Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFD-278

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 35 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 21 juillet 2023, à 11 h 19, le Service de police de London (SPL) a communiqué avec l’UES et a transmis l’information suivante.

Ce matin-là, à 8 h 43, le SPL a reçu de nombreux appels du public concernant un homme, le plaignant, muni d’une arme de poing qui tentait de voler des véhicules. Le plaignant a pris la fuite dans le secteur du chemin Glenroy, à London, où il a commis une invasion de domicile vers 8 h 52. Le plaignant s’est ensuite rendu à une adresse située dans les environs, où il a confronté un homme sur une échelle qui travaillait à l’extérieur de la résidence. Le plaignant a tiré sur l’homme, l’atteignant au visage. Le plaignant s’est ensuite rendu à une autre adresse, est entré dans la maison et s’est barricadé dans le garage. À 10 h 20, un agent de l’unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPL a tiré avec son arme à feu en direction du plaignant et l’a atteint. Le plaignant a été transporté à l’hôpital Victoria du London Health Sciences Centre, où son décès a été constaté à 10 h 50.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 juillet 2023 à 11 h 46

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 juillet 2023 à 12 h 8

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 35 ans; décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue; entrevue réalisée par le SPL examinée
TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 21 juillet 2023 et le 31 juillet 2023.
 

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 25 juillet 2023 et le 28 juillet 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le garage de la maison située sur le chemin Glenroy, à London, et près de celui-ci. Le garage et la maison ont été filmés par un drone. Les images montrent également la position du véhicule blindé léger (VBL) par rapport au garage.

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli des vêtements, des bijoux et d’autres effets personnels.

L’UES a également récupéré la carabine C8 et les projectiles du SPL de l’AI et les a soumis au Centre des sciences judiciaires (CSJ).


Figure 1– La carabine C8 de l’AI.

Figure 1– La carabine C8 de l’AI.

Éléments de preuves médicolégaux

Le SPL a soumis l’arme à feu du plaignant et toutes les douilles et tous les projectiles récupérés au CSJ à des fins d’essais.

Le 24 juillet 2023, à 12 h 46, l’UES a remis au CSJ la carabine C8 de l’AI, le chargeur, les cartouches, les douilles et le projectile que l’on croit avoir été tiré par l’AI sur le plaignant. Le 14 novembre 2023, le CSJ a transmis le rapport sur les armes à feu à l’UES. Le rapport sur la carabine du SPL a conclu que l’arme a tiré correctement lors des tirs d’essai. Trois balles ont été tirées et celles-ci, ainsi que le projectile retrouvé dans le garage, ont été examinés. Le CSJ a déterminé qu’il était impossible de confirmer ou d’infirmer que les balles ont été tirées par la carabine Colt du SPL.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements de communications

Le 25 juillet 2023, à 12 h 1, le SPL a transmis à l’UES 65 fichiers audio ayant trait à l’incident faisant l’objet de l’enquête.

Le 21 juillet 2023, vers 9 h 17, l’AT no 5 indique qu’il assume le commandement de l’opération policière, et il demande à l’AT no 3 de confirmer qu’il est en mesure de gérer le périmètre intérieur et lui dit qu’il sait qu’il a besoin de plus d’agents. L’AT no 3 confirme qu’un périmètre intérieur a été établi avec l’aide de plusieurs agents en uniforme. L’AT no 5 affirme qu’il y a des motifs raisonnables de procéder à l’arrestation du plaignant au moins pour décharge d’une arme à feu et pour possession d’une arme à feu.

L’AT no 5 indique que le poste de commandement sera établi à l’intersection du chemin Glenroy et de Deveron Crescent. Le véhicule de l’agent négociateur est également sur place, et l’AT no 5 demande qu’un enquêteur soit affecté au poste de commandement pour réaliser une vérification des antécédents. L’agent no 1 signale que l’on entend des coups dans la cour arrière, près de la clôture, dans le coin de la remise. L’AT no 2 informe l’AT no 3 et l’AT no 5 que l’AT no 6 appelle tous les membres de l’UIU qui peuvent se rendre sur les lieux. Peu après, l’AT no 2, l’AT no 1 et l’AI entrent dans le VBL, qui se trouve devant le garage.

L’AT no 5 communique ce qui suit : « Les motifs d’arrestation ont été donnés, nous sommes en conformité avec la loi, avec l’article 25, n’oubliez pas, couverture, dissimulation, s’il vous plaît et merci. La mission sera de procéder à l’arrestation de cet homme de la manière la plus sûre possible, car nous pensons qu’il s’est barricadé seul à ce stade. »

L’AT no 1 tente de parler au plaignant pendant une dizaine de minutes, en l’appelant dans le garage à l’aide d’un porte-voix. Les réponses sont limitées et consistent généralement en un juron ou un cri. Un peu plus tard, l’AT no 1 et l’AT no 3 entendent des cris provenant du garage. L’AT no 1 poursuit ses tentatives de communication avec le plaignant au moyen du porte-voix, mais en vain. On confirme que les bruits entendus proviennent du garage.

L’AT no 5 résume la situation à l’intention de tous, car de nouveaux agents du SPL commencent à arriver, et note que l’on croit que le plaignant est seul dans le garage et qu’il s’est barricadé avec une arme à feu. L’AT no 5 ajoute également : « Homme du chemin Glenroy, on pense qu’il a reçu une balle au visage, qui lui a traversé le nez et est ressortie par l’oreille gauche, il y a donc un risque pour la sécurité des agents, il est évident qu’on a tiré sur cet homme, on pense qu’il s’agit d’un individu indépendant, inconnu ».

L’AT no 5 continue à assumer le commandement général de la situation, en s’assurant que les services médicaux d’urgence sont proches, qu’un dossier de presse est en cours d’élaboration, que le périmètre immédiat est adéquat et qu’un négociateur du SPL est en route. L’AT no 5 déclare : « D’après les renseignements communiqués par l’hôpital, [pause]. Motifs d’arrestation pour, selon moi, tentative de meurtre à ce stade, ou au minimum voies de fait graves avec une arme à feu ». L’AT no 5 doit s’assurer que suffisamment d’agents se trouvent aux multiples autres lieux où le plaignant a commis un crime et que le service des sciences judiciaires du SPL est déployé de manière appropriée. En outre, l’importante foule qui se forme doit être repoussée pour assurer sa sécurité.

L’AT no 5 fait le point à l’intention de tous les agents : « Pour information seulement, un homme barricadé seul, chemin Glenroy, que l’on pense être le plaignant et en possession d’une arme de poing, possiblement de calibre 45. Mission (inaudible) à cet endroit, il n’y a pas d’attente en matière de vie privée ici, en conformité avec la loi, l’arrestation est justifiée pour décharge d’une arme à feu, tentative de meurtre, voies de fait graves (inaudible) introduction par effraction. Évidemment, l’article 25 s’applique à tous, [pause]. Ses antécédents sont (inaudible), a volé un camion plus tôt ce matin sous la menace d’une arme à feu, [pause]. Véhicule laissé sur Glenroy, un homme, un occupant de cet endroit a été atteint au visage, une balle tirée par une arme de poing de calibre .45 ou similaire, [pause]. L’occupant est toujours à l’hôpital, le tireur serait le plaignant, [pause]. Le plaignant s’est enfui de cette résidence et peut être entré [dans une autre résidence] et en être sorti avant d’entrer dans la résidence où il se trouve. Les agents présents sur le terrain pensent qu’il a pu pénétrer dans la résidence du chemin Glenroy en tirant une balle à travers la porte-fenêtre arrière. Deux occupants du chemin Glenroy ont quitté les lieux depuis, il se retrouve donc seul et à l’intérieur, [pause]. »

Un agent informe l’AT no 5 que les agents sont prêts à repositionner le VBL, afin de le placer directement devant la camionnette qui se trouve devant le garage pour que le plaignant ne puisse pas l’utiliser pour s’enfuir. Pendant ce temps, on transmet le message « Ok, nous voyons l’homme, il a une arme à feu à la main. Coup tiré, coup tiré. Ok, nous avons tiré un coup de feu et nous pensons que l’homme est au sol. » L’AT no 6 fait savoir qu’il a compris et demande une mise à jour dès que possible. Un agent répond : « Il était debout juste à côté de la porte du garage, l’arme à la main, et il est maintenant au sol, je ne vois aucun mouvement, le garage est très encombré. »

Le système d’aéronef télépiloté (SATP) utilisé par l’UIU du SPL est envoyé dans le garage. Au bout d’un certain temps, un agent du SPL informe l’agent no 2 que le « drone a repéré l’homme, [pause]. Il semble être recroquevillé sur le sol et ne pas bouger ». On tente d’interpeller le plaignant dans le garage, mais il n’y a pas de réponse. Il y a un problème avec la batterie du SATP.

L’AT no 5 approuve l’entrée de l’équipe alpha de l’UIU, puis l’équipe signale que le plaignant ne présente pas de signes vitaux.

On transporte le plaignant à l’hôpital Victoria du London Health Sciences Centre.
 

Enregistrements vidéo de la résidence située sur le chemin Glenroy

Le 21 juillet 2023, les enquêteurs ont interrogé la TC no 2 au sujet de son interaction avec le plaignant à sa résidence située sur le chemin Glenroy. La TC no 2 a fourni aux enquêteurs plusieurs photos et enregistrements vidéo captés à l’aide de son téléphone cellulaire pendant l’incident.

Les vidéos montrent des agents du SPL armés à l’extérieur de sa résidence, ainsi que des gyrophares. On entend des bruits d’éclatement. [Il s’agissait de coups de feu tirés sur la porte-fenêtre arrière, le plaignant ayant tiré sur la fenêtre pour entrer.] On entend une voix d’homme crier « merde, c’était la tête de qui, celle-là? ». La TC no 2 s’est mise à l’abri, puis s’est enfuie de son domicile pour se réfugier dans les bras d’un agent du SPL.

Dans un autre extrait, on entend un agent du SPL dire « Sortez les mains en l’air » et « Personne d’autre ne doit être blessé ».

Enregistrement vidéo capté par le drone du SPL

Le 26 juillet 2023, à 10 h 29, le SPL a transmis l’enregistrement vidéo du SATP qui a capté des images (le drone de l’UIU n’a pas capté d’images).

Les images montrent les lieux après l’arrivée de l’UIU du SPL et de son VBL. On voit des agents du SPL autour de la résidence du chemin Glenroy, à bord de véhicules banalisés et aux couleurs du SPL. L’une des portes du garage de la résidence est ouverte et le VBL est sur boulevard devant la résidence; les occupants de celui-ci peuvent voir (côté passager) dans le garage où l’on croit que se trouve le plaignant. On ne voit aucun agent du SPL s’approcher de la résidence avant qu’un tir d’arme à feu de la police ne soit confirmé, à 10 h 20.

Après le tir d’arme à feu confirmé, on voit les agents de l’UIU du SPL s’approcher de la porte ouverte du garage et de la porte piétonne située du côté nord de la résidence, munis de boucliers balistiques. Tous les agents sont vêtus d’uniformes gris de l’équipe tactique.

Une fois le garage sécurisé par les agents de l’UIU, on voit des ambulanciers des services paramédicaux de la région de Middlesex-London s’approcher des lieux et prodiguer des soins au plaignant après qu’il a été sorti du garage.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part du SPL entre le 23 juillet 2023 et le 31 juillet 2023 :
  • images captées par un drone;
  • enregistrements des communications;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • chronologie de l’enquête;
  • rapport d’incident général;
  • copie de l’entrevue du SPL avec le TC no 3;
  • antécédents – le plaignant;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 6.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
  • Vidéo et photos prises par la TC no 2, reçues le 22 juillet 2023;
  • Rapport sur les armes à feu du CSJ, reçu le 14 novembre 2023.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues menées avec les témoins de la police, permettent d’établir le scénario suivant. L’AI n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à ce qu’on remette ses notes, comme la loi l’y autorise.

Le 21 juillet 2023, vers 8 h 45, le plaignant s’est introduit dans une résidence du chemin Glenroy, à London, en utilisant une arme de poing pour briser la porte-fenêtre arrière. Cette introduction s’est produite à la suite d’une série d’actes violents au cours desquels le plaignant a menacé plusieurs autres personnes dans le secteur avec l’arme; il a notamment tiré sur une personne, l’atteignant au visage. La propriétaire de la maison, la TC no 2, qui a remarqué la présence de l’intrus, s’est enfuie de la résidence. Elle a appelé le locataire de son sous-sol et lui a demandé de faire de même, ce qu’il a fait.

Le SPL avait reçu des signalements concernant les agissements du plaignant et a appris que celui-ci s’est introduit dans la résidence susmentionnée, située sur le chemin Glenroy. Les agents ont rapidement établi un périmètre de sécurité autour de la résidence et ont fait appel à l’UIU.

Une équipe d’agents de l’UIU, dont fait partie l’AI, a commencé à arriver sur les lieux vers 9 h 20. Ils ont amené avec eux un VBL, qui était garé sur le boulevard juste au sud de la résidence. Depuis l’intérieur du VBL, ils ont pu observer le plaignant, qui était dans le garage, par la porte la plus au sud, qui était ouverte. Il se tenait debout dans le coin nord est du garage, arme à feu à la main.

Armé d’une carabine C8, l’AI a pris position dans l’une des meurtrières du VBL. Un autre agent de l’UIU – l’AT no 2 – a pris place dans une autre meurtrière du véhicule. L’AT no 1 et l’AT no 4 se trouvaient également dans le véhicule. À l’aide du porte-voix du VBL, l’AT no 1 a tenté de communiquer avec le plaignant. Le plaignant n’a pas répondu. La confrontation s’est poursuivie pendant près d’une heure, puis, vers 10 h 20, alors que le VBL avait été rapproché du garage, l’AI et l’AT no 2 ont tous deux vu le plaignant lever son arme à la hauteur de ses yeux et la pointer vers le véhicule. L’AI a tiré une seule balle de sa carabine, atteignant le plaignant au cou. Le plaignant s’est effondré et on ne le voyait plus.

Un drone de la police a été envoyé dans le garage pour vérifier l’état du plaignant. Vers 10 h 39, il a capté des images du plaignant, qui était recroquevillé et ne bougeait pas. Des agents sont entrés dans le garage avec des boucliers balistiques et ont constaté que le plaignant ne présentait pas de signes vitaux. On a ensuite constaté le décès du plaignant.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a établi une constatation préliminaire, à savoir que le décès du plaignant était attribuable à une blessure par balle au cou.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé à London le 21 juillet 2023 des suites d’une blessure par balle. Puisque la blessure a été infligée par l’AI, un agent du SPL, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête, désignant l’AI comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

Aux termes de l’article 34 du Code criminel, l’emploi d’une force qui constituerait autrement une infraction est légalement justifié si cette force est utilisée pour dissuader une personne de poser un geste qui représente une agression réelle ou une menace d’agression, raisonnablement appréhendée, et que la force ainsi employée est elle-même raisonnable. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la force, il faut l’évaluer en fonction des facteurs pertinents, notamment en ce qui a trait à des considérations telles que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force. À mon avis, la force employée par l’AI se situait dans le cadre des motifs énoncés à l’article 34.

Bien que l’AI n’ait pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise, je suis convaincu qu’il a agi pour se défendre et défendre autrui contre une menace raisonnablement appréhendée lorsqu’il a tiré avec sa carabine. Compte tenu de ce que l’agent savait de la propension du plaignant à la violence liée aux armes à feu ce matin-là, je suis convaincu que l’AI a estimé, à juste titre, que le plaignant représentait un risque imminent pour la sécurité publique et qu’il fallait immédiatement prendre des mesures défensives lorsque le plaignant a brandi son arme à feu comme s’il s’apprêtait à tirer.

Je suis également convaincu que le choix de force défensive de l’agent, à savoir un seul coup de feu tiré avec sa carabine, était raisonnable. Bien que l’AI ait pu bénéficier d’un certain degré de protection à l’intérieur du VBL, il ne pouvait pas être certain de la position et de la vulnérabilité relative des autres personnes se trouvant à l’intérieur du véhicule. Il ne pouvait pas non plus savoir ce qui se passait autour du VBL ni savoir s’il y avait des agents ou des civils à proximité. S’il n’avait pas tiré au moment où il l’a fait, alors que le plaignant a adopté une position de tir avec son arme, le public aurait été exposé à un risque de blessure grave ou de mort. Dans ces conditions, l’AI n’avait d’autre choix que de recourir à la seule arme dont il disposait pour neutraliser le plaignant le plus rapidement possible, à savoir son arme à feu. D’ailleurs, le fait que l’AT no 2, qui était placé de la même manière que l’AI à l’intérieur du VBL, sa carabine pointée vers le plaignant, était sur le point d’appuyer sur la gâchette de sa propre arme lorsque l’AI a tiré, est révélateur.

Par conséquent, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel lorsqu’il a tiré en direction du plaignant avec sa carabine, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 17 novembre 2023


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.