Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OCI-188

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 46 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 juillet 2022, à 14 h 58, le Service de police de Sarnia (SPS) a communiqué avec l’UES pour l’aviser que le 23 juillet 2022, à 7 h 30, des agents du SPS se sont rendus à un hôtel pour intervenir auprès d’un homme indésirable, le plaignant, qui semblait être un sans-abri et qui a refusé de quitter les lieux lorsqu’on lui a demandé de le faire. Pendant son arrestation, le plaignant a résisté et a tenté de désarmer un agent du SPS. Le plaignant a été menotté et transporté au quartier général du SPS, puis il a refusé de sortir du véhicule de police, ce qui a donné lieu à une lutte. Les agents ont sorti le plaignant du véhicule, puis l’ont placé dans une cellule en vue de l’enquête sur le cautionnement.

Le SPS a également signalé qu’à 12 h 30, le plaignant s’est plaint d’une douleur abdominale. Il a été transporté à l’Hôpital Bluewater Health (hôpital de Sarnia) par les services médicaux d’urgence, où on a déterminé qu’il avait des fractures aux côtes et un poumon collabé.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 juillet 2022, à 15 h 55

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 juillet 2022, à 18 h 27

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 46 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 23 juillet 2022.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 24 et le 28 juillet 2022.
 

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 29 juillet 2022 et le 11 octobre 2022.


Éléments de preuve

Les lieux

L’enquête a révélé que l’incident s’est déroulé à deux endroits distincts. Ces endroits sont le bar d’un hôtel situé sur la rue Christina Nord, à Sarnia, ainsi que l’aire de détention du poste du SPS (entrée des véhicules).

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a cherché et obtenu des enregistrements vidéo pertinents, qui sont décrits ci dessous.


Hôtel (hall d’entrée)

Le 24 juillet 2022, les responsables de l’hôtel ont fourni à l’UES des enregistrements vidéo du hall d’entrée, du bar et de l’extérieur de l’établissement, à l’avant de celui-ci. La qualité de la vidéo a été jugée bonne. Voici un résumé des enregistrements.

Le 23 juillet 2022, à 6 h 36, le plaignant discute avec le TC no 2 près de l’entrée principale dans le hall d’entrée de l’hôtel. Peu après, le plaignant se dirige vers un réfrigérateur destiné aux invités situé dans l’office, y prend une boisson en cannette, puis s’allonge sur un canapé dans le hall d’entrée.

Vers 7 h, la TC no 1 arrive. Peu après, le TC no 2 quitte les lieux. Voyant le plaignant sur le canapé, la TC no 1 s’approche de lui, puis ils parlent.

Vers 7 h 30, le TC no 2 revient à l’hôtel et le plaignant sort du bar, tenant une bouteille de bière ouverte qu’il a volée dans le réfrigérateur du bar.

À 7 h 38, l’AT no 8 arrive, et la TC no 1 l’emmène au bar, où se trouvait le plaignant. Peu après, l’AT no 1, l’AI et l’AT no 2 arrivent sur les lieux – ils se rendent eux aussi au bar.


Hôtel (bar)

Le 23 juillet 2022, à 7 h 25, le plaignant entre dans le bar avec une cannette de boisson qu’il a prise dans l’office du hall d’entrée. Il se rend derrière le comptoir du bar et prend une bière dans le réfrigérateur, puis il s’assied à une table et allume une cigarette. La TC no 1 entre dans le bar et parle au plaignant [2], qui continue de fumer et de boire la bière. La TC no 1 quitte le bar, et le plaignant semble se parler à lui-même. Le plaignant termine la première bière et retourne au réfrigérateur, en prend une autre, puis retourne à la table.

À 7 h 38, l’AT no 8 arrive, et il parle avec le plaignant, qui est assis à une table.

À 7 h 40, l’AT no 1 arrive et, après une courte conversation, les deux agents du SPS s’approchent de la table où le plaignant est assis. Les agents lèvent le plaignant de sa chaise, et celui-ci place immédiatement ses bras contre le haut de son corps. L’AT no 8 donne un coup de genou à la jambe gauche du plaignant, et l’AT no 1 fait trébucher le plaignant, puis les agents portent le plaignant au sol en le couchant sur le dos. Le plaignant commence immédiatement à se débattre et se retourne sur son côté gauche tout en gardant ses bras contre son torse. Après plusieurs secondes, le plaignant regarde directement l’arme à feu de l’AT no 8, agrippe celle-ci et tente de la sortir de son étui. L’AT no 1 saisit immédiatement la main et le bras du plaignant et lui fait lâcher l’arme à feu.

À 7 h 41, l’AI entre dans le bar et se place à côté de l’AT no 1. Il donne, avec son pied droit, un coup de pied à la région des fesses du plaignant, qui est couché sur son côté gauche. On voit le plaignant contrer toutes les tentatives des agents du SPS de saisir ses bras pour le menotter; il résiste et se débat. On voit l’AT no 1 donner un coup de poing en direction de la main gauche du plaignant.

Enfin, les agents roulent le plaignant sur le ventre, et l’AI lui donne un coup de pied à la région des fesses et deux coups de poing au haut du corps, du côté droit. On voit l’AT no 2 arriver pendant ce temps, puis se placer près de la tête du plaignant. À ce moment-là, l’AT no 2 est sur l’épaule gauche du plaignant. L’AT no 1 et l’AT no 8 sont placés près de la taille et du haut des jambes du plaignant, du côté droit de celui-ci, et tentent de le menotter. On voit l’AT no 8 donner trois coups de poing au côté droit du torse du plaignant. Le plaignant continue de se débattre et de s’agiter. L’AI donne ensuite plusieurs coups de poing à la région des fesses du plaignant, tandis que l’AT no 1 donne deux coups de poing. En raison de la résistance du plaignant, on ne voit pas où ces coups de poing l’atteignent. L’AT no 2 donne un coup de genou au haut du corps ou à la tête du plaignant.

Environ une minute et demie après le début de l’altercation, on voit l’AT no 8 sortir ses menottes de leur étui et les approcher du bas du dos du plaignant. À ce moment-là, le plaignant, qui est toujours couché sur le ventre, est immobilisé au sol par les quatre agents. Pendant les 30 secondes qui suivent, on voit l’AI donner d’abord un coup de poing à la région des fesses et des testicules du plaignant, puis, avec son pied droit, marcher sur cette même région; il maintient son pied en place pendant environ huit secondes.

Les agents relèvent le plaignant, qui est entièrement menotté, peu après que l’AI a retiré son pied. Ils l’escortent ensuite hors du bar de l’hôtel.


Hôtel (extérieur – hall d’entrée)

À 7 h 43 min 40 s, les agents emmènent le plaignant dans le hall d’entrée de l’hôtel, puis à l’extérieur par la porte avant, et l’appuient contre l’arrière du véhicule de police de l’AT no 8, du côté passager. Les agents fouillent le plaignant, puis, à 7 h 52, l’AT no 8 quitte les lieux pour se rendre au quartier général du SPS.


Aire de détention du poste du SPS

Le 28 juillet 2022, à 10 h, l’UES a obtenu une copie des enregistrements vidéo du SPS [3]. La qualité de la vidéo a été jugée bonne. Voici un résumé des extraits pertinents.

Le 23 juillet 2022, à 8 h 15, cinq agents du SPS [l’AT no 1, l’AT no 5, l’AT no 9, l’AT no 3 et l’AT no 4] arrivent dans l’entrée des véhicules et attendent l’AT no 8 et le plaignant. Après l’arrivée du véhicule de l’AT no 8 dans l’entrée des véhicules, on ferme la porte du garage. On ne voit pas bien l’intérieur du véhicule en raison de la lumière reflétée sur la vitre arrière, toutefois, on constate que le siège arrière est divisé en deux compartiments par une cloison en plexiglas.

L’AT no 9 ouvre la portière arrière du côté passager et tente de faire sortir le plaignant du véhicule, mais celui-ci refuse de sortir et se raidit. Après plusieurs autres tentatives de faire sortir le plaignant du véhicule, qui se sont avérées non fructueuses, tous les agents du SPS s’éloignent du véhicule. L’AT no 9 donne ensuite quatre coups avec son pied droit à l’arrière du véhicule, dans la région de la jambe droite et de la taille du plaignant. Après le quatrième coup de pied, l’AT no 9 insère son bras dans le véhicule pour agripper la jambe droite du plaignant tandis que l’AT no 1 agrippe sa jambe gauche, et les agents tirent le plaignant pour le faire sortir du véhicule et le portent au sol.

Des agents du SPS emmènent le plaignant derrière le véhicule. Ils s’arrêtent momentanément tandis que le plaignant résiste et donne des coups de pied, et l’AT no 9 donne un coup de pied au côté gauche du plaignant.

Les agents relèvent encore une fois le plaignant, l’emmènent dans l’aire de détention, puis le placent dans la cellule 7, couché sur le ventre. On retire les menottes, et tous les agents du SPS sortent de la cellule.


Rapport du système de répartition assistée par ordinateur et enregistrements des communications

Le 28 juillet 2022, à 17 h 17, le SPS a fourni à l’UES le rapport du système de répartition assistée par ordinateur et les enregistrements des communications ayant trait à l’interaction qui a eu lieu le 23 juillet 2022. Ces enregistrements ont révélé que le TC no 2, qui est réceptionniste de nuit à un hôtel situé sur la rue Christina Nord, à Sarnia, a communiqué avec le SPS le 23 juillet 2022 à 6 h 39 pour signaler la présence du plaignant, qui n’était pas un client de l’hôtel et qui a refusé de quitter les lieux lorsqu’on lui a demandé de le faire. Le TC no 2 a déclaré que des agents du SPS se sont présentés à l’hôtel le soir précédent pour demander au plaignant de quitter les lieux, ce qu’il a fait sans problème. Le TC no 2 a également expliqué que le plaignant semblait être un sans-abri et a dit qu’il était propriétaire de l’hôtel, qu’il contrôlait la police et qu’il pouvait faire disparaître les armes à feu.

À 7 h 22, le TC no 2 a rappelé le SPS pour demander quand les agents se présenteraient sur les lieux, puisque des clients commençaient à arriver à l’hôtel et que le plaignant s’y trouvait toujours, bien qu’il n’était pas bruyant. On a répondu au TC no 2 que la matinée était chargée pour le SPS et qu’en raison d’un changement de quart de travail, des agents arriveraient à l’hôtel sous peu.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPS entre le 27 juillet 2022 et le 7 octobre 2022 :
  • sommaire du dossier de la Couronne;
  • mandat de renvoi du plaignant;
  • enregistrements des communications;
  • document – renseignements des tribunaux – le plaignant;
  • rapport d’arrestation – sommaire de la détention;
  • registre du système de répartition assistée par ordinateur;
  • appel initial au SPS par le TC no 2 [23 juillet 2022];
  • enregistrement vidéo – devant le poste du SPS [23 juillet 2022];
  • enregistrement vidéo – entrée des véhicules et aire de détention du poste du SPS [23 juillet 2022];
  • interactions antérieures du SPS avec le plaignant;
  • politiques – arrestation, détention, transport, fouille, garde des détenus;
  • politique – intervention de la police auprès de personnes en détresse émotionnelle;
  • politique – usage de la force;
  • rapport de service de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 8;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes et déclaration du témoin – AT no 5;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes et déclaration du témoin – AT no 2;
  • notes et déclaration du témoin – AT no 6;
  • notes et déclaration du témoin – AT no 7.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • dossiers médicaux de l’Hôpital Bluewater Health de Sarnia;
  • deux rapports d’incident – hôtel [interactions avec le plaignant];
  • enregistrement vidéo de l’hôtel, situé à Sarnia;
  • demande d’information concernant le plaignant présentée au Centre d’information de la police canadienne.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprennent des entrevues avec le plaignant et avec certains des agents ayant participé à son arrestation ainsi que des enregistrements vidéo qui montrent une grande partie des événements en question. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.

Le matin de la journée en question, des agents du SPS ont été dépêchés à un hôtel de la rue Christina Nord, à Sarnia, où l’on a signalé la présence d’un intrus. Un employé de l’hôtel a appelé la police pour signaler la présence du plaignant. Ce dernier est entré dans l’hôtel, a pris une cannette de boisson gazeuse dans le hall d’entrée et a refusé de quitter les lieux lorsqu’on lui a demandé de le faire.
 
Le plaignant n’était pas sain d’esprit à ce moment-là, et son comportement était erratique et irrationnel. Au moment de l’arrivée du premier agent de police, le plaignant avait quitté le hall d’entrée et était assis dans le bar de l’hôtel, et il buvait une bouteille de bière qu’il avait volée derrière le bar.

L’AT no 8, le premier agent à s’être présenté sur les lieux, est arrivé vers 7 h 38. L’AT no 1 s’est joint à lui peu après. Les deux agents se sont approchés du plaignant, qui était dans le bar, et lui ont expliqué qu’il devait quitter l’hôtel. Le plaignant a refusé et a averti les agents, dans ses mots, que cela n’irait pas bien pour eux s’ils tentaient de l’arrêter. Les agents ont agrippé le plaignant et l’ont levé de sa chaise. Le plaignant a résisté aux efforts des agents qui tentaient de contrôler ses bras. L’AT no 1 a fait trébucher le plaignant, qui est tombé par terre, sur le dos.

La lutte s’est poursuivie par terre. À un certain moment, le plaignant a tendu la main gauche, a saisi l’arme à feu de l’AT no 8, qui était dans son étui, et a tenté de s’emparer de celle-ci. L’AT no 1 a rapidement remarqué ce que le plaignant faisait et l’a fait lâcher l’arme à feu. Juste après, l’AI et l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux et se sont joints aux autres agents. L’AI a donné un coup avec son pied droit à la région des fesses du plaignant, qui, à ce moment-là, était couché sur son côté gauche, avec des agents de chaque côté de lui. Les agents ont réussi à forcer le plaignant à se coucher sur le ventre, puis l’AI a donné un coup de poing en direction du haut du dos du plaignant. Ce même agent a ensuite donné plusieurs coups de poing à la région des fesses du plaignant. Au même moment, l’AT no 8 et l’AT no 1 ont également donné des coups au haut du corps et à la tête du plaignant.
 
Vers 7 h 43, alors que le plaignant avait été menotté, les mains derrière le dos, l’AI a donné un autre coup de poing à la région des fesses et des testicules du plaignant, avec sa main droite. L’agent s’est ensuite levé, a placé son pied gauche sur la partie inférieure de la jambe du plaignant et son pied droit sur la région des fesses et des testicules de celui-ci, et a maintenu cette posture pendant plusieurs secondes. L’AI s’est éloigné du plaignant, qui a été relevé par l’AT no 1 et l’AT no 8, puis escorté hors de l’hôtel.

Le plaignant a été transporté au poste de police dans le véhicule de l’AT no 8. Dans l’entrée des véhicules du poste, le plaignant a refusé de sortir du véhicule et a résisté lorsqu’un des agents – l’AT no 9 – a tenté de le tirer hors du véhicule. Il avait ancré ses pieds dans l’espace situé sous le siège passager avant, ce qui avait empêché les agents de l’extirper du véhicule. Ensuite, l’AT no 9 a donné quatre coups de pied à la jambe droite et au haut de la cuisse du plaignant par la porte du passager arrière, qui était ouverte. Le plaignant a réagi en tentant de donner un coup de pied à l’agent, après quoi l’AT no 9 et l’AT no 1, qui était tout près, ont agrippé les jambes du plaignant et ont tiré celui-ci hors du véhicule. Le plaignant a donné des coups de pied en direction des agents, ce à quoi l’AT no 1 a répondu en donnant lui aussi un coup de pied. Le coup a atteint le plaignant au haut de l’épaule gauche. Le plaignant a ensuite été placé dans une cellule.

Vers 12 h 30, après s’être plaint de douleur thoracique et d’essoufflement, le plaignant a été transporté à l’hôpital en ambulance, où l’on a constaté qu’il avait subi des fractures aux côtes et au nez et avait un poumon collabé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 9(1), Loi sur l’entrée sans autorisation – Arrestation sans mandat sur les lieux

9 (1) Un agent de police, l’occupant des lieux ou une personne que ce dernier a autorisée à cet effet, peut arrêter sans mandat une personne qu’il croit, pour des motifs raisonnables et probables, être sur les lieux en contravention de l’article 2. 

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a subi des blessures graves lors de son arrestation par les agents du SPS le 23 juillet 2022. Lors de l’enquête de l’UES qui a suivi, on a d’abord désigné trois agents impliqués dans cette affaire, toutefois, un seul des agents ayant procédé à l’arrestation – l’AI – a finalement été désigné comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Il est évident que les agents qui sont intervenus auprès du plaignant étaient en droit de procéder à l’arrestation de celui-ci. Compte tenu de ce qu’ils savaient de l’appel à la police effectué par l’employé de l’hôtel et des efforts répétés déployés pour faire sortir le plaignant de l’hôtel, les agents avaient des motifs raisonnables de procéder à l’arrestation du plaignant pour entrée sans autorisation aux termes de l’article 9 de la Loi sur l’entrée sans autorisation. Après avoir mis le plaignant en état d’arrestation, les agents étaient toujours en droit de contrôler ses mouvements pour pouvoir prendre en toute sécurité les mesures qui s’imposent aux termes de la loi, notamment l’emmener au poste de police et le placer dans une cellule.

En ce qui concerne la force dont ont fait usage les agents, il ne fait aucun doute que la majeure partie de cette force était justifiée du point de vue de la loi. Le plaignant avait un comportement hostile le matin des événements en question. Il a clairement fait savoir qu’il n’avait aucunement l’intention de quitter l’hôtel, et il flânait dans le hall d’entrée et le bar avec des boissons de l’hôtel qu’il avait prises sans payer. L’antagonisme du plaignant était très évident pour le premier agent qui est arrivé sur les lieux, soit l’AT no 8. Au lieu d’intervenir seul auprès du plaignant, il a donc attendu l’arrivée d’un autre agent – l’AT no 1. Cette décision s’est avérée judicieuse, puisque le plaignant s’est immédiatement débattu dès que les agents ont mis la main sur lui. Je suis convaincu que les agents ont agi raisonnablement lorsqu’ils ont forcé le plaignant à se coucher sur le dos; dans cette position, les agents pouvaient s’attendre à pouvoir mieux gérer la résistance qu’offrait le plaignant. Je suis également convaincu que les coups portés par les agents pendant la lutte avec le plaignant au sol étaient raisonnables. Il était évident que le plaignant ne ménagerait aucun effort pour résister à son arrestation. À un certain moment, le plaignant, qui avait très clairement l’intention de s’emparer de l’arme à feu de l’AT no 8, a tendu la main gauche et a agrippé l’arme. Fort heureusement, il n’a pas été capable de retirer l’arme de son étui et l’AT no 1, qui a vu ce qui se passait, a réagi rapidement et a réussi à le faire lâcher l’arme. Dans ces circonstances, il était impératif que le plaignant soit maîtrisé le plus rapidement possible, pour assurer la sécurité de toutes les personnes présentes. Les agents auraient pu choisir de simplement s’engager dans une lutte avec le plaignant, ce qui, j’en suis convaincu, aurait pris beaucoup de temps, au lieu d’avoir recours à des coups de poing, de pied et de genou pour maîtriser plus rapidement le plaignant. À mon avis, en choisissant la deuxième option, les agents n’ont pas usé d’une force excessive, compte tenu des exigences du moment.

Même s’il n’est pas tout aussi évident que cette conduite était raisonnable et nécessaire, ma conclusion s’applique également à la force employée par l’AI aux dernières étapes de l’altercation à l’hôtel, soit un coup de point à la région des fesses et des testicules du plaignant et le fait d’avoir marché sur cette même région tandis que le plaignant était couché sur le sol. Le plaignant était pratiquement immobile à ce moment-là, et il était possiblement menotté. D’un autre côté, on ne savait pas si la résistance du plaignant avait été entièrement maîtrisée. Le fait qu’il était pratiquement immobile au sol aurait tout à fait pu être le résultat de la force exercée par l’AT no 8, l’AT no 1 et l’AT no 2 pour le garder immobile, les bras derrière le dos. En effet, les enregistrements vidéo du bar montrent que les agents luttaient toujours avec le plaignant pour immobiliser ses bras derrière son dos. Cette même vidéo ne permet pas de déterminer clairement si le plaignant était effectivement entièrement menotté. Bien que l’un des bracelets des menottes soit visible autour de la main droite du plaignant, on ne voit pas clairement si sa main gauche est également menottée au moment où la force en question est appliquée. Ce n’est que lorsque l’AI s’éloigne du plaignant que l’on voit que les deux mains de celui-ci sont menottées. Fait intéressant, dans sa déclaration à l’UES, l’AT no 8 a indiqué que les agents ont eu du mal pendant un certain temps à menotter le bras gauche du plaignant après avoir menotté son bras droit. Dans ce dossier, je ne peux écarter avec confiance l’idée selon laquelle l’AI a agi en réponse à la résistance continue du plaignant. En outre, pour les motifs énoncés ci-dessus, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que le comportement de l’agent était excessif; compte tenu de la manière dont le plaignant se débattait, il était impératif que celui-ci soit maîtrisé le plus rapidement possible. C’est ce que l’AI cherchait à faire en visant la région des fesses et des testicules du plaignant, soit la région qui était à sa portée, pour lui infliger de l’inconfort et de la douleur. Pour arriver à cette conclusion, j’ai à l’esprit le principe établi par la common law selon lequel on accorde aux agents, dans une situation dynamique et instable, une certaine latitude en ce qui a trait au recours à la force. Il n’est pas nécessaire que les tactiques des agents soient calculées avec exactitude; elles doivent simplement être raisonnables compte tenu des options qui s’offrent à eux dans les circonstances : R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2 d) 96 (C.A. de l’Ont.); R c. Nasogaluak, [2010] 1 RCS 206.

Enfin, je suis convaincu que la force à laquelle l’AT no 1 et l’AT no 9 ont eu recours dans l’entrée des véhicules du poste de police, soit les coups de pied qu’ils ont donnés au plaignant, était autorisée par la loi. L’arrestation du plaignant était légitime, et les agents étaient en droit de recourir à la force pour le faire sortir du véhicule lorsqu’il a refusé de le faire, puis pour se défendre lorsqu’il s’en est pris à eux une fois sorti du véhicule. Ce n’est qu’après le quatrième coup de pied de l’AT no 9 que les agents ont eu l’occasion d’agripper le plaignant, lorsqu’il a levé une jambe pour donner un coup de pied à l’agent. Ensuite, pour décourager toute autre violence de la part du plaignant, qui a craché en direction de l’AT no 9 depuis l’intérieur du véhicule, l’AT no 1 a donné un coup de poing sur l’une des jambes du plaignant tandis que l’on sortait celui-ci du véhicule, et l’AT no 9 lui a donné un coup au côté gauche lorsque le plaignant a donné un coup de pied en direction des agents tandis qu’ils se dirigeaient vers les cellules. À mon avis, les mesures prises par les agents étaient proportionnelles au comportement du plaignant et justifiées du point de vue de la loi.

En conclusion, même si je reconnais que le plaignant a été blessé pendant son interaction avec les agents du SPS le 23 juillet 2022, probablement par l’un ou plusieurs des coups donnés par l’AT no 8, l’AT no 1, l’AT no 2 ou l’AT no 9, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que ses blessures sont attribuables à un acte illégal de la part de ces agents ou que l’AI a agi autrement qu’en toute légalité pendant cette arrestation. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 18 novembre 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales


Notes

  • 1) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) La TC no 1 a expliqué, pendant son entrevue, qu’elle avait de nouveau demandé au plaignant de quitter l’hôtel. [Retour au texte]
  • 3) Les enregistrements vidéo ne comportent pas de son. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.