Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFP-439

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la décharge d’une arme à feu policière contre un homme de 51 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 15 octobre 2024, à 19 h 51, le Service de police de Brantford (SPB) a signalé ce qui suit à l’UES.

À 13 h 48, une représentante du shérif s’est rendu à une adresse située dans le secteur de l’avenue Brant, à Brantford, pour remettre un avis d’expulsion au plaignant. Le plaignant s’est mis en colère, a menacé la shérif avec une hache et s’est barricadé dans la cuisine. La shérif a battu en retraite et a appelé le SPB. Des agents du SPB sont arrivés et ont entamé des négociations. À un moment donné, un agent du SPB a déchargé une arme antiémeute (ARWEN).

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 15 octobre 2024 à 20 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15 octobre 2024 à 21 h 58

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 51 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 11 décembre 2024.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 23 octobre 2024 et le 12 décembre 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 25 octobre 2024 et le 23 janvier 2025.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et aux alentours d’une résidence située dans le secteur de l’avenue Brant, à Brantford.

Éléments de preuve matériels

L’UES s’est rendue sur les lieux, a recueilli cinq douilles et cinq bâtons projectiles d’ARWEN, a pris des photos et a réalisé un schéma des lieux.

L’UES s’est rendue au poste du SPB et a photographié l’ARWEN utilisé par l’AI.

Figure 1 — L’ARWEN DE L’AI

Figure 1 — L’ARWEN DE L’AI

L’UES a pris des photos des impacts d’ARWEN sur le corps du plaignant : main gauche, côté droit de la poitrine, bras gauche, omoplate gauche et oreille gauche.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements captés par le système de caméra intégrée au véhicule (SCIV) du SPB

Le 15 octobre 2024, entre 22 h 24 et 22 h 31, le plaignant a été transporté du HGB au poste du SPB. Le trajet s’est déroulé sans incident. Au poste du SPB, un agent a ouvert la portière du plaignant et il est sorti du véhicule de police par lui-même.

Enregistrements des communications du SPB

Le 15 octobre 2024, à 13 h 47, le TC no 2 téléphone au 911 et signale que le plaignant a menacé de tuer la TC no 1.

À 13 h 48, le plaignant téléphone et indique qu’il croit que des inconnus tentent de l’expulser illégalement, car il n’a reçu aucun document juridique à cet effet. Le plaignant affirme que les personnes qui se sont présentées chez lui étaient de « faux » agents.

Des agents sont envoyés sur les lieux et arrivent à 14 h 32. Des mises à jour sont fournies sur les propos du plaignant et un agent indique que le plaignant s’est armé. Plusieurs mises à jour sont faites, indiquant que les agents ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le plaignant. En raison notamment de l’état mental du plaignant, d’après les renseignements fournis par son père, les agents ne peuvent envisager de se désengager.

À 18 h 38, l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) entre dans l’appartement et appréhende le plaignant. Une ambulance est demandée, car un ARWEN a été déployé.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPB entre le 17 octobre 2024 et le 9 janvier 2025 :

  • Enregistrements captés par les SCIV
  • Enregistrements des communications
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Rapport d’incident général
  • Notes de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3
  • Dossiers de formation de l’AI concernant le recours à la force
  • Politiques — arrestations et recours à la force

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 22 octobre 2024 et le 15 décembre 2024 :

  • Dossiers médicaux du plaignant, fournis par le HGB
  • Copies de l’ordonnance d’expulsion délivrée par le tribunal, Loi sur la location à usage d’habitation et Loi sur l’exécution forcée — fournies par la TC no 1
  • Photos, fournies par le plaignant

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, lesquels comprennent des entrevues avec le plaignant, des agents témoins et des témoins civils. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes à l’UES.

Dans l’après-midi du 15 octobre 2024, peu après 14 h 30, des agents du SPB ont commencé à arriver à une résidence du secteur de l’avenue Brant. Un membre du bureau du shérif — la TC no 1 — avait appelé la police. La TC no 1 avait tenté d’expulser le plaignant d’un appartement situé à cette adresse et le plaignant avait menacé de la tuer si elle entrait dans son appartement.

L’AI, un membre de l’EIU, a été rejoint par l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3, à l’extérieur de l’appartement. Depuis l’intérieur de l’appartement, le plaignant a menacé de les tuer aussi. Avec l’aide du gérant d’immeuble, le TC no 2, ils ont enlevé le pêne dormant et pratiqué une ouverture dans la porte. Ils ont vu le plaignant à l’intérieur. Il tenait une hache. Le plaignant ne s’est pas montré réceptif aux négociations, lesquelles se sont poursuivies pendant environ quatre heures.

Vers 18 h 30, l’AT no 3 a passé la main par l’ouverture pratiquée dans la porte et a agrippé le plaignant alors qu’il passait devant lui. Ils ont lutté ensemble alors que l’AI tentait d’ouvrir la porte. Le plaignant a réussi à se dégager et à s’éloigner dans son appartement. Depuis le seuil de la porte, l’AI a tiré à cinq reprises sur le plaignant au moyen de son ARWEN. Les agents se sont ensuite approchés du plaignant et lui ont passé les menottes derrière le dos.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une lacération à la partie supérieure de l’épaule droite et une fracture de la clavicule droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 octobre 2024, le SPB a informé l’UES qu’un de ses agents avait déchargé un ARWEN sur un homme — le plaignant — plus tôt ce jour-là. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’utilisation de l’ARWEN.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

L’AI et les autres agents du SPB se trouvaient sur les lieux et exerçaient leurs fonctions de façon légitime tout au long de la série d’événements qui se sont soldés par l’arrestation du plaignant. Une ordonnance d’expulsion légale était en vigueur et la police était en droit de chercher à l’exécuter après que le plaignant ait clairement indiqué qu’il n’allait pas quitter l’appartement volontairement. Les agents avaient également des motifs d’arrêter le plaignant pour les menaces de mort proférées à leur endroit et à l’endroit de la TC no 1.

Je suis également convaincu que l’utilisation de l’ARWEN par l’AI était justifiée au sens de loi. Le plaignant était armé d’une hache et en possession de plusieurs couteaux. Après quatre heures de négociations et une lutte à la porte, il était manifeste que le plaignant n’était pas sur le point de se rendre pacifiquement. Au vu de ce qui précède, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’utilisation de l’ARWEN n’était pas une réponse proportionnée aux exigences du moment. En utilisant l’ARWEN, l’AI pouvait espérer que les projectiles allaient momentanément distraire le plaignant et permettre aux agents de l’approcher et de l’arrêter de façon sécuritaire, évitant ainsi une lutte directe avec un individu armé. Et c’est en effet ce qui s’est produit[3].

Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : Le 12 février 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci‑dessous. [Retour au texte]
  • 3) D’après l’une des versions des événements, l’un des agents aurait écrasé du pied l’épaule droite du plaignant alors qu’il était couché sur le sol et que les agents procédaient à son arrestation. Cette version diverge des versions données par les agents témoins, dont aucun n’a vu cela se produire. Comme je n’ai aucune raison de croire que l’une des versions des événements est plus près de la vérité que l’autre, je n’ai aucun motif raisonnable de croire qu’une force excessive a été utilisée, d’autant plus qu’il semble y avoir d’autres explications plausibles pour la fracture subie par le plaignant (notamment, la preuve indiquant que le plaignant est tombé au sol après les décharges d’ARWEN). [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.