Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-497

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 22 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 18 novembre 2024, à 8 h 20, le Service de police de Timmins (SPT) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

Le 17 novembre 2024, la police a reçu un appel concernant un vol en cours au dépanneur Circle K situé au 287, boulevard Algonquin Ouest, à Timmins, impliquant deux hommes [dont l’un serait le plaignant]. Des agents se sont rendus sur les lieux et ont poursuivi le plaignant à pied. À 23 h 42, des agents ont trouvé le plaignant dans le secteur du 100, chemin Waterloo à Timmins, où il a été arrêté. Le plaignant a résisté et a été porté au sol. Une fois maîtrisé, le plaignant a été transporté au poste du SPT. Lors de sa mise en détention, on a constaté que le plaignant était blessé, et on a appelé les services médicaux d’urgence. Le plaignant a été transporté à l’hôpital de Timmins et du district (HTD), où il a été examiné le 18 novembre 2024 et où il a reçu, à 3 h 30, un diagnostic de fracture de la mâchoire, de dents cassées et manquantes et de fracture nasale. Le plaignant a été libéré sur engagement à 3 h 40.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 18 novembre 2024 à 10 h 15

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 novembre 2024, à 19 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 22 ans;a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 28 novembre 2024.

Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue

TC no 2 N’a pas participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 11 décembre 2024 et le 20 décembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question ont commencé à l’intersection de la rue Preston et de l’avenue Wilson et près de celle-ci, se sont poursuivis vers le nord sur plusieurs pâtés de maisons et se sont terminés dans le stationnement de Hollinger Court, au 100, chemin Waterloo à Timmins, et dans les environs.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements captés par la caméra à bord du véhicule de police et enregistrements des communications

Le 17 novembre 2024, vers 23 h 35, on reçoit un appel au sujet d’un vol en cours au dépanneur Circle K situé au 287, boulevard Algonquin Ouest.

Vers 23 h 37, des agents sont dépêchés dans le secteur; on leur a transmis la description de deux suspects de sexe masculin.

Vers 23 h 40, l’AI no 1 trouve les suspects derrière un commerce situé au 100, avenue Wilson, et indique qu’ils s’enfuient. L’AI no 1 poursuit l’un des suspects, qui traverse le boulevard Algonquin Ouest, passe devant le restaurant Little Caesars et traverse le stationnement du restaurant Wendy’s en passant par-dessus une rampe de métal pour arriver dans l’allée longeant Hollinger Court.

Vers 23 h 41, l’AI no 1 rattrape le plaignant et le frappe, mais le plaignant arrive à s’échapper et continue à courir derrière Hollinger Court. Le plaignant contourne l’arrière de Hollinger Court pour se rendre dans le stationnement, où l’AI no 2 le rejoint, puis le frappe et le porte au sol.

Vers 23 h 42, le plaignant est sous la garde de la police. L’AI no 2 et l’AI no 1 sont sur le plaignant, qui résiste et refuse de sortir ses mains, qui sont sous son corps. L’AI no 2 frappe le plaignant à la tête à plusieurs reprises, après quoi les agents menottent le plaignant, les mains derrière le dos. Les agents placent le plaignant dans le véhicule de police de l’AT no 1 et l’emmènent au poste du SPT.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les documents suivants du SPT entre le 17 novembre 2024 et le 12 décembre 2024 :

  • images captées par la caméra à bord du véhicule de police;
  • enregistrements des communications;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 5;
  • vidéo de la mise en détention;
  • déclaration de témoin civil;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • liste des agents concernés
  • capture d’écran d’un homme au dépanneur Circle K
  • antécédents – le plaignant.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant de l’HTD le 28 novembre 2024.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment une entrevue menée avec le plaignant, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique leurs notes concernant l’incident.

Dans la soirée du 17 novembre 2024, le SPT a reçu un appel au 9-1-1 du dépanneur Circle K situé au 287, boulevard Algonquin Ouest, à Timmins, au sujet d’un vol en cours impliquant deux hommes. L’AI no 1 est arrivé quelques minutes après l’appel et a vu les hommes s’enfuir dans les environs du 100, avenue Wilson, à environ trois pâtés de maisons du lieu du vol. L’agent a poursuivi l’un des hommes à pied.

L’homme poursuivi était le plaignant. Le plaignant a couru en direction nord vers le boulevard Algonquin Ouest, a traversé la rue et a poursuivi sa course vers une rampe métallique à l’extrémité nord du stationnement du Wendy’s. Il a grimpé par-dessus la rampe et a été porté au sol par l’AI no 1, qui l’avait rattrapé. Après une brève lutte au sol, au cours de laquelle l’agent l’a frappé à la tête, le plaignant s’est levé et s’est enfui vers l’est, puis vers le nord, derrière l’immeuble situé au 100, chemin Waterloo. Alors qu’il tournait le coin de l’immeuble et continuait vers l’ouest dans le stationnement, le plaignant a été confronté par l’AI no 2 et a de nouveau été porté au sol. Les agents ont frappé à plusieurs reprises le plaignant à la tête avant de le menotter, les mains derrière le dos.

Le plaignant a été examiné à l’hôpital après son arrestation, et on a déterminé qu’il avait subi une fracture de la mâchoire et une fracture du nez et qu’il avait des dents déchaussées et manquantes.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a subi une blessure grave lors de son arrestation par les agents du SPT le 17 novembre 2024. L’UES a été informée de l’incident et a entrepris une enquête au cours de laquelle les agents ayant procédé à l’arrestation ont été désignés à titre d’agents impliqués – soit l’AI no 1 et l’AI no 2. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Je suis convaincu qu’il était justifié d’arrêter le plaignant pour vol. Le plaignant correspondait à la description de l’un des suspects et a été vu en train de s’enfuir des lieux du crime.

Je suis également convaincu que les éléments de preuve relatifs à la force utilisée par les agents lors de l’arrestation du plaignant ne permettent pas d’établir, sur la base d’un jugement raisonnable, que celle-ci était excessive. Porter le plaignant au sol semble être une tactique raisonnable dans le contexte d’un homme fuyant les agents. Celle-ci permettrait d’atteindre deux objectifs, soit de mettre fin à sa fuite tout en aidant les agents à mieux gérer toute résistance physique continue à laquelle ils pourraient raisonnablement s’attendre de la part d’un suspect en fuite. En ce qui concerne les nombreux coups de poing donnés par les agents, je ne peux pas conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que cette force était injustifiée, puisque le plaignant a continué à résister après avoir été porté au sol et a refusé de tendre les bras pour être menotté.

Par conséquent, même s’il est évident que les blessures du plaignant ont été causées par une combinaison des deux manœuvres visant à le porter au sol et des coups de poing qu’il a reçus à la tête, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’elles sont attribuables à un acte illégal commis par l’un ou l’autre des agents impliqués. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire.

Avant de clore le dossier, je note ce qui semble avoir été une notification tardive de l’UES par le SPT, ce qui contrevient possiblement à l’article 16 de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. L’incident n’a été signalé à l’UES qu’à 8 h 20 le 18 novembre 2024, alors que des éléments prouvent que le Service était au courant de la nature et de l’étendue des blessures du plaignant dès 3 h 30. Les notifications tardives de cette nature mettent en péril l’intégrité des enquêtes de l’UES, nuisent à l’indépendance et à la crédibilité de l’UES et minent la confiance du public dans les services policiers et la surveillance de ceux-ci. Je ferai part de cette situation au chef de police dans ma lettre et j’aviserai l’Agence des

plaintes contre les forces de l’ordre conformément au paragraphe 35.1(1) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales.

Date : 17 mars 2025

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.