Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-461
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par un homme de 23 ans (le plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 29 octobre 2024, à 19 h, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a signalé ce qui suit à l’UES.
Le 29 octobre 2024, lors d’une comparution devant le tribunal des audiences de mise en liberté sous caution, le plaignant a indiqué, par l’intermédiaire de son avocat, qu’il avait possiblement subi une fracture de stress au poignet pendant qu’il était sous la garde de la police. L’agent impliqué (AI) avait procédé à l’arrestation du plaignant le 22 octobre 2024, à 22 h 54. Selon le rapport d’arrestation, l’incident s’est produit lors d’une enquête relative à une arme à feu donnant suite à un signalement voulant que le plaignant ait pointé une arme à feu sur une personne. Le plaignant a été arrêté sans incident, amené au poste du SPGS, puis placé en cellule. Il ne s’est rien produit au poste de police qui aurait pu attirer l’attention sur une quelconque blessure. Le plaignant a comparu devant le tribunal le lendemain et a été placé en détention provisoire à la Prison de Sudbury. Le 24 octobre 2024, le plaignant a informé le personnel de la prison qu’il était blessé au poignet et qu’il avait possiblement subi cette blessure lorsqu’il avait donné un coup de poing à quelque chose ou à quelqu’un pendant sa détention. La police a été mise au courant de cette blessure lorsqu’un sergent du palais de justice a parlé à une infirmière de la prison. Le 28 octobre 2024, le plaignant a été amené, depuis la prison, à Horizon Santé-Nord (HSN). Il a été examiné et on a déterminé qu’il n’y avait aucune fracture. Le 29 octobre 2024, un membre du personnel médical a lu le rapport et a diagnostiqué au plaignant une fracture de stress au poignet. Le plaignant n’a pas été admis à l’hôpital. Il a été renvoyé à la Prison de Sudbury, avec l’instruction de le ramener à l’hôpital plus tard afin qu’on lui pose un plâtre.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 30 octobre 2024 à 6 h
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 30 octobre 2024 à 13 h 20
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Personne concernée (« le plaignant ») :
Homme de 23 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Le plaignant a participé à une entrevue le 7 novembre 2024.
Agent impliqué (AI)
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
Agents témoins (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Les agents témoins ont participé à des entrevues le 15 novembre 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont produits à l’avant d’une résidence située dans le secteur de la rue Lorne et de la rue Brady, à Sudbury.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Images captées par le système de caméra intégré au véhicule (SCIV) — à l’intérieur du véhicule de police
L’enregistrement débute le 22 octobre 2024, à 23 h. Un homme — le plaignant — se trouve sur la banquette arrière d’un véhicule de police, les mains menottées derrière le dos. Le plaignant se met à tressaillir et à gigoter, puis il ferme les yeux comme s’il se reposait ou dormait.
Vers 23 h 8, le véhicule de police arrive dans l’entrée sécurisée du SPGS. Le plaignant se redresse, mais garde les yeux fermés. Le plaignant continue de tressaillir et d’ouvrir et de fermer la bouche.
Vers 23 h 10, l’AI demande au plaignant s’il prend des médicaments pour le syndrome de la Tourette. Le plaignant répond que oui, mais qu’il n’en a plus.
Vers 23 h 12, le plaignant se contorsionne l’épaule gauche et tente de ramener ses mains menottées devant lui, en contorsionnant le côté gauche de son corps.
Vers 23 h 14, la porte du passager arrière s’ouvre et on fait sortir le plaignant du véhicule de police.
Images de la détention — salle de mise en détention
L’enregistrement débute le 22 octobre 2024, vers 23 h 9. Un véhicule du SPGS entièrement identifié arrive dans l’entrée sécurisée. L’AI sort du véhicule et entre dans la salle de mise en détention. Quelques secondes plus tard, l’AI retourne à l’avant du véhicule de police, sur le côté du conducteur. Il se rend ensuite dans la salle de mise en détention, puis revient et ouvre la portière du passager arrière, à 23 h 14. Le plaignant sort du véhicule et entre dans la salle de mise en détention.
Environ 3 min 19 s après le début de l’enregistrement, l’AI a une conversation avec l’AT no 2, au comptoir des admissions.
À environ 6 min 17 s, le plaignant est conduit dans la salle de mise en détention. Il se tient debout sur un carré jaune peint sur le plancher, devant le comptoir des admissions. Le plaignant continue à gigoter et à tressaillir tout en se tenant debout, menotté derrière le dos.
À 10 minutes après le début de l’enregistrement, l’AI procède à une fouille par palpation du plaignant.
À environ 11 min 30 s, l’AI lui retire les menottes. Le plaignant se tient debout, les mains contre le mur, et l’AI termine la fouille par palpation. Le plaignant se tient ensuite sur le carré et l’AT no 2 parle avec lui tout en prenant des notes sur une feuille de papier.
Environ 23 minutes après le début de l’enregistrement, on fait entrer le plaignant, seul, dans une pièce [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une salle munie d’un téléphone].
À environ 24 minutes, le plaignant sort de la salle de téléphone.
À environ 24 min 34 s, on fait sortir le plaignant de la salle de mise en détention et il est placé dans une cellule. Le plaignant tressaille et s’allonge.
À environ 30 minutes, un agent en uniforme vient jeter un coup d’œil sur le plaignant.
L’enregistrement se termine après 31 min 47 s.
Enregistrement vidéo de la déclaration du plaignant au SPGS
L’enregistrement débute le 23 octobre 2024, vers 0 h 54, alors que le plaignant est assis dans une salle d’interrogatoire. Le plaignant tressaille et parle tout seul.
Vers 0 h 58, un inspecteur en civil entre dans la pièce et s’entretient avec le plaignant. Au cours de cette conversation, le plaignant bouge ses deux mains sans difficulté apparente.
Vers 1 h 5, le plaignant se lève. Ses mains sont tendues, poignets et paumes vers le haut. Le détective lui passe les menottes et le fait sortir de la salle d’interrogatoire. Le plaignant ne semble pas être en douleur et ne se plaint pas qu’il a mal au poignet.
Enregistrements des communications
Le 22 octobre 2024, à 20 h 37, une femme appelle le SPGS pour signaler qu’un homme [le plaignant] a pointé un pistolet sur sa tête et vient de partir en taxi.
Le SPGS passe de nombreux appels aux compagnies de taxis afin de retrouver le plaignant.
À 23 h 1, l’AI informe le répartiteur qu’il a arrêté une personne [le plaignant].
Éléments obtenus auprès du service de police
Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPGS entre le 31 octobre 2024 et le 12 novembre 2024 :
- Images de la mise en détention
- Enregistrements de communications
- Images captées par le SCIV
- Notes de l’AT no 1
- Notes de l’AT no 2
- Liste des agents et des témoins
- Rapport sur les accusations pendantes
- Rapport sur le profil du sujet
- Registre des prisonniers — le plaignant
- Rapports d’arrestation
- Rapports du système de répartition assistée par ordinateur
- Rapport d’incident général
- Rapport supplémentaire
- Procédure relative aux arrestations
- Procédure relative à l’usage de la force
- Déclaration de témoin — civil no 1
- Déclaration de témoin — civil no 2
Éléments obtenus auprès d’autres sources
Le 7 novembre 2024, l’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant auprès de HSN.
Description de l’incident
Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, lesquels comprennent des entrevues avec le plaignant et des agents témoins. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes à l’UES.
Dans la soirée du 22 octobre 2024, l’AI a arrêté le plaignant, sans incident, à proximité d’une résidence située dans le secteur de la rue Lorne et de la rue Brady, à Sudbury. L’arrestation faisait suite à une plainte faite à la police ce jour-là, selon laquelle le plaignant avait pointé une arme de poing sur une femme. L’agent a menotté le plaignant derrière le dos. Le plaignant a expliqué qu’il était atteint du syndrome de la Tourette et qu’il pouvait donc avoir des soubresauts ou des tressaillements involontaires.
Après sa remise en détention à la Prison de Sudbury, le plaignant a informé le personnel qu’il avait mal au poignet gauche. Il a été transporté à l’hôpital le 28 octobre 2024 et on lui a diagnostiqué une fracture du poignet gauche le lendemain.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le 29 octobre 2024, le SPGS a avisé l’UES qu’un homme — le plaignant — avait subi une blessure grave alors qu’il était sous la garde de la police. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.
Comme le prévoit le paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
Je suis persuadé que l’arrestation du plaignant était légale. L’AI avait entre autres été informé d’un appel au 911 selon lequel le plaignant avait pointé une arme à feu sur une femme plus tôt ce jour-là.
Je suis également convaincu que la preuve ne permet pas de conclure raisonnablement que le plaignant a été soumis à une force excessive. Tout au plus, les éléments de preuve indiquent que la blessure au poignet du plaignant résulte de ses soubresauts involontaires après avoir été menotté derrière le dos (conséquence de son syndrome de Tourette) et de la force compensatoire exercée par l’AI à ces occasions afin de ne pas lâcher prise du plaignant. Selon l’une des versions des événements, l’agent aurait utilisé une force plus grande que nécessaire, compte tenu du fait que le plaignant avait expliqué à l’agent la nature de ses mouvements soudains. Je reconnais que le plaignant a possiblement fourni cette explication à l’agent. Cependant, puisque l’AI n’aurait pas eu la possibilité de vérifier cette information à ce moment-là, on peut comprendre que l’agent ait jugé nécessaire d’utiliser une force ferme afin de garder le contrôle de la situation. Le plaignant venait d’être arrêté pour avoir pointé une arme à feu sur une autre personne et l’agent aurait cru important de s’assurer qu’il ne lui échappe pas.
Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : Le 19 février 2025
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci‑dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.