Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCD-100
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 34 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 2 avril 2023, vers 6 h 40, la Police régionale de Peel (PRP) a communiqué avec l’UES et a fourni les renseignements ci-après.
Le 2 avril 2023, vers 3 h 52, des agents de la PRP ont répondu à un appel concernant une perturbation dans un immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton. On a signalé qu’un homme courait nu. Les agents ont rencontré un témoin dans le hall d’entrée de l’immeuble, qui les a orientés vers un étage supérieur. Lorsqu’ils sont arrivés à l’étage en question, les agents ont été confrontés par le plaignant. Il était nu et agité. Les agents ont procédé à l’arrestation du plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale. Pendant l’arrestation, le plaignant est devenu bleu, puis il a cessé de présenter des signes vitaux. Les agents ont commencé à pratiquer la réanimation cardiorespiratoire (RCR) jusqu’à l’arrivée des services médicaux d’urgence, qui ont pris le relais. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Civic de Brampton, où un médecin a constaté son décès.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2 avril 2023 à 6 h 56
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2 avril 2023 à 8 h 45
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 34 ans; décédé
Témoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 2 avril 2023 et le 9 mai 2023.
Agents impliqués
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, notes examinées et entrevue jugée non nécessaire
L’AT no 1 a participé à une entrevue le 20 avril 2023.
Retards dans l’enquête
L’enquête a pris du retard en raison de l’attente du rapport d’autopsie, qui a été reçu le 13 mars 2024 de la part du Bureau du coroner en chef.
Les dossiers de formation, demandés par l’UES le 1er mai 2024, ont été reçus le 8 mai 2024 de la part de la PRP.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés devant un ascenseur, dans un couloir d’un immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton.
Éléments de preuve matériels
Le 2 avril 2023, à 8 h 45, l’UES est arrivée sur les lieux. Les enquêteurs de l’UES et l’enquêteur principal ont pris les ascenseurs, puis les escaliers jusqu’à l’étage où se trouvait l’appartement du plaignant.
On a signalé que les agents ont rencontré le plaignant à l’étage, devant les ascenseurs. Le sol était jonché de détritus médicaux et de taches de sang présumées. Le mur situé du côté de l’ascenseur présentait également des taches de sang semblant être des taches de transfert. Une serviette tachée de rouge se trouvait sur le plancher d’un ascenseur.
Le couloir mène à l’appartement du plaignant. La porte de l’appartement n’était pas verrouillée et était entrouverte. Le sol présentait plusieurs taches de transfert rouges, tout comme plusieurs zones du mur menant à l’appartement.
L’intérieur de l’appartement était jonché de nombreux objets brisés non identifiés. Il y avait des morceaux de verre et de porcelaine blanche dans le salon et la salle à manger. La cuisine était inaccessible en raison d’objets brisés sur le sol. Un couloir menait à la salle de bain et aux deux chambres. La porte de la première chambre était bloquée par un objet brisé inconnu, et à plusieurs endroits dans la pièce, il y avait des taches d’une substance rouge ressemblant à du sang. Les meubles des deux chambres étaient endommagés. Le sol et les murs de l’appartement étaient couverts de taches rouges.
Des photographies des lieux ont été prises. Un schéma du couloir a été réalisé.
Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a prélevé deux échantillons de sang présumé à l’intérieur et à l’extérieur de l’ascenseur.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]
Enregistrements des communications de la PRP
Le 2 avril 2023, à 3 h 33 min 32 s, une femme [on sait maintenant qu’il s’agit de la TC no 3] appelle le 911 pour demander des soins médicaux d’urgence pour le plaignant, qui saigne après s’être roulé dans du verre en raison d’un épisode schizophrénique. Elle signale également que le plaignant représente un danger pour lui-même, qu’il n’a pas accès à des armes, qu’il n’est pas suicidaire et qu’il a peut-être consommé du crack. Selon la TC no 3, son petit ami, le TC no 2, vient de revenir de l’étage en question, où il a vu le plaignant allongé sur le sol, tremblant; ce dernier est conscient et sait que les services médicaux d’urgence sont en route. Le TC no 2 lui a également dit que l’ami du plaignant [on sait maintenant qu’il s’agit du TC no 4] n’est plus dans l’appartement.
À 3 h 34 min 9 s, deux unités de la PRP [l’AT no 1 et l’AT no 2] sont dépêchées à l’immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton.
À 3 h 35 min 6 s, une troisième unité de la PRP [l’AI] est dépêchée à l’immeuble d’habitation.
À 3 h 39 min 19 s, l’AT no 1 demande si le plaignant est conscient et s’il respire.
L’AI demande que toutes les unités de police se réunissent au rez-de-chaussée avant de se rendre à l’appartement.
À 3 h 39 min 52 s, le centre des communications informe les agents qui interviennent que le plaignant est connu pour être violent, porter des armes, résister à l’arrestation, consommer du crack et souffrir de schizophrénie. On informe ensuite les agents que le plaignant est nu, qu’il ne réagit pas, qu’il est en compagnie d’un ami [on sait maintenant qu’il s’agit du TC no 4] et qu’il a brisé des objets dans son appartement.
À 3 h 41 min 24 s, l’AI indique qu’il croit que le plaignant est dans un état de délirium agité et demande au TC no 4 de partir.
À 3 h 41 min 57 s, un sergent de la PRP est dépêché sur les lieux.
À 3 h 43 min 57 s, l’AI demande au TC no 2 et à la TC no 3 de rester en bas.
À 3 h 51 min 47 s, l’agent de la PRP no 1 et l’agent de la PRP no 2 sont dépêchés sur les lieux.
À 3 h 53 min 37 s, l’AI signale que le plaignant, qui se trouve dans le couloir, est sous la garde des agents et présente des coupures superficielles nécessitant l’intervention des services médicaux d’urgence. Il dit que la présence de l’unité tactique n’est pas nécessaire.
À 3 h 55 min 41 s, l’AI informe le sergent que le plaignant a cessé de présenter des signes vitaux.
À 4 h 1 min 46 s, l’AI demande l’intervention d’autres agents pour évacuer l’appartement. L’agent de la PRP no 3, l’agent de la PRP no 4 et l’AT no 3 sont dépêchés sur les lieux.
À 4 h 7 min 45 s, l’AI informe le répartiteur que les pompiers ont pris en charge la RCR.
À 4 h 12 min 33 s, l’AI demande à ce que la famille quitte le hall d’entrée tandis que l’on emmène le plaignant au rez-de-chaussée. Il demande également que les lieux soient sécurisés.
À 4 h 22 min 30 s, l’AT no 3 suit l’ambulance jusqu’à l’Hôpital Civic de Brampton.
À 4 h 49 min, l’AT no 3 fait savoir que le décès du plaignant a été constaté.
Enregistrements vidéo captés par les caméras d’intervention – AT no 1 et AI
Le 2 avril 2023, vers 3 h 45 min 2 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 arrivent sur les lieux en même temps que deux ambulanciers. L’AT no 1 et l’AT no 2 rencontrent le TC no 2 et la TC no 3 dans le hall d’entrée. Peu de temps après, à 3 h 46 min 52 s, l’AI arrive. Le TC no 2 dit aux agents qu’il a été réveillé par le bruit du plaignant qui brisait des objets, ce qui se produit lorsque son frère a une crise. Le TC no 2 dit qu’il a quitté l’appartement lorsque le comportement du plaignant s’est aggravé. À son retour, le TC no 2 a appelé les services médicaux d’urgence, car le plaignant saignait en raison des coupures qu’il a subies. Compte tenu d’une précédente interaction avec la police, et puisqu’il s’inquiète pour le bien-être de celui-ci, le TC no 2 dit aux agents qu’il souhaite que le plaignant aille à l’hôpital. En réponse, l’AI dit au TC no 2 que le plaignant sera arrêté en vertu de la Loi sur la santé mentale et que sa sécurité est la priorité. L’AI dit que lui-même et l’AT no 1 se rendront à l’appartement pour évaluer la situation tandis que l’AT no 2 attend avec des membres de la famille dans le hall d’entrée. La TC no 3 donne à l’AI les clés de l’appartement.
Vers 3 h 52 min 14 s, l’AI et l’AT no 1 arrivent à l’étage du plaignant par l’ascenseur. À l’extérieur de l’ascenseur, ils rencontrent le plaignant. Il est nu et allongé sur le sol, sur son côté gauche, le dos tourné vers l’ascenseur. L’AI s’approche du plaignant, lui demande de mettre ses mains derrière son dos et saisit son avant-bras droit. Le plaignant, qui a du sang sur les mains et les pieds, porte ses mains à son visage et tourne la tête vers le sol. L’AT no 1 sort des menottes de sa veste, et l’AI dit au plaignant « Nous n’allons pas vous faire de mal, mon ami » tandis qu’il tente de placer le bras droit du plaignant derrière son dos. Le plaignant résiste aux tentatives de l’AI de bouger son bras droit et ramène son bras vers sa tête. L’AI demande de nouveau au plaignant de placer ses mains derrière son dos et lui assure que les agents ne lui feront pas de mal. Le plaignant est placé en position couchée, les deux bras sous le ventre.
Vers 3 h 52 min 39 s, l’AT no 1, qui se trouve du côté gauche du plaignant, tire sur le bras gauche de celui-ci tandis que l’AI place son genou droit sur le haut du dos du plaignant, en répétant à plusieurs reprises « Nous n’allons pas vous faire de mal ».
Vers 3 h 52 min 44 s, l’AI réussit à ramener le bras droit du plaignant vers le bas de son dos pour que l’AT no 1 puisse le menotter. L’AI, avec l’aide de l’AT no 1, tire ensuite sur le bras gauche du plaignant, qu’il ramène également derrière son dos, puis l’AT no 1 finit de menotter le plaignant.
Vers 3 h 53 min 4 s, l’AI retire son genou du dos du plaignant, informe le répartiteur que le plaignant est sous la garde des agents et demande que des ambulanciers se présentent sur les lieux.
Vers 3 h 53 min 41 s, les agents retournent le plaignant sur son épaule droite et remarquent qu’il est « en train de devenir violet ». L’AT no 1 vérifie le pouls du plaignant et informe l’AI que celui-ci respire toujours, tandis que l’AI demande par radio l’intervention d’ambulanciers pour un homme qui perd connaissance. Le plaignant semble ronfler.
Vers 3 h 54 min 20 s, l’AT no 1 informe l’AI que le pouls du plaignant est fort.
Vers 3 h 54 min 42 s, l’AI informe le répartiteur que le plaignant ne respire plus, et l’AT no 1 commence immédiatement la RCR avec compressions de la poitrine.
Vers 3 h 55 min 55 s, deux ambulanciers arrivent à l’étage du plaignant et commencent à évaluer celui-ci, tandis que l’AI continue les compressions de la poitrine.
Vers 3 h 58 min 12 s, les agents retirent les menottes à la demande des ambulanciers, tandis que l’AI et l’AT no 1 se relayaient pour effectuer les compressions de la poitrine.
Vers 4 h 3 min 24 s, un ambulancier indique que le plaignant présente une dissociation électromécanique.
Vers 4 h 4 min 17 s, d’autres ambulanciers et pompiers arrivent à l’étage du plaignant. Un pompier prend le relais des compressions de la poitrine pendant que l’AI demande à ce que d’autres agents se présentent sur les lieux pour évacuer l’appartement.
Vers 4 h 5 min 5 s, deux agents en uniforme – l’agent de la PRP no 4 et l’agent de la PRP no 3 – arrivent et se rendent à l’appartement du plaignant.
Vers 4 h 6 min 19 s, l’AT no 1 dit aux ambulanciers que le plaignant, qui se trouve à l’extérieur de l’ascenseur, a roulé dans du verre. L’AI dit également aux ambulanciers que le plaignant a été placé en position de récupération après avoir été menotté. On entend la respiration haletante du plaignant.
Vers 4 h 10 min 35 s, l’AI demande à ce que le hall d’entrée soit libéré, car le plaignant sera amené au rez-de-chaussée.
Vers 4 h 18 min 20 s, le plaignant est placé sur une civière pour être transporté à l’hôpital. L’AI demande à l’AT no 1 de sécuriser le hall d’entrée et fait référence à « l’UES ».
Le hall d’entrée est délimité par un ruban de police, et les agents quittent l’étage du plaignant.
Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AT no 2
Le 2 avril 2023, à 3 h 45 min 41 s, l’AT no 2 arrive sur les lieux et rencontre l’AT no 1 et les ambulanciers. Peu après, l’AI arrive sur les lieux et, ensemble, les agents parlent avec la famille dans le hall d’entrée. Après que l’AI et l’AT no 1 ont quitté le hall d’entrée, l’AT no 2 demande au TC no 2 ce qui a déclenché les crises du plaignant. Le TC no 2 répond que l’alcool est un facteur contributif.
Vers 3 h 53 min 21 s, l’AI demande par radio que des ambulanciers se présentent sur les lieux. Les ambulanciers, qui se trouvaient dans le hall d’entrée, se rendent à leur ambulance.
Vers 3 h 54 min 21 s, une nouvelle transmission signale que le plaignant perd connaissance, et l’AT no 2 sort pour en informer les ambulanciers. Il ajoute « ils ont besoin de vous le plus rapidement possible ».
Vers 3 h 54 min 20 s, l’AI signale que le plaignant ne respire plus.
Vers 3 h 57 min 40 s, lorsqu’on lui pose des questions au sujet de la consommation d’alcool et de stupéfiants, le TC no 2 dit à l’AT no 2 qu’il suppose que le plaignant était en état d’ébriété, car cela déclenche ses crises.
Vers 4 h 2 min 36 s, l’AI demande à l’AT no 2 de rester dans le hall d’entrée pendant que les agents effectuent des compressions de la poitrine.
Vers 4 h 4 min 30 s, la TC no 3 dit à l’AT no 2 que le plaignant est sorti avec le TC no 4 plus tôt dans la soirée.
Vers 4 h 5 min 55 s, la TC no 3 dit à l’AT no 2 que le plaignant a eu une crise une heure et demie avant l’appel au 911. Elle est ensuite allée faire une promenade avec le TC no 2, et lorsqu’ils sont revenus, ils ont trouvé le plaignant nu et à quatre pattes. La TC no 3 dit que lorsque le plaignant fume du crack, cela lui provoque des crises. Elle dit qu’il est déjà arrivé que le plaignant fume du crack et s’enferme dans une pièce.
Vers 4 h 11 min 38 s, le TC no 4 arrive dans le hall d’entrée et demande à la TC no 3 comment elle va.
Vers 4 h 12 min 44 s, l’AI demande à l’AT no 2 de faire sortir la famille du hall d’entrée tandis que l’on descend le plaignant au rez-de-chaussée. L’AT no 2 emmène le TC no 2 et la TC no 3 dans un couloir près du hall d’entrée et dit au TC no 4 de rester à l’écart puisqu’il n’est pas impliqué dans l’incident.
Vers 4 h 22 min 24 s, des ambulanciers placent le plaignant à l’arrière d’une ambulance.
Vers 4 h 28 min 3 s, la TC no 3 dit à l’AT no 2 qu’elle croit que le plaignant a arrêté de prendre ses médicaments. Elle dit qu’elle et le TC no 2 savaient que le fait d’appeler à l’aide ne pouvait pas bien se terminer.
Vidéos captées par des caméras de surveillance – immeuble d’habitation
Le 2 avril 2023, à 12 h 22, l’UES a reçu une copie des enregistrements des caméras de surveillance de l’immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton, en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Au total, quatre caméras intérieures ont été examinées, soit celles de l’entrée principale et du hall d’entrée ainsi que deux caméras à l’étage du plaignant. Il y avait une troisième caméra à l’étage du plaignant, qui ne fonctionnait pas à ce moment-là. Il n’y avait pas de caméras dans les ascenseurs. Les heures indiquées dans les enregistrements vidéo, qui étaient activés par le mouvement et horodatés, étaient en retard d’une heure par rapport à l’heure réelle. Les heures mentionnées ci-dessous ont été ajustées pour refléter l’heure réelle.
Le 2 avril 2023, à 3 h 1 min 30 s, le TC no 2, la TC no 3 et leurs deux enfants sortent d’un appartement et se dirigent vers les ascenseurs.
Vers 3 h 15 min 35 s, le TC no 4 sort du même appartement, une petite bouteille transparente à la main, et se dirige vers les ascenseurs.
Vers 3 h 24 min 56 s, le TC no 2 retourne dans l’appartement tandis que la TC no 3 reste dans le couloir; elle semble utiliser son téléphone. On voit le TC no 2 envoyer un message texte à partir d’un téléphone que lui a tendu la TC no 3.
Vers 3 h 31 min 52 s, la TC no 3, qui se trouve maintenant dans le hall d’entrée, semble passer un appel téléphonique.
Vers 3 h 42 min 31 s, le TC no 2 retourne dans l’appartement, puis en ressort à 3 h 43 min 1 s.
Vers 3 h 46 min 30 s, deux agents en uniforme [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AT no 2 et l’AT no 1] arrivent sur les lieux, suivis peu après par un superviseur [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AI]. Les trois agents en uniforme semblent parler au TC no 2 et à la TC no 3 dans le hall d’entrée.
Vers 3 h 47 min 21 s, alors que le TC no 2 et la TC no 3 parlent avec les agents dans le hall d’entrée, le plaignant, qui est nu et qui saigne, sort de son appartement, agite les bras dans les airs et se dirige vers les ascenseurs de son étage. Le couloir est couvert de ce que l’on soupçonne être du sang transféré par le contact du plaignant.
Vers 3 h 49 min 10 s, le plaignant, qui semble avoir du papier collé aux fesses, entre en contact avec l’ascenseur et les murs, balance ses bras en l’air et agrippe sa tête.
Vers 3 h 51 min 16 s, la TC no 3 donne à l’AI un cordon noir auquel est attaché des clés, et lui et l’AT no 1 sortent du champ de la caméra. L’AT no 2 reste dans le hall d’entrée avec le TC no 2 et la TC no 3.
Vers 3 h 52 min 22 s, l’AI et l’AT no 1 sortent de l’ascenseur, où ils trouvent le plaignant, allongé sur le sol. Deux ambulanciers arrivent dans le hall d’entrée.
Vers 3 h 53 min 20 s, les agents roulent le plaignant sur le côté.
Vers 3 h 55 min 12 s, l’AT no 1 commence à pratiquer la RCR avec compressions de la poitrine sur le plaignant, à tour de rôle avec l’AI, jusqu’à ce que les pompiers prennent la relève.
Vers 4 h 3 min 26 s, deux autres agents en uniforme [on sait maintenant qu’il s’agit de l’agent de la PRP no 4 et de l’agent de la PRP no 3] arrivent sur les lieux et se dirigent vers l’appartement du plaignant.
Vers 4 h 10 min 59 s, l’AI entre dans l’appartement, puis revient à la porte d’entrée, où il parle avec l’agent de la PRP no 4.
Vers 4 h 11 min 35 s, le TC no 4 se rend dans le hall d’entrée et parle avec le TC no 2 et la TC no 3 avant de se déplacer vers la porte de sortie latérale, adjacente au hall d’entrée.
Vers 4 h 18 min 47 s, le TC no 4 parle avec l’agent de la PRP no 4 à côté de l’appartement du plaignant avant de sortir du champ de la caméra par l’escalier de sortie.
Vers 4 h 20 min 26 s, le plaignant, qui est sur une civière, est placé à l’arrière d’une ambulance. L’agent de la PRP no 3 sécurise les lieux avec du ruban de la police.
Vers 4 h 31 min 27 s, la vidéo prend fin.
Documents obtenus du service de police
Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la PRP entre le 2 avril 2023 et le 8 mai 2024 :
- enregistrement des communications;
- enregistrements des caméras d’intervention;
- formulaire d’empreintes digitales – le plaignant;
- rapport sur l’historique de l’échange de messages;
- procédure – caméra d’intervention;
- procédure – intervention en cas d’incident;
- procédure – santé mentale et dépendances;
- résumé de la formation – AT no 1;
- résumé de la formation – AI;
- rapport sur les détails de l’incident;
- historique de l’incident;
- liste des agents concernés;
- notes – AT no 3;
- notes – AT no 1;
- notes – AT no 2;
- notes – AT no 4;
- rapport sur les détails concernant la personne;
- rapport sur les détails de l’événement;
- dossiers de formation portant sur l’intervention de la police en cas d’événement chaotique, l’utilisation d’armes à impulsions et les personnes en état de délirium agité.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
- enregistrements vidéo des caméras de surveillance de l’immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton, reçus le 2 avril 2023;
- rapport d’appel d’ambulance et rapports d’incidents des services ambulanciers régionaux de Peel, reçus le 1er mai 2023;
- rapport d’autopsie, reçu du Bureau du coroner en chef le 13 mars 2024.
Description de l’incident
Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec l’un des agents qui ont procédé à l’arrestation – l’AT no 1 – et les témoins civils ainsi que les enregistrements vidéo qui ont capté en partie l’incident, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.
Tôt le matin du 2 avril 2023, des agents de la PRP et des ambulanciers ont été dépêchés dans un immeuble d’habitation situé dans le secteur de la route Kennedy Nord et de la rue Vodden Est, à Brampton. Une résidente a contacté le 911 pour demander de l’aide pour le plaignant, avec qui elle vit. Plus précisément, la TC no 3 a signalé que le plaignant souffrait de schizophrénie et qu’il était en plein épisode psychotique. Il avait détruit sa chambre et saignait puisqu’il s’était roulé dans des éclats de verre. Elle a expliqué que le plaignant avait parfois ce type de crise lorsqu’il consommait du crack, mais qu’elle ne pouvait pas être sûre qu’il avait consommé cette drogue à cette occasion.
L’AI est arrivé dans le hall d’entrée de l’immeuble et, avec l’AT no 1 et l’AT no 2, a rencontré la TC no 3 et le frère du plaignant, le TC no 2. Le TC no 2 a expliqué que son frère avait brisé des objets dans l’appartement, ce qui était un comportement typique lorsqu’il traversait une crise. Il a indiqué qu’il était monté voir son frère et qu’il l’avait trouvé sur le sol de l’appartement. Il savait que les ambulanciers étaient en route. L’AI a demandé à la TC no 3 et au TC no 2 de rester dans le hall d’entrée pendant que lui et l’AT no 1 se rendaient à l’étage pour évaluer le plaignant. Le plan consistait à l’arrêter en vertu de la Loi sur la santé mentale afin de l’emmener à l’hôpital pour qu’il puisse être soigné. Le TC no 2 s’est dit préoccupé par la présence de la police et a indiqué que son frère avait subi une fracture au bras lors d’une récente altercation avec des agents. L’AI lui a assuré que sa principale préoccupation était la sécurité de son frère.
L’AI et l’AT no 1 sont entrés dans l’ascenseur et sont montés à l’étage du plaignant. Lorsque les portes de l’ascenseur se sont ouvertes, les agents ont vu le plaignant devant celles-ci. Il était nu et allongé par terre sur le côté gauche, la tête relevée. L’AI est sorti de l’ascenseur, s’est adressé au plaignant par son nom et lui a demandé de mettre ses mains derrière son dos. Le plaignant a porté ses mains à son visage. L’AI a saisi son bras droit et lui a assuré qu’ils n’allaient pas lui faire de mal. L’agent lui a à nouveau demandé de mettre ses mains derrière son dos, puis a tenté de déplacer son bras droit dans cette direction. Le plaignant a dégagé son bras et l’AI lui a répété qu’ils n’allaient pas lui faire de mal. Le plaignant a alors roulé sur le ventre, les bras sous la poitrine. Il a résisté lorsque les agents ont tenté de dégager ses bras. L’AI a placé son genou droit sur la partie supérieure gauche du dos du plaignant, et lui (du côté droit du plaignant) et l’AT no 1 (du côté gauche) ont poursuivi leurs efforts visant à retirer les bras du plaignant de sous son torse. Les agents ont réussi à placer les deux bras du plaignant derrière son dos et à menotter celui-ci. Environ 20 secondes se sont écoulées entre le moment où l’AI a placé son genou sur le dos du plaignant et le moment où il l’a retiré, immédiatement après que les menottes ont été attachées.
Une fois le plaignant menotté, les mains derrière le dos, l’AI s’est levé et a demandé par radio la présence des ambulanciers. Le plaignant est resté en position couchée pendant environ 35 secondes entre le moment où il a été menotté et celui où les agents l’ont fait rouler sur son côté droit. L’AI a demandé à nouveau par radio l’intervention immédiate d’ambulanciers, notant que le plaignant perdait connaissance. Les deux agents ont tenté en vain de réveiller le plaignant. L’AT no 1 a indiqué que le pouls du plaignant était fort. Quelques secondes plus tard, l’AI a remarqué que le plaignant ne respirait plus. Ils ont retourné le plaignant sur le dos et ont commencé les compressions de la poitrine.
Les ambulanciers sont arrivés sur place et ont prodigué des soins d’urgence. Les agents les ont aidés en effectuant à tour de rôle des compressions de la poitrine.
Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Civic de Brampton, où son décès a été constaté à 4 h 49.
Cause du décès
À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a conclu que le décès du plaignant était attribuable aux effets toxiques de la cocaïne, du fentanyl et du bromazolam dans une situation de contention en position couchée avec compression du thorax chez un homme obèse.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondés à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Paragraphe 25(3), Code criminel – Protection des personnes autorisées
25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
Article 17, Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police
17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves;
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;
f) elle subira un affaiblissement physique grave,
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.
Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence
215 (1) Toute personne est légalement tenue :
c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.
(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.
Articles 219 et 220, Code criminel – Négligence criminelle causant la mort
219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,
montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.
220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.
Analyse et décision du directeur
Le plaignant est décédé le 2 avril 2023. Comme il a été arrêté par des agents de la PRP peu avant son décès, l’UES a été informée de l’incident et a entrepris une enquête. L’AI a été désigné en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.
Aux termes du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
Le paragraphe 25(3) du Code criminel précise le paragraphe 25(1) pour ce qui est d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves. Ce type de force n’est pas justifié, à moins que la personne n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
L’AI exerçait ses fonctions légitimes lorsqu’il s’est rendu à l’étage du plaignant dans l’intention de procéder à l’arrestation de celui-ci aux termes de la Loi sur la santé mentale. L’information qu’il avait reçue au sujet de l’appel au 911 et celle qu’il a recueillie par lui?même en parlant avec le TC no 2 et la TC no 3 lui ont permis de croire, sur la base de motifs raisonnables, que le plaignant était en crise de santé mentale et que son arrestation aux termes de l’article 17 de la Loi était justifiée.
En ce qui concerne la force utilisée par l’AI pour faciliter l’arrestation du plaignant, à savoir l’utilisation de son genou pour maintenir le plaignant plaqué au sol alors que les agents tentaient de le menotter, les mains derrière le dos, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, qu’elle était injustifiée. Même si, comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES, les conclusions suivantes semblent raisonnables compte tenu des éléments de preuve. Tout d’abord, l’agent savait que le plaignant était en crise de santé et de santé mentale. Dans les enregistrements des communications, on entend l’AI dire que le plaignant pourrait être dans un état de délirium agité. Cet état, ou les symptômes qu’il provoque, est reconnu comme une urgence médicale dans la formation que l’AI a reçue en tant qu’agent de police. La théorie de l’agent n’était pas sans fondement. Il avait entendu dire que le plaignant, qui souffrait d’une maladie mentale, était tombé dans un état d’agitation extrême à la suite d’une possible consommation de crack – ces éléments caractérisant l’apparition de la maladie. Ensuite, si le plaignant était en crise de santé, il était impératif qu’il soit placé sous garde le plus rapidement possible afin qu’il puisse recevoir immédiatement des soins médicaux. En outre, l’AI savait très probablement que le fait de placer des personnes compromises de cette manière sur le ventre avec un genou sur le dos, en particulier des personnes obèses, comme l’était manifestement le plaignant, risquait d’entraîner une détérioration supplémentaire et immédiate de leur état de santé, voire la mort. Cette information est transmise dans le cadre de la formation moderne des agents de police qu’a certainement reçue l’AI. Enfin, il était nécessaire de menotter le plaignant avant que les ambulanciers ne soient autorisés à s’approcher des lieux de l’incident. Bien que le plaignant ne donnait pas l’impression d’être capable d’une réelle violence alors qu’il était allongé sur le sol, l’AI ne pouvait pas être certain que le plaignant ne constituait pas une menace étant donné son comportement destructeur peu de temps auparavant et les mises en garde figurant dans les dossiers de la police sur le plaignant concernant la violence et la résistance à l’arrestation. Compte tenu de tous ces éléments, l’AI avait une décision difficile à prendre et ne disposait que de quelques secondes pour le faire. Lorsque le plaignant a retiré son bras et s’est débattu contre les efforts déployés par les agents pour le menotter, l’AI aurait pu choisir de continuer de lutter avec le plaignant pour contrôler ses bras sans utiliser son genou. Toutefois, cela aurait pu entraîner une altercation physique plus longue et un effort supplémentaire pour le plaignant, ce qui aurait pu avoir des conséquences sur sa santé. L’AI aurait pu envisager l’utilisation d’une arme à impulsions. Si cela avait fonctionné, le plaignant aurait été rapidement maîtrisé, ce qui aurait permis aux agents de lui passer rapidement les menottes sans lui mettre un genou dans le dos. Cela dit, dans le cadre de leur formation, les agents apprennent également que le déploiement d’une arme à impulsions est un événement physiquement stressant pour le sujet et que son utilisation doit être réduite au minimum dans le cas de personnes en situation de crise de santé. Ou, comme l’a choisi l’AI, l’agent pouvait décider de maîtriser le plaignant en l’immobilisant temporairement au sol avec un genou afin qu’il soit plus facile de le menotter. Face à une situation fluide et dynamique, à la nécessité d’agir rapidement et à l’absence de réponses évidentes, les éléments de preuve recueillis ne permettent pas d’établir, sur la base de motifs raisonnables, que les actions de l’AI n’étaient pas pertinentes compte tenu des exigences du moment.
Il reste à examiner le fait que les agents ont laissé le plaignant couché sur le ventre pendant environ 35 secondes après l’avoir menotté, ce qui aurait pu jouer un rôle dans son décès. Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont l’AI est intervenu auprès du plaignant qui a mis la vie de ce dernier en danger ou qui a causé son décès et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.
Encore une fois, le comportement de l’AI peut faire l’objet d’un examen légitime. L’agent devait savoir que laisser une personne dans l’état du plaignant couchée sur le ventre était un facteur de risque à éviter. Il aurait dû agir plus rapidement pour mettre le plaignant en position de récupération. D’un autre côté, il faut tenir compte du fait que l’AI était en train de retrouver son calme après une lutte physique avec le plaignant et qu’il utilisait également une partie de ce temps pour demander par radio l’intervention des ambulanciers. Dans ces circonstances, même si l’AI aurait dû agir plus rapidement qu’il ne l’a fait, je ne suis pas convaincu, sur la base de motifs raisonnables, que sa conduite a constitué un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable.
Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 15 août 2024
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.