Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFD-434

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 48 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

À 22 h 22 le 23 octobre 2023, le Service de police régional de Niagara a transmis à l’UES les renseignements suivants.

À 21 h 1 ce soir-là, des agents du Service de police régional de Niagara ont été dépêchés sur les lieux d’un incident de violence familiale, soit une résidence près de l’intersection entre la rue Arthur et Cindy Drive, à St. Catharines. D’après l’information qu’avait la police, un homme armé d’un couteau était en train de poursuivre les membres de sa famille à l’intérieur de la maison. Deux agents du Service de police régional de Niagara sont arrivés sur place à 21 h 17. Lorsqu’ils se sont approchés de la porte, l’homme s’est dirigé vers eux en courant avec son couteau. Les deux agents ont tiré sur l’homme [maintenant identifié comme le plaignant]. Celui-ci a été conduit d’urgence à l’emplacement de St. Catharines de Santé Niagara, où il a été déclaré mort.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 23 octobre 2023, à 22 h 39

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 24 octobre 2023, à 0 h 53

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 48 ans, décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 24 octobre 2023.

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 14 novembre 2023.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 27 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans l’entrée de cour avant et sur le terrain d’une résidence près de l’intersection entre la rue Arthur et Cindy Drive, à St. Catharines.

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux en début de matinée le 24 octobre 2023 et ils ont consigné les renseignements suivants.

Plusieurs véhicules étaient garés dans le stationnement de la résidence. Un examen visuel des véhicules a été effectué et on n’a observé aucun signe d’impact sur les surfaces extérieures.

Sur le gazon devant la maison, des éléments de preuve étaient dispersés sur une grande surface et il y avait notamment des taches, qui étaient présumément des taches de sang. On a aussi trouvé des vêtements, un petit couteau de cuisine et des débris de fournitures ambulancières et médicales.

Figure 1- Knife located at the scene
Figure 1 – Couteau trouvé sur les lieux de l’incident

Une recherche plus poussée à l’aide d’un détecteur de métal a permis de trouver plusieurs douilles sur le gazon à l’avant. On a repéré des douilles à deux endroits différents, à l’écart des débris, et plus près de la route et du stationnement. D’autres douilles ont aussi été trouvées sur la route, près de l’entrée de cour. Ces éléments de preuve ont été identifiés comme suit :

1 - une douille;
2 - une douille;
3 - une douille;
4 - une douille;
5 - une douille;
6 - une douille;
7 - une douille;
8 - un couteau;
9 - une douille;
10 - un t-shirt;
11 - un projectile.

Les lieux ont été photographiés et numérisés pour permettre d’établir un diagramme à l’échelle.

Un point d’impact potentiel a été repéré sur la résidence, à gauche de la porte principale. La marque d’impact mesurait 2,5 cm X 1 cm et se trouvait à 37 cm à gauche du cadre de porte (selon la perspective d’une personne placée devant la porte) et à 35 cm au-dessus de la surface de la galerie. Le projectile aurait pénétré le mur extérieur de la résidence à un angle indéterminé. L’examen des lieux n’a rien révélé d’autre. La décision a été prise de ne pas pousser plus loin l’exploration pour éviter de causer des dommages considérables à l’extérieur du mur. Le point d’impact a été photographié.

Vers 5 h 45 le 24 octobre 2023, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés au quartier général du Service de police régional de Niagara, au 5700 Valley Parkway, à Niagara Falls, pour procéder à l’examen de l’équipement de police utilisé par les agents en cause. Les objets figurant ci-dessous avaient, selon l’information obtenue, été assignés aux agents indiqués :

AI no 2
- une chemise d’uniforme;
- un t-shirt noir;
- un pantalon d’uniforme (tache sur la jambe gauche notée et photographiée);
- une veste pare-balles;
- des bottes d’uniforme;
- des gants Hatch;
- un ceinturon de service avec des armes.

Ces objets ont été photographiés.

L’UES a recueilli l’arme Glock 22 de l’agent avec le chargeur contenant sept cartouches non utilisées.

Figure 2 - SO #2's Glock 22 pistol and magazine
Figure 2 – Pistolet Glock 22 de l’AI no 2 avec le chargeur

Remarque : Le chargeur de rechange dans le ceinturon de service contenait 14 cartouches. À supposer que le chargeur de l’arme contenait quatorze cartouches au moment de l’incident, plus une cartouche supplémentaire dans la chambre, il semblerait que le nombre de balles tirées par l’agent sur les lieux ait pu atteindre huit.

AI no 1
- une chemise d’uniforme;
- un pantalon d’uniforme (avec les deux genoux sales et une trace projetée à l’avant);
- une veste pare-balles (tachée à l’avant);
- un ceinturon de service avec des armes.

Ces objets ont été photographiés.

L’UES a recueilli l’arme Glock 22 de l’agent avec le chargeur contenant six cartouches non utilisées.

Figure 3 - SO #2's Glock 22 pistol and magazine
Figure 3 – Pistolet Glock 22 de l’AI no 1 avec le chargeur

Remarque : Le chargeur de rechange dans le ceinturon de service contenait 14 cartouches. À supposer que le chargeur de l’arme contenait quatorze cartouches au moment de l’incident, plus une cartouche supplémentaire dans la chambre, il semblerait que le nombre de balles tirées par l’agent sur les lieux ait pu atteindre neuf.

Vu l’écart entre le nombre de douilles collectées sur les lieux et le nombre de cartouches utilisées, on a décidé de retourner sur les lieux pour poursuivre les recherches avant d’examiner les armes à feu des agents.

À 7 h 45, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont retournés sur place pour poursuivre la recherche de douilles. À l’aide d’un détecteur de métal, cinq douilles de plus ont été trouvées au même endroit où les éléments de preuve 5, 6 et 7 avaient déjà été ramassés, et deux cartouches étaient là où les éléments de preuve 1, 2, 3 et 4 avaient été collectés précédemment. Voici la liste des éléments de preuve supplémentaires ayant été recueillis :

12 - un projectile;
13 - un projectile;
14 - une douille;
15 - une douille;
16 - une douille;
17 - une douille;
18 - une douille;
19 - une douille;
20 - une douille.

Éléments de preuves médicolégaux

L’UES a soumis au Centre des sciences judiciaires des éléments de preuve pour une analyse balistique, qui ont été acceptés par le Centre le 2 novembre 2023. Il s’agissait de quinze douilles retrouvées sur les lieux de l’incident et de deux pistolets semi-automatiques Glock 22 du Service de police régional de Niagara.

Au moment de la rédaction du présent rapport, le rapport du Centre sur les armes à feu n’était pas encore prêt.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications et rapport du système de répartition assisté par ordinateur

Vers 21 h 3 le 23 octobre 2023, un appel au 911 a été reçu de la part de la TC no 4, qui se trouvait dans une maison située près de l’intersection entre la rue Arthur et Cindy Drive, à St. Catharines. Elle a indiqué que le plaignant avait agressé son mari et le TC no 2. On entendait des voix fortes en arrière-plan. La TC no 4 a dit : [Traduction] « S’il me surprend au téléphone, il me tuera », et la ligne a coupé.

À environ 21 h 7, le centre de répartition du Service de police régional de Niagara a transmis un message demandant à des unités de se rendre à la résidence en question, en raison d’une dispute familiale. Le centre de répartition a indiqué que l’homme en cause était le plaignant. Il a ajouté que ce dernier avait des pensées suicidaires et voulait être abattu par la police. Plusieurs agents ont répondu qu’ils allaient se rendre sur les lieux.

Autour de 21 h 14, le centre de répartition a fourni de nouveaux renseignements, soit qu’il n’y avait aucune arme à feu en cause, mais peut être un couteau. Peu après, l’AT no 3 a demandé au centre de répartition de rétablir la communication avec la personne qui avait appelé.

À environ 21 h 17, l’AI no 2 est arrivé sur les lieux. La TC no 4 était à l’extérieur dans l’entrée de cour, alors que les autres membres de la famille se trouvaient à l’intérieur de la résidence. Une personne à l’intérieur de la résidence, présumément le TC no 2, était au téléphone.

À 21 h 19, l’AI no 2 a annoncé : [Traduction] « Des coups de feu ont été tirés. »

À 21 h 20, l’AT no 2 a indiqué qu’il sentait le pouls du plaignant, mais qu’il n’allait pas bien.

À 21 h 21, on a commencé les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire et demandé une ambulance d’urgence.

À 21 h 33, les ambulanciers et les pompiers ont pris en charge les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire, et on a demandé à l’AT no 2 d’accompagner le plaignant pendant le transport en ambulance.

À 21 h 48, un agent de rang supérieur du Service de police régional de Niagara a demandé que les deux agents concernés soient conduits au quartier général.

À 21 h 53, le plaignant a été déclaré mort.

Enregistrement vidéo sur téléphone cellulaire fait par le TC no 1

L’enregistrement a été fait par le TC no 1 le 23 octobre 2023, à partir de 21 h 19. Le TC no 1 se trouvait dans sa chambre à coucher dans une maison située en face du lieu de l’incident. La vidéo était sombre, un seul lampadaire fournissant un éclairage partiel. Il y avait un peu de lumière artificielle provenant de la porte de devant de la résidence, mais elle ne suffisait pas à éclairer la cour avant.

Au début de la vidéo, on voyait deux VUS identifiés du Service de police régional de Niagara stationnés face à l’ouest. Seulement un des deux VUS avait activé ses feux d’urgence. La vidéo montrait le terrain avant du lieu de l’incident et les arbres qui s’y trouvaient. L’AI no 1 était près d’un arbre à gauche. L’AI no 2 était à proximité d’un autre arbre près de l’entrée de cour de la maison. Un homme s’est écrié : [Traduction] « Montrez-moi vos mains, montrez-moi vos mains (paroles incompréhensibles). » Immédiatement après ces ordres, le plaignant est parti du bord de la porte de devant de la résidence pour se rendre sur le terrain avant, se précipitant vers l’AI no 2. Dix-sept coups de feu rapprochés ont alors retenti. Le plaignant, qui était debout, s’est incliné vers l’avant près de l’arbre situé le plus près de l’entrée de cour.

La TC no 4 a hurlé, puis un homme a dit : [Traduction] « Des coups de feu ont été tirés, des coups de feu ont été tirés. » Les voix des TC nos 1 et 3 empêchaient de discerner ce qui se passait, mais on a entendu un homme crier : [Traduction] « Couchez-vous, couchez-vous. » Après un très bref instant, les AI nos 1 et 2 se sont approchés du plaignant et agenouillés près de lui.

D’autres agents sont arrivés dans le champ de la caméra, en provenance du sud, accourant vers le plaignant au sol. Puis, des agents près du plaignant se sont mis à pratiquer des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Niagara Toronto entre le 24 octobre 2023 et le 31 janvier 2024 :
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AI no 1;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le rapport d’incident général;
  • l’ordonnance générale 095.10 – Incidents graves;
  • l’ordonnance générale 100.10 – Pouvoirs d’arrestation;
  • l’ordonnance générale 053.24 – Usage de la force;
  • les enregistrements de communications.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • l’enregistreent vidéo sur téléphone cellulaire fait par le TC no 1 et reçu le 25 octobre 2023;
  • le rapport préliminaire d’autopsie établi par le Service de médecine légale de l’Ontario et reçu le 25 octobre 2023.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec l’AI no 1 et plusieurs témoins civils, ainsi que l’enregistrement vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI no 2 a refusé de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Dans la soirée du 23 octobre 2023, les AI nos 1 et 2 se trouvaient sur le terrain gazonné devant une maison près de l’intersection entre la rue Arthur et Cindy Drive, à St. Catharines. Peu après leur arrivée, les agents ont déchargé leur arme à feu à plusieurs reprises sur le plaignant. L’AI no 1 a tiré neuf coups de feu rapprochés, tandis que l’AI no 2 en tirait huit tout aussi rapidement. Le plaignant est tombé pendant les coups de feu. Les ambulanciers sont allés chercher le plaignant, qu’ils ont conduit à l’hôpital, où il a succombé à ses blessures. À 21 h 53, il a été déclaré mort.

Les événements qui ont fait en sorte que les agents se sont retrouvés en présence du plaignant consistent en un incident de violence familiale survenu à la résidence en cause. Le plaignant était devenu violent envers les membres de sa famille et menaçait de leur faire du mal. Il avait pris un couteau, avec lequel il avait attaqué un membre de sa famille. La TC no 4 a appelé la police vers 21 h 3 pour signaler ce qui était en train de se produire. Craignant pour sa sécurité, elle a fui la maison pour se cacher derrière un véhicule dans le stationnement de la résidence en attendant la police. Entretemps, les autres membres de la famille du plaignant étaient dans la maison et tentaient de contrôler le plaignant.
 
L’AI no 2 a été le premier à arriver sur les lieux. Il est allé à l’avant de la maison pour parler à la TC no 4, qui se trouvait à proximité d’un arbre à côté de l’entrée de cour. L’AI no 1 est arrivé peu après et s’est placé près de l’autre arbre devant la maison, situé à quelques mètres à l’est du premier arbre. Devant les agents et à mi-chemin entre eux, plusieurs mètres au sud, il y avait la porte principale de la maison. Quelques secondes après l’arrivée de l’AI no 1, le plaignant est sorti par la porte principale. Tenant un couteau dans la main gauche, il s’est précipité vers les agents.

Le plaignant a reçu l’ordre de montrer ses mains avant que son avancée soit bloquée par une série de coups de feu tirés par les agents. Il est tombé vers l’avant sur le gazon et a laissé tomber son couteau. Les AI nos 1 et 2 ont transmis un message radio disant que des coups de feu avaient été tirés avant de menotter le plaignant et de lui prodiguer les premiers soins, y compris des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire.

Cause du décès

À l’autopsie, le médecin légiste a indiqué que, d’après un examen préliminaire, le décès du plaignant était attribuable à de multiples blessures par balle au torse.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 23 octobre 2023, le plaignant est décédé de blessures par balle. Comme les blessures sont survenues pendant que la police tirait des coups de feu, l’UES a été avisée et a entrepris une enquête. Les AI nos 1 et 2 ont été identifiés comme les agents impliqués. Cette enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle ayant un lien avec le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, des actes qui constitueraient autrement une infraction sont légalement justifiés pourvu que ce soit pour éviter une attaque raisonnablement redoutée, qu’elle soit réelle ou potentielle, à condition que ces actes soient raisonnables dans les circonstances. Pour ce qui est du caractère raisonnable des actes en question, il doit être évalué en fonction des circonstances pertinentes, notamment en tenant compte de facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.
La présence des AI nos 1 et 2 était justifiée et ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions pendant le déroulement des événements survenus avant les coups de feu. L’obligation première d’un policier étant de protéger et de préserver la vie, les agents impliqués avaient le devoir de se rendre à la résidence afin de faire tout en leur pouvoir pour préserver la paix et empêcher qu’on puisse faire du mal aux membres de la famille.
Même si l’AI no 2 a refusé de participer à une entrevue de l’UES, comme la loi l’y autorise, j’ai la conviction que lui, tout comme l’AI no 1, qui l’a indiqué très clairement dans son entrevue avec l’UES, ont déchargé leur arme à feu contre le plaignant pour se défendre eux-mêmes et l’un l’autre contre une attaque raisonnablement redoutée. Les circonstances amènent forcément à tirer cette conclusion puisque les agents venaient à peine d’arriver sur place lorsqu’ils se sont retrouvés face à un plaignant en colère qui brandissait un couteau et avançait rapidement vers eux.

J’ai aussi la conviction que la force employée par l’AI no 1 et l’AI no 2 pour se défendre eux-mêmes et l’un l’autre, soit plusieurs coups de feu rapprochés, était raisonnable. Les agents se sont retrouvés devant une menace mortelle. Le plaignant était armé d’un couteau, une arme ayant le potentiel d’infliger de graves blessures et même la mort, qu’il avait brandi devant sa famille et avec lequel il menaçait alors les agents. De plus, les agents n’ont eu qu’une fraction de seconde pour décider comment se défendre contre le plaignant. Ils n’avaient pas l’option de s’éloigner, étant donné de la vitesse à laquelle les événements se sont déroulés et de la présence d’autres membres de la famille, dont la sécurité était menacée. Le recours à d’autres armes, comme une arme à impulsions, n’était pas non plus une tactique réaliste dans les circonstances, étant donné l’impératif absolu de neutraliser immédiatement le plaignant. L’usage d’une arme à feu était le meilleur moyen d’y parvenir. Le nombre de coups tirés par les agents mérite d’être examiné de près, d’autant plus qu’il semblerait qu’environ la moitié aient été tirés une fois le plaignant tombé. Cela dit, il importe de garder à l’esprit que dix-sept coups de feu ont été tirés en deux secondes et demie environ (dont la moitié durant la deuxième moitié de cette durée), qu’il y a un délai de réaction normal dans ce type de situation et qu’il régnait un climat de tension compte tenu de la nature de la menace pour les agents. Au vu du dossier, il ne m’est pas possible de conclure que l’un ou l’autre des agents a usé d’une force excessive en relation avec le nombre total de coups de feu tirés en décidant de réagir à une menace de mort imminente en utilisant eux-mêmes une arme mortelle.
 
Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations contre l’un ou l’autre des agents impliqués. Malgré la mort tragique du plaignant, la force employée était conforme à la force autorisée qui est reconnue en droit pénal. Le dossier est donc clos.

Date : 16 février 2024
Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.