Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-332

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 48 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 octobre 2021, à 15 h 13, le Service de police régional de Durham (SPRD) a informé l’UES d’un décès.

Selon les renseignements recueillis, le 2 octobre 2021, peu après midi, des agents du SPRD se sont rendus dans un secteur de l’autoroute 115, à environ un kilomètre au nord de l’autoroute 407 afin de donner suite à un appel concernant un vol qualifié sur lequel enquêtait la Police provinciale de l’Ontario (Police provinciale) et à un avis de recherche de personnes. Des agents du SPRD se sont rendus sur les lieux, où un seul véhicule semblait avoir été impliqué dans une collision. Un véhicule était en feu et le conducteur [connu comme étant le plaignant] se battait avec le conducteur d’un autre véhicule [connu maintenant comme étant le témoin civil (TC) n° 1]. L’agent impliqué (AI) est arrivé sur les lieux et a déployé son arme à impulsions à deux reprises.

Comme le plaignant ne présentait aucun signe vital, on lui a administré du Narcan, on a effectué des manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire (RCP) et utilisé un défibrillateur externe automatisé.

Les services médicaux d’urgence (SMU) sont intervenus et le plaignant a été transporté à l’hôpital Lakeridge Health (Bowmanville). Il était dans un état critique à ce moment-là, mais l’étendue de ses blessures était inconnue et les renseignements préliminaires étaient limités.

L’arme à impulsions de l’AI a été saisie et mise en sécurité.

Le 3 octobre 2021, à 4 h 8, un coroner a indiqué que le plaignant était décédé à l’hôpital - le décès avait été constaté à 2 h 8.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 octobre 2021 à 15 h 55

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 octobre 2021 à 16 h 41

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 48 ans, décédé

Témoins civils

TC n° 1 Ne s’est pas présenté à l’entrevue comme prévu
TC n° 2 Ne s’est pas présenté à l’entrevue comme prévu
TC n° 3 A participé à une entrevue
TC n° 4 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC n° 5 A participé à une entrevue
TC n° 6 A participé à une entrevue
TC n° 7 A participé à une entrevue
TC n° 8 A participé à une entrevue
TC n° 9 A participé à une entrevue
TC n° 10 A participé à une entrevue
TC n° 11 A participé à une entrevue
TC n° 12 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 7 octobre et le 4 novembre 2021.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 20 octobre 2021.

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

L’AT n° 1 a participé à une entrevue le 7 octobre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux étaient situés sur l’autoroute 115, au nord de Concession Road 8. Au départ, le plaignant se trouvait sur l’accotement est, du côté nord de la route. Il a ensuite traversé l’autoroute en courant sur les voies en direction nord et a sauté par-dessus la barrière en béton pour se retrouver sur les voies en direction sud. Il a été atteint par une arme à impulsions déployée au milieu des voies en direction sud.

Après son arrestation, le plaignant a été escorté jusqu’au terre-plein central, où l’on a constaté l’absence de signes vitaux (ASV).

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli l’arme à impulsions de l’AI, une cartouche d’arme à impulsions intacte et une cartouche d’arme à impulsions utilisée.


Figure 1 – L’arme à impulsions de l’AI.

Éléments de preuves médicolégaux

Rapport de l’arme à impulsions

Le 3 octobre 2021, les données de l’arme à impulsions de l’AI ont été téléchargées à la division Centre-Ouest du SPRD.

Selon les données, la cartouche 1 de l’arme à impulsions a été activée le 2 octobre 2021 à 11 h 57 min 56 s pendant 12 secondes, à 11 h 58 min 9 s pendant 5 secondes, puis à 11 h 58 min 14 s pendant 5 secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[1]

Enregistrement des communications de la Police provinciale de l’Ontario

La Police provinciale de l’Ontario a fourni une copie des enregistrements des communications du 2 octobre 2021. Voici un résumé des renseignements pertinents qu’ils contiennent.

À 11 h 23, un répartiteur de la Police provinciale de l’Ontario a informé le répartiteur du SPRD qu’un véhicule était recherché relativement à un vol à main armée commis dans une bijouterie de Belleville à 11 h. Le dernier endroit connu du véhicule était l’autoroute 401 en direction ouest à Port Hope. Des rapports indiquent également que le véhicule est entré intentionnellement en collision avec d’autres véhicules sur l’autoroute 401.

Le Service de police de Belleville avait fourni les renseignements initiaux sur le vol à la Police provinciale de l’Ontario.

Le véhicule recherché était un Chevrolet bleu.

Le véhicule de la Police provinciale de l’Ontario le plus proche venait de s’engager sur l’autoroute 401 à la hauteur de l’autoroute 35/115.

À 11 h 51 min 22 s, le répartiteur du SPRD a demandé au répartiteur de la Police provinciale de l’Ontario la latitude et la longitude du véhicule recherché. Le répartiteur de la Police provinciale de l’Ontario a fourni les coordonnées du téléphone cellulaire du plaignant et a indiqué que le véhicule recherché se trouvait maintenant sur l’autoroute 35/115. Il a ensuite précisé que le véhicule se dirigeait vers le nord sur Kirby, près de l’autoroute 35/115 et de Ganaraska Road, et qu’il approchait l’autoroute 407.

Enregistrement des communications du SPRD

Le SPRD a fourni une copie des enregistrements des communications du 2 octobre 2021. Voici un résumé des renseignements pertinents qu’ils contiennent.

Le répartiteur du SPRD a répété un avis de recherche pour un Chevrolet bleu foncé recherché relativement à un vol à main armée commis dans une bijouterie à Belleville à 11 h. Le véhicule est immatriculé au nom du plaignant, un résident de Belleville, en Ontario.

La Police provinciale de l’Ontario a mis le répartiteur du SPRD au courant de l’évolution de la situation en indiquant que des agents étaient en train d’intercepter le téléphone cellulaire du plaignant et que le véhicule se trouvait maintenant à Port Hope, sur Ganaraska Road, à l’angle de la rue Mill. Le plaignant traversait un épisode maniaque en raison de la consommation de drogue et était en possession d’un Magnum de calibre .398. Il avait dit à tous ses amis qu’il passerait aux nouvelles ce soir-là.

L’AI donnait suite à l’appel et a indiqué qu’il se dirigeait vers l’est sur Ganaraska Road à la hauteur de l’autoroute 115.

Selon de nouveaux renseignements fournis par la Police provinciale, le véhicule du plaignant circulait en direction nord sur l’autoroute 115, près du hameau de Kirby, en Ontario.

L’AI dit : « Je vais le suivre de près. Je suis en direction nord sur la 115. Il y a une voiture de la Police provinciale derrière moi, nous sommes au nord de la 407 maintenant. Je n’ai toujours pas vu le véhicule suspect. »

L’AI dit : « OK, j’ai une collision de véhicules à moteur ici ». On entend ensuite l’AI en train de courir et de respirer fortement. « Le suspect dit qu’il a une arme. Nous sommes en direction ouest à pied. Taser! Taser! Taser! » Le répartiteur du SPRD répond : « [code de police indiquant que les agents doivent arrêter de transmettre] en vigueur. »

L’AI, qui respirait fortement, dit : « Je suis avec la Police provinciale de l’Ontario. Nous avons mis une personne sous garde et avons besoin d’une ambulance. Nous sommes entre le magasin Noone’s et Wilcox. Une voiture est en feu. Nous avons besoin du service des incendies également. »

Quelqu’un demande : « Pourquoi avons-nous besoin d’une ambulance? » L’AI répond : « Juste un déploiement de pistolet électrique et une voiture en feu. » Une minute plus tard, l’AI ajoute : « Pouvez-vous demander à l’ambulance de se dépêcher? Nous sommes dans la zone médiane en train d’administrer du Narcan – nous administrons la deuxième dose de Narcan – l’homme ne réagit pas. »

Un agent non désigné dit : « Sur les lieux – je fais des compressions – l’homme ne respire toujours pas. » L’AI dit : « Un agent de la Police provinciale de l’Ontario a administré deux doses de Narcan. Il y a un médecin et un préposé aux bénéficiaires qui aident à la réanimation. »

L’AI dit : « Des intervenants des services médicaux d’urgence transportent l’homme à l’hôpital de Bowmanville – il n’a toujours pas repris connaissance. » Le répartiteur a alors précisé qu’il était 12 h 46.

Vidéo de la fille du TC n° 6

Le 2 octobre 2021, la fille du TC n° 6 a pris une vidéo de 37 secondes du haut d’une colline sur le côté ouest de l’autoroute 115. Les arbres de la colline limitaient le champ de vision.

On voit le véhicule du plaignant, duquel s’échappe de la fumée, sur le côté nord de l’autoroute 115. L’enregistrement n’a pas capté l’interaction entre les agents et le plaignant.

Vidéo du TC n° 7

Le TC n° 7 a fourni une copie d’un enregistrement de 48 secondes du 2 octobre 2021. L’AT n° 1, l’AI et le plaignant se trouvaient au milieu des voies de l’autoroute 115 en direction sud. Le plaignant était à plat ventre sur le sol. L’AT n° 1 menottait les bras du plaignant derrière le dos et avait mis son genou droit sur le dos du plaignant. L’AI se tenait à côté de l’AT n° 1 et du plaignant, les regardant. L’AI tenait toujours une arme à impulsions de laquelle sortaient des fils.

Le plaignant tentait de se débattre en soulevant ses chevilles. L’AT n° 1 s’est donc levé. Comme le plaignant continuait à soulever ses chevilles et tentait de rouler, l’AT n° 1 a posé son pied droit sur ses fesses. La caméra s’est déplacée et on peut voir une berline beige sur l’accotement des voies en direction nord, un véhicule dans le fossé et un véhicule de la Police provinciale de l’Ontario sur la voie adjacente au trottoir. Le véhicule du SPRD se trouvait sur l’accotement.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPRD et la Police provinciale de l’Ontario (Détachement de Northumberland et Division de la sécurité de la circulation - Whitby) :
  • Résumé détaillé des appels du SPRD
  • Rapport d’incident général du SPRD
  • Rapport d’incident du SPRD (x2)
  • Données téléchargées de l’arme à impulsions du SPRD
  • Photos de l’APTech (agent de la police technique)
  • Notes des AT
  • Courriel de la Police provinciale de l’Ontario concernant la participation à l’autopsie
  • Rapport détaillé d’incident de la Police provinciale de l’Ontario
  • Détails et rapports d’incident de la Police provinciale de l’Ontario
  • Rapport d’incident supplémentaire de la Police provinciale de l’Ontario
  • Rapport de la Police provinciale de l’Ontario sur le recours à la force (rédigé)
  • Enregistrements des communications

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments et documents suivants obtenus d’autres sources :
  • Photos du TC n° 6
  • Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario
  • Vidéo du TC n° 7
  • Messages texte du plaignant
  • Vidéo du TC n° 6
  • Déclarations de témoins des TC n° 5, n° 7, n° 11 et n° 12

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage du poids des preuves recueillies par l’UES, qui comprennent des entrevues avec l’AI, l’AT n° 1 de la Police provinciale de l’Ontario (qui a participé à l’arrestation du plaignant) et plusieurs personnes civiles qui ont été témoins d’une partie de l’incident.

Dans la matinée du 2 octobre 2021, des agents de la Police provinciale de l’Ontario étaient à la recherche du plaignant. Ce dernier aurait en effet commis un vol à main armée dans une bijouterie de Belleville et aurait fui les lieux à bord d’un véhicule Chevrolet bleu. La Police provinciale a pu suivre les déplacements du plaignant grâce au téléphone cellulaire de ce dernier et a communiqué avec le SPRD lorsqu’il semblait se diriger vers leur territoire. Selon les renseignements supplémentaires obtenus et diffusés par la Police provinciale de l’Ontario, le plaignant prétendait avoir une arme à feu, avait dit à des amis qu’il ferait la une des journaux ce soir-là, était sous l’influence de drogues et avait percuté d’autres véhicules alors qu’il se déplaçait vers l’ouest sur l’autoroute 401.

L’AI effectuait une patrouille de routine au nord d’Oshawa lorsqu’il a appris que la Police provinciale de l’Ontario menait une opération non loin de là. Peu avant midi, l’agent de police se dirigeait vers le nord sur l’autoroute 115 à partir de l’autoroute 407 après avoir appris que le plaignant se trouvait sur la même autoroute en direction nord. Derrière lui se trouvait une voiture de la Police provinciale de l’Ontario au volant de laquelle se trouvait l’AT n° 1, qui tentait également de retrouver le plaignant.

Le véhicule du plaignant s’est retrouvé dans le fossé est des voies de l’autoroute 115 en direction nord, entre Concession Road 8 et Skelding Road. L’agent impliqué a immobilisé son véhicule sur l’accotement de l’autoroute, légèrement au sud du véhicule en question, tandis que l’AT n° 1 a parcouru une courte distance vers le nord, immobilisant son véhicule sur la voie la plus à l’est, derrière une berline beige qui s’était arrêtée sur l’accotement. Le plaignant avait quitté son véhicule et se battait avec le conducteur du véhicule beige. Les agents sont sortis de leur voiture et se sont approchés du plaignant.

En voyant les agents, le plaignant a traversé en courant les deux voies de circulation de l’autoroute en direction nord, a sauté par-dessus le terre-plein central en béton et s’est engagé sur les voies en direction sud. Les agents se sont lancés à la poursuite du plaignant et lui ont demandé à plusieurs reprises de s’arrêter et de se mettre au sol. Le plaignant a injurié les agents, a dit qu’il avait une arme et qu’il allait les tuer, et il a jeté un petit objet métallique - un porte-clés - en direction de l’AT n° 1. Le plaignant a manqué de peu d’être frappé par une motocyclette alors que des véhicules circulant en direction sud s’arrêtaient au nord de l’endroit où il se trouvait et de celui où se trouvaient les agents.

Les agents se trouvaient à quelques mètres du plaignant lorsque l’AI a déployé son arme à impulsions. Les sondes de l’arme se sont logées à l’arrière de la tête et dans le bas du dos du plaignant, qui est immédiatement tombé sur la chaussée. L’AT n° 1 s’est approché du plaignant et, alors que l’AI réactivait son arme à impulsions deux fois de plus, lui a passé les menottes derrière le dos.

Après avoir procédé à l’arrestation de l’homme, l’AI et l’AT n° 1 ont aidé le plaignant à se relever et l’ont accompagné jusqu’au terre-plein central de l’autoroute afin de pouvoir le fouiller. Le plaignant s’est soudainement affaibli et est tombé au sol. Les agents l’ont assis et ont remarqué que la couleur de ses lèvres et de son visage avait commencé à virer au bleu; il ne réagissait pas. Croyant que le plaignant faisait une surdose, l’AT n° 1 lui a administré deux doses de naloxone par voie nasale, mais en vain.

Accompagnés d’un autre agent du SPRD et d’un ambulancier paramédical qui n’était pas de service, les agents ont tenté de réanimer le plaignant, qui a été transporté à l’hôpital Lakeridge Health de Bowmanville par ambulance. Il est mort le lendemain.

Cause du décès

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie n’a pas été en mesure de déterminer si le décès du plaignant était dû à une cause anatomique évidente. La cause de son décès reste inconnue à ce jour, en attendant une enquête plus approfondie et un examen toxicologique.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

La mort du plaignant a été constatée à l’hôpital le 3 octobre 2021, aux premières heures. Comme les circonstances ayant conduit à l’admission de l’homme à l’hôpital étaient liées à son arrestation par des agents de police, l’UES a été informée de la situation et a ouvert une enquête. L’AI du SPRD a été identifié comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la mort du plaignant.

En vertu de l’article 25(1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour la force utilisée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés de faire par la loi.

D’après les rapports indiquant que le plaignant avait participé à un vol à main armée à Belleville ce matin-là et qu’il avait ensuite pris la fuite de façon imprudente sur l’autoroute 401, et d’après ce que les agents ont compris lorsqu’ils ont vu le plaignant se battre avec un autre automobiliste après avoir embouti son véhicule dans un fossé, je suis convaincu que l’AI et l’AT n° 1 avaient des motifs légitimes de vouloir l’arrêter.

Je suis également convaincu que la force utilisée par les agents lors de l’arrestation du plaignant était légalement justifiée. Il était impératif que le plaignant soit placé mis sous garde aussi rapidement que possible. Il était apparemment armé d’un pistolet, avait dit aux agents pendant qu’ils le poursuivaient qu’il avait un pistolet et qu’il les tuerait, et s’était enfui dans les voies de circulation de l’autoroute pour échapper aux agents. Compte tenu de ces faits, lorsqu’il a refusé à plusieurs reprises de s’arrêter à la demande des agents, l’AI était en droit de décharger son arme à impulsions sur l’homme. Si le déploiement de l’arme à impulsions réussissait, le plaignant serait immédiatement neutralisé, ce qui mettrait fin à la dangereuse poursuite à pied sur l’autoroute 115 et l’empêcherait d’avoir accès à des armes lorsque les agents le placeraient sous garde. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Quant à la deuxième et à la troisième décharge de l’arme à impulsions alors que le plaignant se trouvait sur la chaussée, il semblerait qu’elles constituaient également une force raisonnable à la disposition de l’AI. Le plaignant avait donné aux agents toutes les raisons de croire qu’il était armé d’un pistolet, et il était donc important de le maîtriser dans la mesure du possible pendant que l’AT n° 1 était en train de menotter ses bras derrière son dos. Une fois le plaignant menotté, l’AI n’a plus déchargé son arme à impulsions.

Une autre question se pose quant à la nature et à l’étendue des soins fournis par les agents dans le cadre de leurs interactions avec le plaignant. La question est surtout de savoir s’il existe des preuves permettant de conclure raisonnablement que la mort du plaignant a été causée d’une manière ou d’une autre par un manque de soins de la part des agents, qui était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’infraction à prendre en considération est la négligence criminelle causant la mort en vertu de l’article 220 du Code criminel. La simple négligence ne suffira pas à engager des poursuites quant à la responsabilité de l’infraction. Il faut plutôt un écart marqué et important par rapport à un niveau de diligence raisonnable qui démontre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Dans ce cas, il n’y a aucune preuve que l’un ou l’autre des agents n’a pas fait preuve de la diligence et de l’attention nécessaires pour la santé et le bien-être du plaignant. Rien n’indique, par exemple, que le plaignant ait été laissé allongé pendant un certain temps ou que la manière dont il a été immobilisé était inappropriée ou déraisonnable. De plus, au premier signe de détresse médicale grave, les agents ont rapidement pris des mesures pour demander une assistance médicale et ont ensuite participé aux efforts de réanimation sur les lieux en attendant une ambulance.

Par conséquent, bien que la cause de la mort du plaignant demeure inconnue à l’heure actuelle, il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’elle est attribuable à une conduite illégale de la part de l’AI ou de l’AT n° 1. Par conséquent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.

Date : 28 janvier 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.