Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TFD-373

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 70 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 novembre 2021, à 14 h 25, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES du décès du plaignant.

Selon le rapport de la Police provinciale, ce jour-là, à 12 h 04, des agents du Service de police de Toronto (SPT) exécutaient un mandat de perquisition à une résidence de Port Ryerse Road, à Simcoe. À 12 h 18, le SPT a avisé le Centre provincial des communications de la Police provinciale que des coups de feu avaient été tirés et qu’un homme [maintenant identifié comme étant le plaignant] était décédé.

Le plaignant avait été emmené en ambulance à l’Hôpital général de Norfolk (HGN) où son décès avait été constaté.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 3 novembre 2021 à 15 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 3 novembre 2021 à 16 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 70 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue (proche parent) [1]

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre les 3 et 4 novembre 2021.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 7 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 5 et le 23 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Le 3 novembre 2021, à 16 h 50, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux, sur une propriété résidentielle de Port Ryerse Road, à Simcoe.

L’incident s’est déroulé dans une dépendance décrite comme un garage transformé en atelier d’usinage ou d’armurerie. On entre dans ce bâtiment par une porte piétonne – rien n’indiquait que cette porte aurait été forcée.

À l’intérieur, il y avait un établi encombré d’outils à main et de divers autres objets près de l’entrée et de grandes machines et une variété de coffres-forts, d’armoires et de chaises répartis dans le reste du bâtiment. Le plancher était jonché de douilles de différents calibres.

Par terre, devant l’établi, il y avait un pistolet semi-automatique de calibre .45 sans chargeur. Près de cet objet se trouvaient une grande flaque de liquide suspecté d’être du sang, une paire de lunettes tachées de ce qui semblait être du sang et une trousse de premiers soins du SPT. Des déchets médicaux étaient également éparpillés à cet endroit, suggérant l’intervention des Services médicaux d’urgence.

Par terre, au milieu des machines, les enquêteurs ont trouvé deux douilles nickelées, différentes de toutes les autres douilles éparpillées. Un examen rapide du poinçon de tête a révélé qu’il s’agissait de cartouches d’un Smith et Wesson de calibre .40, similaires à celles du pistolet de l’AI. Deux autres douilles similaires ont été trouvées : une sur l’établi près de l’entrée et l’autre parmi les outils au centre de la pièce.

À 20 h 16, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont pris des photographies des lieux montrant des vues d’ensemble. À 20 h 45, ils ont recueilli des indices matériels. À 21 h 35, ils ont remis les lieux sous la garde du SPT.

Scene diagram

Éléments de preuve matériels

L’équipement de police de l’AI

Le 3 novembre 2021, à 18 h 15, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a rencontré le SPT pour recevoir et examiner l’équipement de police impliqué dans cet incident, dont un gilet balistique avec une paire de menottes et deux chargeurs Glock de rechange contenant 14 cartouches chacun. Ces objets ont été examinés et photographiés avant d’être rendus au SPT. Les enquêteurs de l’UES ont aussi examiné un sac à dos contenant trois chargeurs de rechange d’un Glock modèle 27 contenant huit cartouches chacun. Ces objets ont été photographiés avant d’être rendus au SPT.

L’arme à feu de l’AI était un pistolet semi-automatique Glock modèle 22 de calibre .40. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a retiré une cartouche de la culasse. Un chargeur a été retiré de la poignée du pistolet. Ce chargeur contenait neuf cartouches. À 18 h 37, l’enquêteur de l’UES a pris possession de l’arme à feu, y compris du chargeur et des cartouches.


Figure 1 - L’arme à feu de l’AI

Éléments de preuve de l’atelier

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli les éléments de preuve suivants dans l’atelier :

  1.  – pistolet trouvé par terre;
  2.  – douille sur l’établi ;
  3.  – douille par terre, dans le coin nord-est de la pièce;
  4.  – douille par terre, dans le coin nord-est de la pièce;
  5.  – déchets médicaux;
  6.  – fragment de gilet pare-balles par terre, devant l’établi;
  7.  – écouvillon de tache sur le sol, suspecté d’être du sang;
  8.  – douille au centre de la pièce, parmi les outils.


Figure 2 – Pistolet trouvé sur le plancher de l’atelier

Éléments de preuves médicolégaux

Soumissions et résultats du Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Le 21 novembre 2021, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a remis les objets suivants à la Section des armes à feu et des traces d’outils du CSJ pour examen : quatre douilles Winchester SW de calibre .40, un pistolet semi-automatique Glock modèle 22 de calibre .40 et un chargeur de pistolet.

Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UES n’avait pas encore reçu les résultats de cet examen.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Séquences vidéo d’une résidence

Cette vidéo date du 3 novembre 2021. En voici un résumé :

À 13 h 32 s [3], on peut voir une camionnette [connue pour être celle du TC no 1] se déplacer dans l’allée du voisin du plaignant.

À 13 h 42 s, une femme [connue pour être la TC no 3] se rend à pied de l’allée de garage à la porte d’entrée sur la façade de la résidence du plaignant.

À 13 h 57 s, un homme portant une arme d’épaule (l’AT no 1), vêtu d’un jean et d’un survêtement noir, marche vers le nord devant la résidence en direction de la TC no 3. L’AT no 1 s’arrête à côté de la TC no 3 tandis que trois autres agents du SPT – l’agent no 1, l’AT no 2 et l’AT no 5 – passent devant la TC no 3. Un quatrième agent – l’AT no 3 – parle à la TC no 3.

À 13 h 01 min 7 s, un agent du SPT– l’AT no 2 – contourne la résidence, suivi d’un deuxième agent.

À 13 h 01 min 24 s, deux autres agents du SPT marchent le long de l’allée du plaignant.

À 13 h 01 min 32 s, un agent du SPT est dans l’allée du plaignant.

Entre 13 h 01 min 43 s et 13 h 09 min 23 s, la caméra activée par le mouvement n’a rien enregistré.

À 13 h 03 min 49 s, une autre caméra a capturé trois véhicules arrêtés dans la rue près de l’allée du TC no 1. Un agent se met à courir depuis les véhicules vers l’allée du plaignant. Un autre agent court de l’avant de la résidence du plaignant vers les véhicules de police.

À 13 h 04 min 18 s, un agent conduit une fourgonnette jusqu’à l’allée de la résidence du plaignant. Deux hommes (vraisemblablement des agents) se tiennent au bout de l’allée.

À 13 h 09 min 24 s, un homme [connu pour être le TC no 2] s’assoit dans un fauteuil à côté de la porte d’entrée principale de la résidence.

À 13 h 13 min 11 s, une ambulance des Services paramédicaux du comté de Norfolk s’arrête devant l’allée de la résidence du plaignant.

À 13 h 16 min 11 s, une deuxième ambulance arrive.

À 13 h 24 min 39 s, un VUS portant les inscriptions de la Police provinciale de l’Ontario s’arrête dans la rue devant la résidence du plaignant.

À 13 h 27 min 3 s, la première ambulance fait demi-tour et repart.

Enregistrements du centre de répartition des ambulances

Il s’agit d’enregistrements du 3 novembre 2021 qui ont capturé ce qui suit :

À 12 h 17 min 2 s, un agent de police du SPT – l’AT no 5 – appelle le 9-1-1 pour signaler qu’ils ont exécuté un mandat de perquisition, que des coups de feu ont été tirés et qu’ils ont besoin d’une ambulance. L’AT no 5 donne l’adresse et dit que le plaignant a été touché par plusieurs coups de feu. L’AT no 5 ne peut pas préciser où exactement le plaignant a été touché, car il n’était pas à l’endroit où l’interaction a eu lieu. L’AT no 5 ne sait pas si on a commencé la réanimation cardiorespiratoire (RCP), mais précise que la scène n’est pas sécurisée pour le moment. Des ambulanciers paramédicaux sont envoyés sur les lieux.

À 12 h 18 min 40 s, un répartiteur des ambulances communique avec le centre de répartition de la Police provinciale pour demander s’ils savent qu’une fusillade s’est produite lors d’un appel impliquant le SPT. Le répartiteur de la Police provinciale ne répond pas directement à la question; cependant, il ressort clairement de sa vérification de l’adresse qu’il est plus ou moins au courant de la présence du SPT.

À 12 h 19, la première unité d’ambulanciers paramédicaux est en route et demande confirmation de la présence de la Police provinciale sur les lieux avant leur arrivée. On leur dit que la personne qui a appelé s’est identifiée comme étant un agent de police du SPT effectuant une perquisition dans la propriété.

À 12 h 23 min 41 s, une deuxième ambulance est envoyée sur les lieux par mesure de précaution en cas de besoin.

À 12 h 26 min 10 s, l’AT no 5 rappelle pour demander l’heure d’arrivée prévue de l’ambulance. L’AT no 5 ajoute que des agents du SPT administrent la RCR au plaignant.

À 12 h 26 min 19 s, la première ambulance arrive sur les lieux.

À 12 h 41 min 5 s, l’ambulance quitte les lieux avec le plaignant et se rend à l’hôpital où elle arrive à 12 h 48 min 8 s.

Enregistrements des communications de la Police provinciale

Il s’agit d’enregistrements du 3 novembre 2021 qui ont capturé ce qui suit :

À 12 h 18 min 16 s, le centre des communications des ambulances de Hamilton (CCAHC) appelle la Police provinciale pour l’aviser qu’un homme de 70 ans – le plaignant – a été abattu dans une propriété résidentielle de Port Ryerse Road.

À 12 h 19 min 17 s, le répartiteur de la Police provinciale demande que des unités de police se rendent à l’adresse du plaignant pour un appel impliquant des armes. Le CCAHC a dit qu’un homme de 70 ans a été abattu et que des agents du SPT sont sur les lieux. Plusieurs unités de la Police provinciale se dirigent vers l’adresse. Deux de ces unités arrivent sur les lieux et disent qu’une ambulance est déjà sur place. Un agent de la Police provinciale aide à administrer la RCR tandis que l’autre escorte l’ambulance à l’hôpital.

À 12 h 21 min 8 s, plusieurs appels téléphoniques sont échangés entre un opérateur de la Police provinciale et d’autres personnes dont on ignore l’identité. L’enregistrement audio dure quatre minutes et 37 secondes.

L’opérateur de la Police provinciale a une conversation avec un agent du SPT, l’AT no 4. L’AT no 4 répond sur son téléphone. L’opérateur de la Police provinciale demande s’il s’agit de la Police provinciale ou de l’AT no 4. L’AT no 4 confirme son identité. L’opérateur de la Police provinciale demande à l’AT no 4 s’il est sur les lieux à la résidence. L’AT no 4 répond par l’affirmative. L’opérateur de la Police provinciale dit qu’on communiquera une mise à jour de la situation aux unités de la Police provinciale. Après cet enregistrement, il n’y a pas d’autres enregistrements à valeur probante.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande au SPT et à la Police provinciale, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants qu’elle a examinés :
  • Rapports sur les détails de l’événement du SPT;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 6;
  • Notes de l’AT no 7;
  • Journal du registre des scènes de crime de la Police provinciale;
  • Rapport d’incident de la Police provinciale;
  • Enregistrements des communications de la Police provinciale;
  • Détails d’événement (x2) de la Police provinciale;
  • Incident de la Police provinciale – Information de la police ;
  • Directive de routine du SPT – Exécution d’un mandat de perquisition;
  • Directive de routine du SPT – Recours à la force;
  • Directive de routine du SPT – Armes à feu de service;
  • Mandat de perquisition du SPT.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Vidéo de caméra de sécurité d’une résidence voisine;
  • Vidéo de caméra de tableau de bord du TC no 2;
  • Enregistrements des communications du CCAHC;
  • Résultats préliminaires d’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont des entrevues avec des agents qui étaient présents ou à proximité des lieux au moment de la fusillade, notamment l’AT no 4 qui était présent du début à la fin des événements en question. L’enquête a également bénéficié de la déposition d’un témoin civil qui se trouvait également à proximité immédiate de la fusillade. Il est important de noter que la déposition de ce témoin oculaire civil concordait pour l’essentiel avec les récits des témoins oculaires de la police. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit. La TC no 3, l’épouse du plaignant, a également refusé de participer à l’enquête de l’UES.

Le 3 novembre 2021, en début d’après-midi, des agents de l’Unité de contrôle des armes à feu (UCAF) du SPT sont arrivés à une propriété de Port Ryerse Road, à Simcoe – la résidence du plaignant et de son épouse, la TC no 3. Ces agents étaient venus pour exécuter un mandat obtenu en vertu du Code criminel autorisant la perquisition de la résidence du plaignant et des dépendances pour faciliter une enquête sur un trafic d’armes à feu. Des armes à feu récupérées dans le cadre de deux enquêtes policières distinctes, dont l’une portait sur l’enlèvement d’une personne, étaient enregistrées au nom d’une entreprise d’armes à feu appartenant au plaignant. [4] Dans aucun de ces cas, le plaignant – un armurier – n’avait signalé le vol ou la disparition de ces armes à feu, et la police soupçonnait donc que le plaignant ou un de ses associés avait illégalement fait le commerce d’armes à feu.

L’AT no 3 de l’UCAF a rejoint son équipe, composée de l’agent no 1, de l’AI, de l’AT no 4, de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 5, à Hagersville. Ils ont revu le dossier, examiné le mandat de perquisition qu’ils avaient obtenu et regardé une photographie du plaignant. Compte tenu de l’âge du plaignant et de l’absence d’antécédents connus de violence, il a été décidé que l’équipe procéderait à une « entrée en douceur » dans la résidence : les agents frapperaient à la porte, annonceraient leur présence et demanderaient à parler au plaignant avant d’entrer dans la maison. Selon l’AT no 4 ¬(le chef d’équipe), s’il y avait eu des risques précis associés au plaignant, ils auraient envisagé une entrée dynamique et le recours à des agents du Groupe d’intervention d’urgence.

L’AT no 4 a en outre expliqué qu’il n’avait pas jugé nécessaire que des agents de la Police provinciale soient présents pour l’exécution du mandat de perquisition. Il n’est pas inhabituel que des agents de l’UCAF se rendent à l’extérieur de leur territoire de compétence pour exécuter des mandats, et l’AT no 4 était convaincu que son équipe était pleinement qualifiée et équipée pour agir seule dans l’affaire en question. Il a toutefois communiqué avec la Police provinciale à l’avance pour s’assurer qu’elle était au courant de la présence de l’équipe du SPT et de ce qu’elle faisait.

Les agents sont arrivés dans trois véhicules de police banalisés qu’ils ont garés juste au sud de la résidence du plaignant; ils sont sortis de leurs véhicules et se sont dirigés vers la maison. Le plaignant et son épouse venaient de rentrer chez eux après avoir magasiné; le plaignant se trouvait dans son atelier, au nord de la maison, tandis que sa femme déchargeait des provisions de leur véhicule. Plusieurs agents ont parlé avec l’épouse du plaignant alors qu’elle se dirigeait vers l’entrée de sa maison. Ils lui ont demandé où était son époux et elle a répondu qu’il était dans l’atelier.

À ce moment-là, le plaignant était dans l’atelier avec un client – le TC no 2. Le TC no 2 avait récemment acheté un pistolet compact Norinco 1911-A1 de calibre .45 et l’apportait au plaignant pour le faire réparer. Il avait prévu de le déposer le pistolet et de revenir le chercher plus tard, mais le plaignant l’avait convaincu d’attendre, car la réparation ne prendrait qu’une quinzaine de minutes. Le TC no 2 a remis au plaignant le pistolet dans un étui et a regardé le plaignant faire la réparation. Le plaignant était en train de réassembler le pistolet – le chargeur n’avait pas encore été réinséré dans l’arme à feu, mais le pistolet ressemblait à une arme complète – quand il a entendu un bruit derrière lui.

Le son provenait de l’approche d’agents de l’UCAF – l’AI, suivi de près par l’AT no 4. Les agents ont crié [traduction] : « Police, mandat de perquisition » et « Mettez les mains en l’air », quand ils se sont approchés et sont entrés dans l’atelier par la porte piétonne. Présumant qu’il s’agissait effectivement de la police, le TC no 2 a levé les mains en l’air.

Armes en main, l’AI et le TC no 4 ont rapidement tourné leur attention vers le plaignant qui était assis près d’un établi, à gauche de la porte. Le plaignant a ignoré les ordres répétés des agents de lever les mains en l’air. Quelques secondes après l’entrée des agents, le plaignant a tendu la main droite vers l’établi, a saisi l’arme à feu du TC no 2 et l’a tournée en direction des agents qui lui ont crié de « lâcher l’arme ». L’AI a tiré quatre coups de feu en succession rapide avec son arme – un semi-automatique Glock de calibre .40. Le plaignant a été touché et est tombé en arrière de sa chaise. Il était alors environ 12 h 15.

Après la fusillade, les agents ont escorté le TC no 2 hors de l’atelier, l’ont fait s’allonger par terre et l’ont menotté dans le dos. Il a libéré par la suite. L’AT no 3 et l’AT no 1 sont entrés dans le garage et ont prodigué des soins au plaignant, y compris la RCR.

Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et ont pris le plaignant en charge. Ils l’ont transporté à l’hôpital où son décès a été prononcé à 13 h 17.

Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à de multiples coups de feu. Le plaignant avait subi des blessures à la tête, au torse et aux mains.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense de la personne-- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances


(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime


(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 3 novembre 2021, le plaignant est décédé des suites de blessures par balle infligées par un agent du SPT. L’agent qui a fait feu a été désigné comme agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès par balles du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, le recours à la force pour se défendre ou défendre une autre personne contre une attaque réelle ou une menace d’attaque raisonnablement appréhendée est légitime à condition que la force en question soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. À mon avis, en vertu de l’article 34, l’AI était en droit de faire feu.

La présence de l’AI était légale tout au long de la séquence d’événements qui ont abouti à la fusillade. L’équipe d’agents de l’UCAF s’était rendue au domicile du plaignant pour fouiller la propriété avec un mandat apparemment valide, obtenu en vertu du Code criminel, autorisant la perquisition par des agents du SPT. [5] Pour obtenir le mandat, la police aurait convaincu un juge qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’on pourrait trouver des preuves d’une infraction criminelle sur la propriété, soit, en l’occurrence, des preuves de trafic illégal d’armes à feu.

Je suis en outre convaincu que les agents de l’UCAF, y compris l’AI, se sont comportés raisonnablement dans l’exécution du mandat. Pour éviter toute confusion sur l’objet de leur présence à l’extérieur de leur territoire de compétence, ils avaient communiqué avec la Police provinciale pour les informer de leurs intentions. L’équipe avait opté pour une « entrée en douceur », par opposition à une « entrée en force » ou une « entrée dynamique – les agents frapperaient à la porte et demanderaient à parler au plaignant avant de procéder à la perquisition – en tenant dûment compte de l’âge du plaignant et de l’absence de tout antécédent de violence documenté. C’est précisément ce qu’ils ont fait, d’abord, avec l’épouse du plaignant devant de la maison, puis avec le plaignant : selon le dossier de preuve, l’AI et l’AT no 4 se sont approchés de l’atelier en annonçant qu’ils étaient des agents de police avec un mandat de perquisition. Il est vrai que l’AI et l’AT no 4 sont entrés dans l’atelier en brandissant leurs armes et ont immédiatement demandé au plaignant et à l’AT no 2 de lever les mains en l’air. Cela semble néanmoins des précautions raisonnables dans les circonstances. Après tout, les agents enquêtaient sur une infraction criminelle grave et avaient des raisons de croire qu’il y aurait probablement des armes à feu dans l’atelier puisque le plaignant était un armurier.

Bien que l’UES n’ait aucune preuve directe de l’état d’esprit de l’AI au moment où il a fait feu – l’agent a exercé son droit de garder le silence – je suis convaincu, compte tenu des circonstances qui prévalaient, qu’il a tiré pour se protéger et, peut-être, pour protéger l’AT no 4, contre une agression raisonnablement appréhendée. Pour une raison qu’on ignore, le plaignant n’a pas obéi à l’ordre des agents de lever les mains en l’air. Il semble peu probable qu’il se soit trompé et n’ait pas compris qui entrait dans son atelier. Les agents avaient annoncé leur présence, et ils portaient des gilets avec le mot “police” sur le devant et dans le dos. Le TC no 2, qui était aussi dans l’atelier, a rapidement et correctement compris qu’ils avaient affaire à des agents de police, et a immédiatement levé les mains en l’air. Par la suite, toujours pour des raisons qu’on ignore, le plaignant a récupéré sur un établi à proximité un pistolet sur lequel il travaillait – celui que le TC no 2 avait apporté pour le faire réparer –, a refusé de le poser comme les agents le lui demandaient avec insistance et l’a pointé en direction des agents. L’AT no 4, qui était debout à côté de l’AI et dans la même situation que son collègue, a dit qu’il avait craint pour leur vie à ce moment-là et qu’il était sur le point de faire feu lui-même pour se défendre quand il a entendu les coups de feu tirés par son collègue. Il est donc probable que l’AI a ressenti la même chose.

En ce qui a trait à la force utilisée par l’AI, à savoir quatre coups de feu tirés sur le plaignant, la preuve n’établit pas raisonnablement qu’il s’agissait d’une force excessive. En effet, à une distance d’au plus quelques mètres du plaignant, il est difficile d’imaginer ce que l’AI aurait pu faire d’autre pour se protéger. Il s’est avéré par la suite que l’arme à feu que tenait le plaignant n’était pas en état d’être déchargée à ce moment-là, mais l’AI ne pouvait pas le savoir. Le pistolet semblait en état de fonctionner. C’était certainement l’impression distincte de l’AT no 4 et du TC no 2, ce dernier ayant été choqué de voir le plaignant récupérer l’arme à feu et la pointer comme il l’a fait. Dans les circonstances, dans la fraction de secondes dont il disposait pour prendre une décision de vie ou de mort, je ne peux pas reprocher à l’AI d’avoir choisi de faire face à une menace raisonnablement appréhendée de force imminente et mortelle en recourant lui-même à une force mortelle. Compte tenu de la rapidité avec laquelle les événements se sont déroulés dans l’atelier –tout au plus cinq à dix secondes selon l’estimation du témoin oculaire civil entre le moment où les agents sont entrés et les coups de feu, et encore moins à partir du moment où le plaignant s’est emparé de l’arme – la retraite ou le repli vers une position de couverture n’étaient pas des options réalistes. De plus, compte tenu de la rapidité des tirs, il n’y a pas de preuve permettant de croire raisonnablement que le niveau de menace ait sensiblement changé entre le premier et le dernier coup de feu.

En conséquence, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que la force utilisée par l’AI n’était pas légalement justifiée, il n’y a pas de raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire contre l’agent.


Date : 3 mars 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) La TC no 3 n’a pas consenti à participer à une entrevue. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumés ci-après. [Retour au texte]
  • 3) L’horodatage était en avance de 46 minutes. [Retour au texte]
  • 4) Apparemment les numéros de série des armes à feu qui avaient permis d’identifier le plaignant comme en étant le propriétaire enregistré étaient initialement pratiquement illisibles, mais avaient été suffisamment remis en état pour permettre cette identification. [Retour au texte]
  • 5) Le paragraphe 29 (1) du Code criminel stipule que « quiconque exécute un acte judiciaire ou un mandat est tenu de l’avoir sur soi, si la chose est possible, et de le produire lorsque la demande lui en est faite. » Selon le dossier de preuve, au moins un des agents de l’UCAF avaient une copie du mandat avec eux (soit sur lui, soit facilement accessible dans leur véhicule) - l’AT no 5 a dit avoir montré une copie du mandat à un agent de la Police provinciale arrivé sur les lieux après la fusillade. Aucun des éléments de preuve recueillis par l’UES ne permet de confirmer que le mandat ait été montré au plaignant ou à son épouse avant les événements en question. Cependant, comme les éléments de preuve établissent qu’aucun des deux n’a demandé à voir une copie du mandat - ce qui est tout à fait compréhensible compte tenu de la chronologie des événements - il ne semblerait pas que les agents de l’UCAF aient manqué à leurs obligations en vertu du paragraphe 29(1). [Retour au texte]

Note:

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