Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PCD-357
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Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :- des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’un homme de 36 ans (le « plaignant »).
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’un homme de 36 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 31 août 2023, à 22 h 8, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information ci après. Le 31 août 2023, à 9 h 15, la Police provinciale [Détachement du sud de la baie Georgienne] a été informée que le Service de police régional de Halton (SPRH) détenait des mandats non exécutés à l’encontre du plaignant et qu’il souhaitait obtenir son aide pour exécuter un mandat Feeney [1] et un mandat de perquisition près de la rue Robert Est et de l’avenue Fuller, à Penetanguishene. Au moment où le SPRH a fait cette demande, l’unité d’intervention tactique de la Police provinciale n’était pas disponible. Entre 13 h 30 et 14 h, le SPRH a communiqué avec la Police provinciale pour lui faire savoir que le plaignant s’était barricadé dans un véhicule récréatif sur les lieux de la propriété en question et a demandé l’aide de l’unité d’intervention tactique. Celle-ci est intervenue peu de temps après, accompagnée d’un commandement d’opérations policières en situation de crise et d’un négociateur en cas de prise d’otages. À 21 h 30, l’unité d’intervention tactique a pulvérisé de l’oléorésine de Capsicum (OC) dans le véhicule récréatif dans l’intention de persuader le plaignant d’en descendre. Cette tactique a fonctionné. Cependant, le plaignant est descendu du véhicule avec une arme à feu; on l’a alors vu se tirer une balle à la tête. Les services médicaux d’urgence sont intervenus et ont transporté le plaignant à l’Hôpital général de la baie Georgienne, à Midland. Il a ensuite été acheminé à l’Hôpital St. Michael, à Toronto.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 31 août 2023, à 23 h 37Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 1er septembre 2023, à 2 h 43
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 36 ans; décédéTémoins civils (TC)
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 N’a pas participé à une entrevue; messages textes reçus et entrevue jugée non nécessaire
Le témoin civil a participé à une entrevue le 9 septembre 2023.
Agent impliqué (AI)
AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinéesL’agent impliqué a participé à une entrevue le 25 septembre 2023.
Agents témoins (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinéesAT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
Les agents témoins ont participé à des entrevues le 7 septembre 2023.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et autour d’un véhicule récréatif sur les lieux d’une propriété près de la rue Robert Est et de l’avenue Fuller, à Penetanguishene.Il y avait aussi, sur les lieux, quatre camionnettes disposées de manière à former ce qui ressemblait à un rectangle. Le véhicule récréatif se trouvait au centre du rectangle.
Véhicule no 1
- Camionnette de marque Dodge Ram- De couleur rouge
Véhicule no 2
- Camionnette de marque Ford Ranger FX4- De couleur grise
Véhicule no 3
- Véhicule récréatif de marque Monaco Diplomat- De couleur beige et brune
Véhicule no 4
- Camionnette de marque Dodge Ram- De couleur noire
Véhicule no 5
- Camionnette de marque Dodge Ram- De couleur noire
Un pistolet Glock et une arme antiémeute Enfield (ARWEN) reposaient sur le couvre caisse arrière du véhicule no2. Le pistolet se trouvait du côté conducteur du couvre caisse, et l’arme ARWEN, du côté passager.
Figure 1 – Un pistolet Glock et une arme ARWEN sur le couvre-caisse du véhicule no 2
On pouvait voir des flaques de sang sur le sol, près de la portière avant du côté passager du véhicule no3 – le véhicule récréatif. Il y avait aussi sur le sol des débris résultant d’une intervention médicale, près de l’extrémité avant et près de la portière avant du côté passager du véhicule récréatif. Une vitre près du côté passager arrière de ce véhicule était endommagée. Un cadre de vitre déformé reposait sur le sol. À l’intérieur du véhicule récréatif, un petit sac en plastique contenant une substance poudreuse blanche reposait sur une balance électronique, celle-là posée sur une table couvrant la moitié de la longueur du côté conducteur du véhicule. Sur une carte à jouer partiellement pliée – l’as de pique –, il y avait des résidus blancs et poudreux. Des cartouches (munitions réelles) reposaient sur le sol. Un petit sac rouge se trouvait à côté des munitions; on pouvait voir d’autres munitions dans le sac. Il y avait des traces semblant montrer qu’on avait eu recours à des bombes aérosol pour pulvériser de l’OC à l’intérieur du véhicule récréatif.
Éléments de preuves médicolégaux
Examen de l’arme à feu
Le 12 septembre 2023, l’UES a soumis le pistolet Glock, le chargeur s’y rattachant, la douille de balle tirée et le fragment de balle/projectile endommagé au Centre des sciences judiciaires (CSJ) en vue d’un examen. Le 15 décembre 2023, le CSJ a transmis le rapport sur l’arme à feu à l’UES. Dans le rapport, on indiquait qu’on avait fait des tirs d’essai avec le pistolet, en utilisant le chargeur qui s’y rattachait, et qu’on avait constaté qu’il était possible de viser et de tirer d’une seule main avec ce pistolet. On a tiré des balles et des cartouches d’essai avec ce pistolet, puis on a comparé le tout avec la cartouche tirée et le fragment de balle/projectile endommagé.
Le pistolet, une arme de poing semi-automatique, était non seulement une arme à feu, mais aussi une arme à feu prohibée au sens du Code criminel du Canada. Le chargeur du pistolet était convenable pour l’utilisation de celui-ci. On a déterminé que la douille de balle avait été tirée depuis ce pistolet. Pour ce qui est du fragment de balle/projectile endommagé, on n’a pas pu établir qu’il avait été tiré depuis ce pistolet, mais on n’a pas pu non plus éliminer cette possibilité.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]
Registre des communications audio de l’unité d’intervention tactique
Le 31 août 2023, vers 9 h 7, le SPRH demande l’aide de la Police provinciale pour arrêter un homme en vertu d’un mandat. Il veut avoir l’aide de l’unité d’intervention tactique en raison des facteurs particuliers liés aux antécédents violents du plaignant avec des armes. À 13 h 39 environ, l’équipe tactique du SPHR s’installe sur les lieux d’une église de la rue Robert Est, prévoyant d’exécuter le mandat dans les cinq à dix minutes suivantes.
À 14 h 22 environ, trois occupants – deux hommes et une femme – descendent du véhicule récréatif. Pour sa part, la personne visée, le plaignant, se barricade à l’intérieur du véhicule; le plaignant envisage de se suicider et il est en possession d’une arme à feu. Les négociateurs du SPRH essayent d’établir un contact avec lui.
Vers 14 h 29, on confirme que le plaignant est armé d’un pistolet.
Vers 17 h 53, l’unité d’intervention tactique de la Police provinciale prend en charge les opérations sur place. Elle a de la difficulté à maintenir la communication avec le plaignant.
À 19 h 30 environ, on coupe l’alimentation électrique du véhicule récréatif.
À 20 h 10 environ, les négociateurs donnent au plaignant cinq minutes pour se rendre. Il refuse catégoriquement de le faire.
À 21 h 17 environ, on brise une vitre et l’on pulvérise un gaz à l’intérieur du véhicule récréatif.
À 21 h 20 environ, le plaignant descend du véhicule récréatif; il a une arme de poing dans la main gauche et il la pointe vers le côté de sa tête en criant. On a recours à une arme ARWEN et à un chien policier, alors que le plaignant s’effondre au sol, s’étant lui-même tiré une balle dans la tête.
Vers 21 h 32, des policiers escortent les services médicaux d’urgence à l’hôpital.
Documents obtenus du service de police
L’UES a obtenu les éléments suivants auprès de la Police provinciale entre le 5 septembre 2023 et le 3 octobre 2023 :- enregistrements de la négociation en situation de crise de la Police provinciale;
- registre des communications audio de l’unité d’intervention tactique de la Police provinciale;
- photographies;
- information tirée du système de répartition assistée par ordinateur;
- rapport opérationnel de l’unité canine;
- rapport opérationnel de l’équipe d’intervention d’urgence;
- détails de l’événement et rapports d’incident;
- notes – AI;
- notes – AT no 1;
- notes – AT no 2;
- notes – AT no 3.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources le 12 septembre 2023 :- captures d’écran d’un échange de messages textes entre le plaignant et sa sœur, la TC no 2 [3].
Description de l’incident
Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec l’AI et les autres agents concernés par les événements dont il est question, permettent d’établir le scénario suivant.
Dans l’après-midi du 31 août 2023, on a déployé une unité d’intervention tactique de la Police provinciale pour intervenir dans une situation où une personne était barricadée, à Penetanguishene. Plus tôt dans la journée, forts d’un mandat d’arrestation, des agents du SPRH s’étaient rendus sur les lieux d’une propriété située près de la rue Robert Est et de l’avenue Fuller pour placer le plaignant en état d’arrestation. Le plaignant se trouvait à l’intérieur d’un véhicule récréatif, sur place, et il a refusé d’en descendre lorsque les agents de police le lui ont demandé. Les agents du SPRH hésitaient à monter à bord du véhicule, car ils savaient que le plaignant était armé et qu’il avait des antécédents de violence. Les premiers efforts déployés pour que le plaignant se rende par la négociation ont été vains. Sous le commandement de l’AI, la Police provinciale a pris la situation en charge vers 17 h 15.
Au cours des quatre heures suivantes, les négociateurs de la Police provinciale ont tenté à tour de rôle d’amener le plaignant à se rendre pacifiquement. Les communications étaient sporadiques. De même, lorsque le plaignant communiquait, on réalisait peu de progrès. Il a averti les agents de police de ne pas entrer dans le véhicule récréatif, sinon il se suiciderait. À un certain moment, il a demandé pourquoi les agents mettaient tant de temps à entrer dans le véhicule; il semblait attendre que cela se produise pour mettre fin à ses jours. À mesure que la soirée avançait, les propos du plaignant, qui avait admis avoir consommé du crack, étaient de moins en moins censés. Les négociations étaient bel et bien au point mort.
Avec l’approbation de l’AI, on a élaboré un plan selon lequel on allait pulvériser de l’OC afin de forcer le plaignant à descendre du véhicule récréatif; on espérait que les agents seraient alors en mesure de procéder à son arrestation en toute sécurité. Les agents de l’unité d’intervention tactique se sont avancés vers le véhicule, ont brisé l’une de ses vitres et ont pulvérisé de l’OC à l’intérieur. Il était environ 21 h 17.
Le plaignant s’est mis à tousser à l’intérieur du véhicule et a fini par sortir par la portière. Il tenait un pistolet dans sa main gauche; il était pointé vers le côté gauche de sa tête. Le plaignant a crié des choses indéchiffrables pendant plusieurs secondes, puis a fait feu. À peu près au même moment, l’un des agents de l’unité d’intervention tactique, l’AT no1, a tiré deux fois avec son arme ARWEN, et un autre agent, l’AT no3, a lâché son chien policier.
À la suite du coup de feu, le plaignant est tombé au sol. Il avait une blessure par balle à la tête.
Les agents de l’unité d’intervention tactique, rapidement suivis par les ambulanciers tactiques, ont prodigué des soins d’urgence. On a transporté le plaignant à l’hôpital; on a constaté son décès le 4 septembre 2023.
Cause du décès
À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à une blessure par balle sur le côté de la tête.
Dans l’après-midi du 31 août 2023, on a déployé une unité d’intervention tactique de la Police provinciale pour intervenir dans une situation où une personne était barricadée, à Penetanguishene. Plus tôt dans la journée, forts d’un mandat d’arrestation, des agents du SPRH s’étaient rendus sur les lieux d’une propriété située près de la rue Robert Est et de l’avenue Fuller pour placer le plaignant en état d’arrestation. Le plaignant se trouvait à l’intérieur d’un véhicule récréatif, sur place, et il a refusé d’en descendre lorsque les agents de police le lui ont demandé. Les agents du SPRH hésitaient à monter à bord du véhicule, car ils savaient que le plaignant était armé et qu’il avait des antécédents de violence. Les premiers efforts déployés pour que le plaignant se rende par la négociation ont été vains. Sous le commandement de l’AI, la Police provinciale a pris la situation en charge vers 17 h 15.
Au cours des quatre heures suivantes, les négociateurs de la Police provinciale ont tenté à tour de rôle d’amener le plaignant à se rendre pacifiquement. Les communications étaient sporadiques. De même, lorsque le plaignant communiquait, on réalisait peu de progrès. Il a averti les agents de police de ne pas entrer dans le véhicule récréatif, sinon il se suiciderait. À un certain moment, il a demandé pourquoi les agents mettaient tant de temps à entrer dans le véhicule; il semblait attendre que cela se produise pour mettre fin à ses jours. À mesure que la soirée avançait, les propos du plaignant, qui avait admis avoir consommé du crack, étaient de moins en moins censés. Les négociations étaient bel et bien au point mort.
Avec l’approbation de l’AI, on a élaboré un plan selon lequel on allait pulvériser de l’OC afin de forcer le plaignant à descendre du véhicule récréatif; on espérait que les agents seraient alors en mesure de procéder à son arrestation en toute sécurité. Les agents de l’unité d’intervention tactique se sont avancés vers le véhicule, ont brisé l’une de ses vitres et ont pulvérisé de l’OC à l’intérieur. Il était environ 21 h 17.
Le plaignant s’est mis à tousser à l’intérieur du véhicule et a fini par sortir par la portière. Il tenait un pistolet dans sa main gauche; il était pointé vers le côté gauche de sa tête. Le plaignant a crié des choses indéchiffrables pendant plusieurs secondes, puis a fait feu. À peu près au même moment, l’un des agents de l’unité d’intervention tactique, l’AT no1, a tiré deux fois avec son arme ARWEN, et un autre agent, l’AT no3, a lâché son chien policier.
À la suite du coup de feu, le plaignant est tombé au sol. Il avait une blessure par balle à la tête.
Les agents de l’unité d’intervention tactique, rapidement suivis par les ambulanciers tactiques, ont prodigué des soins d’urgence. On a transporté le plaignant à l’hôpital; on a constaté son décès le 4 septembre 2023.
Cause du décès
À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à une blessure par balle sur le côté de la tête. Dispositions législatives pertinentes
Articles 219 et 220, Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort
219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :a) soit en faisant quelque chose;(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.
Article 221, Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence criminelle
221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Analyse et décision du directeur
Le 31 août 2023, le plaignant a été grièvement blessé lorsqu’il s’est tiré une balle dans la tête avec un pistolet semi-automatique. Le plaignant ne s’est jamais remis de sa blessure. Il a été débranché du respirateur artificiel à l’hôpital et est décédé le 4 septembre 2023. Puisque des agents de la Police provinciale interagissaient avec le plaignant au moment où il a fait feu, l’UES a été avisée et a lancé une enquête. L’agent qui était chargé des opérations policières à ce moment-là – l’AI – a été désigné en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.
Les infractions possibles à l’étude sont la négligence criminelle causant la mort et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, aux termes des articles 220 et 221 du Code criminel, respectivement. Ces infractions sont réservées aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Elles sont fondées, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part de l’AI, un manque de diligence qui aurait causé la blessure ou le décès par balle du plaignant ou qui y aurait contribué, et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.
L’AI et les agents de l’unité d’intervention tactique se sont placés et ont agi conformément à la loi en vue de l’exécution de leurs fonctions tout au long de la série d’événements ayant abouti à la blessure par balle que le plaignant s’est lui-même infligée. Il y avait un mandat d’arrestation valide autorisant l’arrestation du plaignant pour harcèlement criminel et menaces, et autorisant les agents à entrer dans la résidence du plaignant à cette fin.
De même, je suis convaincu que l’AI a agi en accordant toute l’importance due à la sécurité du public de même qu’à la santé et au bien-être du plaignant tout au long de l’impasse. Des négociateurs qualifiés ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour établir un contact avec le plaignant et l’amener à descendre du véhicule récréatif sans arme et à se rendre à la police. Tandis que la situation évoluait, on a aussi consulté un psychiatre judiciaire. Pulvériser de l’OC dans le véhicule récréatif me paraît être une tactique raisonnable. À ce moment-là, les négociations menées par la Police provinciale duraient depuis environ quatre heures et semblaient avoir peu de chances de réussir. En outre, on s’inquiétait de plus en plus du bien-être du plaignant, qui avait admis vers 19 h 40 avoir consommé du crack et qui était de plus en plus incohérent. Si le plan avait fonctionné, le plaignant aurait été contraint de sortir de l’endroit où il se dissimulait et se serait retrouvé dans une position plus vulnérable, donnant ainsi aux agents de meilleures chances de procéder à son arrestation en toute sécurité. Dans ces circonstances, le fait que le plaignant soit tout de même parvenu à saisir son arme à feu et à l’utiliser contre lui-même avant que les agents de police puissent utiliser une force non létale – une arme ARWEN et un chien policier – à son endroit pour procéder à son arrestation est regrettable, mais ne résulte pas d’une négligence criminelle de la part des agents.
Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincu que l’AI a transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel dans le cadre de son interaction avec le plaignant. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 29 décembre 2023
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Les infractions possibles à l’étude sont la négligence criminelle causant la mort et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, aux termes des articles 220 et 221 du Code criminel, respectivement. Ces infractions sont réservées aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Elles sont fondées, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part de l’AI, un manque de diligence qui aurait causé la blessure ou le décès par balle du plaignant ou qui y aurait contribué, et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.
L’AI et les agents de l’unité d’intervention tactique se sont placés et ont agi conformément à la loi en vue de l’exécution de leurs fonctions tout au long de la série d’événements ayant abouti à la blessure par balle que le plaignant s’est lui-même infligée. Il y avait un mandat d’arrestation valide autorisant l’arrestation du plaignant pour harcèlement criminel et menaces, et autorisant les agents à entrer dans la résidence du plaignant à cette fin.
De même, je suis convaincu que l’AI a agi en accordant toute l’importance due à la sécurité du public de même qu’à la santé et au bien-être du plaignant tout au long de l’impasse. Des négociateurs qualifiés ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour établir un contact avec le plaignant et l’amener à descendre du véhicule récréatif sans arme et à se rendre à la police. Tandis que la situation évoluait, on a aussi consulté un psychiatre judiciaire. Pulvériser de l’OC dans le véhicule récréatif me paraît être une tactique raisonnable. À ce moment-là, les négociations menées par la Police provinciale duraient depuis environ quatre heures et semblaient avoir peu de chances de réussir. En outre, on s’inquiétait de plus en plus du bien-être du plaignant, qui avait admis vers 19 h 40 avoir consommé du crack et qui était de plus en plus incohérent. Si le plan avait fonctionné, le plaignant aurait été contraint de sortir de l’endroit où il se dissimulait et se serait retrouvé dans une position plus vulnérable, donnant ainsi aux agents de meilleures chances de procéder à son arrestation en toute sécurité. Dans ces circonstances, le fait que le plaignant soit tout de même parvenu à saisir son arme à feu et à l’utiliser contre lui-même avant que les agents de police puissent utiliser une force non létale – une arme ARWEN et un chien policier – à son endroit pour procéder à son arrestation est regrettable, mais ne résulte pas d’une négligence criminelle de la part des agents.
Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincu que l’AI a transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel dans le cadre de son interaction avec le plaignant. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 29 décembre 2023
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Obtenu selon le mécanisme prévu aux articles 529 et 529.1 du Code criminel et tirant son nom de l’arrêt R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13 de la Cour suprême du Canada, un mandat Feeney autorise l’entrée forcée de policiers dans une maison d’habitation pour procéder à une arrestation. [Retour au texte]
- 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
- 3) Les captures d’écran ne sont pas divulguées, car elles sont très personnelles. Entre autres choses, le plaignant y indique qu’il préférerait mourir plutôt que de retourner en prison et y donne des instructions sur la manière de distribuer ses biens s’il devait lui arriver quelque chose. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.