Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TFD-233
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 34 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 3 juin 2024, à 16 h, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.
Plus tôt dans la journée, deux agents du SPT se sont rendus dans les environs du 520, chemin Ellesmere parce que le plaignant arrachait les balais d’essuie-glace de véhicules se trouvant dans ce secteur. Les agents ont confronté le plaignant, qui a sorti un marteau. L’un des agents a déployé son arme à impulsions, mais celle-ci n’a eu aucun effet. L’autre agent a alors tiré avec son arme à feu, atteignant le plaignant à la poitrine. Le plaignant a été transporté en ambulance au Centre Sunnybrook des sciences de la santé, où il a subi une intervention chirurgicale. L’AI a été transporté au Scarborough Health Network – Hôpital Birchmount et l’AT no 1 a été transporté à l’Hôpital général de Scarborough. Aucun des deux agents du SPT n’aurait subi de blessures graves.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 3 juin 2024 à 16 h 4
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 3 juin 2024 à 18 h 55
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Personne concernée (« plaignant
») : Homme de 34 ans; décédé
Témoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 3 et le 7 juin 2024.
Agents impliqués
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées
Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 4 juin 2024 et le 25 juin 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés dans le stationnement de l’immeuble situé au 520, chemin Ellesmere, à Toronto.
Schéma des lieux
Éléments de preuve matériels
Le 3 juin 2024, à 18 h 55, les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux, soit une allée d’un complexe médical à l’intersection des chemins Ellesmere et Principal. L’allée menant au Medix College, situé au 520, chemin Ellesmere, s’étendait au nord depuis le chemin Ellesmere et constituait un prolongement du chemin Principal. Les lieux de l’incident se trouvent du côté est de l’allée, au nord du chemin Ellesmere, et ont été délimités par du ruban de police. À l’est de l’allée, il y avait une bordure en béton surélevée avec une plate-bande dans laquelle se trouvaient de hautes herbes. Plus à l’est, il y avait un stationnement, et à l’ouest, un autre stationnement et le Medix College, comportant plusieurs étages.
De nombreux véhicules du SPT se trouvaient sur les lieux :
Un Ford Explorer (VUS), de couleur grise (véhicule no 1). Il s’agissait d’un véhicule de police aux couleurs du SPT. Le véhicule était orienté vers le nord et se trouvait du côté est de l’allée et au nord du chemin Ellesmere. Ce véhicule était en marche et ses gyrophares étaient activés. Dans le coffre arrière du véhicule se trouvait un marteau Crescent – un marteau à panne fendue de 28 onces auquel était attachée l’étiquette du fabricant.
Un Ford Explorer (VUS), de couleur grise (véhicule no 2). Il s’agissait d’un véhicule de police aux couleurs du SPT. Ce véhicule était orienté vers le nord et se trouvait au nord du véhicule no 1. Les feux d’urgence arrière du véhicule étaient allumés. Une lime à bois à manche vert de marque Nicholson se trouvait à l’est de la roue arrière gauche. Une sonde d’arme à impulsions – plate et intacte avec fils – se trouvait dans l’allée au nord de ce véhicule.
Un Ford Taurus à quatre portes, de couleur grise (véhicule no 3). Il s’agissait d’un véhicule de police (de l’AT no 1 et de l’AI) aux couleurs du SPT. La vitre du conducteur était baissée. Le véhicule était orienté vers le nord et se trouvait dans l’allée, au nord du véhicule no 2. Au nord du véhicule se trouvait une douille Winchester S&W de calibre 40 recouverte d’un petit cône. À droite de la roue avant droite, contre la bordure, se trouvait une pile de chandails coupés auxquels étaient rattachés des sondes et des fils d’arme à impulsions.
Un Ford Explorer (VUS), de couleur grise (véhicule no 4). Il s’agissait d’un véhicule de police aux couleurs du SPT. Le véhicule était orienté vers l’ouest et se trouvait à l’extrémité nord des lieux. Sur le tapis du conducteur se trouvait un pistolet Taser modèle 7 contenant deux cartouches.
Les éléments de preuve suivants ont été recueillis par les enquêteurs de l’UES au 520, chemin Ellesmere :
- Une douille Winchester S&W de calibre 40;
- Quatre bouchons jaunes de cartouches d’arme à impulsions;
- Une arme à impulsions Taser modèle 7 (renvoyée au SPT après examen)
- Deux cartouches d’arme à impulsions déployées
- Un marteau à panne fendue
- Une lime à manche vert
Figure1 – Marteau récupéré sur les lieux
Figure2 – Lime récupérée sur les lieux
Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont photographié les lieux et y ont récupéré les éléments de preuve, puis ont rendu les lieux accessibles à 22 h 25.
Les éléments de preuve suivants ont été recueillis et/ou examinés par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES au commissariat de la 41e Division du SPT :
- Le pistolet de service de l’AI – Glock modèle 22
- Une cartouche Winchester S&W de calibre 40 provenant de la culasse du pistolet
- Un chargeur Glock contenant 12 cartouches Winchester de calibre 40;
- Deux chargeurs Glock placés dans une pochette pouvant contenir deux chargeurs sur le ceinturon de service de l’AI, contenant chacun 14 cartouches Winchester S&W de calibre 40 (renvoyés au SPT).
Figure3 – L’arme à feu de l’AI.
Les éléments de preuve suivants ont été recueillis par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES lors de l’autopsie :
- Projectile récupéré au milieu de la partie droite du dos du plaignant
Éléments de preuves médicolégaux
Données sur le déploiement de l’arme à impulsions – Taser 7 – AT no 1
Le 3 juin 2024, à 14 h 3 min 49 s[2], la gâchette a été actionnée, la cartouche dans le compartiment no 1 a été déployée et il y a eu une décharge électrique pendant 8,800 secondes.
À 14 h 3 min 53 s, la gâchette a été actionnée, la cartouche dans le compartiment no 2 a été déployée et il y a eu une décharge électrique pendant 4,932 secondes[3].
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]
Enregistrement vidéo capté par la caméra d’intervention de l’AT no 1
Le 3 juin 2024, à 15 h 3 min 22 s, la vidéo commence. L’AT no 1 est au volant d’un véhicule de police; il porte des gants noirs. Il pointe du doigt un bâtiment et, à 15 h 3 min 43 s, il entre dans l’allée du 520, chemin Ellesmere.
À 15 h 3 min 47 s, la porte du conducteur du véhicule de police s’ouvre et on voit un homme – le plaignant – qui marche avec les mains devant lui dans le stationnement, se dirigeant vers l’est depuis le bâtiment. L’AT no 1 sort du véhicule de police alors que le plaignant se dirige vers le véhicule, un marteau à panne fendue dans la main droite, levé au-dessus de son épaule droite. Le plaignant tient également dans sa main gauche un objet fin de couleur sombre, levé au-dessus de sa taille et pointé vers l’avant.
À 15 h 3 min 50 s, l’AI se dirige vers le plaignant depuis l’avant du véhicule de police tandis que l’AT no 1 tient son arme à impulsions à deux mains devant lui. La main gauche du plaignant descend le long de son côté gauche et sa main droite reste au-dessus de son épaule droite.
À 15 h 3 min 52 s, l’AT no 1 pointe son arme à impulsions vers le plaignant tout en commençant à marcher à reculons. On voit l’AI avec son arme à feu dégainée. Une berline rouge quittant le stationnement est arrêtée dans l’allée et orientée vers le sud, et le plaignant passe derrière le véhicule, les deux mains levées.
À 15 h 3 min 53 s, l’AI crie « Couchez-vous! » et l’AT no 1 crie « Taser » tandis qu’il continue de marcher à reculons. Le plaignant continue de se diriger vers l’AT no 1, le marteau levé au-dessus de son épaule droite et l’objet dans sa main gauche levé au-dessus de son épaule gauche. Le plaignant se dirige vers l’AT no 1 lorsque l’AI crie « Reculez! ». Le plaignant se met soudainement à courir vers l’AT no 1.
À 15 h 3 min 55 s, les fils de l’arme à impulsions de l’AT no 1 se tendent vers le plaignant, qui tombe sur la chaussée sur son côté droit et crie « Ahhh! ». Le plaignant roule sur le dos tandis que l’on entend le cycle de décharge de l’arme à impulsions. L’AI s’approche depuis le côté conducteur du véhicule de police et commence à approcher son arme à feu de son étui.
À 15 h 3 min 58 s, l’AT no 1 dit « décharge », et le plaignant commence à se lever. L’AI crie « Lâchez ça! » tandis que le plaignant se relève et que la décharge de l’arme à impulsions est en cours. L’AI court à reculons alors que le plaignant court vers elle en tenant le marteau à deux mains au-dessus de sa tête.
À 15 h 4 min 3 s, on entend un coup de feu tandis que l’AT no 1 dit « Fuck » et court vers le nord en longeant le côté conducteur du véhicule de police. L’AI se trouve au nord du véhicule de police, son arme à feu pointée vers le bas devant elle. Le plaignant est allongé sur la chaussée, sur son côté droit, la tête tournée vers la bordure est. Un marteau se trouve sur le sol à proximité; l’AT no 1 se dirige vers le plaignant en pointant son arme à feu vers lui. L’AI s’approche du plaignant le long du côté est de l’allée et l’AT no 1 demande ce que le plaignant a dans la main. Elle répond « Je ne sais pas », puis pousse d’un coup de pied le marteau plus loin vers le sud. L’AT no 1 annonce par radio « Coups tirés, coups tirés ».
À 15 h 4 min 17 s, l’AT no 1 s’occupe du plaignant et annonce par radio « Coups de feu tirés, j’ai besoin d’une ambulance, le sujet a été touché ». On entend un homme dire par la radio « 520 Ellesmere, dans le stationnement, Medic College ». Les agents roulent le plaignant sur son côté gauche et l’AT no 1 demande où il a été touché. L’AI répond « Dans l’estomac ».
À 15 h 5 min 39 s, l’AT no 1 s’adresse à l’agent no 1 et déclare « Il avait deux armes, le Taser a été déployé deux fois et l’arme à feu une fois ».
À 15 h 7 min 5 s, l’AT no 2 demande à l’AI combien de fois le plaignant a été touché. Elle déclare « Une fois, j’ai tiré une fois ».
À 15 h 10 min 50 s, l’AT no 3 est sur les lieux. L’AT no 1 l’informe que l’AI a eu recours à une force létale.
À 15 h 13 min 37 s, une ambulance arrive sur les lieux. On informe les ambulanciers que le plaignant a reçu une balle dans l’abdomen.
À 15 h 23 min 46 s, l’AT no 1 éteint sa caméra d’intervention.
Enregistrement vidéo capté par la caméra d’intervention de l’AI
Le 3 juin 2024, à 15 h 3 min 23 s, la vidéo montre un véhicule de police en mouvement. Le véhicule s’arrête, et l’AI sort par la porte du passager et se dirige vers l’avant du véhicule.
À 15 h 3 min 48 s, un homme vêtu de noir – le plaignant – marche vers l’est dans l’allée, la main droite levée sur son épaule et la main gauche levée au niveau de sa poitrine. Il a un objet dans chaque main. Tandis que le plaignant continue de marcher vers l’est dans l’allée en direction du côté conducteur du véhicule de police, on voit un marteau à panne fendue dans sa main droite et un objet inconnu dans sa main gauche.
À 15 h 3 min 51 s, l’AT no 1 est derrière le véhicule de police, du côté du conducteur, les deux mains levées et pointées vers le plaignant. La main gauche du plaignant est pointée vers l’AT no 1 et sa main droite est levée au-dessus de son épaule. L’AI a son arme à feu (pistolet) dans les mains. Le plaignant a les deux mains levées au-dessus de ses épaules tandis qu’il se dirige vers l’AT no 1, qui marche à reculons.
À 15 h 3 min 55 s, l’AI longe le côté passager du véhicule de police alors que l’AT no 1 continue de marcher à reculons vers la bordure surélevée de l’allée, du côté est de celle-ci, et que le plaignant se rapproche de lui. L’AT no 1 pointe son arme à impulsions vers le plaignant, et ce dernier tombe sur la chaussée, sur le côté droit. On voit que les fils de l’arme à impulsions de l’AT no 1 se dirigent vers l’endroit où le plaignant est tombé.
À 15 h 3 min 59 s, le plaignant se lève et tient le marteau dans ses deux mains. L’AI crie « Arrêtez! » tandis que le plaignant court vers elle, levant au-dessus de sa tête le marteau, qu’il tient à deux mains. L’AI pointe son arme à feu vers le plaignant tout en reculant.
À 15 h 4 min 3 s, on entend un seul coup de feu, et le plaignant tombe sur le dos sur la chaussée, la tête orientée vers le nord. Le plaignant roule sur son côté droit, les bras croisés devant l’estomac, et l’AT no 1 s’approche de lui. L’AI continue de pointer son arme à feu en direction du plaignant. On voit un marteau dans l’allée à l’est du plaignant, sur la chaussée.
À 15 h 4 min 10 s, l’AT no 1 s’approche du plaignant et crie « Lâchez ça, lâchez ça! ». L’AT no 1 demande « Qu’avez-vous touché? » et l’AI répond « Je ne sais pas, ce qu’il a dans la main ».
À 15 h 4 min 18 s, l’AI ramasse le marteau tandis que l’AT no 1 tente de maîtriser la main gauche du plaignant. L’AT no 1 annonce par radio « Coups de feu tirés, j’ai besoin d’une ambulance » tandis que l’AI aide à contrôler le bras droit du plaignant. Le plaignant ne dit rien. Les agents le menottent et commencent à lui prodiguer les premiers soins.
À 15 h 5 min 5 s, l’AT no 1 demande où le plaignant a été touché et l’AI répond « Dans l’estomac ». On roule le plaignant sur son côté droit, exposant la partie gauche de son estomac et ce qui semble être une blessure par balle sur celle-ci. Un agent non identifié demande combien de fois on lui a tiré dessus, et l’AI répond « Une fois, j’ai tiré une fois ».
À 15 h 10 min 50 s, l’AT no 1 parle à une sergente – l’AT no 3 – et l’informe que l’AI a eu recours à une force létale, et lui, à une force non létale. L’AT no 1 ajoute qu’il a déployé son arme à impulsions à deux reprises et que l’AI a tiré sur le plaignant. L’AT no 3 escorte l’AI jusqu’à un véhicule de police, et l’AI s’assied sur le siège du passager avant.
À 15 h 12 min 54 s, un agent se trouve avec l’AI à la portière du passager du véhicule de police. Il lui dit qu’il lui expliquera ce qui se passera, mais qu’il ne parlera pas de l’incident.
À 15 h 16 min 3 s, l’agent no 1 demande à l’AI qui a été témoin des coups de feu. L’AT no 3 dit à l’agent no 1 qu’aucune déclaration ne doit être recueillie.
L’AT no 3 saisit le ceinturon de service et l’arme à feu de l’AI.
À 15 h 28, un agent quitte les lieux en conduisant le véhicule de police dans lequel se trouve l’AI.
À 15 h 28 min 9 s, la vidéo prend fin.
Enregistrements des communications du SPT – appels au 9-1-1
Le 3 juin 2024, une femme appelle le 9-1-1 et demande à ce que la police se présente sur le chemin Ellesmere, juste à l’ouest de l’avenue Warden. Elle signale qu’un homme court sur la route et essaie de monter dans les véhicules. Elle ne connaît pas le nom de l’homme et ne l’a jamais vu auparavant. Elle déclare que l’homme brise les essuie-glaces des véhicules et « se jette dans la rue ». Le téléphoniste du 9-1-1 demande « Pensez-vous qu’il est en crise de santé mentale? », et l’appelante répond « Absolument ». Le téléphoniste du 9-1-1 demande si quelqu’un a été blessé, et l’appelante répond « Pas à ma connaissance ». L’appelante ajoute que l’homme a essayé de sortir une femme de son véhicule, mais qu’elle s’est échappée. L’appelante décrit l’homme.
À 14 h 51 min 26 s, une deuxième femme appelle le 9-1-1 et signale « un homme ivre vient d’essayer de me sortir de mon véhicule, je me suis débattue et je l’ai poussé au sol ». Le téléphoniste du 9-1-1 demande « Où cela s’est-il produit? », et elle répond que cela s’est produit dans le secteur d’Ellesmere et de Crocus. Le téléphoniste du 9-1-1 demande ensuite quand cela s’est produit, et l’appelante répond « il y a cinq à dix minutes ». Le téléphoniste du 9-1-1 demande si l’homme était armé. L’appelante répond que non et ajoute « il avait l’air vraiment ivre, marchant au hasard au milieu d’Ellesmere ». Le téléphoniste du 9-1-1 demande « Comment a-t-il essayé de voler votre véhicule? » L’appelante répond « Il a couru jusqu’à ma porte et l’a saisie, puis a essayé de l’ouvrir. J’essayais de la verrouiller, mais il l’a ouverte. Je l’ai poussé au sol, je suis remontée dans le véhicule et je suis partie ». Elle ajoute que l’homme avait deux bières sur lui, qu’il sentait l’alcool et qu’il était manifestement ivre.
Enregistrements des communications du SPT – radio
Le 3 juin 2024 à 14 h 48 min 30 s, le répartiteur du SPT transmet un appel hautement prioritaire relativement à un comportement violent dans le secteur de l’avenue Warden et du chemin Ellesmere. Il fournit une description d’un homme. Il donne également d’autres renseignements, à savoir que l’homme court sur la route et endommage des véhicules et qu’il a essayé de tirer une femme hors de son véhicule.
À 14 h 50 min 44 s, l’AT no 1 se porte volontaire pour se rendre sur les lieux.
À 15 h 3 min 34 s, l’AI informe le répartiteur que l’on a trouvé l’homme au « 1520 » Ellesmere [on sait maintenant qu’il s’agit du 520, chemin Ellesmere].
À 15 h 4 min 6 s, l’AT no 1 diffuse par radio « Coups tirés, coups tirés ».
À 15 h 4 min 26 s, un agent du SPT demande une ambulance et dit « Le sujet a été touché ».
Documents obtenus du service de police
Sur demande, l’UES a reçu les documents suivants du SPT entre le 4 juin 2024 et le 21 juin 2024 :
- nom, numéro d’insigne et rôle des agents ayant participé à l’intervention;
- rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
- rapport d’incident général et rapports d’incident supplémentaires;
- enregistrements des caméras d’intervention
- enregistrements des communications;
- dossiers de formation – recours à la force et armes à feu – l’AI
- données sur le déploiement de l’arme à impulsions – AT no 1
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les éléments suivants de la part d’autres sources le 5 et le 6 juin 2024 :
- enregistrement vidéo capté par la caméra du tableau de bord – TC no 5
- rapport sur les conclusions préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario.
Description de l’incident
Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées auprès des témoins oculaires civils et de la police ainsi que les enregistrements vidéo qui montrent l’incident, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.
Le plaignant n’était pas sain d’esprit dans l’après-midi du 3 juin 2024. Alors qu’il était à pied dans le secteur de l’avenue Warden et du chemin Ellesmere, il perturbait la circulation, avait arraché les essuie-glaces d’un ou de plusieurs véhicules et avait tenté de détourner un véhicule qui attendait de tourner sur le chemin Ellesmere depuis la promenade Crocus (à l’ouest de l’avenue Warden). Le plaignant était également entré dans le magasin Home Depot situé sur le chemin Ellesmere, à l’est de l’avenue Warden, et y avait volé un marteau et une lime en métal. Des citoyens affectés par ce comportement ont appelé le 9-1-1.
L’AI et son partenaire, l’AT no 1, ont entendu par la radio le signalement concernant les appels au 9-1-1. Ils se trouvaient dans les environs et ont décidé de se rendre sur place pour trouver le plaignant. L’AT no 1 était au volant; les agents se sont rendus sur le chemin Ellesmere et se sont dirigés vers l’est, à l’est de l’avenue Warden. Des employés de Home Depot leur ont fait signe, pointant dans la direction du plaignant. Le plaignant avait tourné à gauche dans l’entrée menant au stationnement situé à l’est du bâtiment du 520, chemin Ellesmere. Il tenait un marteau dans sa main droite et une lime en métal dans sa main gauche. L’AT no 1 a tourné à gauche et a immobilisé son véhicule face au nord, après avoir parcouru une courte distance dans l’entrée.
L’AT no 1 est sorti de son véhicule et a été confronté par le plaignant, qui se trouvait à l’ouest de sa position. Le plaignant s’est dirigé vers l’agent, le marteau brandi dans sa main droite et la lime dans sa main gauche. L’AT no 1 a sorti son arme à impulsions, l’a pointée vers le plaignant et a reculé pour se placer derrière le véhicule de police. L’AI était sortie du véhicule et avait sorti son arme à feu. Elle a suivi le plaignant alors qu’il s’avançait vers l’AT no 1, lui disant à plusieurs reprises de reculer. Le plaignant a continué de s’approcher de l’AT no 1 et se trouvait à environ trois mètres de l’agent lorsque celui-ci a tiré deux fois avec son arme à impulsions. La seconde décharge a fait tomber le plaignant au sol.
Le plaignant s’est relevé dans les deux ou trois secondes qui ont suivi sa chute, s’est tourné vers l’AI, qui se trouvait à plusieurs mètres au nord, et a commencé à courir vers elle, tenant le marteau dans les airs. L’AI a couru à reculons le long du côté passager du véhicule de police. Les parties venaient juste de passer devant le véhicule lorsque l’AI a tiré un seul coup de feu. Le plaignant se trouvait à seulement un ou deux mètres de l’AI à ce moment-là. Il a été touché au torse et est immédiatement tombé au sol.
L’AT no 1 et l’AI se sont approchés du plaignant et l’ont menotté. D’autres agents sont arrivés sur les lieux et les premiers soins ont été administrés au plaignant.
Le plaignant a été transporté à l’hôpital en ambulance; son décès a ensuite été constaté.
Cause du décès
À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à une blessure par balle à l’abdomen.
Dispositions législatives pertinentes
Article 34, Code criminel – Défense de la personne – emploi ou menace d’emploi de la force
34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace;
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.
Analyse et décision du directeur
Le plaignant est décédé le 3 juin 2024 des suites d’un coup de feu tiré par un agent du SPT. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, désignant l’AI à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.
Aux termes de l’article 34 du Code criminel, une conduite qui constituerait autrement une infraction est justifiée aux yeux de la loi si cette conduite a pour objet de dissuader une personne de poser un geste qui représente une agression réelle ou une menace d’agression, raisonnablement appréhendée, et que la conduite est elle-même raisonnable. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la conduite, il faut l’évaluer en fonction des facteurs pertinents, notamment en ce qui a trait à des considérations telles que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.
L’AT no 1 et l’AI exerçaient leurs fonctions légitimes tout au long de la série d’événements qui ont abouti au coup de feu. Au courant de son comportement erratique et violent, les agents étaient en droit, en se rendant sur les lieux, de faire ce qu’ils pouvaient pour placer le plaignant sous garde et assurer la sécurité publique.
Il ne fait aucun doute que l’AI a tiré avec son arme parce qu’elle pensait que cela était nécessaire pour se protéger d’une attaque raisonnablement appréhendée de la part du plaignant. L’agente n’a pas fourni cette preuve elle-même à l’UES, comme la loi l’y autorise, mais les circonstances entourant les événements en question conduisent inévitablement à cette conclusion. Le plaignant venait de menacer son partenaire, s’avançant vers lui avec détermination en brandissant un marteau et une lime, et il courait maintenant vers elle avec les mêmes armes. Il ne fait aucun doute que l’AI était exposée à un risque imminent d’attaque et qu’une action défensive était nécessaire pour se protéger.
Il ne fait également aucun doute que le choix de force défensive de l’AI, à savoir un unique coup de feu, était raisonnable. Il est raisonnable que l’AI, compte tenu de ce qu’elle savait du comportement du plaignant avant l’arrivée de la police et du fait que les décharges d’arme à impulsions de son partenaire n’avaient pas été efficaces pour dissuader le plaignant, ait cru que sa vie serait en danger si aucune mesure n’était prise pour arrêter l’avancée du plaignant. Il était évident que le marteau que le plaignant avait dans les mains pouvait infliger des blessures graves ou la mort, et seule une arme à feu avait la force nécessaire pour arrêter immédiatement le plaignant dans ces circonstances. Il convient de noter que l’AI a tenté de s’éloigner du plaignant, mais que celui-ci se rapprochait et était à portée de tir au moment du coup de feu. Dans ce dossier, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base de motifs raisonnables, que l’AI a agi de manière déraisonnable lorsqu’elle a répondu à une menace de force létale en recourant elle-même à la force létale.
Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire.
Date : 6 mars 2025
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les heures sont tirées de l’horloge interne de l’arme, qui n’est pas nécessairement synchronisée avec l’heure réelle. [Retour au texte]
- 3) Les heures de déploiement des cartouches dans les compartiments no 1 et 2 sont indiquées dans le rapport de téléchargement comme étant respectivement 14 h 3 min 49 s et 14 h 3 min 53 s. Il convient de noter que le fuseau horaire local indiqué dans le rapport de téléchargement est l’heure normale du Centre, soit une heure avant l’heure normale de l’Est. Selon les enregistrements des caméras d’intervention des agents concernés, l’heure du déploiement de l’arme à impulsions est 15 h 3, heure normale de l’Est, soit une heure après l’heure indiquée dans le rapport de téléchargement de l’arme à impulsions. [Retour au texte]
- 4) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.