Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCD-394

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet du décès d’un homme de 88 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 13 septembre 2023, vers 18 h, le Service de police régional de Peel (SPRP) a avisé l’UES de l’interaction qu’il avait eue avec le plaignant plus tôt ce jour-là, à 12 h 59, à la résidence du plaignant située dans le secteur de la rue Dundas Est et de Cawthra Road, à Mississauga.

D’après les renseignements fournis par le SPRP, un agent de l’Équipe de liaison et de soutien communautaires (ELSC), qui était accompagné d’un intervenant de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) faisant partie de l’ELSC, et d’une infirmière du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) participant au Projet ontarien de soutien en cas de troubles du comportement (Projet OTC), s’est présenté à la résidence du plaignant en vue de l’appréhender en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM). Le plaignant a été localisé à l’extérieur de sa résidence. Il était dans un état agité. L’agent a réussi à désamorcer la situation et le plaignant est retourné à l’intérieur en compagnie de l’agent, de l’infirmière du Projet OTC et de l’intervenant de l’ELSC. Le plaignant a ensuite été appréhendé en vertu de la LSM. À un moment donné, le plaignant est tombé dans un escalier. Il a été transporté à l’Hôpital St. Michael (HSM).

Le 25 septembre 2023, à 11 h 13, le SPRP a informé l’UES que le plaignant était décédé au HSM ce jour-là. L’UES a invoqué sa compétence.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 26 septembre 2023 à 8 h 39

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 26 septembre 2023 à 12 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 88 ans; décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 N’a pas accepté de participer à une entrevue
TC no 6 N’a pas accepté de participer à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 26 septembre 2023 et le 26 octobre 2023.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 3 novembre 2023.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 8 et le 10 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur le palier extérieur et intérieur de la porte d’entrée d’une résidence située dans le secteur de la rue Dundas Est et de Cawthra Road, à Mississauga.

Le plaignant et la TC no 1 habitait dans la résidence. De l’extérieur, il semblait s’agir d’une maison à deux étages.

L’UES ne s’est pas rendue sur les lieux et n’a pas procédé à une inspection des lieux en vue d’y recueillir des éléments de preuve médico-légaux. Des membres du SPRP ont photographié les lieux le 13 septembre 2023. Les enquêteurs de l’UES ont pris six photos le 26 septembre 2023, lorsqu’ils ont recueilli la déclaration initiale de la TC no 1.

Preuves d’expert

Au début de l’enquête, l’UES devait déterminer si le décès du plaignant était plus vraisemblablement attribuable aux blessures subies en tombant dans les escaliers qu’à un autre facteur apparu pendant son séjour d’environ deux semaines à l’hôpital. L’UES devait donc déterminer s’il s’agissait d’une enquête relative à un « décès en cours de détention » ou à une « blessure en cours de détention ».

Les enquêteurs ont consulté le coroner investigateur, lequel a estimé, après examen du dossier médical du plaignant, que son décès était probablement dû aux blessures subies lors de sa chute dans l’escalier.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications de la police

Les enregistrements des communications pertinentes du 13 septembre 2023 n’étaient pas horodatés [3]. Le TC no 5 a téléphoné au 911 pour demander de l’aide. Durant cet appel de 4 min 54 s, il indique qu’il travaille pour un programme d’intervention en cas de crise, qu’une visite a pris une mauvaise tournure et qu’ils ont besoin d’aide. Il croyait qu’un agent de police [Traduction] « retenait » un homme de 88 ans et que l’homme devait être emmené à l’hôpital pour obtenir des soins médicaux et de santé mentale.

Dans sa première transmission radio, vers 13 h 29, l’AI demande qu’on envoie une ambulance et d’autres agents de police. Le répartiteur émet un code 10 afin que tous les agents cessent leurs transmissions, puis l’AI signale qu’un homme de 88 ans est tombé dans un escalier et est inconscient. Il indique ensuite que l’homme respire, mais qu’il est inconscient.

À partir de 13 h 30, diverses transmissions se succèdent alors que des agents indiquent qu’ils vont se rendre sur les lieux. L’AI informe le répartiteur que le plaignant saigne à la tête.

Vers 13 h 32, l’AI signale que le plaignant a repris connaissance, mais qu’il est confus et se plaint d’avoir mal au cou. L’AI répond aux questions posées par radio au sujet de sa situation et indique que la TC no 1, une infirmière du projet OSTC, et « son civil » [4] sont avec lui. L’AT no 3 indique que le plaignant ne sent plus ses jambes.

Vers 13 h 37, un autre agent du SPRP indique par radio que les ambulanciers paramédicaux et les pompiers sont arrivés chez le plaignant.
 

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 3

Le 13 septembre 2023, vers 13 h 34, la vidéo débute. On voit l’intérieur d’un véhicule de police. Le véhicule s’arrête et l’AT no 3 entre dans la résidence et passe devant le TC no 5 et la TC no 6, lesquels sont à la porte d’entrée. La TC no 6 et la TC no 1 lui indiquent où se trouve le sous sol. Il descend au sous-sol à la suite de l’AT no 1.

L’AI parle au plaignant, et ce dernier lui répond. Ces premiers échanges ne sont pas toujours clairs, mais le plaignant semble demander à l’AI de faire quelque chose [Traduction] « plus bas ». L’AI demande à l’AT no 3 d’informer l’ambulance que le plaignant ne sent plus ses jambes. Le plaignant dit à l’AI de [Traduction] « faire ce qu’il lui dit ». L’AI le rassure en lui disant que tout va bien aller. Le plaignant demande à l’AI d’aller chercher un seau d’eau glacée et de le verser sur lui. L’AI demande au plaignant s’il fait de l’hypertension. Le plaignant demande à plusieurs reprises qu’on l’asperge avec de l’eau glacée. L’AI lui demande de ne pas bouger. Le plaignant crie à l’AI de lâcher quelque chose. L’AI demande au plaignant de l’écouter. Le plaignant répond [Traduction] : « Non, je ne veux pas vous écouter » et demande de nouveau qu’on verse un seau d’eau froide sur lui. L’AI répond qu’il n’a pas d’eau glacée et le plaignant répond qu’il va devoir aller en préparer. L’AI répond qu’il ne quittera pas ses côtés et lui demande s’il a chaud. Le plaignant répond que non. L’AI s’enquiert sur les antécédents médicaux du plaignant et on lui fournit les renseignements demandés. L’AT no 3 précise que le plaignant a perdu connaissance lors de la chute et confirme son âge.

Vers 13 h 37, l’AT no 3 confie le plaignant à d’autres personnes et remonte jusqu’à l’entrée de la maison. Il sort de la maison juste au moment où une ambulance arrive. Il met les ambulanciers paramédicaux au fait de la situation et les dirige, en compagnie des pompiers, vers le sous-sol.

Vers 13 h 39, l’AT no 3 parle avec le TC no 5 à la porte d’entrée. Il lui demande s’il était là lorsque le plaignant est tombé et ce dernier lui répond qu’il était « à l’extérieur la majeure partie du temps », au téléphone avec le 911. L’AT no 3 apprend que le TC no 5 est membre de l’ELSC et lui demande pourquoi il a téléphoné au 911. Le TC no 5 lui répond que l’AI lui a demandé d’appeler au 911 pour demander de l’aide. Il croyait que l’AI lui avait demandé de faire cela avant que le plaignant ne tombe dans l’escalier. Le TC no 5 indique à l’AT no 3 que le plaignant était dans un état agité lorsqu’ils sont arrivés à la résidence. Le TC no 5 met fin à l’entretien en disant qu’il devait aller s’occuper de la TC no 6, à l’étage.

Vers 13 h 41, l’AT no 2 arrive sur les lieux et l’AT no 3 le dirige vers le haut de l’escalier qui mène au sous-sol. Dans l’enregistrement, on voit l’AT no 2 regarder vers le sous-sol du haut de l’escalier.

Vers 13 h 42, l’AT no 3 monte l’escalier pour se rendre au salon, parle à la TC no 1 et à la TC no 6, et obtient une carte santé.
L’enregistrement prend fin à 13 h 42 min 56 s.
 

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 1

La vidéo débute à 13 h 38 min 19 s, le 13 septembre 2023. L’AI est agenouillé dans le sous-sol, à côté du plaignant, et ce dernier est recouvert d’une couverture. À 13 h 38 min 55 s, le système audio est activé. L’AI demande ce qui se passe et pourquoi le plaignant a chaud. Il demande au plaignant quel est le jour de la semaine et quelle est l’année. Le plaignant demande à l’AI de l’asperger d’eau froide.

Vers 13 h 39, un pompier descend l’escalier et indique que les ambulanciers paramédicaux sont juste derrière eux. L’AI demande au plaignant de ne pas bouger. Les ambulanciers paramédicaux arrivent. L’AI les informe que le plaignant affirme qu’il a mal au cou et qu’il ne sent plus ses jambes. Quelqu’un dit : [Traduction] « Il est tombé ». Le plaignant dit qu’il a mal à l’épaule droite. D’autres ambulanciers paramédicaux et pompiers arrivent dans le sous sol.

Vers 13 h 40, l’AI indique : [Traduction] « Il est sorti dehors. Nous avons essayé de le faire rentrer. Il a essayé de se dégager et est tombé dans l’escalier. »

Vers 13 h 41, l’AI déclare : [Traduction] « J’étais en train de l’appréhender et il s’est mis à crier. À tirer pour se dégager. J’ai fini par perdre ma prise et c’est là qu’il est tombé dans les escaliers à reculons. »

Vers 13 h 42, pendant qu’on le tournait, le plaignant demande qu’on lui verse de l’eau froide sur le cou. Une ambulancière paramédicale répond qu’elle sait qu’il a mal, mais qu’elle ne va pas verser de l’eau sur lui. Le plaignant dit : [Traduction] « S’il vous plaît, vous devez le faire, je vais mourir si vous ne versez pas de l’eau froide sur mon cou ». L’AI monte l’escalier. Le plaignant continue à demander qu’on lui verse de l’eau froide sur la tête. Le TC no 5 descend l’escalier, s’arrête au milieu, puis repart. Les discussions se poursuivent pour déterminer comment sortir le plaignant du sous-sol.

Vers 13 h 45, une ambulancière paramédicale demande au plaignant quel est son nom et s’il peut bouger le bas de ses jambes. Le plaignant lui demande de verser de l’eau froide sur ses épaules. Il affirme qu’il ne peut pas bouger ses jambes et qu’il est paralysé. L’ambulancière paramédicale lui demande : [Traduction] « Pour quelle raison? » et il répond : [Traduction] « Parce que je suis tombé dans les escaliers. Maintenant, versez de l’eau froide sur mes orteils et mes épaules, s’il vous plaît. » L’ambulancière paramédicale répond qu’elle ne va pas faire cela et le plaignant exprime son mécontentement face à cette réponse.

Vers 13 h 46, des discussions ont lieu au sujet de la mobilité du plaignant. Une ambulancière paramédicale dit à un pompier que le plaignant affirme qu’il ne peut pas bouger ses jambes depuis qu’il est tombé, mais qu’elle a constaté qu’il pouvait remuer ses orteils. Le plaignant continue de demander de l’eau froide.

Vers 13 h 47, le plaignant est placé en position assise, un collier cervical est installé autour de son cou et on tente de le soulever. Le plaignant n’est pas sur une planche de transfert.


Vers 13 h 48, le pompier tenant la tête du plaignant indique que le plaignant est devenu mou. Le plaignant a cessé de parler. Un deuxième ambulancier paramédical vient relever le pompier et prend la tête et le cou du plaignant. Avec l’aide de l’ambulancière paramédicale qui tient ses jambes, ils soulèvent le plaignant du sol, le portent dans les escaliers, en position affaissée, jusqu’à la porte d’entrée de la maison, puis le placent sur une civière. L’AI, le TC no 5 et l’AT no 3 se tiennent sur la pelouse.

Vers 13 h 52, l’AT no 1 et l’AT no 3 discutent de la possibilité que l’affaire fasse l’objet d’une enquête de l’UES. L’AI se tient sur la pelouse, seul, et prend des notes.

Vers 13 h 53, l’audio de la caméra de l’AT no 1 est désactivé. Il est rallumé à 13 h 59 min 49 s, dans le salon de la maison. À ce moment-là, on voit la TC no 1 assise sur une chaise, et la TC no 6. L’AT no 1 parle avec la TC no 6. Cette dernière indique qu’elle s’est rendue sur les lieux avec l’ELSC et fournit des renseignements sur l’état de santé et les symptômes du plaignant. Elle indique notamment qu’il a connu un épisode confusionnel aigu. Il a refusé de prendre des médicaments et d’être transporté à l’hôpital. Il avait vu un médecin la veille et on avait recommandé à la famille de téléphoner à la ligne d’intervention en cas de crise. La TC no 6 indique qu’elle avait reçu une note du médecin de famille et qu’elle croit que les ambulanciers paramédicaux l’ont prise.

La TC no 1 termine une conversation téléphonique. L’AT no 1 prend ses coordonnées et lui indique qu’ils vont sécuriser son sous-sol et qu’il va rester dans la maison. Il l’informe que l’affaire va probablement donner lieu à une enquête de l’UES et lui demande de ne pas descendre au sous-sol.

Vers 14 h 7, on voit l’AT no 2 qui parle avec la TC no 6 sur le perron de la maison. La TC no 6 termine sa conversation avec l’AT no 2, entre dans la maison, dit au revoir à la TC no 1 et part. À 14 h 8 min 40 s, l’AT no 1 désactive le microphone de sa caméra.

L’enregistrement prend fin à 14 h 10 min 48 s.

Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AT no 2

L’enregistrement, vidéo et audio, capté par la caméra d’intervention de l’AT no 2 ne fournit aucune information qui n’est pas contenue dans les enregistrements provenant des caméras d’intervention de l’AT no 1 et de l’AT no 3, à l’exception de la brève conversation que l’AT no 2 a eue, vers 14 h 7, avec la TC no 6. Au cours de cette conversation, il lui explique qu’il ne va pas prendre sa déclaration à ce moment là, car l’affaire va probablement donner lieu à une enquête de l’UES, mais qu’elle devrait prendre des notes.

L’AT no 2 a eu de longues conversations avec l’AI individuellement, avec l’AI et l’AT no 3 ensemble, et avec l’AI et le TC no 5 ensemble. Son microphone était désactivé durant ces conversations.

Vers 13 h 57, l’AT no 2 se rend à l’arrière de l’ambulance pour voir comment se porte le plaignant. On lui dit qu’une petite quantité de sang s’est écoulée de sa tête et qu’il a perdu connaissance après la chute et pendant qu’on le sortait de la maison. Sa pression artérielle est basse, ce qui explique pourquoi il a perdu connaissance. Le plaignant est conscient et parle, mais ses paroles sont inintelligibles dans l’enregistrement.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du SPRP entre le 26 septembre 2023 et le 8 novembre 2023 :

  • Photos des lieux prises par le SPRP
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Rapport sur l’historique de l’incident
  • Rapport d’incident
  • Usage de la force — requalification — l’AI
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AT no 3
  • Politique — usage de la force
  • Politique — appréhension en vertu de la LSM
  • Politiques de l’Unité de la mobilisation en matière de services de police communautaire et de la Divisional Mobilization Unit
  • Enregistrements de communications
  • Enregistrements provenant des caméras d’intervention
  • Protocole d’entente conclu entre le SPRP et l’ACSM concernant le programme d’Équipe mobile d’intervention en cas de crise

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
  • Protocole d’entente conclu entre le SPRP et l’ACSM concernant le programme d’Équipe de liaison et de soutien communautaires — reçu le 7 novembre 2023.
  • Rapport préliminaire des résultats de l’autopsie réalisée par le Service de médecine légale de l’Ontario — reçu le 28 septembre 2023.

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec l’AI et plusieurs témoins civils qui étaient présents lors de différentes portions des événements en question, dresse le portrait suivant de l’incident.

Au début de l’après-midi du 13 septembre 2023, une unité de l’ELSC s’est rendue dans une résidence située dans le secteur de la rue Dundas Est et de Cawthra Road, à Mississauga — soit, la résidence du plaignant et de son épouse, la TC no 1. L’unité, qui était composée de l’AI et de deux professionnels de la santé mentale ne faisant pas partie de la police — le TC no 5 et la TC no 6 —, s’est présentée sur les lieux pour vérifier comment se portait le plaignant. La veille, à la suite d’un appel de la TC no 1 à une ligne de soutien en cas de crise, deux autres intervenants en santé mentale s’étaient rendus sur les lieux pour évaluer le plaignant. Le plaignant souffrait d’un déclin cognitif et se comportait de façon étrange, et la TC no 1 voulait qu’il se fasse examiner à l’hôpital. Les intervenants en sont venus à la conclusion que le plaignant devrait être appréhendé afin que sa santé mentale soit évaluée, mais sont partis sans contacter la police pour le placer en garde à vue, d’où la visite de l’ELSC le lendemain.

L’AI a cogné à la porte d’entrée et le plaignant a ouvert la porte. Il était torse nu et ne portait qu’un caleçon et des pantoufles lorsqu’il est sorti à l’extérieur pour parler à l’agent. L’AI s’est efforcé de convaincre le plaignant de retourner à l’intérieur, car il faisait froid et il ne voulait pas attirer l’attention des voisins. Le plaignant était irrité et agité. Il a crié et pointé son doigt dans le visage de l’AI. L’agent a décidé de l’appréhender en vertu de la LSM.

L’agent l’a avisé qu’il allait l’appréhender afin qu’il soit examiné par un médecin, mais le plaignant s’y est opposé. Lorsque l’AI a pris sa main droite, le plaignant a reculé pour tenter de dégager son bras. Ils se sont tirés l’un et l’autre pendant un certain temps, puis se sont retrouvés sur le palier à l’intérieur de la porte d’entrée. Il y avait un escalier menant à l’étage de la maison immédiatement en rentrant. À droite de cet escalier, juste à l’intérieur de la porte, il y avait un autre escalier qui menait au sous-sol. L’AI tenait toujours le plaignant, mais ce dernier le tirait vers l’escalier menant au sous-sol. L’agent l’a averti qu’il risquait de tomber dans l’escalier s’il continuait, mais le plaignant a persisté. La TC no 1 a descendu l’escalier depuis l’étage et a tenté d’aider l’AI. L’un des professionnels de la santé mentale ou les deux professionnels ont raccompagné la TC no 1 à l’étage. La lutte s’est poursuivie pendant une courte période, puis l’AI a perdu prise et le plaignant est tombé dans l’escalier.

L’AI est descendu au sous-sol et lui a prodigué les premiers soins. Le plaignant avait perdu connaissance et ne respirait plus. L’agent a placé le plaignant sur le dos et il a recommencé à respirer et a repris connaissance. Les ambulanciers paramédicaux ont été appelés et le plaignant a été placé en position latérale de sécurité.

Les pompiers et les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et ont pris le relais. Le plaignant a été transporté à l’hôpital.

Le plaignant est décédé à l’hôpital le 25 septembre 2023.
 

Cause du décès

De l’avis préliminaire du pathologiste chargé de l’autopsie, le décès du plaignant serait dû à des « traumatismes contondants ».

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
f) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur


Le 25 septembre 2023, le plaignant est décédé à l’hôpital après avoir fait une chute dans un escalier le 13 septembre 2023. Puisqu’un agent du SPRP tentait d’appréhender le plaignant au moment de sa chute, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen des éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la chute du plaignant et son décès par la suite.


Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

En ce qui concerne l’appréhension du plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale, je ne peux raisonnablement conclure que cette appréhension n’était pas fondée sur des motifs légitimes. Lors de son interaction avec le plaignant devant sa porte d’entrée, l’AI avait conclu que le plaignant n’était pas sain d’esprit et qu’il représentait un danger pour lui même et pour les autres. Le fait que le plaignant soit sorti dehors vêtu d’une façon inadéquate pour le temps qu’il faisait et qu’il ait envahi l’espace personnel de l’agent en le pointant du doigt et en lui criant au visage ont grandement contribué à la décision de l’AI. L’AI aurait également été au courant de l’évaluation faite le jour d’avant par deux autres intervenants de crise, lesquels avaient eux aussi conclu que le plaignant devrait être appréhendé afin d’être examiné par un médecin. Au vu de ce qui précède, je ne peux conclure que l’arrestation du plaignant ne reposait pas sur des motifs légitimes, tels que ceux prévus à l’article 17 de la Loi.

Quant à la force utilisée par l’AI pour faciliter l’arrestation du plaignant, selon certains éléments de preuve, le plaignant aurait avancé, pendant qu’il était à l’hôpital, avant son décès, que l’agent l’avait poussé dans l’escalier. Si cela était vrai, il s’agirait effectivement d’une force excessive constituant une infraction. Cependant, je ne crois pas que cet élément de preuve soit suffisamment fiable pour justifier de le soumettre à un juge des faits. Le plaignant n’était pas sain d’esprit au moment de l’incident et ce n’est pas ce qu’il a déclaré lorsqu’une ambulancière paramédicale lui a demandé ce qui s’était passé. Il a plutôt déclaré qu’il était paralysé [Traduction] « parce [qu’il était] tombé dans les escaliers ». De plus, l’enquête n’a révélé aucun autre élément étayant ces déclarations. L’AI a nié que cela s’était produit et un témoin civil a, bien qu’il n’ait pas vu la chute, vu le plaignant tenter de se dégager de la poigne de l’AI dans l’entrée, ce qui concorde avec la déclaration de l’AI.

Le reste des éléments de preuve semble plutôt indiquer que la force utilisée initialement par l’AI n’a consisté qu’à saisir la main droite du plaignant, ce qui était tout à fait raisonnable. Par la suite, lorsque le plaignant a réagi en tentant de se dégager, l’AI était fondé à appliquer une force compensatoire pour maintenir sa poigne sur le plaignant. Très rapidement, lorsque les parties se sont retrouvées sur le palier intérieur, près de la porte d’entrée, l’agent a, à juste titre, dirigé sa force de sorte à empêcher le plaignant de tomber dans l’escalier menant au sous-sol. Il l’a averti verbalement d’arrêter de tirer puis a lutté pour garder sa poigne sur le plaignant, lequel a vigoureusement continué à le tirer vers l’arrière, en direction des escaliers. L’AI n’a porté aucun coup au plaignant. Dans ces circonstances, je suis convaincu que l’AI n’a à aucun moment recouru à une force excessive et qu’il a recouru à une force adaptée à la situation afin de venir à bout de la résistance du plaignant et éviter qu’il se blesse.

Par conséquent, bien qu’il soit malheureux que le plaignant soit tombé dans l’escalier et qu’il ait subi des blessures qui ont mené à son décès, les blessures subies ne découlaient pas d’une conduite illégale de la part de l’AI. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 23 janvier 2024


Approuvé électroniquement par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Les heures indiquées dans cette section proviennent du Rapport sur les détails de l’incident et sont approximatives. [Retour au texte]
  • 4) L’AI faisait référence au TC no 5. [Retour au texte]

Note:

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