Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-SIRT

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Mémorandum

À l’attention de : Erin Nauss, directrice, Équipe d’intervention en cas d’incident grave
De la part de : Joseph Martino, directeur, Unité des enquêtes spéciales 
Date : 5 avril 2024
Objet : Examen du dossier no 2020-017 de l’ÉIIG (Fusillade à la caserne de pompiers d’Onslow)

Historique

La fusillade de la caserne de pompiers d’Onslow s’est produite le 19 avril 2020, dans le contexte d’une tuerie de masse par un homme armé qui a tué 22 personnes pendant une période de 13 heures, entre Portapique et Enfield, en Nouvelle-Écosse. Les agents impliqués (AI1 et AI2) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont fait feu sur la partie affectée (PA2), un coordonnateur de la gestion des urgences, à l’extérieur de la caserne de pompiers d’Onslow qui servait de refuge pour des civils. 

Conformément à son mandat légal, l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave (ÉIIG) de la Nouvelle-Écosse a enquêté sur la fusillade.

Le directeur de l’ÉIIG de l’époque a considéré la fusillade comme légalement autorisée en vertu de l’article 25 du Code criminel par le directeur de l’ÉIIG de l’époque et a fait la constatation suivante quant aux faits suivants :

[traduction] En arrivant devant la caserne de pompiers d’Onslow, [les AIs] ont vu un véhicule portant les inscriptions de la GRC garé devant la caserne, face à la route, et PA2, qui portait un gilet réfléchissant jaune et orange, debout près de la portière, côté conducteur, de ce véhicule de la GRC. La tenue vestimentaire de PA2 était similaire à celle décrite par des personnes qui avaient vu le tireur. Les AIs ne pouvaient pas voir si la portière du conducteur était ouverte ou si quelqu’un était à l’intérieur, car ils étaient à plus de 88 mètres de ce véhicule et faisaient face au côté passager.

AI2, au volant de son véhicule de police, s’est arrêté au milieu de la route et a tenté à plusieurs reprises de décrire ce qu’ils voyaient aux autres agents au moyen de la radio mobile du véhicule. Il n’est pas parvenu à diffuser son message parce que le réseau radio « bourdonnait ». AI1 et AI2 sont sortis de leur véhicule avec leurs carabines. AI2 a de nouveau tenté de décrire ce qu’ils voyaient aux autres agents, cette fois-ci en utilisant une radio portative, mais il n’est toujours pas parvenu à les joindre parce que, encore une fois, la radio « bourdonnait ». 

AI1 a crié « police » à PA2 et lui a ordonné de montrer ses mains. Au lieu de mettre les mains en l’air, PA2 s’est d’abord baissé derrière le véhicule de police puis a couru vers l’entrée de la caserne des pompiers. Les AIs ont fait feu. AI1 a tiré quatre coups de feu et AI2 en a tiré un. Les coups de feu n’ont touché ni PA2, qui était entré en courant dans la caserne de pompiers, ni PA1, qui – ce que les AIs ignoraient – était assis au volant du véhicule de police.[1]

L’incident qui a fait de nombreuses victimes, y compris la fusillade de la caserne de pompiers d’Onslow, a fait l’objet d’une enquête publique par la Commission fédérale-provinciale sur les pertes massives d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse, qui a publié son rapport final le 30 mars 2023.

Le 12 avril 2023, Alonzo Wright, alors directeur de l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave (ÉIIG), s’est entretenu avec le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales de l’Ontario, Joseph Martino, et lui a demandé si, selon lui, il fallait rouvrir l’enquête de l’ÉIIG. Cette demande de l’ÉIIG découlait de nouveaux éléments de preuve présentés à la Commission des pertes massives et, plus précisément, le fait que PA2 ne s’était pas baissé derrière le véhicule et ne s’était pas comporté de façon suspecte avant que les AIs ne lui tirent dessus, contrairement à ce que ces derniers avaient décrit. 

L’UES a accepté de fournir un avis fondé sur sa norme de réouverture des enquêtes (Politique opérationnelle 002 de l’UES).

Selon la politique opérationnelle 002 de l’UES relative au processus d’enquête, il n’est pas nécessaire de rouvrir une enquête, sauf si de « nouveaux renseignements importants » font surface. Cette norme n’est pas définie de façon détaillée, mais a été interprétée précédemment comme exigeant une évaluation en deux étapes. Premièrement, il doit y avoir des renseignements « nouveaux » au sens ordinaire du terme. Deuxièmement, ces nouveaux éléments de preuve doivent être « importants » pour une question dans un contexte juridique, ce qui pourrait peser sur la décision du directeur.

Les documents suivants ont été pris en considération :

Le document fondamental (et erratum), Caserne de pompiers d’Onslow Belmont, contenait des renseignements sur la fusillade, selon diverses perspectives, et citait des dossiers de preuve accessibles au public. L’UES a examiné les dossiers dont l’ÉIIG ne disposait pas au moment de sa décision, notamment les suivants :

  • Rapport supplémentaire de PA1[5]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec PA2[6]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec les témoins civils (TC) TC1 et TC2[7]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec TC3 et TC4[8]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec TC5[9]
  • Lettre de TC5 à Felix Cacchione, directeur de l’ÉIIG[10]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec TC6[11]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec TC7[12] 
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec AI1[13] 
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec PA1[14]
  • Entrevue de la Commission des pertes massives avec AI2[15] 
L’UES a conclu que la Commission des pertes massives avait révélé de nouveaux éléments de preuve sur le comportement d’AP2 qui, s’ils s’avéraient véridiques, auraient pu avoir un impact important sur la décision de l’ÉIIG concernant les accusations.

Existence possible de nouveaux éléments de preuve importants

L’enquête de l’ÉIIG

L’enquête de l’ÉIIG comprenait une déclaration recueillie auprès de AI1 et une description des événements fournie par un avocat au nom de AI2. AI1 a déclaré avoir vu le suspect et avoir crié « police » en lui ordonnant de montrer les mains, mais que [PA2] s’était plutôt caché derrière le [véhicule de police], s’était relevé et avait couru vers la caserne des pompiers.[16]  

Selon l’avocat de AI2, PA2 s’était baissé pour se mettre à l’abri derrière l’arrière du véhicule de police avant de courir vers le bâtiment.[17]

PA2 a fourni une déclaration à l’ÉIIG décrivant avoir entendu quelque chose qui ressemblait à « get down » [mets-toi à terre] avant d’entendre un bruit violent et de courir vers la caserne des pompiers.[18]  Il se souvenait qu’il n’y avait pas eu de pause entre l’ordre et le coup de feu.[19]  Dans ses notes, il a écrit : [traduction] « 2 agents dans une voiture grise; m’ont crié de me mettre à terre, je me suis baissé et j’ai couru jusqu’à l’entrée, et les coups de feu ont alors retenti.[20]

Dans sa déclaration, PA1 a décrit PA2 en train de lui parler par la portière, côté conducteur, qui était ouverte.[21] Il n’a pas vu ce que PA2 a fait pendant la fusillade et a remarqué qu’il n’était plus là par la suite.[22] PA1 n’a pas précisé dans ses notes s’il avait entendu les agents donner des ordres à PA2. 

TC1 et TC2, des pompiers volontaires qui étaient dans la caserne des pompiers au moment de la fusillade, ont également fourni des déclarations. TC1 a décrit avoir entendu des coups de feu en succession rapide et avoir vu PA2 entrer dans le bâtiment une « fraction de seconde » plus tard.[23] TC2 a déclaré que PA2 lui avait dit qu’il avait entendu l’ordre de se mettre à terre et qu’il s’était alors enfui en courant.[24]

L’ÉIIG a interrogé plusieurs autres témoins civils. TC3 a décrit avoir vu la fusillade et un homme accroupi entre un camion et une voiture.[25] Les autres témoins civils n’ont pas décrit le comportement de PA2 ni si les AIs avaient donné des ordres avant de faire feu. 

Le fichier de l’ÉIIG comprend également une vidéo de surveillance.[26]  La vidéo était sans fonction audio et de mauvaise qualité, car PA2 se trouvait à une certaine distance et était en partie dissimulé par la date sur la vidéo.
 


Figure 1 – Capture d’écran de la vidéo de surveillance à 10 h 31 min 11 s 


Figure 2 – Capture d’écran de la vidéo de surveillance à 10 h 31 min 31 s 

Sur la vidéo, on peut voir PA2 se déplacer vers l’arrière du véhicule et commencer à courir après avoir dépassé la portière arrière, côté conducteur.  

Les éléments de preuve recueillis par la Commission des pertes massives

AI1 et AI2 ont tous deux été interrogés par la Commission des pertes massives (la « CPM »), et leurs témoignages sur le comportement de PA2 concordaient relativement avec ce qu’ils avait déclaré à l’ÉIIG.

AI1 a déclaré que PA2 était debout à côté de la portière du conducteur du véhicule de la GRC et les regardait.[27]  AI1 a dit avoir crié à PA2 de mettre les mains en l’air à plusieurs reprises et que PA2 s’était d’abord baissé derrière le véhicule avant de réapparaitre, peut-être plus près de l’arrière du véhicule, puis de courir vers le bâtiment.[28] AI2 a également dit avoir vu PA2 regarder vers la route et « se comporter bizarrement » en se baissant et en se cachant derrière la voiture.[29]  Il a ajouté que PA2 s’était déplacé vers l’arrière du véhicule, vers la vitre arrière, et avoir pris appui sur le coffre du véhicule, presque comme dans une position tactique.[30]

Dans son entrevue avec la CPM, PA2 a donné une description qui correspondait bien à ce qu’il avait déclaré à l’ÉIIG. Il a décrit avoir regardé ce qui se passait quand il a entendu le véhicule des AIs s’arrêter (en faisant un crissement) et avoir entendu l’ordre de se mettre à terre.[31]  Il a insisté sur le fait qu’il avait entendu cet ordre et non celui de montrer ses mains, et il a nié s’être baissé pour se cacher derrière la voiture de patrouille, en soulignant qu’on ne voyait pas cela dans la vidéo.[32]

Dans sa déclaration, PA1 a fourni des détails supplémentaires. Il a dit qu’il remettait à PA2 un morceau de papier quand les AI sont arrivés.[33]  Il n’a pas entendu les AIs donner des ordres avant de tirer sur PA2, mais il n’était pas certain si les fenêtres de sa voiture étaient ouvertes ou non. Il pensait que la fenêtre du côté conducteur était ouverte.[34]

TC1 et TC2 ont été interrogés, et leurs déclarations concordaient avec celles qu’ils avaient faites à l’ÉIIG à propos du comportement de PA2. 

La Commission des pertes massives a interrogé d’autres témoins civils qui s’étaient entretenus avec l’ÉIIG : 

  • La déclaration de TC3 à la CPM était cohérente avec celle faite à l’ÉIIG concernant le comportement de PA2. 
  • TC5 a décrit avoir vu un homme debout à côté de la voiture de la GRC, vêtu d’un gilet vert et parlant à quelqu’un. Elle l’a vu aller derrière la voiture et courir vers la caserne des pompiers, notant [traduction] « qu’il n’y avait aucune menace pour eux; ils étaient là, ne faisaient rien de spécial ».[35] [Remarque : Dans sa déclaration originale à l’ÉIIG, TC5 a dit qu’elle n’avait pas vu l’homme qui s’était précipité dans la caserne des pompiers.[36]]
  • TC6 a fourni des détails supplémentaires et dit que la police n’avait donné aucun ordre avant de tirer. Il a décrit les agents qui bloquaient la route avec leur véhicule et lui avaient fait signe de passer. Il a déclaré que lorsqu’il est arrivé à la hauteur des agents, il ne les a pas entendus crier ou dire « stop » ou quoi que ce soit. Il a affirmé que sa vitre était baissée et qu’il l’aurait entendu.[37] 
  • La Commission des pertes massives s’est également entretenue avec TC7, avec qui l’ÉIIG n’avait pas eu d’entretien. Il a décrit avoir vu une voiture de la GRC dans le stationnement, avec quelqu’un à côté de la voiture, le coude sur le toit et en train de parler. Il n’était toutefois pas entièrement certain de ce qu’il avait vu.[38]

Qu’y a-t-il de nouveau?

En comparant le dossier d’enquête de l’ÉIIG et les documents soumis à la Commission des pertes massives, on constate les nouveaux éléments de preuve suivants sur le comportement de PA2 :

  • PA2 a explicitement nié s’être esquivé (contrairement à ses notes).
  • PA1 a déclaré qu’il passait un morceau de papier à PA2 au moment où il a remarqué l’arrivée des AIs.
  • TC5 et TC7 ont décrit PA2 comme étant debout à côté du véhicule. 
  • PA1 n’a entendu aucun ordre et pensait que sa vitre était baissée.
  • TC6 est passé devant les agents avec sa vitre baissée et ne les a pas entendus donner des ordres avant de tirer.

Les nouveaux éléments de preuve sont-ils importants?

Les éléments de preuve sont considérés comme importants s’ils peuvent peser sur la décision du directeur concernant le dépôt d’accusations. Dans ce contexte, cela signifie que les éléments de preuve devraient avoir une incidence sur l’évaluation de la justification du recours à la force par les agents en vertu des paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel. 

Les paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel stipulent les circonstances dans lesquelles les agents de police sont autorisés à recourir à la force, y compris la force meurtrière, dans l’exercice de leurs fonctions. Le paragraphe 25 (1) stipule que les agents de police, s’ils agissent pour des motifs raisonnables, peuvent recourir à autant de force que nécessaire pour l’exécution d’une fonction légitime. Le paragraphe 25 (3) prévoit en outre que les agents de police sont autorisés à recourir à une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves seulement dans les cas où ils ont des motifs raisonnables de croire que la force meurtrière est nécessaire pour se protéger eux-mêmes ou d’autres personnes de la mort ou de lésions corporelles graves.

En l’espèce, les nouveaux éléments de preuve sont pour la plupart importants, car, s’ils correspondent à la réalité, ils appuient l’inférence selon laquelle PA2 ne s’est pas baissé et n’a pas ignoré les ordres de la police (parce qu’aucun ordre n’a été donné), contrairement à ce qu’affirment les AIs. Cela pourrait modifier la décision de porter ou non des accusations, car le fait que PA2 ignorait les ordres et se baissait pour se dissimuler était en partie la raison pour laquelle les AIs croyaient que PA2 était le tireur et qu’il représentait une menace de mort. S’ils n’ont pas donné d’ordres verbaux, on peut également affirmer que le recours à la force létale n’était pas nécessaire parce qu’ils n’ont pas essayé des tactiques moindres pour se faire obéir.

Conclusion

Le 30 août 2023, l’UES a informé l’ÉIIG qu’elle estimait que la Commission des pertes massives avait révélé de nouveaux éléments de preuve sur le comportement de PA2 qui, s’ils s’avéraient véridiques, pourraient considérablement influer sur la décision de porter ou non des accusations.

Le 7 septembre 2023, l’ÉIIG a demandé à l’UES de poursuivre son examen et de fournir un avis quant à savoir si les nouveaux éléments de preuve qu’elle avait identifiés justifiaient le dépôt d’accusations criminelles contre les deux AIs ou contre l’un d’entre eux.

Les nouveaux éléments de preuve importants sont-ils suffisants pour justifier des accusations criminelles?

Réponse brève

Les nouveaux éléments de preuve ne justifient pas des accusations criminelles contre l’un ou l’autre des AI.

Contexte

Dans le rapport de l’ÉIIG sur l’incident de la caserne de pompiers d’Onslow, daté du 26 février 2021, le directeur de l’ÉIIG de l’époque a conclu que AI2, qui a tiré une balle, et AI1, qui a tiré quatre fois, avaient droit à la protection prévue l’article 25 du Code criminel. Le raisonnement du directeur pour arriver à cette conclusion était le suivant : [traduction]

Au moment de l’incident qui a donné lieu à cette enquête, les AIs étaient sur la piste d’un tueur qui avait abattu au hasard au moins huit personnes et mis le feu à plusieurs bâtiments au cours des 12 heures précédentes. Trois de ces meurtres avaient eu lieu dans les 30 minutes précédant leur propre tir. Les agents savaient que la personne qu’ils recherchaient était un tueur impitoyable et lourdement armé qui avait récemment repris le massacre qu’il avait commencé la nuit précédente et qui semblait déterminé à le poursuivre. Ils savaient, grâce à la déclaration de la partenaire intime du tueur, que celui-ci portait un gilet orange. Ils savaient également, d’après le message transmis par un autre agent, que l’auteur du premier des trois meurtres les plus récents portait un gilet réfléchissant et avait été vu s’éloigner des lieux de ce meurtre dans un véhicule portant les inscriptions de la GRC.

Alors qu’ils approchaient de la caserne de pompiers d’Onslow, les AIs ont vu PA2, un homme qui portait un gilet réfléchissant orange et qui se tenait près de la portière, côté conducteur, d’un véhicule de patrouille de la GRC garé devant la caserne. AI2 a essayé, à l’aide de radios mobiles et portatives, d’aviser d’autres agents de ce que lui-même et AI1 voyaient, mais ses messages n’ont pas été diffusés en raison du volume important de trafic radio. Quand AI1 s’est identifié comme étant de la police et a ordonné à PA2 de montrer ses mains, ce dernier, au lieu d’obéir à cet ordre, s’est plutôt caché derrière le véhicule de police, puis a surgi et s’est précipité dans la caserne des pompiers.

Sur la base de tout ce que les agents AI1 et AI2 avaient vu et entendu depuis leur entrée en service et de ce qu’ils venaient d’observer, ils avaient des motifs raisonnables de croire que PA2 était le tueur et qu’il était prêt à continuer son massacre. Ils ont fait feu afin d’éviter d’autres morts ou blessés graves.
L’ensemble des éléments de preuve établit que les AIs avaient des motifs raisonnables de croire que la personne qu’il avait vue et qui désobéissait à leurs ordres était le meurtrier de masse qui avait, au cours de l’heure précédente, tué trois autres personnes. D’un point de vue objectif, à la lumière des protections accordées aux agents de la paix par l’article 25 du Code criminel, l’ensemble des circonstances, dans une série d’événements qui se déroulaient rapidement, établit que AI1 et AI2 avaient une excuse légitime lorsqu’ils ont fait feu. 

Par conséquent, aucune infraction criminelle n’a été commise et aucune accusation n’est justifiée contre l’un ou l’autre des agents.

Analyse

Les nouveaux éléments de preuve importants sont insuffisants pour priver les agents de la protection prévue par l’article 25 du Code criminel pour les raisons suivantes.

Les nouveaux éléments de preuve importants ne sont pas fiables sur des points essentiels 
  • Par exemple, le démenti explicite de PA2, qui nie s’être esquivé entre le moment où il a d’abord remarqué les agents et la série de coups de feu, contredit ses notes sur l’incident qu’il avait prises antérieurement où il a écrit : [traduction] « 2 agents dans une voiture grise; m’ont crié de me mettre à terre, je me suis baissé et j’ai couru jusqu’à l’entrée, et les coups de feu ont alors retenti. » Il semble aussi que PA2 s’est trompé quant à sa position par rapport au véhicule de patrouille de la GRC de PA1 au moment de la fusillade. Il a dit qu’il était à l’arrière du véhicule du côté passager, alors qu’en fait, la séquence vidéo établit qu’il se trouvait près de la portière du conducteur du véhicule de patrouille lorsqu’il a commencé à s’enfuir vers la porte de la caserne des pompiers.[39]
  • Les nouveaux éléments de preuve sont équivoques
  • Les nouveaux éléments de preuve de PA1 et de TC6, qui ont déclaré ne pas avoir entendu les ordres donnés par les AIs avant la fusillade, n’établissent pas qu’aucun ordre n’a été donné. Il est possible qu’ils n’aient tout simplement pas entendu ces ordres étant donné les distances en cause et la nature dynamique du déroulement de l’incident. En fait, je suis convaincu que des ordres ont été donnés puisque même PA2 a dit avoir entendu les agents crier des instructions. Bien qu’il conteste avoir entendu les agents lui ordonner de montrer les mains, il a reconnu constamment qu’on lui a dit de « se mettre à terre » ou quelque chose de similaire. C’est ce qu’il a dit à TC2 immédiatement après la fusillade et a inscrit dans ses notes. Il a aussi mentionné avoir entendu l’ordre de se mettre à terre à la fois à l’ÉIIG et à la CMM.
  • En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve importants provenant de PA1, de TC5 et de TC7 selon lesquels PA2 était debout à côté du véhicule de patrouille au moment où les coups de feu ont été tirés, les éléments de preuve ne vont pas jusqu’à suggérer que PA2 ne s’est jamais esquivé aux moments en cause.[40] 
  • PA2 est convaincu que la vidéo de la caméra de surveillance de la caserne de pompiers d’Onslow établit qu’il ne s’est pas esquivé. Je reconnais que la vidéo ne montre pas PA2 effectuant un mouvement rapide pour s’esquiver avant les coups de feu, mais on ne voit pas clairement s’il a légèrement baissé le haut de son corps, en particulier compte tenu de la présence du timbre dateur sur la vidéo.
  • Les nouveaux éléments de preuve importants ne supplantent pas la valeur probante des éléments de preuve contraires 
  • Les nouveaux éléments de preuve importants ne sont pas suffisamment convaincants pour faire pencher la balance en faveur du scénario le plus incriminant en ce qui concerne la responsabilité criminelle possible des agents, à savoir que les agents n’ont pas ordonné à PA2 de faire quoi que ce soit avant de commencer à tirer et/ou que PA2 ne s’est jamais esquivé (ou n’a jamais agi d’une façon qui pourrait être perçue comme une esquive) quand il s’est enfui en courant vers la caserne des pompiers. En d’autres termes, compte tenu des éléments de preuve contraires présentés par les AIs sur ces points, il n’y a aucune raison de croire que le scénario le plus incriminant soit plus convaincant que l’autre. Cela étant, les éléments de preuve dans leur ensemble, y compris les nouveaux éléments de preuve importants, ne permettent pas de conclure raisonnablement que l’un ou l’autre des agents a agi sans la justification prévue par l’article 25 du Code criminel.

Notes

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.