Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 18-PCD-322

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES concernant le décès d’un homme de 40 ans (le plaignant) survenu lors d’une interaction avec la police, le 1er novembre 2018.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er novembre 2018, vers 5 h 10, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la mort par balle du plaignant.
La Police provinciale a signalé qu’au petit matin, le 1er novembre 2018, le plaignant avait enlevé la témoin civile no 1 de chez elle. Vers 4 h 30 du matin, la Police provinciale a repéré le véhicule du plaignant sur le chemin Tuckers, dans la région de la ville de Bancroft. La police ne le savait pas, mais la TC no 1, qui était assise sur le siège du passager avant, avait été menottée par le plaignant. Au moment où les agents impliqués nos 1 et 2 (de la Police provinciale de l’Ontario), s’approchaient du véhicule, le plaignant s’est suicidé en se tirant une balle avec un fusil de gros calibre.

La témoin civile no 1, qui n’a pas été blessée, a été transportée à l’hôpital et traitée pour détresse émotionnelle.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Plaignant :

Homme de 40 ans, décédé


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 6 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 8 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire


Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué



Description de l’incident

Le plaignant souffrait de maladie mentale et avait des idées suicidaires; dans les jours qui ont précédé son décès, il avait demandé aux TC nos 1 et 2 de l’abattre parce qu’il ne voulait plus vivre. Le 1er novembre 2018, le plaignant a enlevé la TC no 1 chez elle et l’a mise dans son véhicule avec l’intention de la ramener chez lui, apparemment parce qu’il voulait qu’elle l’abatte dans les bois. Lors du trajet vers sa résidence, le plaignant a été intercepté par deux agents de la Police provinciale de l’Ontario, qui avaient été informés de l’enlèvement de la TC no 1 par le service de police régional de Durham. Le plaignant a immobilisé son camion sur le chemin Tuckers près de la ville d’Apsley. Lorsque les AI se sont approchés du véhicule pour arrêter le plaignant, celui-ci, qui était encore assis sur le siège du conducteur, a placé l’embouchure du canon d’un fusil de calibre .308 sous son menton et a fait feu, en présence de la TC no 1, qui était menottée et assise sur le siège du passager avant. Le fusil de calibre .308 du plaignant a été retrouvé entre les jambes de ce dernier, avec le canon pointé vers le haut. L’arme à feu a été vérifiée et une douille de balle tirée se trouvait dans la chambre. La TC no 1 a immédiatement quitté le siège du passager avant du véhicule en hurlant et en criant que le plaignant s’était enlevé la vie. Le plaignant a été déclaré mort sur les lieux.

Cause de décès

Le pathologiste qui a effectué l’examen post-mortem du corps du plaignant a déterminé que la cause du décès était une [traduction] « perforation sous-mentonnière ayant entraîné une blessure mortelle à la tête et au cerveau ».

Éléments de preuve

Les lieux

Le camion contenant le corps du plaignant, toujours assis sur le siège du conducteur, était stationné près du 56, chemin Tuckers (une route de gravier) dans le canton de North Kawartha, situé dans le comté de Peterborough. Le camion se trouvait sur l’accotement du côté nord, à environ 310 mètres à l’ouest de la route 28. Le plaignant était derrière le volant de son camion Ford noir et le moteur tournait encore au ralenti lorsque les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux. Un fusil à verrou de calibre .308 a été trouvé entre les jambes du plaignant. Une grande partie de la tête du plaignant manquait et l’habitacle du camion était éclaboussé de sang et de matière cérébrale. Le canon du fusil se trouvait dans la main gauche du plaignant et la main droite de celui-ci était entre ses jambes, à proximité de la gâchette. Il y avait une douille de balle tirée dans la chambre du fusil et trois cartouches non éclatées dans le chargeur.  

Éléments de preuve matériels

L’arme à feu du plaignant

L’arme à feu du plaignant

Éléments de preuve médicolégaux

Aucun élément de preuve médicolégal n’a été présenté au Centre des sciences judiciaires.

Témoignage d’expert

Le pathologiste qui a effectué l’examen post-mortem du corps du plaignant a déterminé que la cause du décès était une [traduction] « perforation sous-mentonnière ayant entraîné une blessure mortelle à la tête et au cerveau ».

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements vidéo ou audio ou de photographies, mais n’a rien trouvé.

Enregistrements de communications

Le 1er novembre 2018 :

3 h 58 min 28 s : La Police provinciale de l’Ontario émet un avis (Be on the Look Out) pour demander aux agents d’être à l’affût d’un véhicule Ford noir immatriculé au nom du plaignant, qui est recherché pour l’enlèvement de la TC no 1. Un sondeur PING provenant du téléphone cellulaire du plaignant indique que le camion se dirige vers le nord sur la route 115 près de Peterborough.
4 h 17 min 1 s : Le camion roule maintenant en direction nord sur la route 28 près de Burleigh Falls.
4 h 43 min 19 s : L’AI no 2, qui se dirige vers le sud sur la route 28, signale qu’il vient tout juste de croiser le véhicule recherché, qui roulait dans la direction opposée. Il effectue un demi-tour pour se lancer à sa poursuite.
4 h 45 min 45 s : L’AI no 2 indique qu’il a rattrapé le camion près du chemin Tuckers.
4 h 46 min 9 s : L’AI no 2 mentionne que le camion a tourné sur le chemin Tuckers, une route de gravier qui se termine en cul-de-sac.
4 h 46 min 38 s : L’AI no 2 indique que le camion s’est arrêté.
4 h 47 min 48 s : L’AI no 2 mentionne qu’il se trouve derrière le camion et que son projecteur à faisceau étroit est pointé vers celui-ci.
4 h 49 min 47 s : L’AI no 2 informe l’AI no 1 par les ondes qu’il s’apprête à procéder à l’arrestation du plaignant en le menaçant de son arme à feu.
4 h 50 min 47 s : L’AI no 1 arrive sur les lieux.
4 h 51 min 10 s : L’AI no 2 demande à l’AI no 1 d’éteindre ses phares.
4 h 51 min 59 s : L’AI no 2 mentionne au répartiteur que le plaignant s’est tiré une balle et semble 1045 (mort).
4 h 52 min 10 s : L’AI no 2 indique que la TC no 1 est sortie du camion et n’est pas blessée.
4 h 52 min 16 s : L’AI no 2 répète que le plaignant est 1045 après s’être tiré une balle à la tête.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les éléments et documents suivants à la Police provinciale de l’Ontario, qu’elle a obtenus et examinés :

  • système GPS des voitures de patrouille exploitées par les AI nos 1 et 2;
  • notes des AT nos 1 à 8;
  • enregistrements des communications de la police;
  • détails de l’événement – rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • arme à feu acquise par un particulier – Programme canadien des armes à feu;
  • résumés (3) des communications du Centre d’appel provincial.

Analyse et décision du directeur

Il s’agit malheureusement d’un autre cas où un homme avec des problèmes de santé mentale (le plaignant) a agi de manière irrationnelle, ce qui a forcé l’intervention de la police. Cependant, les éléments de preuve sont absolument clairs quant au fait que, moins de trois minutes après que l’AI no 2 [1] ait stationné son véhicule derrière le camion du plaignant, celui-ci s’est tiré une balle dans la tête, et que les AI nos 2 et 1 [2] n’ont rien pu faire pour l’en empêcher. L’AI no 2 a été le premier de deux agents à stationner son véhicule directement derrière le camion du plaignant sur les lieux de l’incident tragique. Après avoir été poursuivi par l’AI no 2, le plaignant, qui avait enlevé la TC no 1 [3], a immobilisé son véhicule sur le chemin Tuckers. Il savait que la police était derrière lui. À ce moment-là, il a mentionné à la TC no 1 qu’il irait en prison pendant 25 ans (pour ce qu’il avait fait) et qu’il ne pouvait pas retourner en prison. Il s’est alors emparé d’un fusil qu’il avait caché derrière le siège du conducteur. Avant que la police ne puisse intervenir physiquement auprès du plaignant, ce dernier a placé le fusil entre ses jambes et, malgré les tentatives de la TC no 1 pour l’en empêcher, a appuyé sur la gâchette. La TC no 1 a été éclaboussée par le sang et la matière cérébrale du plaignant, et elle est tombée, en criant, du siège du passager avant du véhicule.

Les agents de police qui ont suivi le plaignant sur le chemin Tuckers ont agi dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont tenté d’arrêter le plaignant. En outre, leur seule « interaction » avec le plaignant a été lorsque l’AI no 2 a crié au plaignant qu’il était en état d’arrestation et qu’il devait sortir du véhicule et s’allonger sur le sol. Compte tenu des circonstances, l’AI no 2 avait tout à fait le droit de donner cette directive; néanmoins, avant que l’un ou l’autre des agents de police ne puisse dire quoi que ce soit d’autre ou intervenir d’une quelconque façon, le plaignant s’est suicidé avec son arme à feu. Je conclus que leur conduite n’a en aucun cas enfreint les paramètres de ce qui était approprié sur le plan légal dans les circonstances et je n’ai aucun motif sur lequel m’appuyer pour croire qu’une infraction criminelle a été commise. Par conséquent, aucune accusation criminelle ne sera portée.


Date : 22 février 2019



Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le premier agent sur les lieux. [Retour au texte]
  • 2) Le deuxième agent sur les lieux. [Retour au texte]
  • 3) Le plaignant avait enlevé la TC no 1 dans l’intention de se rendre avec elle dans les bois afin qu’elle le tue. Les idées suicidaires du plaignant et son plan visant à mettre fin à ses jours ont été confirmés par la TC no 2, sa mère, qui a mentionné à l’AT no 6 qu’au cours de la semaine qui a précédé l’incident, le plaignant lui avait demandé, ainsi qu’à la TC no 1, de lui enlever la vie en lui tirant dessus. La TC no 2 a également indiqué à l’UES que le plaignant voulait être abattu dans la forêt et qu’il ne voulait plus vivre. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.