Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-441

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. a compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 60 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 4 h 40 le 17 octobre 2024, le Service de police régional de Niagara a transmis à l’UES les renseignements suivants.

Le 16 octobre 2024, des agents du Service de police régional de Niagara munis d’un mandat ont tenté d’arrêter un homme [maintenant identifié comme le plaignant] à sa résidence à l’aide d’un mandat. À l’arrivée des agents, l’homme est entré dans la résidence et a refusé d’en sortir. Des détectives ont alors obtenu un mandat Feeney[2]. Les agents ont par la suite pénétré dans la résidence et, après avoir lutté avec le plaignant, ils l’ont mis sous garde. Le plaignant a subi une coupure au-dessus de l’œil droit et il s’est plaint d’une douleur au poignet. Il a été conduit à la centrale du Service de police régional de Niagara, pour être ensuite dirigé vers le Système de santé de Niagara. Le plaignant a reçu un diagnostic de fracture de la paroi médiale de l’os orbitaire droit, à proximité de la coupure.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 17 octobre 2024, à 8 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 17 octobre 2024, à 8 h 52

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 60 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 17 octobre 2024.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 7 et le 19 novembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus dans une chambre à coucher d’un logement situé à proximité de l’intersection entre l’avenue Bloomfield et la rue Dundonald, à St. Catharines.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[3]

Enregistrement vidéo de la garde à vue dans le couloir de la zone de détention au poste du Service de police régional de Niagara

À 15 h 53 min 54 s, le 17 octobre 2024, le plaignant, qui était menotté, a été amené dans la zone de détention par un agent spécial, ainsi que l’AT no 3 et l’AT no 1, qui les suivaient. L’AT no 3 a dit que le plaignant avait été arrêté à sa résidence pour deux mandats décernés sur le siège non exécutés. De plus, deux accusations fondées sur le Code criminel, soit « voies de fait sur un agent de la paix » et « résistance à l’arrestation » ont aussi été déposées. Quand on lui a demandé s’il était blessé, le plaignant a répondu qu’il aurait besoin d’une chirurgie esthétique à cause d’une fracture de l’os orbitaire subie lorsqu’il [Traduction] « avait reçu un coup de matraque ». Il a dit avoir eu besoin de points de suture pour fermer une plaie qu’il avait au-dessus de l’œil droit. Il a ajouté que son poing avait été [Traduction] « fracassé » lors de sa précédente arrestation et qu’il était traité pour schizophrénie paranoïde.

À 4 h 23 min 30 s, le plaignant a été escorté jusqu’à une cellule.

Enregistrements des communications du Service de police régional de Niagara

Au bout de 1 h 42 min après le début de l’enregistrement, l’AI et l’AT no 3 ont été envoyés chez le plaignant par suite d’un avis de recherche. Celui-ci était recherché pour avoir omis de se présenter au tribunal alors qu’il en avait l’obligation.

À 2 h 11 min, un agent a dit qu’il voyait le plaignant marcher dans le logement et qu’il éteignait les lumières.

À 2 h 41 min, l’agent no 1 a signalé qu’il surveillait l’opération et qu’il préparait un mandat de perquisition pour permettre d’entrer dans le logement.

À 2 h 55 min, un agent a expliqué les pouvoirs qu’avaient les agents de procéder à l’arrestation du plaignant et les pouvoirs qui leur étaient conférés en vertu du Code criminel. Il n’existait aucune information sur des armes ou des dangers pouvant être présents chez le plaignant.

À 4 h 13 min, l’agent no 1 a indiqué que le mandat avait été signé et autorisé par un juge de paix.

À 5 h 20 min, il a été mentionné qu’une clé du logement du plaignant se trouvait à la réception de l’immeuble d’habitation.

À 6 h 34 min, un agent a annoncé que le plaignant était sous garde.

Enregistrements vidéo de caméras de l’immeuble d’habitation

Le 17 octobre 2024, à 1 h 33 min 16 s, le plaignant marchait dans un couloir de l’immeuble d’habitation avec l’AI à sa droite et l’AT no 3 à sa gauche. L’AT no 2, l’AT no 1 et l’AT no 4 étaient derrière lui. Le plaignant était menotté les mains derrière le dos.

À 1 h 33 min 26 s, le plaignant s’est tourné vers la gauche, et l’AT no 3 a tendu sa main gauche ouverte vers la tête du plaignant. Elle n’a pas semblé toucher le plaignant. Celui-ci s’est accroupi et s’est tourné vers la droite. Le plaignant a semblé se cogner le côté droit du visage sur le protecteur du mur. L’AT no 3 et l’AI tenaient le plaignant, qui a continué d’avancer avec eux en direction de la sortie de l’immeuble.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Niagara entre le 5 novembre 2024 et le 10 février 2025 :

  • les enregistrements des communications
  • l’enregistrement vidéo de la garde à vue;
  • les photos de l’enregistrement;
  • les notes des AT nos 4,3, 2 et 1;
  • le mandat Feeney contre le plaignant;
  • le mandat contre le plaignant
  • l’historique des contacts du plaignant avec le Service de police régional de Niagara;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les rapports d’incidents généraux;
  • les politiques relatives au recours à la force, aux incidents graves et aux enquêtes criminelles et les pouvoirs d’arre

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents suivants d’autres sources entre le 15 novembre 2024 et le 6 décembre 2024 :

  • le dossier médical du plaignant du Système de santé de Niagara;
  • les enregistrements vidéo de caméras de l’immeuble d’habitation

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et les agents témoins. L’agent impliqué a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Tôt dans la matinée du 17 octobre 2024, l’AI s’est rendu à un logement près de l’intersection entre l’avenue Bloomfield et la rue Dundonald, à St. Catherines, en compagnie de l’AT no 3. Les agents étaient là pour exécuter des mandats d’arrestation contre l’occupant du logement, soit le plaignant. L’AI a cogné à la porte de devant et a appelé le plaignant, en lui demandant de se rendre à la police. Le plaignant a verrouillé la porte, fermé les rideaux et éteint les lumières de son logement. Il a répondu aux agents qu’il n’avait nulle intention de sortir.

Environ deux heures après leur arrivée, l’AI et l’AT no 3, que l’AT no 4, l’AT no 2 et l’AT no 1 avaient alors rejoints, ont pénétré dans le logement à l’aide de la clé remise par le gérant de l’immeuble. Un mandat Feeney avait été délivré pour autoriser les agents à entrer pour arrêter le plaignant. Ils ont trouvé ce dernier étendu sur le dos sur le lit de la chambre. L’AI a été le premier à avoir un contact physique avec le plaignant. Une lutte est survenue, pendant laquelle le plaignant a résisté à son arrestation. Il a donné des coups de pied et des coups de poing en direction de l’AI et a lui-même reçu plusieurs coups avant d’être maîtrisé et menotté les mains derrière le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été envoyé à l’hôpital, où une fracture de l’os orbitaire droit a été diagnostiquée.

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 25(1) du Code criminel : Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation par des agents du Service de police régional de Niagara le 17 octobre 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agent impliqué. Cette enquête est maintenant conclue. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

Il existait des mandats en vigueur pour l’arrestation du plaignant, y compris un mandat Feeney autorisant l’entrée dans le logement, et les agents étaient fondés à aller chercher le plaignant dans sa chambre afin d’exécuter les mandats.

Pour ce qui est de la force employée par les agents pour procéder à l’arrestation du plaignant, les éléments de preuve ne permettent pas de démontrer hors de tout doute raisonnable qu’elle était excessive. Une version des faits indique que le plaignant a été immédiatement attrapé par un agent et frappé au visage à coups de poing par l’AI, ce qui l’aurait amené à se défendre. Par contre, les agents qui ont participé à une entrevue de l’UES ont déclaré que le plaignant avait été l’agresseur dès le début et qu’il avait donné des coups de pied et des coups de poing en direction de l’AI et l’avait poussé dans un placard dont la porte était ouverte. L’AT no 1 a indiqué avoir vu le plaignant retenir le bras de l’AI et lui avoir donné trois coups de poing dans le haut de l’épaule pour l’amener à lâcher prise. Selon la version des agents, le plaignant avait, peu après, été retourné sur le ventre et menotté les mains derrière le dos. Au vu du dossier, il m’est impossible de conclure avec certitude que le plaignant a été frappé de manière injustifiée. Au contraire, si le plaignant a résisté aussi vigoureusement que l’indiquent les éléments de preuve, et ce, dès le départ, les coups de poing décrits dans les éléments de preuve représentaient une riposte proportionnelle aux impératifs de la situation.

En définitive, bien que je convienne que la fracture de l’os orbitaire du plaignant soit survenue durant l’altercation qui a marqué l’arrestation et résulte vraisemblablement d’un coup de poing donné par l’AI, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que la blessure est attribuable à une conduite illégale de la part des agents qui ont participé à l’arrestation. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de motifs de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos

Date : Le 14 février 2025

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Obtenu selon la procédure prescrite par les articles 529 et 529.1 du Code criminel et portant le même nom que l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Feeney, [1997] 2 RCS 13, un mandat Feeney autorise l’entrée par la force par des agents dans une maison d’habitation pour procéder à une arrestation. [Retour au texte]
  • 3) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.