Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-POD-197

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’une femme de 48 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 6 août 2022, à 11 h 3, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

Le 5 août 2022, à 19 h 30, la plaignante a été arrêtée pour conduite avec les facultés affaiblies dans la région de Caledon. Elle a été emmenée au poste du détachement de Caledon et a subi deux alcootests. Ces tests ont montré qu’elle dépassait largement le taux d’alcoolémie permis par la loi. Les agents de la Police provinciale ont décidé de libérer la plaignante et lui ont appelé un taxi. Le 6 août 2022, à 2 h 43, la plaignante a perdu connaissance dans un bar de Brampton. Elle a été transportée à l’Hôpital Civic de Brampton, où on a constaté qu’elle était en arrêt cardiaque et on l’a intubée.
 
Le 7 août 2022, la Police provinciale a avisé l’UES que le décès de la plaignante a été constaté et que la Direction des enquêtes criminelles de la Police régionale de Peel (PRP) enquêtait sur ce décès.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 7 août 2022 à 8 h 35

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 7 août 2022 à 8 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Femme de 48 ans, décédée

Témoins civils

TC N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre les 15 et 29 août 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Le 5 août 2022, la plaignante a été arrêtée alors qu’elle se trouvait en bordure des voies en direction sud de la route 10, au sud du chemin Old School. Elle a été emmenée au poste du détachement de Caledon de la Police provinciale, situé au 15924, chemin Innis Lake, dans l’est de Caledon.

Le 6 août 2022, on a trouvé la plaignante sans signes vitaux sur la terrasse extérieure de l’établissement Viva Café, situé au 10069, rue Hurontario, à Brampton.

Éléments de preuve matériels

Centre des sciences judiciaires

Un échantillon du sang de la plaignante a été envoyé au Centre des sciences judiciaires à des fins d’analyse toxicologique dans le cadre de l’enquête du coroner sur son décès. Les résultats de ces analyses n’ont pas encore été reçus.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Appels au 9-1-1 et communications radio de la Police provinciale

Voici un résumé des renseignements pertinents tirés des enregistrements des communications de la police concernant l’incident faisant l’objet de l’enquête.

Un homme appelle la police pour signaler qu’une conductrice ayant les facultés affaiblies circule en direction sud sur le chemin Airport. Il donne une description du véhicule. Il dit qu’une femme [on sait maintenant qu’il s’agit de la plaignante] est arrivée avec son véhicule dans son entrée et qu’elle était en état d’ébriété. L’appelant a retenu la plaignante le plus longtemps possible, mais celle-ci est partie. L’appelant ne la connaît pas. Le répartiteur demande pour quelle raison la plaignante se trouvait dans l’entrée de l’appelant. L’appelant dit que la plaignante a affirmé être dans un état d’ébriété trop avancé pour conduire. La plaignante a également dit qu’elle s’était disputée avec son mari et avait quitté Wasaga Beach. L’appelant lui a donné de l’eau et lui a dit qu’elle ne devrait pas conduire, mais la plaignante est entrée dans son véhicule et est repartie, en passant sur le terrain de l’appelant. L’appelant se sent mal, car la plaignante n’est pas en état de conduire.

À 15 h 17 min 7 s, un membre du personnel du centre des communications de la Police provinciale téléphone au bureau des communications du Service de police régional de Halton pour transmettre un avis concernant une conductrice ayant les facultés affaiblies. Il signale que la conductrice a été vue pour la dernière fois à Creemore, circulant en direction sud sur County Road 42, près de County Road 9. Il fournit une description du véhicule et le numéro d’immatriculation. Il dit que la conductrice s’est arrêtée dans l’entrée d’une résidence, mais qu’elle a refusé de rester et a repris la route. Elle a dit qu’elle s’était disputée avec son petit-ami à Wasaga Beach et voulait rentrer chez elle.

À 15 h 19 min 23 s, le centre des communications de la Police provinciale transmet un avis concernant la présence possible d’une conductrice ayant les facultés affaiblies circulant en direction sud sur County Road 42, vers Creemore, et donne le numéro d’immatriculation. Selon l’avis, la conductrice est très intoxiquée.

À 18 h 46 min 33 s, la Police provinciale reçoit un appel d’un homme circulant en direction nord sur la route 10, vers Orangeville. L’homme signale la présence d’un VUS en bordure des voies en direction sud, juste avant Brampton. Il dit que la conductrice de ce véhicule semble avoir perdu connaissance. La porte du conducteur est ouverte et la conductrice semble être couchée sur le côté sur le siège. Les feux de détresse du véhicule ne sont pas allumés.

À 18 h 49 min 13 s, le répartiteur envoie l’AT no 1 sur les lieux. L’AT no 1 signale avoir trouvé le véhicule et demande que l’on vérifie le numéro d’immatriculation.

L’AT no 1 signale avoir arrêté la conductrice [on sait maintenant qu’il s’agit de la plaignante] pour conduite avec les facultés affaiblies. La conductrice lui a dit qu’il y avait une arme à balles BB dans la voiture.

L’incident s’est produit sur la route 10, au sud du chemin Old School. L’agent a demandé que l’on remorque le véhicule.

Détachement de Caledon de la Police provinciale – salle d’administration d’alcootests – vidéo

Voici un résumé des enregistrements pertinents obtenus par l’UES.

L’AT no 2 entre dans la pièce et prépare l’alcootest, puis quitte la pièce. Il entre de nouveau dans la pièce, suivi de la plaignante. L’AT no 2 se rend au comptoir, et la plaignante s’assoit sur un siège. L’AT no 2 dit à la plaignante qu’il est 20 h 41 et s’identifie. Il dit à la plaignante qu’il est là pour effectuer un test, et il pointe les caméras qui sont dans la pièce. La plaignante demande un verre d’eau, et l’agent répond qu’il veut d’abord vérifier certaines choses. Il demande à la plaignante si elle a eu l’occasion de parler à son avocat ou à un avocat de service et lui demande de confirmer qu’elle ne souhaite pas le faire. La plaignante le confirme.

L’AT no 2 lit une demande d’échantillon d’haleine à la plaignante, qui est assise, les bras croisés. Elle dit qu’elle comprend. Il lit une mise en garde ainsi qu’une mise en garde secondaire à la plaignante. La plaignante se replace les cheveux tandis qu’elle écoute, et elle affirme verbalement qu’elle comprend les deux mises en garde. Elle dit à l’AT no 2 qu’elle est là pour fournir un échantillon d’haleine; elle parle lentement et a un peu de mal à articuler. L’agent lui demande de l’accompagner pour aller chercher un verre, puisqu’il ne veut pas la laisser seule. Elle quitte la pièce et revient avec l’AT no 2, qui tient un verre, qu’il remplit d’eau à l’évier et qu’il tend à la plaignante. La plaignante demeure assise pendant son interaction avec l’AT no 2.

On voit l’AT no 2 préparer l’appareil d’alcootest, et la plaignante parle à l’AT no 2 au sujet de TikTok; l’agent et la plaignante bavardent. La plaignante dit à l’AT no 2 qu’elle devait se rendre chez une amie à Brampton, et elle continue de lui parler pendant qu’ils attendent que l’appareil soit prêt. L’agent lui donne un embout buccal et lui montre comment souffler dans celui-ci, puis corrige sa position. La plaignante souffle dans l’embout tandis que l’AT no 2 tient le tube et lui dit de continue de souffler. Il lui dit qu’il faut attendre 17 minutes avant de pouvoir faire le deuxième test. La plaignante s’assoit, et l’AT no 2 lui pose plusieurs questions, puis note les réponses sur papier. Elle demeure assise sur le banc, les jambes croisées, et répond à toutes les questions de l’AT no 2.

La plaignante dit qu’elle ne conduisait pas de véhicule et qu’elle voulait simplement rentrer chez elle. Elle admet ensuite qu’elle conduisait et qu’elle était seule. Elle dit à l’AT no 2 qu’elle a quitté Wasaga Beach pour rentrer chez elle à 9 h 45. L’agent lui demande si elle sait quelle heure il est, et elle répond qu’il est 21 h. Elle semble comprendre toutes les questions posées par l’AT no 2, et elle y répond tout en restant assise sur le banc. Elle dit à l’AT no 2 qu’elle a jugé qu’elle ne devrait pas conduire, et qu’elle était arrêtée sur le bord de la route depuis environ cinq minutes lorsqu’un agent [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AT no 1] est venu lui parler.

La plaignante dit à l’AT no 2 qu’elle va se suicider. L’AT no 2 demande à la plaignante quand et comment elle prévoit le faire et lui dit qu’il peut l’emmener à l’hôpital. Elle répond qu’elle ne se suicidera pas, même si elle veut le faire, car cela va à l’encontre de sa religion. Il lui demande si elle veut aller à l’hôpital pour consulter un médecin une fois la procédure terminée. La plaignante répond que non, car cela est interdit. L’AT no 2 dit à la plaignante qu’il doit s’assurer qu’elle est en sécurité, et pas seulement maintenant, mais aussi lorsqu’elle quittera le poste de police. La plaignante dit à l’AT no 2 qu’elle n’est absolument pas en état d’ébriété et qu’elle va bien.

La plaignante se lève et boit un deuxième verre d’eau, puis s’assoit en attendant que l’appareil soit prêt. L’AT no 2 prend le tube de l’appareil et donne encore une fois un embout buccal à la plaignante. La plaignante souffle dans l’embout. L’AT no 2 place l’embout sur le tuyau et la plaignante souffle dans l’embout, tandis que l’agent lui dit de continuer de souffler.

L’AT no 2 refait le test, en disant à la plaignante de continuer de souffler; elle essaie, mais n’y arrive pas. L’AT no 2 refait le test une troisième fois, disant à la plaignante « soufflez, soufflez, soufflez ». La plaignante demande si elle peut aller fumer, puis s’assoit. L’AT no 2 répond qu’elle pourra y aller lorsqu’ils auront terminé les tests. Ils quittent la pièce pour que la plaignante puisse prendre une pause. L’AT no 2 revient dans la pièce et prépare l’appareil d’alcootest, puis sort de la pièce et y revient avec la plaignante, qui parle constamment, puis qui s’assoit.

L’AT no 2 dit à la plaignante qu’ils effectueront le test et rempliront les documents nécessaires, puis qu’elle pourra partir. La plaignante demeure assise sur le banc et parle à l’agent pendant que l’appareil d’alcootest effectue son processus de préparation. L’AT no 2 explique à la plaignante pourquoi le test précédent n’a pas fonctionné, lui donne un embout et lui dit de souffler de façon constante et de manière à ce que l’air sorte de sa bouche. Elle se lève et souffle dans l’embout tandis que l’AT no 2 lui dit « soufflez, soufflez, soufflez ». Le test est terminé. L’AT no 2 dit à la plaignante qu’elle est accusée de conduite avec les facultés affaiblies et que son taux d’alcoolémie est supérieur à 80 mg. La plaignante continue de parler à l’AT no 2. Ils quittent la pièce ensemble. L’AT no 2 dit à la plaignante qu’il remplira les documents et qu’elle pourra ensuite partir.

Détachement de Caledon de la Police provinciale – salle d’entrevue – vidéo

Voici un résumé des enregistrements pertinents obtenus par l’UES.

La porte s’ouvre, et la plaignante entre dans la salle, suivie de l’AT no 2. La plaignante s’assoit sur une chaise à côté d’une table et l’AT no 2 reste debout pour lui parler. L’AT no 1 entre dans la pièce avec des documents et un sac à main. La plaignante est assise, agite les mains, se replace les cheveux et parle à l’AT no 1 et l’AT no 2. L’AT no 1 place le sac à main sur la table. La plaignante vide le contenu de son sac à main sur la table et y cherche une pièce d’identité, qu’elle donne à l’AT no 1.

L’AT no 2 quitte la pièce et l’AT no 1 demeure à l’intérieur et parle avec la plaignante. La plaignante signe des documents, demeure assise et continue de parler à l’AT no 1. Elle prend son téléphone parmi ses effets personnels et cherche des numéros, qu’elle donne à l’AT no 1. L’AT no 1 note les numéros de téléphone, rend le sac à main à la plaignante et quitte la pièce avec celle-ci.

Appel à la PRP par l’intermédiaire du 9-1-1

Une femme appelle le 9-1-1 pour demander qu’une ambulance se rende à l’établissement Viva Café, situé au 10069, rue Hurontario, car une femme [on sait maintenant qu’il s’agit de la plaignante] est inconsciente au bar. La répartitrice demande si la plaignante est réveillée. L’appelante dit que la plaignante perd, puis reprend connaissance. Des témoins ont dit que la plaignante était déjà en état d’ébriété lorsqu’elle est arrivée à l’établissement, et qu’elle a pris une boisson, puis qu’elle est sortie et s’est endormie. L’appelante dit que des gens ont remarqué que la plaignante avait les lèvres bleues et avait perdu connaissance, ils l’ont donc couchée sur le sol, sur le côté. La répartitrice demande si la plaignante est consciente ou non. L’appelante répond que la plaignante a commencé à ronfler et commence maintenant à cracher, mais qu’elle ne réagit pas lorsqu’on s’adresse à elle par son nom. La répartitrice pose certaines questions concernant l’état de la plaignante, et l’appelante répond que la poitrine de la plaignante ne bouge pas et qu’elle ne respire pas. La répartitrice dit à l’appelante de regarder la poitrine de la plaignante pour déterminer s’il faut commencer la réanimation cardiorespiratoire (RCR). L’appelante dit « non », puis dit qu’on entreprend la RCR. La répartitrice donne des instructions sur la manière d’exécuter cette manœuvre sur la plaignante.

On indique qu’une ambulance vient d’arriver au Viva Café; les ambulanciers paramédicaux se présentent alors sur les lieux.

Vidéo de l’établissement Viva Café

La vidéo de l’établissement Viva Café montre la plaignante, qui est assise au bar et parle avec une femme. La vidéo montre ensuite la plaignante appuyée mollement sur le comptoir du bar et une personne non identifiée qui s’occupe d’elle.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale et de la PRP entre le 9 août 2022 et le 20 septembre 2022 :
• Notes de la Police provinciale concernant l’alcootest – AT no 2;
• Formulaire 10 de la Police provinciale – la plaignante;
• Politique sur l’arrestation et la détention de la Police provinciale;
• Manuel sur le contrôle des détenus de la Police provinciale;
• Conditions de mise en liberté sous caution de la Police provinciale;
• Registres des appels de la Police provinciale;
• Enregistrements des communications de la Police provinciale;
• Vidéo de mise en détention de la Police provinciale;
• Vidéo de la salle d’entrevue de la Police provinciale;
• Vidéo de la salle d’administration d’alcootests de la Police provinciale;
• Police provinciale – Rapport d’incident original
• Police provinciale – Rapports d’incident connexes;
• Police provinciale – notes – AT no 1;
• Police provinciale – notes – AT no 2;
• Police provinciale – notes – AT no 3;
• Police provinciale – notes – AT no 4;
• Police provinciale – registres de l’alcootest Intoxilyzer;
• Appel à la PRP par l’intermédiaire du 9-1-1;
• Rapport d’incident de la PRP;
• Historique de l’incident de la PRP;
PRP – vidéo du système de sécurité du Viva Café;
• Rapports sur les communications audio de la PRP;
• Enregistrements des communications de la PRP;
PRP – transcriptions des vidéos des entrevues avec les témoins (x2);
• Photos prises par la PRP au Viva Café.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES; de même, le tout peut être résumé brièvement.
Très tôt le matin du 6 août 2022, une ambulance a été appelée à un établissement – le Viva Café, situé au 10069, rue Hurontario, à Brampton. L’appelante au 9-1-1 a signalé qu’une femme – la plaignante – avait perdu connaissance et cessé de respirer. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés sur les lieux et ont transporté la plaignante à l’hôpital.

La plaignante était arrivée au Viva Café peu après minuit, après avoir, la veille, consommé une quantité importante d’alcool. D’ailleurs, elle arrivait du poste du détachement de Caledon de la Police provinciale, d’où on l’a laissée partir, après l’avoir informée qu’elle faisait l’objet d’accusations de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. Les alcootests administrés au poste du détachement ont révélé que son taux d’alcoolémie était de plus de 300 mg d’alcool par 100 ml de sang. Les agents du détachement, qui n’ont pas réussi à joindre un ami ou un membre de la famille de la plaignante qui pourrait venir la chercher au poste, ont appelé un taxi pour la ramener chez elle.

L’AT no 1 est l’agent qui a procédé à l’arrestation de la plaignante en bordure de la route 10, au sud du chemin Old School. Un automobiliste qui circulait en direction nord sur la route 10 avait remarqué un VUS arrêté sur l’accotement des voies en direction sud et constaté que la porte du conducteur était ouverte et qu’une femme – la plaignante – semblait avoir perdu connaissance sur le siège du conducteur; il a donc appelé la police. Une forte odeur d’alcool émanait de la plaignante. Trois contenants d’alcool vides ont été retrouvés dans le véhicule. L’agent a placé la plaignante sous garde vers 19 h 30.

Cet incident n’était pas la première fois, dans la journée du 5 août 2022, que l’on signalait la plaignante à la Police provinciale pour conduite avec les facultés affaiblies. Vers 15 h 15, un homme avait appelé la police pour signaler que la plaignante avait stationné son VUS dans son entrée. Lorsqu’il s’est approché d’elle, la plaignante a expliqué qu’elle avait trop bu pour conduire et qu’elle a dû s’arrêter plusieurs fois en raison de son état d’ébriété tandis qu’elle rentrait chez elle après avoir quitté Wasaga Beach. L’homme l’a encouragée à rester sur les lieux jusqu’à ce qu’elle soit sobre. La plaignante a refusé, puis elle a repris la route, en passant sur le terrain de l’homme.

Dans le taxi qui la ramenait du poste du détachement de Caledon de la Police provinciale, la plaignante a convaincu le chauffeur de s’arrêter à un bar. Le chauffeur a laissé la plaignante au Viva Café. Le chauffeur a attendu la plaignante, qui est entrée dans l’établissement, puis en est ressortie plus de dix minutes plus tard. Deux clients du bar, un homme et une femme, l’accompagnaient. La femme a suggéré que le chauffeur emmène la plaignante chez elle, mais cette dernière a insisté pour retourner dans le bar. Il a été convenu que le chauffeur tenterait d’appeler la plaignante une heure plus tard pour passer la prendre s’il n’était pas occupé ailleurs.

À l’intérieur du Viva Café, la plaignante s’est liée d’amitié avec un groupe de personnes qui célébraient un anniversaire et a consommé des boissons alcoolisées. Plus tard, elle est sortie sur la terrasse, s’est assise et a posé sa tête sur une table. L’une des personnes qu’elle a rencontrées au bar a tenté de la réveiller, mais n’y est pas parvenue. Environ 15 minutes plus tard, quelqu’un a remarqué que les lèvres de la plaignante étaient bleues et qu’elle ne respirait plus. On a placé la plaignante sur le sol et exécuté des manœuvres de RCR tout en appelant le 9-1-1.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 200 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la morte

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
220 (2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

La plaignante est décédée à l’hôpital le 7 août 2022, après qu’on l’a débranchée du système de maintien des fonctions vitales. Puisqu’elle avait été sous la garde de la Police provinciale le 5 août 2022, soit la veille de la journée où elle a commencé à présenter des signes de détresse médicale et a été emmenée à l’hôpital, l’UES a été avisée par la Police provinciale et a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que tout agent parmi les agents de la Police provinciale qui sont intervenus auprès de la plaignante a commis une infraction criminelle relativement au décès de celle-ci.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont les agents sont intervenus auprès de la plaignante qui a causé son décès ou qui y a contribué et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La plaignante était légalement sous la garde des agents. Les éléments de preuve suffisaient amplement pour justifier son arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies.
 
Je suis également convaincu que les agents concernés ont agi en tenant dûment compte de la santé et de la sécurité de la plaignante. La plaignante ressentait certainement les effets de l’alcool qu’elle avait consommé, mais elle n’avait pas perdu le contrôle de ses facultés à un point tel qu’elle présentait un danger évident pour elle-même et pour autrui. Elle comprenait les questions et y répondait, et elle était en mesure de suivre les instructions et de marcher sans aide. Lorsque la plaignante a mentionné qu’elle avait l’intention de se faire du mal, l’agent qui était avec elle à ce moment-là, l’AT no 2, a discuté avec elle et lui a demandé si elle voulait se rendre à l’hôpital. La plaignante s’est rétractée, indiquant que cet acte allait à l’encontre de sa religion, et a refusé d’aller à l’hôpital. Dans cette affaire, je ne suis pas en mesure de reprocher aux agents de l’avoir remise en liberté environ quatre heures après que l’AT no 1 l’a arrêtée. Puisqu’ils n’avaient pas de motifs de maintenir la plaignante sous garde, les agents étaient légalement tenus de la remettre en liberté tout en assurant sa sécurité, et ce, dès que possible. C’est effectivement ce qu’ils ont fait. Ils ont d’abord tenté de communiquer avec des amis ou des membres de la famille de la plaignante pour qu’ils se présentent au poste pour raccompagner la plaignante chez elle, puis, n’arrivant à joindre personne, ils ont appelé un taxi pour la plaignante.
 
Par conséquent, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents qui sont intervenus auprès de la plaignante ont enfreint les limites de diligence pendant que la plaignante était sous garde, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 2 décembre 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.