Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFD-500

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 37 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 7 décembre 2023, à 23 h 30, la Police régionale de York (PRY) a signalé l’incident suivant à l’UES.

Le 7 décembre 2023, vers 22 h 15, des agents de la PRY ont été dépêchés à une adresse située sur le boulevard Crowder, à Newmarket, pour une querelle de ménage. Des personnes se disputaient et cassaient des choses dans un appartement. Les agents se sont rendus sur place. Le plaignant leur a fait front dans la cage d’escalier, en tenant un marteau. L’un des agents a déchargé son pistolet et a atteint le plaignant. Le coup de feu s’est avéré fatal.

Les lieux avaient été préservés pour l’UES. Les agents de police impliqués et leurs armes se trouvaient au poste de police de Newmarket.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 8 décembre 2023 à 0 h 53

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 8 décembre 2023 à 2 h 3

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 7

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 4

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 37 ans; décédé

Témoin civil

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 8 décembre 2023 et le 13 décembre 2023.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 18 décembre 2023.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 11 décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et autour de la cage d’escalier du rez-de-chaussée se trouvant en face de l’ascenseur situé à l’ouest de l’entrée principale d’un immeuble du boulevard Crowder, à Newmarket.

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Éléments de preuve matériels

Le 8 décembre 2023, à 2 h 3, les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur le boulevard Crowder, à Newmarket. Des agents en uniforme de la PRY assuraient la protection des lieux.

L’immeuble situé sur le boulevard Crowder était un immeuble d’habitation. Au rez‑de‑chaussée, il y avait un ascenseur à l’ouest de l’entrée principale, sur le côté sud d’un couloir.

L’incident s’est produit dans une cage d’escalier, au rez-de-chaussée. La cage d’escalier se trouvait à l’ouest et en diagonale de l’ascenseur, sur le côté nord du couloir. Une porte permettait d’accéder à la cage d’escalier.

La cage d’escalier en soi se composait d’un couloir allant de la porte de la cage d’escalier jusqu’à une porte de sortie de secours permettant de sortir à l’extérieur, sur le côté nord de l’immeuble. Sur le côté est, il y avait un long mur solide et, sur le côté ouest, un mur court s’étendant sur environ deux mètres et se terminant à la hauteur de l’escalier. L’escalier se trouvait sur le côté ouest de ce couloir et comportait un petit palier au bas de l’escalier. L’escalier menait aux étages supérieurs de l’immeuble.

Le corps du plaignant se trouvait dans le couloir de la cage d’escalier. Il était sur le dos. Sa tête se trouvait près du mur du côté est et ses pieds se trouvaient sur le palier de l’escalier. Il y avait un marteau sur le sol, près de son épaule droite, ainsi que plusieurs douilles dans l’escalier et dans le couloir de la cage d’escalier.

Figure 1 — Marteau trouvé sur les lieux

Figure 1 — Marteau trouvé sur les lieux

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné l’intérieur de la cage d’escalier et y ont trouvé plusieurs cartouches usagées, des projectiles, et un chargeur provenant de l’arme à feu de l’AI, ainsi qu’un marteau avec un manche jaune. En tout, les enquêteurs de l’UES ont recueilli 14 douilles, trois projectiles et plusieurs fragments d’enveloppe de cuivre.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli l’arme à feu, les balles et les chargeurs remis à l’AI.

Figure 2 — Pistolet Glock de l’AI

Figure 2 — Pistolet Glock de l’AI

Lors de l’examen des lieux, 14 douilles et une cartouche non éclatée ont été trouvées dans la cage d’escalier. Trois projectiles ont été trouvés dans la cage d’escalier et 11 projectiles ont été trouvés dans le corps du plaignant au cours de l’autopsie.

Éléments de preuve médico-légaux

L’arme à feu, les balles et les chargeurs remis à l’AI et recueillis par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont été soumis au Centre des sciences judiciaires (CSJ) à des fins d’analyse balistique.

Le 9 décembre 2023, les balles et les fragments trouvés dans le corps du plaignant au cours de l’autopsie ont également été soumis au CSJ.

Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UES n’avait pas encore reçu les résultats des analyses.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Images vidéo provenant de l’immeuble d’habitation du boulevard Crowder

Le 8 décembre 2023, les enquêteurs de l’UES ont obtenu les images vidéo captées par les caméras de l’immeuble d’habitation du boulevard Crowder. Les images étaient horodatées, mais il n’y avait pas de bande audio. Les heures et les dates ont été converties ci-dessous afin de refléter l’heure réelle, car elles accusaient un retard de trois minutes.

Les images montrent le couloir à l’extérieur de l’ascenseur, les portes de la cage d’escalier et le stationnement au sous-sol. Il n’y a pas d’images de l’intérieur de la cage d’escalier, là où la fusillade a eu lieu.

À partir de 22 h 13 environ, le 7 décembre 2023, le plaignant et la TC no 1 sortent d’un appartement et se dirigent vers l’ascenseur. Ils entrent tous deux dans l’ascenseur et en ressortent dans le stationnement au sous-sol. Le plaignant tient un marteau à manche jaune dans sa main gauche.

La voiture de la TC no 1 [on sait maintenant que le plaignant était au volant] sort du stationnement, sans la TC no 1. Cette dernière tente en vain de sortir du garage.

Vers 22 h 25, le plaignant revient dans le stationnement au volant de la voiture de la TC no 1. La TC no 1, qui est visiblement effrayée et bouleversée, traverse le stationnement en courant pour se rendre au couloir du sous-sol. Le plaignant traverse le stationnement. Le marteau se trouve dans la poche supérieure droite de son pantalon, manche jaune sortant de la poche.

Durant ce temps, la TC no 3 prend l’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée [on sait maintenant qu’elle s’en allait laisser entrer les agents dans l’immeuble]. Le plaignant et la TC no 1 semblent se disputer dans le stationnement du sous-sol.

Vers 22 h 27, la TC no 1 appuie sur le bouton pour appeler l’ascenseur. À ce moment-là, la TC no 3 se dirige vers les portes d’entrée du rez-de-chaussée, tandis que le plaignant et la TC no 1 continuent de se disputer en attendant l’ascenseur. L’ascenseur arrive et ils y entrent tous les deux. À ce moment-là, au rez-de-chaussée, l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 se trouvent maintenant à l’intérieur de l’immeuble et parlent avec la TC no 3 à l’extérieur de l’ascenseur. La TC no 3 appuie sur le bouton de l’ascenseur, et l’AT no 1, l’AI et l’AT no 2 franchissent la porte de la cage d’escalier, dans cet ordre.

Au moment où l’AT no 2 franchit le seuil de la porte de la cage d’escalier et disparaît dans la cage d’escalier, la porte de l’ascenseur commence à s’ouvrir. Le TC no 2 apparaît dans le champ de la caméra depuis l’ouest et se trouve presque à la hauteur de la porte de la cage d’escalier.

À 22 h 28 min 54 s (deux secondes après que l’AT no 2 ait complètement franchi le seuil de la porte de la cage d’escalier), la porte de l’ascenseur est complètement ouverte[3]. La TC no 3 semble l’indiquer aux agents de police. À 22 h 28 min 55 s (une seconde après l’ouverture de la porte d’ascenseur et trois secondes après que l’AT no 2 ait complètement franchi le seuil de la porte de la cage d’escalier), le plaignant sort de l’ascenseur et commence à traverser le couloir. De sa main droite, il commence à sortir le marteau de la poche droite de son pantalon. Le plaignant traverse le couloir en courant et passe par la porte de la cage d’escalier.

Trois secondes après l’ouverture complète de la porte de l’ascenseur et cinq secondes après que l’AT no 2 a complètement franchi le seuil de la porte menant à la cage d’escalier, le plaignant se trouve maintenant complètement à l’intérieur de la cage d’escalier. La TC no 3 et le TC no 2 regardent directement dans la cage d’escalier.

La TC no 3 et le TC no 2 se couvrent tous deux les oreilles à un moment correspondant au moment où l’AI décharge son arme à feu. Trois secondes plus tard, la TC no 1 sort de l’ascenseur en courant en direction est dans le couloir, traverse le hall et passe devant le TC no 4, lequel se dirige vers l’ascenseur en marchant depuis l’autre côté du hall.

Enregistrements de communications

Appels au 911

Le 7 décembre 2023, à 22 h 14, un appelant demande qu’on envoie la police, car [Traduction] « on dirait que quelqu’un essaie de tuer une femme ». Il déclare qu’une femme crie, fournit le numéro de l’appartement d’où semblent provenir les cris et indique qu’il a entendu du fracas et une voix d’homme qui criait. Une autre personne téléphone pour signaler des cris, des hurlements, des coups et possiblement un coup de feu. Elle transmettait les renseignements fournis par un autre locataire qui avait vu un homme et une femme se diriger vers un ascenseur.

À 22 h 30, trois personnes téléphonent pour signaler des coups de feu [on sait maintenant que ces appels ont été passés après que l’AI a déchargé son arme].

Radio

Le 7 décembre 2023, à 22 h 17, le service de répartition demande que toutes les unités disponibles se rendent à une adresse située sur le boulevard Crowder pour une perturbation importante, avec présence possible d’une arme, dans un appartement dont le numéro n’avait pas encore été confirmé.

À 2 min 59 s dans l’enregistrement, l’AT no 1 demande que les SMU soient dépêchés. Il annonce que des coups de feu ont été tirés et que le suspect [Traduction] « s’est jeté sur nous avec un marteau ». L’AT no 1 indique que le suspect est au sol et qu’ils sont dans une cage d’escalier.

À 4 min 36 s dans l’enregistrement, l’AT no 1 indique qu’ils ont entrepris des manœuvres de RCP.

À 5 min 28 s dans l’enregistrement, l’AT no 1 indique que les compressions et les mesures de sauvetage ont été interrompues. Le décès de l’homme est prononcé à 22 h 38.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès de la PRY entre le 8 décembre 2023 et le 14 décembre 2023 :

  • Enregistrements de communications
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Vidéo provenant du système de caméra intégré au véhicule
  • Rapports d’incident généraux
  • Registres des terminaux de données mobiles
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 2
  • Déclaration vidéo de la TC no 1
  • Coordonnées des proches
  • Copie des empreintes digitales connues du plaignant
  • Politique de la PRY — usage de la force
  • Usage de la force — dossier de formation de l’AI
  • Usage de la force — dossier de formation de l’AT no 1
  • Usage de la force — dossier de formation de l’AT no 2

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part d’autres sources entre le 14 décembre 2023 et le 16 février 2024 :

  • Service de médecine légale de l’Ontario — Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie
  • Rapport des services paramédicaux de la région de York

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec l’AI, des témoins civils et des témoins la police, ainsi que des enregistrements vidéo montrant différentes parties de l’incident, dresse le portrait suivant des événements.

Dans la soirée du 7 décembre 2023, l’AI et son partenaire, l’AT no 2, ont été dépêchés à une adresse située sur le boulevard Crowder, à Newmarket. Des résidents de l’immeuble avaient téléphoné au 911 pour signaler une querelle de ménage entre un homme et une femme qui semblaient se trouver dans l’un des appartements de l’immeuble. Les agents ont rejoint l’AT no 1, qui répondait également à l’appel, à l’immeuble. L’une des personnes qui avait téléphoné au 911, la TC no 3, a rejoint les trois agents dans le hall d’entrée de l’immeuble et les a conduit à un ascenseur situé à l’ouest de l’entrée principale. Il était environ 22 h 28.

L’AI, l’AT no 2, l’AT no 1 et la TC no 3 ont discuté près de l’ascenseur pendant environ 40 secondes, puis les agents ont poussé une porte et sont entrés dans la cage d’escalier située dans le couloir, de l’autre côté de l’ascenseur. Alors que le dernier d’entre eux franchissait complètement le seuil de la porte, l’ascenseur est arrivé au rez-de-chaussée et les portes se sont ouvertes. Le plaignant et la TC no 1 s’y trouvaient.

Le plaignant et la TC no 1 étaient à l’origine des appels au 911. Le plaignant avait contrevenu à une ordonnance de non-communication en se présentant ce jour-là à l’appartement de la TC no 1. Dans l’appartement, ils ont eu une altercation qui a donné lieu aux appels à la police. La TC no 1 est sortie de l’appartement et est entrée dans l’ascenseur avec le plaignant. Ils sont descendus au stationnement. Le plaignant est sorti du stationnement au volant du véhicule de la TC no 1, en laissant la TC no 1 dans le stationnement, puis il est revenu 15 minutes plus tard. Le plaignant et le TC no 1 retournaient à l’appartement de la TC no 1 lorsque l’ascenseur s’est arrêté au rez‑de‑chaussée.

Lorsqu’elle a vu la TC no 1 dans l’ascenseur, la TC no 3 a hélé les agents par la porte de la cage d’escalier et leur a indiqué qu’il s’agissait de la femme qu’ils cherchaient. Immédiatement après, le plaignant est sorti de l’ascenseur et s’est précipité vers la porte de la cage d’escalier, tout en sortant un marteau de sa poche avant droite. À ce moment-là, l’AT no 1, qui avait pénétré dans la cage d’escalier en premier, était presque rendu en haut de la première volée de marches. L’AI était derrière lui, près du bas de l’escalier. L’AT no 2, qui avait franchi la porte en dernier, n’était pas encore dans l’escalier. Les agents ont été alertés de la présence du plaignant, lequel a crié. Il tenait le marteau dans sa main droite, à la hauteur de sa poitrine, tout en se rapprochant des agents. L’AT no 2 s’est déplacé sur sa droite, en direction d’une porte de sortie, afin de se distancer du plaignant alors que celui-ci s’approchait de l’escalier. Le plaignant se trouvait à moins d’un mètre de l’AI lorsque ce dernier, qui avait dégainé son arme, a tiré 14 fois dans sa direction.

Les coups ont immédiatement envoyé le plaignant au sol. Il a basculé vers l’avant et s’est effondré au pied de l’escalier. L’AI lui a passé les menottes derrière le dos et s’est mis à lui prodiguer les premiers soins.

Un ambulancier paramédical est arrivé sur les lieux et a constaté le décès du plaignant. Il était 22 h 38.

Cause du décès

De l’avis préliminaire du pathologiste chargé de l’autopsie, le décès du plaignant serait dû à de « multiples blessures par balle ». Treize des quatorze balles tirées par l’AI ont atteint le plaignant.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel — Défense de la personne — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence
d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser
une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause,
notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant
l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en
cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à
la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une
menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 7 décembre 2023, le plaignant est décédé de blessures par balle infligées par un agent de la PRY. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête dans laquelle l’AI a été désigné comme étant l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, une conduite qui constituerait une infraction en temps normal est légalement justifiée si elle vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si la conduite est elle‑même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si l’une des parties en cause a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

L’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1 exerçaient leurs fonctions de façon légitime tout au long de la série d’événements qui s’est soldée par la fusillade. Les agents tentaient de se rendre dans un appartement d’un immeuble d’habitation pour enquêter sur une querelle de ménage qui semblait avoir pris une tournure violente.

Je suis convaincu que l’AI a déchargé son arme dans le but de se protéger contre une attaque raisonnablement appréhendée de la part du plaignant. Au moment où l’AI a déchargé son arme, le plaignant se dirigeait vers l’AI en tenant un marteau dans sa main droite et l’agent avait toutes les raisons de croire que le plaignant s’apprêtait à le frapper avec le marteau. L’attaque était manifestement imminente et l’agent a agi pour se défendre.

Je suis également convaincu que les coups de feu tirés par l’AI constituaient une force raisonnable pour se défendre. L’agent risquait de subir des lésions corporelles graves, voire mortelles, si le plaignant réussissait à le frapper avec le marteau. Le risque était également imminent. Le plaignant se trouvait à environ un mètre de l’agent lorsque l’AI a tiré. Dans ces circonstances, l’agent devait recourir à une à force capable de mettre immédiatement le plaignant hors d’état de nuire. L’AI aurait pu envisager d’utiliser une arme à impulsions, mais une telle arme n’a pas le même pouvoir d’arrêt qu’une arme à feu. Cela aurait été d’autant plus vrai en l’occurrence, car le plaignant portait un manteau qui aurait pu empêcher les sondes de l’arme de pénétrer dans la peau. Bien que le nombre de coups tirés — 14 — puisse soulever certaines réserves légitimes, cela ne prive pas l’agent de la protection conférée par l’article 34. Il semble que les coups ont été tirés en succession rapide et principalement alors que le plaignant était debout. D’après certains éléments de preuve, les derniers coups de feu auraient été tirés alors que le plaignant était en train de s’effondrer ou était au sol. Cependant, étant donné le court laps de temps pendant lequel les événements se sont déroulés, la tension du moment et le délai associé au temps de réaction, je ne peux conclure que les coups de feu tirés par l’AI ne constituaient pas une réaction raisonnable à la menace que représentait le plaignant.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles contre l’AI dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : Le 5 avril 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Les enquêteurs de l’UES ont constaté que la porte de la cage d’escalier met 20 secondes à se fermer. Par conséquent, la porte de la cage d’escalier était probablement encore presque complètement ouverte, ce qui aurait permis au plaignant d’apercevoir les agents dans la cage d’escalier depuis l’endroit où il se trouvait dans l’ascenseur. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.