Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 19-PCD-097

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 69 ans.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 mai 2019 à 8 h 22, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES du décès d’un homme non identifié.

La Police provinciale a avisé que, le 3 mai 2019 à 6 h, elle avait reçu plusieurs appels concernant une personne qui donnait l’impression de conduire avec les facultés affaiblies sur l’autoroute 401 dans les voies de service. Le véhicule aurait percuté plusieurs camions de transport. Des agents de la Police provinciale ont été dépêchés sur les lieux et ont trouvé un véhicule dans un fossé près de Kennedy Road, à Toronto. Une agente de la Police provinciale a observé un homme (non identifié comme le plaignant) sur le viaduc, et elle s’est approchée de lui. L’agente a tenté d’engager la conversation avec lui, mais l’homme a enjambé le garde-corps et a sauté sur l’autoroute, qui passait dessous. L’homme a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé, où il a été déclaré mort.

L’homme correspondait à la description d’un homme suicidaire signalé par une civile au Service de police de Toronto. La civile a indiqué que son mari avait des problèmes de santé mentale et que, quand elle s’était réveillée ce matin-là, il avait disparu. Elle craignait que son mari se suicide et il avait pris leur véhicule. 
 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme de 69 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue 

Agent témoin

AT Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

En outre, l’UES a reçu et examiné les notes de huit autres agents.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé du côté sud du viaduc de l’autoroute 401 enjambant Kennedy Road. L’avant d’une Corolla de Toyota a percuté la base du viaduc, du côté sud, et le véhicule a subi des dommages importants à l’avant. Il s’est immobilisé du côté ouest de Kennedy Road. Une voiture de la Police provinciale de l’Ontario était dans la voie de dépassement en direction sud de Kennedy Road. Une paire de chaussures de sport, un chandail à capuchon de couleur gris-vert et un gant noir étaient visibles sur la voie en bordure en direction nord de Kennedy Road. Une flaque de sang était recouverte d’un sac jaune.

Un panneau de signalisation était suspendu du côté sud du viaduc enjambant l’autoroute 401 (ouest). Le panneau comportait une plateforme de treillis permettant d’assurer l’entretien et la sécurité. Cette plateforme se trouvait juste sous le panneau. La plateforme avec le panneau étaient fixés au viaduc de béton. Les mesures étaient les suivantes : 7,5 mètres du haut du garde-corps (autoroute 401, direction est) au trottoir (côté est de Kennedy Road) et 7,6 mètres du haut du garde-corps (autoroute 401, direction est) à la chaussée (côté est de Kennedy Road).

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Sommaire des images captées par la caméra de surveillance du ministère des Transports de l’Ontario


Le plaignant a percuté la pile du viaduc du côté sud des voies en direction est. Le plaignant est sorti de sa voiture et a grimpé la pente du côté des voies en direction est et s’est rendu jusqu’au milieu du viaduc. Il a enjambé le garde-corps. Une agente de la Police provinciale s’est approchée précipitamment du plaignant en agitant les mains. Le plaignant s’est placé sur la plateforme, tandis que l’agente restait à une certaine distance du garde-corps. Le plaignant était accroché aux supports du panneau, puis il est tombé au sol et s’est retrouvé sur la voie en direction nord de Kennedy Road. 
 

Sommaire des images captées par la caméra interne de la voiture de l’AT


L’AT est arrivé par les voies en direction nord de Kennedy Road, sous le viaduc de l’autoroute 401. Il a fait un appel téléphonique pour signaler que le plaignant avait participé à plusieurs collisions le long de l’autoroute 401 et qu’une agente de la Police provinciale avait pris contact avec le plaignant avant qu’il ne saute. Il a ajouté que l’agente de la Police provinciale avait tenté de « le ramener à la raison ou quelque chose du genre » et il a dit être d’avis qu’il s’agissait à son avis d’une affaire qui relevait de l’UES. Il a précisé qu’il n’y avait aucun signe de poursuite. Le plaignant a été déclaré mort pendant que la Police provinciale attendait un appel de l’UES.

Les agents de la Police provinciale et l’AT ont eu une conversation sur le protocole pour les agents en cause dans les enquêtes de l’UES et les stratégies de gestion des situations traumatisantes. L’AT a ensuite fait plusieurs appels téléphoniques à d’autres agents pour décrire les tentatives faites par l’agente de la Police provinciale pour négocier avec le plaignant et l’empêcher de sauter du viaduc de l’autoroute 401.

Enregistrements de communications

Le téléphoniste de la Police provinciale a dit qu’on avait signalé qu’une personne semblant avoir les facultés affaiblies conduisait sur les voies express de l’autoroute 401 et avait percuté un garde-fou en plus d’avoir une collision avec un camion gros porteur. Le véhicule, une petite voiture, tombait en morceaux et continuait néanmoins d’avancer dans les voies express en direction est, à la hauteur de Kennedy Road en faisant des embardées. Un agent de la Police provinciale a répondu à la demande de service. Elle a ensuite transmis un message disant qu’un homme (non identifié comme le plaignant) était sur les voies en direction est de l’autoroute 401, juste après Brimley Road, près du garde-corps. L’agente a crié : [Traduction] « Il a enjambé le garde-corps. Il est sur le côté. J’ai besoin (inaudible) ici, s’il vous plaît. Puis, elle a crié : « Une ambulance au plus vite. » L’agente a par la suite ajouté que (le plaignant) était sans réaction.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé à la Police provinciale de l’Ontario les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :
  • les enregistrements des communications;
  • l’enregistrement de la caméra interne de la voiture de l’AT;
  • le dossier médical du Centre Sunnybrook des sciences de la santé;
  • l’enregistrement de la caméra de surveillance du ministère des Transports;
  • le rapport de collision de véhicule automobile;
  • les notes de l’AT et de huit autres agents;
  • le rapport de mort subite;
  • la déposition de cinq témoins civils.

Description de l’incident

Le déroulement des événements survenus semble clair d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES. Quelques instants avant de tomber du viaduc, le plaignant roulait en direction nord à bord de la voiture de sa femme dans les voies en direction sud de Kennedy Road lorsqu’il a percuté la paroi ouest du viaduc de l’autoroute. Le plaignant est sorti du véhicule et il a grimpé dans le gazon la pente menant à l’autoroute, après quoi il a marché en direction est le long du garde-corps du côté sud. Une agente de la Police provinciale roulait en direction est au même endroit lorsqu’elle a aperçu le plaignant sur l’autoroute. Elle s’est rangée sur le bord de la route, a immobilisé son véhicule et a reculé dans l’intention d’aller prêter assistance au plaignant. L’agente a garé sa voiture sur l’accotement et s’est approchée du plaignant à pied. Lorsqu’elle est arrivée près de lui, le plaignant a enjambé le garde-corps et s’est retrouvé sur la plateforme de métal fixée au viaduc au-dessus des voies en direction nord de Kennedy Road avec le panneau de signalisation. L’agente de la Police provinciale a exhorté le plaignant à arrêter ce qu’il faisait et lui a indiqué qu’il était en danger en insistant sur le fait qu’elle était là pour l’aider. À environ 6 h 13, le plaignant est tombé de la plateforme sur le sol au-dessous. Il a subi des blessures à la tête, au cou et à la colonne vertébrale, ce qui a causé sa mort.

Cause du décès

Le 6 mai 2019, un médecin légiste a déterminé que la cause du décès du plaignant était des traumatismes à la tête, au cou et à la colonne vertébrale.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé des suites des blessures extrêmement graves subies lorsqu’il est tombé du viaduc de l’autoroute 401 enjambant Kennedy Road dans la matinée du 3 mai 2019. Une agente de la Police provinciale, qui se trouvait sur le même viaduc à ce moment, a tenté de l’amener à s’éloigner du bord du viaduc en parlant avec lui. Pour les raisons exposées ci-dessous, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que cette agente ni aucun autre agent ait commis une infraction criminelle en relation avec les blessures du plaignant.

L’agente se trouvait dans une position délicate : elle pouvait soit s’approcher du plaignant et risquer une escalade des événements, soit l’observer de loin pendant qu’il se mettait dans une situation de plus en plus dangereuse. À mon avis, l’agente de la Police provinciale ne peut être blâmée pour avoir agi comme elle l’a fait. Elle s’est approchée du plaignant avec prudence et lui a parlé sur un ton mesuré. Malheureusement, elle n’a pas réussi à dissuader le plaignant. Les éléments de preuve n’indiquent pas clairement si le plaignant est tombé accidentellement de la plateforme fixée au panneau de signalisation ou s’il a sauté intentionnellement. Quoi qu’il en soit, je juge que le plaignant est le seul responsable de la situation périlleuse dans laquelle il se trouvait et que l’agente de la Police provinciale a, dans le court laps de temps où elle a parlé avec lui, fait tout en son pouvoir pour empêcher le plaignant de tomber et, en définitive, de se tuer. Par conséquent, le dossier est clos.


Date : 4 juin 2019

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.