31 Diverses unités annoncent qu’elles s’en vont.
Piste 32 Un agent, dont on ignore l’identité, mentionne [traduction] « Il y a un gros couteau de cuisine sur [brouillé] de la cuisine. »
Piste 33 L’agent déclare [traduction] : « On commence la RCR. Touché deux fois, pouls faible ».
Piste 34 L’agent déclare que la résidence est sécurisée.
Piste 35 L’ambulance est [sur place].
Piste 36 L’agent note que l’homme est sans signes vitaux.
Politiques du service de police
L’UES a obtenu la directive de la PRP relative à la santé mentale qui était en vigueur au moment de cet incident. La directive prévoit que la PRP a pour politique de travailler en partenariat avec les agences communautaires de santé mentale afin de [traduction] « réduire la stigmatisation et l’impact des troubles mentaux dans la société et de partager la responsabilité d’améliorer la qualité de vie des personnes ayant des troubles mentaux et du développement. »Parmi les moyens d’atteindre ces objectifs, la politique prévoit le recours à une équipe COAST (équipe de soutien à l’évaluation de la sensibilisation aux crises). Chaque unité de l’équipe COAST se compose d’un agent en tenue civile à bord d’un véhicule de police banalisé qui fait équipe avec un professionnel de la santé mentale. Le service de l’équipe COAST est disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Les appels au centre d’appels de la PRP susceptibles d’impliquer une personne émotionnellement perturbée ou une personne souffrant d’une maladie mentale ou d’un trouble mental sont évalués par les preneurs d’appels qui doivent décider s’il y a lieu de faire intervenir une unité COAST. Pour prendre cette décision, la personne qui prend l’appel doit tenir compte des facteurs suivants :
- L’appel concerne une personne de 16 ans ou plus atteinte d’une maladie mentale;
- L’appel n’est pas une urgence;
- Il n’y a pas d’armes impliquées dans l’appel; et
- La situation est calme.
Lorsqu’un appel de service ne justifie pas l’intervention de l’équipe COAST, la personne qui prend l’appel est tenue d’envoyer deux agents sur les lieux en leur fournissant tous les renseignements qu’elle a pu obtenir auprès de l’appelant. [4]
La responsabilité des agents de l’équipe COAST est énumérée dans la politique et comprend les éléments suivants :
- Travailler au sein d’une unité mobile de deux personnes composée d’un agent et d’un professionnel de la santé mentale;
- Assurer la sûreté et la sécurité de l’agent de police, du professionnel de la santé mentale et du client; et
- Intervenir en cas d’appels concernant une crise de santé mentale dans la région de Peel.
À l’exception de l’équipe COAST, les agents qui interviennent en réponse à des appels de service de la collectivité en général impliquant une personne qui [traduction] « vit avec ou qui semble traverser une crise, ou en présence d’une telle personne », reçoivent des conseils sur la nature de leur intervention. Par exemple, ils doivent :
- veiller à ce qu’il y ait une assistance suffisante;
- aborder la personne de la manière suivante :
o éviter tout mouvement rapide ou brusque,o dire à la personne qui ils sont, pourquoi ils sont là, qu’ils sont là pour l’aider,o parler dans un langage simple et clair (et répéter au besoin),o expliquer ce qu’ils vont faire avant d’agir,o prendre le temps de poser des questions (par exemple, êtes-vous blessé, comment puis-je vous aider, entendez-vous des voix),o éliminer tout stimulus extérieur (par exemple, éteindre la télévision ou la radio);
- fouiller les lieux et la personne, si possible, pour s’assurer de l’absence d’armes;
- tenter de savoir si la personne a pris des médicaments sous ordonnance et/ou des drogues illicites;
- parler à la famille et/ou aux soignants de la personne pour se renseigner sur ses antécédents comportementaux et médicaux; et
- si la situation répond aux critères de présence d’un agent ou d’une agente de l’équipe COAST, demander au centre des communications de l’envoyer sur les lieux.
Éléments obtenus auprès du service de police
L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la PRP :- Enregistrements des communications;
- Rapport de répartition assistée par ordinateur;
- Rapport sur les détails de l’événement;
- Notes des agents témoins;
- Détails sur une personne (M. Campbell);
- Rapport d’incident (x 9);
- Directive de la PRP – Politique concernant la santé mentale (entrée en vigueur le 26 octobre 2018);
- Manuel du centre de communication de la PRP – équipe COAST; et
- Rapports relatifs aux armes à impulsions de l’AT no 2 et de l’AI.
Éléments obtenus auprès d’autres sources :
L’UES a également reçu les documents suivants d’autres sources :- Rapport d’autopsie, daté du 24 juin 2020, du Bureau du coroner; et
- Rapport sur les armes à feu du Centre des sciences judiciaires, daté du 19 juin 2020.
Description de l’incident
Malgré des contradictions dans les éléments de preuve concernant les derniers instants avant la fusillade, le scénario suivant ressort du poids des renseignements recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des membres de la famille de M. Campbell et avec l’AT no 2, qui étaient présents au moment de l’incident avec l’AI tout au long des événements en question. L’enquête a également bénéficié d’un examen médico-légal du lieu de l’incident et d’éléments de preuve, des résultats de l’autopsie, des données téléchargées à partir des deux armes à impulsions déployées lors de l’incident ainsi que d’un examen des enregistrements des communications de la police. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à remettre une copie de ses notes sur l’incident.
Le 6 avril 2020, vers 17 h 34, l’AI et l’AT no 2 se sont présentés à la porte d’entrée de la résidence de M. Campbell où ils avaient été envoyés à la suite d’un appel au 9-1-1 de M. Campbell demandant l’aide de la police. Dans cet appel, M. Campbell, qui était agité, avait dit que ses parents tentaient de se disputer avec lui et demandait que la police vienne chez eux le plus tôt possible. Lorsqu’on lui a demandé son adresse, M. Campbell a refusé de l’indiquer, disant que la police avait un système de suivi sur lui et savait où il habitait. La police a pu identifier rapidement d’où provenait l’appel et des agents ont été envoyés sur place pour enquêter sur la situation.
M. Campbell avait fait l’objet de plusieurs contrôles de police à son domicile au fil des ans, dont bon nombre résultaient de ses troubles mentaux. Entre 2011 et 2014, la police s’était rendue chez lui au moins cinq fois pour des problèmes liés à sa santé mentale. En octobre 2011, par exemple, des agents avaient appréhendé M. Campbell en vertu de la Loi sur la santé mentale lorsqu’un membre de sa famille avait appelé la police pour signaler qu’il se comportait de façon étrange et que les membres de sa famille s’inquiétaient pour leur sécurité. M. Campbell a de nouveau été placé sous garde en vertu de la Loi sur la santé mentale en 2014 à la suite d’un appel à la police par un membre de la famille. À d’autres occasions, une unité de l’équipe COAST (acronyme de l’équivalent anglais de soutien à l’évaluation en situation de crise) de la PRP était venue sur place, avait évalué la situation et était repartie sans qu’on appréhende M. Campbell en vertu de la Loi sur la santé mentale. L’équipe COAST est un partenariat entre la PRP et l’Association canadienne pour la santé mentale (section de Peel-Dufferin) conçu pour intervenir dans les situations non urgentes impliquant des personnes en situation de crise de santé mentale ou de toxicomanie, par le biais d’unités de soutien composées d’un agent en civil et d’un professionnel de la santé mentale.
La mère de M. Campbell, la TC no 2, a autorisé les agents à entrer dans la maison. Après une brève discussion dans le hall d’entrée, où la TC no 2 a expliqué que M. Campbell avait des problèmes de santé mentale et qu’il y avait eu une dispute à la maison, ils se sont dirigés vers la cuisine, au bout du couloir.
M. Campbell était dans la cuisine à ce moment-là. Il était debout, face aux agents, et tenait un couteau dans la main droite, près du comptoir le long du mur est de la cuisine. Un îlot central séparait les agents de M. Campbell.
À la vue du couteau, l’AI et l’AT no 2 ont chacun sorti leur arme à impulsions et l’ont pointée en direction de M. Campbell. L’AI a ordonné à plusieurs reprises à M. Campbell de laisser tomber le couteau. Brandissant le couteau, M. Campbell a avancé vers les agents. Lorsqu’il n’était plus qu’à un mètre environ de lui, l’AI a déchargé deux fois son arme à impulsions. M. Campbell est tombé en arrière contre le côté du réfrigérateur, puis par terre.
Après la décharge, l’AI a mis son arme à impulsions de côté et s’est avancé pour tenter de maîtriser physiquement M. Campbell, qui tenait toujours le couteau dans la main droite. Les deux hommes ont lutté pendant un certain temps, et leur lutte semble s’être déroulée en grande partie, si ce n’est en totalité, au-dessus du tiroir ouvert du congélateur dans le bas du réfrigérateur. Durant la lutte, l’AT no 2, depuis un endroit situé au sud des deux hommes, a déchargé son arme à impulsions sur M. Campbell. La décharge n’a pas neutralisé M. Campbell, qui a continué de lutter avec l’AI. En fait, selon certains éléments de preuve, l’une des sondes de l’arme à impulsions a frappé l’AI.
L’AI et M. Campbell ont finalement cessé de lutter et se sont relevés, sur quoi M. Campbell est retourné de l’autre côté de l’îlot par rapport aux deux agents. Il se tenait face aux agents, le couteau toujours dans la main droite. L’AI et l’AT no 2 ont dégainé leurs armes à feu et les ont pointées sur M. Campbell. Dans les secondes qui ont suivi, l’AI a fait feu deux fois, atteignant M. Campbell à l’abdomen.
M. Campbell s’est effondré par terre, le dos contre le four, au nord de l’îlot de cuisine. Les agents se sont approchés de lui et lui ont prodigué les premiers soins. L’AT no 2 a tenté d’endiguer le saignement des blessures de M. Campbell avec des serviettes en papier pendant que l’AI lui parlait pour essayer de l’empêcher de perdre connaissance. Les agents ont annoncé par radio que des coups de feu avaient été tirés, et des ambulanciers paramédicaux et d’autres premiers intervenants ont commencé à se rendre sur les lieux. Ne pouvant plus détecter le pouls de M. Campbell, l’AI a commencé la RCR.
Les ambulanciers paramédicaux ont pris la relève, mais n’ont pas réussi à réanimer M. Campbell. Le décès de M. Campbell a été déclaré à 18 h 01.
Cause du décès
Le pathologiste qui a procédé à l’autopsie a conclu que la mort de M. Campbell était attribuable à « des blessures par balle dans l’abdomen ». L’une des deux balles a pénétré le devant de l’abdomen, à droite et vers le centre, et est ressortie dans le bas et à gauche du dos. Le trajet de cette balle, d’avant en arrière, de droite à gauche et légèrement vers le bas, a entraîné des blessures internes mortelles. L’autre balle a pénétré le côté droit de l’abdomen de M. Campbell et est ressortie dans le bas et au centre du dos. Elle a aussi traversé d’avant en arrière, de droite à gauche et légèrement vers le bas. Les blessures causées par cette balle auraient probablement été non mortelles, de l’avis du pathologiste, avec des soins médicaux.
Le 6 avril 2020, vers 17 h 34, l’AI et l’AT no 2 se sont présentés à la porte d’entrée de la résidence de M. Campbell où ils avaient été envoyés à la suite d’un appel au 9-1-1 de M. Campbell demandant l’aide de la police. Dans cet appel, M. Campbell, qui était agité, avait dit que ses parents tentaient de se disputer avec lui et demandait que la police vienne chez eux le plus tôt possible. Lorsqu’on lui a demandé son adresse, M. Campbell a refusé de l’indiquer, disant que la police avait un système de suivi sur lui et savait où il habitait. La police a pu identifier rapidement d’où provenait l’appel et des agents ont été envoyés sur place pour enquêter sur la situation.
M. Campbell avait fait l’objet de plusieurs contrôles de police à son domicile au fil des ans, dont bon nombre résultaient de ses troubles mentaux. Entre 2011 et 2014, la police s’était rendue chez lui au moins cinq fois pour des problèmes liés à sa santé mentale. En octobre 2011, par exemple, des agents avaient appréhendé M. Campbell en vertu de la Loi sur la santé mentale lorsqu’un membre de sa famille avait appelé la police pour signaler qu’il se comportait de façon étrange et que les membres de sa famille s’inquiétaient pour leur sécurité. M. Campbell a de nouveau été placé sous garde en vertu de la Loi sur la santé mentale en 2014 à la suite d’un appel à la police par un membre de la famille. À d’autres occasions, une unité de l’équipe COAST (acronyme de l’équivalent anglais de soutien à l’évaluation en situation de crise) de la PRP était venue sur place, avait évalué la situation et était repartie sans qu’on appréhende M. Campbell en vertu de la Loi sur la santé mentale. L’équipe COAST est un partenariat entre la PRP et l’Association canadienne pour la santé mentale (section de Peel-Dufferin) conçu pour intervenir dans les situations non urgentes impliquant des personnes en situation de crise de santé mentale ou de toxicomanie, par le biais d’unités de soutien composées d’un agent en civil et d’un professionnel de la santé mentale.
La mère de M. Campbell, la TC no 2, a autorisé les agents à entrer dans la maison. Après une brève discussion dans le hall d’entrée, où la TC no 2 a expliqué que M. Campbell avait des problèmes de santé mentale et qu’il y avait eu une dispute à la maison, ils se sont dirigés vers la cuisine, au bout du couloir.
M. Campbell était dans la cuisine à ce moment-là. Il était debout, face aux agents, et tenait un couteau dans la main droite, près du comptoir le long du mur est de la cuisine. Un îlot central séparait les agents de M. Campbell.
À la vue du couteau, l’AI et l’AT no 2 ont chacun sorti leur arme à impulsions et l’ont pointée en direction de M. Campbell. L’AI a ordonné à plusieurs reprises à M. Campbell de laisser tomber le couteau. Brandissant le couteau, M. Campbell a avancé vers les agents. Lorsqu’il n’était plus qu’à un mètre environ de lui, l’AI a déchargé deux fois son arme à impulsions. M. Campbell est tombé en arrière contre le côté du réfrigérateur, puis par terre.
Après la décharge, l’AI a mis son arme à impulsions de côté et s’est avancé pour tenter de maîtriser physiquement M. Campbell, qui tenait toujours le couteau dans la main droite. Les deux hommes ont lutté pendant un certain temps, et leur lutte semble s’être déroulée en grande partie, si ce n’est en totalité, au-dessus du tiroir ouvert du congélateur dans le bas du réfrigérateur. Durant la lutte, l’AT no 2, depuis un endroit situé au sud des deux hommes, a déchargé son arme à impulsions sur M. Campbell. La décharge n’a pas neutralisé M. Campbell, qui a continué de lutter avec l’AI. En fait, selon certains éléments de preuve, l’une des sondes de l’arme à impulsions a frappé l’AI.
L’AI et M. Campbell ont finalement cessé de lutter et se sont relevés, sur quoi M. Campbell est retourné de l’autre côté de l’îlot par rapport aux deux agents. Il se tenait face aux agents, le couteau toujours dans la main droite. L’AI et l’AT no 2 ont dégainé leurs armes à feu et les ont pointées sur M. Campbell. Dans les secondes qui ont suivi, l’AI a fait feu deux fois, atteignant M. Campbell à l’abdomen.
M. Campbell s’est effondré par terre, le dos contre le four, au nord de l’îlot de cuisine. Les agents se sont approchés de lui et lui ont prodigué les premiers soins. L’AT no 2 a tenté d’endiguer le saignement des blessures de M. Campbell avec des serviettes en papier pendant que l’AI lui parlait pour essayer de l’empêcher de perdre connaissance. Les agents ont annoncé par radio que des coups de feu avaient été tirés, et des ambulanciers paramédicaux et d’autres premiers intervenants ont commencé à se rendre sur les lieux. Ne pouvant plus détecter le pouls de M. Campbell, l’AI a commencé la RCR.
Les ambulanciers paramédicaux ont pris la relève, mais n’ont pas réussi à réanimer M. Campbell. Le décès de M. Campbell a été déclaré à 18 h 01.
Cause du décès
Dispositions législatives pertinentes
Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force
34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en causeg) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
Analyse et décision du directeur
Dans la soirée du 6 avril 2020, D’Andre Campbell a perdu la vie après avoir été abattu par un agent de la PRP. L’incident s’est produit au domicile de M. Campbell sur Sawston Circle, à Brampton. Les agents avaient été envoyés à cette résidence après un appel au 9-1-1 de M. Campbell demandant la police et se plaignant de ses parents. L’AI était l’un des deux agents arrivés sur les lieux. Comme c’est lui qui a fait feu sur M. Campbell, il a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.
L’article 34 du Code criminel énonce les circonstances dans lesquelles un acte qui constituerait autrement une infraction est légalement justifié quand il est commis pour se défendre ou pour défendre quelqu’un d’autre. Il prévoit qu’une personne peut utiliser la force pour repousser une attaque raisonnablement appréhendée, réelle ou une menace d’attaque, pour autant que cette force soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force en question doit être mesuré en tenant compte des circonstances pertinentes qui prévalaient à ce moment-là, y compris des facteurs tels que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, si une partie à l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. Après avoir examiné attentivement les éléments de preuve recueillis par l’UES, je ne peux pas raisonnablement conclure que la force utilisée par l’AI ne relevait pas de la protection de l’article 34.
Je suis convaincu que l’AI pensait agir en légitime défense, et peut-être pour défendre sa partenaire, l’AT no 2, lorsqu’il a fait feu sur M. Campbell. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, ce qui était son droit légal. Bien entendu, cela signifie qu’il n’y a aucune preuve directe de son état d’esprit quand il a fait feu. Néanmoins, il n’y a rien dans la preuve circonstancielle, comme le montre mon analyse ci-après, qui me porterait à croire que l’AI n’était pas sincèrement convaincu qu’il devait agir pour se protéger; beaucoup d’éléments de ce même dossier de preuves suggèrent d’ailleurs fortement que c’était précisément ce qu’il faisait. La vraie question, à mon avis, est de savoir si les craintes de l’AI et les coups de feu qu’elles ont provoqués étaient raisonnables dans les circonstances.
Avant de passer à l’analyse du caractère raisonnable, il convient de noter que la présence des agents dans la cuisine était légale. Ils avaient été appelés à la maison par M. Campbell, et la TC no 2 les avaient laissés entrer. Dans les circonstances, les agents étaient tenus d’enquêter sur les troubles familiaux signalés qui avaient incité M. Campbell à appeler et étaient donc en droit de suivre la TC no 2 dans la cuisine.
Il y a de bonnes raisons de faire valoir que l’AI a raisonnablement cru qu’il devait faire feu pour se protéger contre le risque imminent d’une attaque au couteau par M. Campbell. M. Campbell avait en sa possession une arme dangereuse – un couteau à longue lame – qu’il aurait pu utiliser pour infliger des lésions corporelles graves ou même la mort. Au moment du tir, les agents n’étaient pas parvenus à prendre le couteau de M. Campbell, malgré les ordres répétés de le laisser tomber, plusieurs décharges d’arme à impulsions (dont une ou plusieurs sondes ont possiblement été connectées avec succès) et une lutte physique sur le plancher de la cuisine. M. Campbell ne semblait pas disposé à lâcher le couteau.
Il est également probable, à mon avis, que M. Campbell avait pris le couteau avec l’intention de s’en servir d’arme. Bien que certains éléments de preuve suggèrent que M. Campbell tenait simplement le couteau parce qu’il s’en servait pour préparer de la nourriture dans la cuisine, le poids des éléments de preuve, y compris de ceux provenant de certains membres de la famille Campbell, suggère qu’il s’était emparé du couteau juste avant l’entrée des agents dans la cuisine pour les confronter. Par exemple, la TC no 2 a noté que M. Campbell n’était pas dans la cuisine quand elle en est sortie pour aller ouvrir la porte aux agents. De plus, la TC no 4 a dit avoir entendu sa mère demander à M. Campbell pourquoi il tenait un couteau quand elle (la TC no 2) est entrée dans la cuisine avec les agents. Ce même témoignage confère du crédit au récit de l’AT no 2 sur la manière dont M. Campbell tenait le couteau lorsqu’ils l’ont vu pour la première fois, puis de nouveau juste avant qu’il ne soit abattu, à savoir à hauteur de poitrine et pointé vers les agents, même s’il faut reconnaître qu’il existe des témoignages contraires à cet égard. Les sœurs de M. Campbell, la TC no 3 et la TC no 4, ont dit l’une et l’autre que M. Campbell avait les bras le long du corps juste avant qu’on lui tire dessus.
Quant à savoir s’il existait des solutions autres que le recours à la force létale, on peut se demander si les agents, confrontés à un individu qui tenait un couteau, auraient dû battre en retraite et sortir de la cuisine. Il est concevable que cela aurait pu désamorcer la situation et éviter une confrontation physique et, au bout du compte, mortelle. Au lieu de cela, l’AI a immédiatement commencé à crier à M. Campbell de lâcher le couteau quand il est entré dans la cuisine, tout en pointant une arme à impulsions sur lui, transformant rapidement l’interaction en une confrontation armée. D’une part, l’AI et l’AT no 2 n’avaient aucune raison de croire qu’il y avait eu des actes de violence entre M. Campbell et des membres de sa famille avant leur arrivée et, par conséquent, ils auraient pu conclure que l’équilibre des risques était en faveur d’un désengagement. Par contre, même si M. Campbell n’avait donné aucune indication de violence avant l’arrivée des agents, on ne peut pas en dire autant une fois que les agents sont entrés dans la cuisine. Plus précisément, la présence de M. Campbell dans la cuisine avec un gros couteau et son refus inébranlable de le lâcher auraient convaincu les agents qu’il était capable de les attaquer. La menace pesait non seulement sur eux, mais aussi sur la famille de M. Campbell; après tout, c’était M. Campbell lui-même qui avait demandé que la police vienne chez lui pour l’aider à cause d’une dispute avec ses parents. Je suis en outre convaincu que se retirer n’aurait pas été une solution simple pour les agents. Étant donné l’espace confiné dans lequel ils se trouvaient avec M. Campbell, il n’est pas évident que les agents aient disposé de la liberté de mouvement nécessaire pour sortir de la cuisine en toute sécurité et avec succès. Dans les circonstances, je ne peux pas juger déraisonnable leur décision de maintenir leurs positions.
Enfin, la question de savoir si M. Campbell a commencé à s’approcher des agents juste avant d’être abattu est un élément important de l’enquête et fait également l’objet de récits contradictoires dans le dossier de preuve. La TC no 3 et la TC no 4 soutiennent que leur frère était immobile et n’avait fait aucun mouvement en direction des agents quand l’AI a fait feu. En revanche, l’AT no 2 a dit que M. Campbell avait avancé d’un pas ou deux avant que l’AI lui tire dessus. Je n’ai aucun moyen de trancher entre ces témoignages contradictoires. Selon certains éléments de preuve, la TC no 3 n’était pas dans la cuisine au moment du tir, mais je n’ai aucune raison de remettre en question la véracité de la description des mouvements de son frère par la TC no 4. De même, rien dans le dossier de preuve ne permet de mettre en doute la crédibilité du témoignage de l’AT no 2. Par conséquent, j’admets qu’il existe des éléments de preuve permettant de conclure raisonnablement que M. Campbell n’avait en fait pas avancé vers l’AI lorsqu’il a été abattu. Cette conclusion ne met toutefois pas fin à l’analyse.
Dans l’atmosphère tendue qui régnait à ce moment-là, il est tout à fait plausible qu’une personne raisonnable, dans la même situation que celle où se trouvait l’AI au moment où il a fait feu, aurait été convaincue de risquer une attaque imminente au couteau par M. Campbell, que M. Campbell ait ou non avancé de quelques pas dans sa direction. Le poids de la preuve, par exemple, établit qu’à tout le moins, M. Campbell se balançait d’un pied sur l’autre quand il a été abattu. Il se peut que M. Campbell ait bougé sans quelconque intention malveillante, mais simplement parce qu’il venait juste d’être « tasé » et qu’il était donc naturellement instable sur ses pieds. Cependant, cette suggestion n’enlève rien à la possibilité distincte que les gestes de M. Campbell aient porté l’AI à croire raisonnablement qu’il était sur le point d’être attaqué.
D’après le dossier susmentionné, je ne peux pas raisonnablement conclure avec certitude que l’AI a agi sans justification légale lorsqu’il a tiré sur M. Campbell. Au contraire, le dossier de preuve suggère que l’AI croyait sincèrement qu’il était confronté à une menace réelle et présente de mort ou de blessures et que son recours à la force était raisonnable dans les circonstances. Bien que confronté à un individu brandissant un grand couteau dans sa direction, l’AI n’a pas sorti immédiatement son arme à feu. À l’instar de sa partenaire, l’AT no 2, l’AI a d’abord pointé son arme à impulsions sur M. Campbell en lui ordonnant de laisser tomber le couteau. Ce n’est qu’après plusieurs décharges d’arme à impulsions et une lutte physique au sol que l’AI, n’ayant pas réussi à lui retirer le couteau, a sorti son arme à feu. À froid et avec du recul, on peut se demander s’il était absolument nécessaire que l’AI fasse feu sur M. Campbell pour se protéger ou protéger sa partenaire contre un risque immédiat de mort ou de blessure grave. Comme je l’ai déjà mentionné, il y a des éléments de preuve selon lesquels M. Campbell n’avait fait aucun mouvement pour se rapprocher des agents lorsque les coups de feu ont été tirés. Ceci étant, M. Campbell était déjà à proximité de l’AI lorsque ce dernier a fait feu. Dans le contexte de ce qui était une confrontation violente et évoluant rapidement avec un homme brandissant un couteau, je suis convaincu qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour établir raisonnablement que les coups de feu de l’AI équivalaient à un recours illégal à la force. [5]
Cette affaire et d’autres soulèvent des questions importantes et systémiques sur la manière dont la police répond aux appels liés à la santé mentale. C’était l’un de ces appels. En route vers la résidence de M. Campbell, l’AI et l’AT no 2 ont été avisés que M. Campbell souffrait de maladie mentale, plus précisément de schizophrénie et de trouble bipolaire. On les avait également informés que la police s’était déjà rendue à cet endroit en février 2019, car M. Campbell n’avait pas pris ses médicaments et se montrait agressif envers les membres de sa famille.
Le mandat officiel de l’UES est cependant restreint. Il se limite à déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise, en appliquant le droit en vigueur aux faits tels qu’ils sont discernés, et non de se plonger dans des considérations plus larges de politiques publiques qui peuvent être impliquées dans une affaire particulière. Il existe d’autres organismes publics dotés du mandat officiel et des compétences nécessaires pour mener ces examens. Cela ne signifie pas que les questions de santé mentale soulevées par les circonstances particulières d’un incident ne sont pas pertinentes dans une enquête criminelle; bien entendu, elles pourraient l’être. Il faut donc veiller à ce que l’enquête reste centrée sur la conduite des individus, et non sur les mérites ou les défauts du système dans lequel ils agissent.
En l’espèce, la conduite de l’AI et de l’AT no 2 avant la confrontation avec M. Campbell peut, à certains égards, faire l’objet de critiques légitimes. Alors qu’ils savaient que M. Campbell souffrait de troubles mentaux et qu’il était probablement agité, ils ne se sont pas concertés pour décider de l’approche à adopter une fois dans la maison. Ils n’ont pas discuté de la façon dont ils réagiraient face à diverses éventualités, comme, par exemple, qui dirigerait l’intervention en présence de M. Campbell ou comment ils pourraient désescalader la situation si le besoin se présentait. La question de savoir si ces conversations auraient fait une différence sur le résultat relève de la spéculation, mais le fait que les agents n’aient pas eu cette discussion a limité leur capacité à envisager d’autres stratégies. De plus, une fois dans la cuisine, l’AI a immédiatement commencé à ordonner à M. Campbell de lâcher le couteau. À aucun moment, les agents ont tenté de calmer verbalement M. Campbell.
L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. À mon avis, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents ont transgressé les limites de diligence prescrites par le droit pénal dans les moments précédant leur confrontation avec M. Campbell. Ainsi, même si les agents auraient peut-être dû faire davantage pour évaluer la situation avant de frapper à la porte, ce n’est pas comme s’ils étaient entrés dans la maison sans savoir du tout ce à quoi ils pouvaient s’attendre. L’AT no 2, par exemple, a dit se rappeler qu’il n’y avait aucun bruit provenant de la maison qui aurait indiqué des troubles à l’intérieur quand ils ont frappé à la porte d’entrée. Une fois la porte franchie, rien n’indiquait non plus la possibilité de troubles dans la maison. L’AT no 2 a confirmé qu’il y avait eu une dispute impliquant M. Campbell et qu’il souffrait de maladie mentale, mais qu’à part cela, tout semblait calme. Enfin, en ce qui concerne l’attitude adoptée par les agents lorsqu’ils ont vu M. Campbell, l’absence d’efforts pour tenter de le calmer est atténuée par le fait qu’ils étaient confrontés à un individu pointant un couteau dans leur direction. Au vu de ce dossier, même si l’AT no 2 et l’AI ont fait preuve d’un certain manque de jugement, ils n’ont pas montré une insouciance déréglée ou téméraire dans les circonstances.
Reste la question du déploiement possible de l’équipe de la PRP d’appui à l’évaluation de la sensibilisation aux crises – l’équipe COAST. Chaque unité COAST jumelle un agent en civil avec un professionnel de la santé mentale, qui sont disponibles pour répondre aux appels 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. COAST est une méthode par laquelle le service de police cherche à répondre plus efficacement aux appels de service impliquant des personnes en situation de crise de santé mentale ou de détresse émotionnelle. Cependant, conformément à la politique de la PRP en vigueur au moment de l’incident, les unités COAST ne sont mobilisées que si les quatre conditions suivantes sont remplies : l’appel concerne une personne de 16 ans ou plus qui souffre d’un trouble de santé mentale; il ne s’agit pas d’une urgence; aucune arme n’est impliquée dans l’appel; et, la situation est calme.
Je ne peux pas trouver à redire à la décision de ne pas déployer l’équipe COAST en réponse à l’appel au 9-1-1 de M. Campbell demandant la police. Les preneurs d’appels de la police, qui sont chargés de décider si l’intervention d’une unité COAST est appropriée ou non, doivent recueillir des renseignements auprès de l’appelant pour prendre cette décision. Ils doivent notamment demander si la personne en crise est armée ou a accès à des armes. La personne qui a pris l’appel de M. Campbell n’a cependant pas pu obtenir cette information, car M. Campbell, peut-être sans faute de sa part, ne voulait ou ne pouvait pas la fournir à ce moment-là. En l’absence d’indication claire de l’absence de toute arme, il me semble que la décision de ne pas faire appel à une unité COAST en l’espèce était prudente et conforme à la politique en vigueur à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, étant donné que M. Campbell avait en fait un couteau en sa possession, il n’est pas certain qu’une unité COAST aurait pu jouer un rôle significatif dans l’incident, même si elle avait été déployée initialement.
En conclusion, il ne fait aucun doute que la mort de M. Campbell est une tragédie. M. Campbell était clairement malade et n’avait pas tous ses esprits quand il a pris un couteau et l’a brandi en direction de l’AI et de l’AT no 2. Cependant, comme, en me fondant sur l’analyse qui précède, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a agi autrement que légalement dans son interaction avec M. Campbell, il n’y a pas lieu porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.
Date : 3 décembre 2020
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
L’article 34 du Code criminel énonce les circonstances dans lesquelles un acte qui constituerait autrement une infraction est légalement justifié quand il est commis pour se défendre ou pour défendre quelqu’un d’autre. Il prévoit qu’une personne peut utiliser la force pour repousser une attaque raisonnablement appréhendée, réelle ou une menace d’attaque, pour autant que cette force soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force en question doit être mesuré en tenant compte des circonstances pertinentes qui prévalaient à ce moment-là, y compris des facteurs tels que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, si une partie à l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. Après avoir examiné attentivement les éléments de preuve recueillis par l’UES, je ne peux pas raisonnablement conclure que la force utilisée par l’AI ne relevait pas de la protection de l’article 34.
Je suis convaincu que l’AI pensait agir en légitime défense, et peut-être pour défendre sa partenaire, l’AT no 2, lorsqu’il a fait feu sur M. Campbell. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, ce qui était son droit légal. Bien entendu, cela signifie qu’il n’y a aucune preuve directe de son état d’esprit quand il a fait feu. Néanmoins, il n’y a rien dans la preuve circonstancielle, comme le montre mon analyse ci-après, qui me porterait à croire que l’AI n’était pas sincèrement convaincu qu’il devait agir pour se protéger; beaucoup d’éléments de ce même dossier de preuves suggèrent d’ailleurs fortement que c’était précisément ce qu’il faisait. La vraie question, à mon avis, est de savoir si les craintes de l’AI et les coups de feu qu’elles ont provoqués étaient raisonnables dans les circonstances.
Avant de passer à l’analyse du caractère raisonnable, il convient de noter que la présence des agents dans la cuisine était légale. Ils avaient été appelés à la maison par M. Campbell, et la TC no 2 les avaient laissés entrer. Dans les circonstances, les agents étaient tenus d’enquêter sur les troubles familiaux signalés qui avaient incité M. Campbell à appeler et étaient donc en droit de suivre la TC no 2 dans la cuisine.
Il y a de bonnes raisons de faire valoir que l’AI a raisonnablement cru qu’il devait faire feu pour se protéger contre le risque imminent d’une attaque au couteau par M. Campbell. M. Campbell avait en sa possession une arme dangereuse – un couteau à longue lame – qu’il aurait pu utiliser pour infliger des lésions corporelles graves ou même la mort. Au moment du tir, les agents n’étaient pas parvenus à prendre le couteau de M. Campbell, malgré les ordres répétés de le laisser tomber, plusieurs décharges d’arme à impulsions (dont une ou plusieurs sondes ont possiblement été connectées avec succès) et une lutte physique sur le plancher de la cuisine. M. Campbell ne semblait pas disposé à lâcher le couteau.
Il est également probable, à mon avis, que M. Campbell avait pris le couteau avec l’intention de s’en servir d’arme. Bien que certains éléments de preuve suggèrent que M. Campbell tenait simplement le couteau parce qu’il s’en servait pour préparer de la nourriture dans la cuisine, le poids des éléments de preuve, y compris de ceux provenant de certains membres de la famille Campbell, suggère qu’il s’était emparé du couteau juste avant l’entrée des agents dans la cuisine pour les confronter. Par exemple, la TC no 2 a noté que M. Campbell n’était pas dans la cuisine quand elle en est sortie pour aller ouvrir la porte aux agents. De plus, la TC no 4 a dit avoir entendu sa mère demander à M. Campbell pourquoi il tenait un couteau quand elle (la TC no 2) est entrée dans la cuisine avec les agents. Ce même témoignage confère du crédit au récit de l’AT no 2 sur la manière dont M. Campbell tenait le couteau lorsqu’ils l’ont vu pour la première fois, puis de nouveau juste avant qu’il ne soit abattu, à savoir à hauteur de poitrine et pointé vers les agents, même s’il faut reconnaître qu’il existe des témoignages contraires à cet égard. Les sœurs de M. Campbell, la TC no 3 et la TC no 4, ont dit l’une et l’autre que M. Campbell avait les bras le long du corps juste avant qu’on lui tire dessus.
Quant à savoir s’il existait des solutions autres que le recours à la force létale, on peut se demander si les agents, confrontés à un individu qui tenait un couteau, auraient dû battre en retraite et sortir de la cuisine. Il est concevable que cela aurait pu désamorcer la situation et éviter une confrontation physique et, au bout du compte, mortelle. Au lieu de cela, l’AI a immédiatement commencé à crier à M. Campbell de lâcher le couteau quand il est entré dans la cuisine, tout en pointant une arme à impulsions sur lui, transformant rapidement l’interaction en une confrontation armée. D’une part, l’AI et l’AT no 2 n’avaient aucune raison de croire qu’il y avait eu des actes de violence entre M. Campbell et des membres de sa famille avant leur arrivée et, par conséquent, ils auraient pu conclure que l’équilibre des risques était en faveur d’un désengagement. Par contre, même si M. Campbell n’avait donné aucune indication de violence avant l’arrivée des agents, on ne peut pas en dire autant une fois que les agents sont entrés dans la cuisine. Plus précisément, la présence de M. Campbell dans la cuisine avec un gros couteau et son refus inébranlable de le lâcher auraient convaincu les agents qu’il était capable de les attaquer. La menace pesait non seulement sur eux, mais aussi sur la famille de M. Campbell; après tout, c’était M. Campbell lui-même qui avait demandé que la police vienne chez lui pour l’aider à cause d’une dispute avec ses parents. Je suis en outre convaincu que se retirer n’aurait pas été une solution simple pour les agents. Étant donné l’espace confiné dans lequel ils se trouvaient avec M. Campbell, il n’est pas évident que les agents aient disposé de la liberté de mouvement nécessaire pour sortir de la cuisine en toute sécurité et avec succès. Dans les circonstances, je ne peux pas juger déraisonnable leur décision de maintenir leurs positions.
Enfin, la question de savoir si M. Campbell a commencé à s’approcher des agents juste avant d’être abattu est un élément important de l’enquête et fait également l’objet de récits contradictoires dans le dossier de preuve. La TC no 3 et la TC no 4 soutiennent que leur frère était immobile et n’avait fait aucun mouvement en direction des agents quand l’AI a fait feu. En revanche, l’AT no 2 a dit que M. Campbell avait avancé d’un pas ou deux avant que l’AI lui tire dessus. Je n’ai aucun moyen de trancher entre ces témoignages contradictoires. Selon certains éléments de preuve, la TC no 3 n’était pas dans la cuisine au moment du tir, mais je n’ai aucune raison de remettre en question la véracité de la description des mouvements de son frère par la TC no 4. De même, rien dans le dossier de preuve ne permet de mettre en doute la crédibilité du témoignage de l’AT no 2. Par conséquent, j’admets qu’il existe des éléments de preuve permettant de conclure raisonnablement que M. Campbell n’avait en fait pas avancé vers l’AI lorsqu’il a été abattu. Cette conclusion ne met toutefois pas fin à l’analyse.
Dans l’atmosphère tendue qui régnait à ce moment-là, il est tout à fait plausible qu’une personne raisonnable, dans la même situation que celle où se trouvait l’AI au moment où il a fait feu, aurait été convaincue de risquer une attaque imminente au couteau par M. Campbell, que M. Campbell ait ou non avancé de quelques pas dans sa direction. Le poids de la preuve, par exemple, établit qu’à tout le moins, M. Campbell se balançait d’un pied sur l’autre quand il a été abattu. Il se peut que M. Campbell ait bougé sans quelconque intention malveillante, mais simplement parce qu’il venait juste d’être « tasé » et qu’il était donc naturellement instable sur ses pieds. Cependant, cette suggestion n’enlève rien à la possibilité distincte que les gestes de M. Campbell aient porté l’AI à croire raisonnablement qu’il était sur le point d’être attaqué.
D’après le dossier susmentionné, je ne peux pas raisonnablement conclure avec certitude que l’AI a agi sans justification légale lorsqu’il a tiré sur M. Campbell. Au contraire, le dossier de preuve suggère que l’AI croyait sincèrement qu’il était confronté à une menace réelle et présente de mort ou de blessures et que son recours à la force était raisonnable dans les circonstances. Bien que confronté à un individu brandissant un grand couteau dans sa direction, l’AI n’a pas sorti immédiatement son arme à feu. À l’instar de sa partenaire, l’AT no 2, l’AI a d’abord pointé son arme à impulsions sur M. Campbell en lui ordonnant de laisser tomber le couteau. Ce n’est qu’après plusieurs décharges d’arme à impulsions et une lutte physique au sol que l’AI, n’ayant pas réussi à lui retirer le couteau, a sorti son arme à feu. À froid et avec du recul, on peut se demander s’il était absolument nécessaire que l’AI fasse feu sur M. Campbell pour se protéger ou protéger sa partenaire contre un risque immédiat de mort ou de blessure grave. Comme je l’ai déjà mentionné, il y a des éléments de preuve selon lesquels M. Campbell n’avait fait aucun mouvement pour se rapprocher des agents lorsque les coups de feu ont été tirés. Ceci étant, M. Campbell était déjà à proximité de l’AI lorsque ce dernier a fait feu. Dans le contexte de ce qui était une confrontation violente et évoluant rapidement avec un homme brandissant un couteau, je suis convaincu qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour établir raisonnablement que les coups de feu de l’AI équivalaient à un recours illégal à la force. [5]
Cette affaire et d’autres soulèvent des questions importantes et systémiques sur la manière dont la police répond aux appels liés à la santé mentale. C’était l’un de ces appels. En route vers la résidence de M. Campbell, l’AI et l’AT no 2 ont été avisés que M. Campbell souffrait de maladie mentale, plus précisément de schizophrénie et de trouble bipolaire. On les avait également informés que la police s’était déjà rendue à cet endroit en février 2019, car M. Campbell n’avait pas pris ses médicaments et se montrait agressif envers les membres de sa famille.
Le mandat officiel de l’UES est cependant restreint. Il se limite à déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise, en appliquant le droit en vigueur aux faits tels qu’ils sont discernés, et non de se plonger dans des considérations plus larges de politiques publiques qui peuvent être impliquées dans une affaire particulière. Il existe d’autres organismes publics dotés du mandat officiel et des compétences nécessaires pour mener ces examens. Cela ne signifie pas que les questions de santé mentale soulevées par les circonstances particulières d’un incident ne sont pas pertinentes dans une enquête criminelle; bien entendu, elles pourraient l’être. Il faut donc veiller à ce que l’enquête reste centrée sur la conduite des individus, et non sur les mérites ou les défauts du système dans lequel ils agissent.
En l’espèce, la conduite de l’AI et de l’AT no 2 avant la confrontation avec M. Campbell peut, à certains égards, faire l’objet de critiques légitimes. Alors qu’ils savaient que M. Campbell souffrait de troubles mentaux et qu’il était probablement agité, ils ne se sont pas concertés pour décider de l’approche à adopter une fois dans la maison. Ils n’ont pas discuté de la façon dont ils réagiraient face à diverses éventualités, comme, par exemple, qui dirigerait l’intervention en présence de M. Campbell ou comment ils pourraient désescalader la situation si le besoin se présentait. La question de savoir si ces conversations auraient fait une différence sur le résultat relève de la spéculation, mais le fait que les agents n’aient pas eu cette discussion a limité leur capacité à envisager d’autres stratégies. De plus, une fois dans la cuisine, l’AI a immédiatement commencé à ordonner à M. Campbell de lâcher le couteau. À aucun moment, les agents ont tenté de calmer verbalement M. Campbell.
L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. À mon avis, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents ont transgressé les limites de diligence prescrites par le droit pénal dans les moments précédant leur confrontation avec M. Campbell. Ainsi, même si les agents auraient peut-être dû faire davantage pour évaluer la situation avant de frapper à la porte, ce n’est pas comme s’ils étaient entrés dans la maison sans savoir du tout ce à quoi ils pouvaient s’attendre. L’AT no 2, par exemple, a dit se rappeler qu’il n’y avait aucun bruit provenant de la maison qui aurait indiqué des troubles à l’intérieur quand ils ont frappé à la porte d’entrée. Une fois la porte franchie, rien n’indiquait non plus la possibilité de troubles dans la maison. L’AT no 2 a confirmé qu’il y avait eu une dispute impliquant M. Campbell et qu’il souffrait de maladie mentale, mais qu’à part cela, tout semblait calme. Enfin, en ce qui concerne l’attitude adoptée par les agents lorsqu’ils ont vu M. Campbell, l’absence d’efforts pour tenter de le calmer est atténuée par le fait qu’ils étaient confrontés à un individu pointant un couteau dans leur direction. Au vu de ce dossier, même si l’AT no 2 et l’AI ont fait preuve d’un certain manque de jugement, ils n’ont pas montré une insouciance déréglée ou téméraire dans les circonstances.
Reste la question du déploiement possible de l’équipe de la PRP d’appui à l’évaluation de la sensibilisation aux crises – l’équipe COAST. Chaque unité COAST jumelle un agent en civil avec un professionnel de la santé mentale, qui sont disponibles pour répondre aux appels 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. COAST est une méthode par laquelle le service de police cherche à répondre plus efficacement aux appels de service impliquant des personnes en situation de crise de santé mentale ou de détresse émotionnelle. Cependant, conformément à la politique de la PRP en vigueur au moment de l’incident, les unités COAST ne sont mobilisées que si les quatre conditions suivantes sont remplies : l’appel concerne une personne de 16 ans ou plus qui souffre d’un trouble de santé mentale; il ne s’agit pas d’une urgence; aucune arme n’est impliquée dans l’appel; et, la situation est calme.
Je ne peux pas trouver à redire à la décision de ne pas déployer l’équipe COAST en réponse à l’appel au 9-1-1 de M. Campbell demandant la police. Les preneurs d’appels de la police, qui sont chargés de décider si l’intervention d’une unité COAST est appropriée ou non, doivent recueillir des renseignements auprès de l’appelant pour prendre cette décision. Ils doivent notamment demander si la personne en crise est armée ou a accès à des armes. La personne qui a pris l’appel de M. Campbell n’a cependant pas pu obtenir cette information, car M. Campbell, peut-être sans faute de sa part, ne voulait ou ne pouvait pas la fournir à ce moment-là. En l’absence d’indication claire de l’absence de toute arme, il me semble que la décision de ne pas faire appel à une unité COAST en l’espèce était prudente et conforme à la politique en vigueur à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, étant donné que M. Campbell avait en fait un couteau en sa possession, il n’est pas certain qu’une unité COAST aurait pu jouer un rôle significatif dans l’incident, même si elle avait été déployée initialement.
En conclusion, il ne fait aucun doute que la mort de M. Campbell est une tragédie. M. Campbell était clairement malade et n’avait pas tous ses esprits quand il a pris un couteau et l’a brandi en direction de l’AI et de l’AT no 2. Cependant, comme, en me fondant sur l’analyse qui précède, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a agi autrement que légalement dans son interaction avec M. Campbell, il n’y a pas lieu porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.
Date : 3 décembre 2020
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Les heures indiquées sont celles de l'horloge interne des armes à impulsions et ne correspondent pas nécessairement exactement à l'heure réelle. [Retour au texte]
- 2) Le tir d'une arme à feu produit des résidus élargis et moins concentrés à mesure qu'ils s'éloignent du canon jusqu'à ce qu'aucun résidu ne se dépose sur une surface. En règle générale, on n'observe pas de suie à des distances supérieures à 12 pouces et on ne trouve pas de propulseur à des distances supérieures à 36 pouces. Différents types et combinaisons de munitions et d'armes à feu produiront différents types, quantités et répartitions de dépôts sur un objet. [Retour au texte]
- 3) Les pistes 21 et suivantes portent sur des transmissions antérieures aux 20 premières pistes. [Retour au texte]
- 4) Si la personne qui prend l'appel détermine que la situation justifie seulement l'assistance d'un organisme communautaire, elle est tenue de demander l'autorisation du superviseur des communications pour orienter l'appelant vers un organisme agréé par le centre de communication. [Retour au texte]
- 5) Comme je suis convaincu que la décision de l'AI de faire feu était justifiée en vertu de l'article 34 du Code criminel, je suis également convaincu que son recours à une force moindre dans un effort infructueux pour retirer le couteau des mains de M. Campbell – à savoir les décharges de l'arme à impulsions et la force physique qui ont précédé le tir – était également légalement justifié. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.