Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PVD-242

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’une femme de 49 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 7 juin 2024, à 5 h 9, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information ci?après.

Le 7 juin 2024, à 2 h 25, des agents de la Police provinciale de l’Ontario ont été appelés afin d’intervenir en raison d’une dispute conjugale dans une résidence située sur une île du lac Nepewassi qui n’était accessible que par bateau. Les agents de la Police provinciale ont procédé à l’arrestation du témoin civil (TC) et l’ont fait monter à bord de leur embarcation aux couleurs de la police. Les agents l’ont transporté jusqu’au rivage, où ils ont rempli tous les documents nécessaires pour pouvoir le relâcher. Vers 4 h 30, les agents de la Police provinciale sont retournés sur l’île avec le TC à bord de leur bateau pour le relâcher. À environ 200 ou 300 mètres du rivage, le bateau de la Police provinciale est entré en collision avec un bateau conduit par la plaignante. La plaignante n’avait pas allumé les feux de navigation de son embarcation. Le conducteur du bateau de la Police provinciale, quant à lui, avait allumé tous ses feux de navigation. Les agents de la Police provinciale ont transporté la plaignante inconsciente à bord de leur bateau. Ils ont amené la plaignante jusqu’au rivage et ont accosté à une rampe de mise à l’eau. Les services paramédicaux ont transporté la plaignante à Horizon Santé?Nord (HSN) à Sudbury. Elle était alors sous assistance respiratoire et l’on s’attendait à ce qu’elle succombe à ses blessures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2024/06/07 à 5 h 27

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2024/06/07 à 12 h 10 min 9 s

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (« plaignante

 ») : Femme de 49 ans; décédée; ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Témoins civils

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 7 juin 2024.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 22 juillet 2024.

Agents témoins

AT A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent témoin a participé à une entrevue le 14 juin 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en cause se sont déroulés sur le lac Nepewassi, en Ontario.

Éléments de preuve matériels

Le 7 juin 2024, à 12 h 10, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à la rampe de mise à l’eau du lac Nepewassi. L’équipe de reconstitution des collisions de la Police provinciale a pris le contrôle des lieux. L’embarcation de la Police provinciale et l’embarcation conduite par la plaignante ont été amarrées au quai. On a recouvert l’embarcation de la plaignante d’une bâche afin de protéger les éléments de preuve contre la pluie. On a pris des photographies des deux embarcations dans l’eau. Puis, les deux embarcations ont été sorties de l’eau dans le but d’être examinées et photographiées.

Le bateau de la Police provinciale était une embarcation Nahanni 1725 de la marque Harbercraft. L’embarcation portait également l’inscription « police » en lettres noires sur le côté tribord ainsi que le logo de la Police provinciale de l’Ontario. Un système mondial de localisation (GPS) de marque Garmin se trouvait à bord de l’embarcation.

L’embarcation utilisée par la plaignante était un bateau utilitaire. Elle mesurait 4,3 mètres de long. Le côté bâbord et la proue étaient lourdement endommagés. Le côté bâbord du bateau était replié vers l’intérieur. Le siège arrière était endommagé. Le siège ne comportait pas de dossier. Le plancher du bateau était jonché d’objets divers, comme une glacière en tissu, des sandales, un bidon d’essence et des contenants d’alcool vides. Une petite lampe de poche, allumée et émettant une faible lumière, se trouvait à l’arrière du bateau. Un moteur était fixé à l’arrière du bateau. Des mèches de cheveux brun foncé étaient incrustées dans la poignée du moteur. À droite de la lampe de poche se trouvait ce qui semblait être une petite goutte de sang.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est monté à bord d’une embarcation de la Police provinciale afin d’être emmené avec l’équipe de reconstitution des collisions sur le lieu approximatif de la collision. L’emplacement a été déterminé à l’aide de données extraites de l’appareil GPS Garmin de l’embarcation de la Police provinciale impliquée dans la collision. On a tenté de retrouver des débris sur le rivage près du lieu de la collision, mais sans succès.

À 17 h 16, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu à HSN. Le décès de la plaignante a été constaté. Des photographies du corps de la plaignante ont été prises. Le personnel de l’hôpital a placé la dépouille dans un sac mortuaire, ensuite, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES l’a scellé pour assurer l’intégrité de l’enquête.

À 18 h 18, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé au garage du Détachement de Nipissing Ouest de la Police provinciale où les deux bateaux avaient été transportés pour être entreposés. Des photographies supplémentaires ont été prises des bateaux, en particulier du dessous de l’embarcation de la Police provinciale. Il y avait des marques de transfert de peinture sur tout le dessous du bateau de la Police provinciale.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a recueilli les éléments de preuve suivants sur le bateau de la plaignante : plusieurs canettes de boissons alcoolisées vides, une lampe de poche noire, un prélèvement de sang présumé à l’arrière du bateau et des échantillons de cheveux prélevés sur la poignée du moteur.

Une matière fibreuse noire a également été prélevée sur le dessous tribord du bateau de la Police provinciale.

Le 10 juin 2024, à 20 h 20, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a participé à une reconstitution de collision menée par l’équipe de reconstitution des collisions de la Police provinciale. L’objectif était de recueillir des preuves relatives aux conditions environnementales qui prévalaient à l’heure approximative de l’incident, le 7 juin 2024. La luminosité mesurée de la lune était de 2,2 % le jour de la collision et de 19,5 % au moment de la reconstitution. Même si la lune était plus lumineuse au moment de la reconstitution, l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES ne pouvait pas voir au?delà de la proue du navire de la Police provinciale en raison de l’obscurité.

Un bateau en aluminium de taille et de modèle similaires a été utilisé pour simuler le bateau utilisé par la plaignante, celui?ci était conduit par un conducteur d’embarcation de la Police provinciale de l’Ontario. Le bateau a été ancré à l’endroit de la collision, qui a été déterminé à l’aide des données enregistrées par l’appareil GPS du bateau de la Police provinciale de l’Ontario au moment de la collision. Tous les équipements du bateau utilisé pour la simulation étaient désactivés afin de simuler les conditions dans lesquelles se trouvaient les deux embarcations.

Le bateau de la Police provinciale a suivi une trajectoire qui l’a amené à dix mètres à côté du bateau utilisé pour la simulation. Il se déplaçait à la même vitesse que celle qui avait été enregistrée par l’appareil GPS du bateau de la Police provinciale. L’angle d’élévation de la proue du bateau de la Police provinciale enregistré était de 12,5 degrés. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES, qui se trouvait à bord du bateau de la Police provinciale pour la simulation, n’a pas été en mesure d’apercevoir le bateau utilisé pour la simulation avant que le bateau de la Police provinciale ne soit perpendiculaire à celui?ci.

La reconstitution a été enregistrée et communiquée à l’UES[2].

Témoignage d’expert

Rapport de reconstitution de collision de la Police provinciale

Le bateau de la plaignante mesurait 4,3 mètres de long et 1,7 mètre de large. Le poste de pilotage (opérateur) consistait en une banquette plate munie d’un coussin, d’une poignée de barre de moteur hors?bord et d’autres mécanismes de contrôle. Le bateau n’était pas équipé d’un système d’éclairage. Il y avait une petite lampe de poche à DEL noire située à l’arrière émettant une faible lumière. Deux gilets de sauvetage en mauvais état se trouvaient sur le plancher du bateau. Il n’y avait pas de données GPS disponibles pour le bateau de la plaignante.

Le bateau Harbercraft mesurait 5,18 mètres de long et 2,08 mètres de large. Le moteur hors?bord était actionné par un volant situé au poste de pilotage. Le bateau était équipé de trois types de feux différents : un feu blanc général sur un mât de 1,20 mètre de haut, un feu latéral tribord (vert) et un feu latéral bâbord (rouge) sur un mât de 30 centimètres. Les feux de navigation étaient allumés à l’arrivée lors de l’examen du bateau.

Le bateau Harbercraft était équipé d’un appareil GPS Garmin, ce dernier était en état de marche au moment de l’examen. Les données ont été extraites et analysées. Le bateau a quitté les abords du quai et a augmenté sa vitesse de 4,0 km/h à 41,4 km/h[3], après quoi il a ralenti. Le bateau a continué à ralentir et a effectué un virage à gauche pour revenir vers son point de départ. Il est demeuré immobilisé pendant un certain temps, puis a regagné le quai à basse vitesse.

L’analyse de la collision a permis de déterminer que le premier point de contact entre les deux bateaux s’est produit lorsque la quille du Harbercraft, un élément structurel solide, est entrée en contact avec la barre de frottement du côté bâbord, un élément structurel plus faible, du bateau de la plaignante. La force a poussé la barre de frottement vers le côté bâbord, ce qui a exposé la coque sombre du bateau de la plaignante au ventre du bateau Harbercraft, qui a commencé à chevaucher une partie du bateau de la plaignante. En conséquence, de la peinture a été transférée sur le dessous du Harbercraft tandis que le côté bâbord de la coque du bateau de la plaignante s’est replié vers l’intérieur.

Il a été déterminé que le bateau Harbercraft se déplaçait vers l’est alors que le bateau de la plaignante se déplaçait vers l’ouest sur le lac Nepewassi.

Examen par les pairs de l’UES du rapport de reconstitution de collision de la Police provinciale de l’Ontario

Le 4 septembre 2024, un spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a examiné le rapport de reconstitution de collision de la Police provinciale. Il a été noté que la lampe de poche utilisée par la plaignante pour remplacer les feux de navigation était absente de la reconstitution effectuée par la Police provinciale. On ignore si la plaignante tenait la lampe de poche dans sa main pendant qu’elle conduisait son bateau ou si celle?ci reposait au fond du bateau pendant qu’elle naviguait. Si la lampe de poche reposait au fond du bateau, les parois latérales du bateau et peut?être le corps de la plaignante auraient pu obstruer une partie de la lumière projetée sur l’eau à partir du bateau. Le laboratoire des sciences judiciaires de l’UES a procédé à une expérience avec des instruments de mesure de la lumière pour déterminer la luminosité de la lampe de poche, mais les résultats obtenus n’ont pas été concluants.

Par ailleurs, la question du droit de passage des bateaux n’a pas été abordée. Le bateau de la Police provinciale s’est approché du bateau de la plaignante par le côté bâbord (côté feu rouge) et aurait donc été obligé de lui céder le passage. Comme le navire de la plaignante n’était pas équipé des feux de navigation appropriés, il était impossible pour les agents de la Police provinciale de savoir qu’ils devaient lui céder le passage.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]

Messages textes d’un membre de la famille de la plaignante

Le 7 juin 2024, l’UES a reçu des captures d’écran de messages textes échangés entre la plaignante et un membre de sa famille.

Le 6 juin 2024, à 21 h 57, la plaignante a envoyé un message texte indiquant que le TC avait appelé la police.

À 23 h 7, la plaignante a indiqué que la police avait communiqué avec elle et que des policiers étaient en route.

Le 7 juin 2024, à 0 h 17, la plaignante a indiqué que le TC avait coupé l’électricité et que la batterie de son téléphone était presque à plat.

À 0 h 29, la plaignante a déclaré : [traduction] « ils me poussent à partir, je n’ai pas le choix ». Elle a ensuite déclaré : [traduction] « je n’en ai aucune idée, ils ont juste emmené [la plaignante] menotté et sont partis sans rien me dire, et je suis assise dans le noir, sans aucune idée ».

Messages textes envoyés par le TC

Le 7 juin 2024, l’UES a reçu des captures d’écran de messages textes du TC. Ces messages ont été envoyés par la plaignante au TC.

Le 7 juin 2024, à 1 h 33, la plaignante a dit : [traduction] « Je suis toujours assise ici dans le noir, c’est quoi le problème? Les policiers ne m’ont rien dit et vous êtes juste partis, qu’est?ce que je suis censée faire maintenant? »

À 1 h 41, elle a dit : [traduction] « Qu’est?ce que je suis censée faire? » et « si tu reçois mes messages, je paierai ta caution, quelle qu’en soit la raison, pourquoi vous êtes tous partis sans rien me dire, pourquoi? »

À 2 h 2, la plaignante a dit : [traduction] « Est?ce que je dois venir te chercher? »

Fichier audio – L’AT

Le 12 juin 2024, l’UES a reçu un fichier audio de la part de la Police provinciale de l’Ontario. Le fichier audio a été enregistré par l’AT sur son téléphone cellulaire personnel.

Le 7 juin 2024, l’AI et l’AT ont parlé à une femme – la plaignante. Elle a déclaré que le TC lui avait donné deux coups du revers de la main. Elle a dit qu’elle s’est éloignée lorsque le TC s’est mis à la suivre. Elle a dit qu’elle l’avait poussé et qu’il était tombé dans un escalier.

L’AI a expliqué que les agents de la Police provinciale amèneraient le TC à la rampe de mise à l’eau et le ramèneraient ensuite à la propriété. L’AI a expliqué que les agents de la Police provinciale emmèneraient ensuite la plaignante à la rampe de mise à l’eau et la ramèneraient chez elle. L’AI lui a dit de s’habiller en vue du moment où ils reviendraient la chercher. Elle a dit qu’elle ne pouvait rien voir parce que la batterie de son téléphone était à plat et qu’il n’y avait pas d’électricité. L’AT lui a dit de rester à l’intérieur et d’attendre leur retour. Il lui a demandé si elle avait des questions, et elle n’en avait pas.

Lorsque le TC a été arrêté, il a confirmé que l’électricité était coupée. L’AI lui a expliqué le même plan qu’à la plaignante. Les agents de la Police provinciale ont fouillé sa résidence à la recherche d’armes à feu et de munitions.

À 31 minutes et 6 secondes du fichier audio, l’AI dit au TC de [traduction] « mettre ça » [on sait maintenant qu’il s’agissait d’un gilet de sauvetage]. L’AT a dit [traduction] « on décolle » et un moteur de bateau se met en marche.

À 39 minutes et 8 secondes du fichier audio, l’AI dit qu’il est heureux qu’ils aient laissé leurs feux allumés [on sait maintenant qu’il s’agit des feux des véhicules de la Police provinciale sur le rivage]. Le moteur du bateau s’éteint par la suite.

Vidéos de reconstitution de collision de la Police provinciale de l’Ontario

Le 9 août 2024, l’UES a reçu de la Police provinciale de l’Ontario deux vidéos de reconstitution de la collision. Une vidéo a été enregistrée à partir d’une caméra montée sur le bateau de la Police provinciale et l’autre vidéo a été enregistrée à partir d’une caméra montée sur le bateau utilisé pour simuler le bateau de la plaignante. Les deux vidéos montrent une obscurité totale. Le bateau utilisé pour la simulation n’a pas pu être détecté dans l’obscurité sur la vidéo enregistrée à partir du bateau de la Police provinciale alors qu’il s’approchait du bateau utilisé pour la simulation. Sur la vidéo enregistrée à partir du bateau utilisé pour la simulation, le bateau de la Police provinciale a pu être détecté alors qu’il s’approchait du bateau utilisé pour la simulation.

Communications radio et appels téléphoniques

Le 23 août 2024, l’UES a reçu des communications radio et des appels téléphoniques de la part de la Police provinciale de l’Ontario. Les communications radio n’étaient pas horodatées. Les horodatages ont été extraits du rapport du système de répartition assistée par ordinateur[5].

Le 6 juin 2024, à 21 h 43, un homme [le TC] a appelé le Centre de communication de la Police provinciale et a demandé à ce que [la plaignante] soit expulsée de la propriété où il se trouvait. Il a indiqué qu’elle avait consommé trop d’alcool et qu’elle était devenue violente. Il a déclaré qu’elle l’avait poussé dans un escalier. Le TC a indiqué à l’opérateur qu’il se trouvait sur une propriété située sur le lac Nepewassi, auquel on ne pouvait accéder que par bateau. On peut entendre la plaignante en arrière?plan alors qu’elle se dispute avec le TC. Elle a déclaré qu’elle était au téléphone avec un membre de sa famille et lui a demandé s’il avait appelé la police. Elle a indiqué que le TC l’avait frappée au visage et a demandé s’il avait dit à la police qu’il l’avait frappée. Le TC a indiqué qu’il avait bu trois bières au cours de la journée.

Le 7 juin 2024, à 0 h 33, l’AI a indiqué que le bateau de la Police provinciale avait été mis à l’eau.

À 12 h 53, l’AI et l’AT sont arrivés à la propriété.

À 1 h 3, un agent de police a indiqué que le TC était en état d’arrestation.

À 1 h 37, un agent de police a indiqué qu’ils se trouvaient à la rampe de mise à l’eau.

À 2 h 25, l’AI a transmis un message radio pour demander l’envoi d’un bateau supplémentaire en raison d’une collision avec un autre bateau.

À 2 h 27, une demande a été faite pour obtenir rapidement des services paramédicaux.

À 2 h 30, l’AI a indiqué que l’autre embarcation n’était plus nécessaire.

À 2 h 35, l’AI a indiqué que le personnel de la Police provinciale n’avait pas été blessé. Il a indiqué que la plaignante avait été blessée.

À 2 h 41, l’AI a déclaré que la plaignante avait une lacération au front de quatre pouces, laquelle saignait. Un bandage et une pression directe ont été appliqués sur la blessure. La plaignante respirait, mais ne réagissait pas lorsqu’on lui parlait. L’AI a demandé si une ambulance aérienne Ornge était disponible. Le répartiteur a indiqué que l’ambulance aérienne Ornge était hors service pour la soirée.

À 3 heures du matin, les services paramédicaux sont arrivés sur les lieux.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale entre le 8 juin 2024 et le 16 août 2024 :

  • rapport d’incident général;
  • rapports du système de répartition assistée par ordinateur;
  • données de l’appareil GPS;
  • notes de l’AT;
  • notes de l’AI;
  • photographies des lieux;
  • vidéos de reconstitution de la collision;
  • fichier audio de l’AT;
  • enregistrement des communications;
  • rapport du spécialiste de la reconstitution des collisions;
  • rapport de collision nautique;
  • procédures normalisées d’exploitation nautiques

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part d’autres sources entre le 7 juin 2024 et le 29 juillet 2024 :

  • messages textes du membre de la famille de la plaignante;
  • messages textes reçus par le TC
  • dossiers médicaux de la plaignante envoyés par HSN.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec l’AI de même qu’avec les témoins oculaires, de la police et autres, des événements en question permettent d’établir le scénario ci?après.

Au petit matin du 7 juin 2024, l’AI est arrivé à bord d’un bateau de police à une propriété située sur le lac Nepewassi. L’AT se trouvait avec lui. Les agents se rendaient à une adresse – uniquement accessible par bateau – à la suite d’un appel concernant une dispute conjugale entre la plaignante et le TC. Les deux personnes, toutes deux en état d’ébriété, se seraient battues l’une contre l’autre.

L’AI et le TC sont arrivés à la propriété vers 1 heure du matin. Après enquête, les agents ont décidé de procéder à l’arrestation du TC pour voies de fait et l’ont placé en garde à vue sans incident. La plaignante a été informée que le TC serait emmené à une certaine distance jusqu’à la rampe de mise à l’eau de la Police provinciale sur le rivage pour y être examiné, après quoi il serait relâché et ramené à la propriété. La plaignante devait rester à la propriété et attendre le retour des agents, qui la ramèneraient sur le rivage à leur arrivée[6].

Après avoir traité et relâché le TC sur engagement, lui et les agents se trouvaient sur le bateau de la Police provinciale retournant à la propriété lorsque le bateau a heurté une autre embarcation. L’AI a immobilisé le bateau de la Police provinciale et est retourné sur les lieux de la collision. Ils ont aperçu un bateau en aluminium dans l’eau, son moteur était éteint. L’embarcation appartenait au TC. La plaignante se trouvait dans l’embarcation, inconsciente. Il était environ 2 h 25.

La plaignante a été amenée à bord du bateau de la Police provinciale et ramenée à terre. Les ambulanciers se sont rendus sur place et l’ont transportée à l’hôpital de Sudbury. On lui a diagnostiqué un polytraumatisme, y compris une lésion cérébrale traumatique grave. Le décès de la plaignante a été constaté à 14 h.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220, Code criminel – Négligence criminelle causant la mort

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Article 320.13, Code Criminal – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.

Analyse et décision du directeur

La plaignante est décédée le 7 juin 2024 des suites de graves blessures subies lors d’une collision entre deux bateaux sur le lac Nepewassi. Comme un bateau de la Police provinciale de l’Ontario était impliqué dans la collision, l’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI – le conducteur du bateau de la Police provinciale de l’Ontario – a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la collision et au décès de la plaignante.

Les infractions possibles à l’étude sont la conduite dangereuse d’un bateau causant la mort et la négligence criminelle entraînant la mort, selon le paragraphe 320.13(3) et l’article 220 du Code criminel, respectivement.La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction est réservée aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction est fondée en partie sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part de l’AI, un manque de diligence qui aurait causé le décès de la plaignante ou qui y aurait contribué, et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Je suis convaincu que l’AI s’est comporté avec prudence et en se souciant de la sécurité publique dans l’exercice de ses fonctions au cours de la période qui a précédé la collision. Après avoir légalement arrêté puis relâché le TC, lui et l’AT se sont mis en route pour le ramener chez lui et retrouver la plaignante, comme ils avaient dit qu’ils le feraient. L’AI, un conducteur de bateau expérimenté de la Police provinciale, avait allumé ses feux de navigation et naviguait de manière sécuritaire lorsque la collision s’est produite. Malheureusement, le bateau dans lequel se trouvait la plaignante n’avait pas de feux de navigation et n’aurait pas dû se trouver sur l’eau à cette heure de la nuit. Il semblerait, d’après les preuves recueillies, à la fois les témoignages et les expertises en sciences judiciaires (y compris une reconstitution de l’incident), que le bateau de la plaignante n’était tout simplement pas visible avant qu’il ne soit trop tard. Après la collision, les agents ont agi avec diligence en prodiguant les premiers soins et en organisant une prise en charge médicale. Dans ce dossier, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’AI n’a pas respecté les limites de diligence prescrites par le droit criminel.

Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 19 septembre 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Un résumé des vidéos de reconstitution se trouve ci‑après dans le présent rapport. [Retour au texte]
  • 3) Certaines provinces, comme l’Ontario, ont adopté une limite de vitesse non affichée de 10 km/h, qui doit toujours être respectée à moins de 30 mètres du rivage. Il n’existe pas d’autres limites de vitesse connues pour le lac Nepewassi. Lois et règlements canadiens sur la navigation de plaisance (aceboater.com) [en anglais seulement] [Retour au texte]
  • 4) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci‑dessous. [Retour au texte]
  • 5) Les heures indiquées sont tirées du rapport du système de répartition assistée par ordinateur et sont donc approximatives. [Retour au texte]
  • 6) La plaignante a envoyé au TC des messages textes après son arrestation dans lesquels elle laissait entendre qu’elle ne savait pas si elle devait rester sur l’île ou non. Un enregistrement audio de l’interaction entre la police et la plaignante indique toutefois que les agents lui ont clairement expliqué leurs intentions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.