Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-TFI-185

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un jeune homme de 18 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 juillet 2022, à 6 h 48 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué à l’UES les renseignements suivants.

Le 20 juillet 2022, vers 6 h, des agents du SPT exécutaient un mandat de perquisition dans une maison située à proximité de la rue Simcoe Nord et de Windfields Farm Drive, à Oshawa. Pendant l’exécution du mandat, une interaction avec un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] a eu lieu. Un agent du SPT a fait feu sur le plaignant, qui a ensuite été conduit au Centre Sunnybrook des sciences de la santé (« l’hôpital Sunnybrook ») par les Services médicaux d’urgence (SMU). Au moment de la notification de l’UES, on ignorait l’état du plaignant. Les unités du SPT en cause dans l’incident étaient l’unité des homicides, les services de soutien mobile et le Groupe d’intervention d’urgence (GIU).

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 20 juillet 2022 à 7 h 04

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 20 juillet 2022 à 9 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 18 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 juillet 2022.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 20 juillet 2022.
 

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 [1] N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 21 juillet et le 17 août 2022.
 

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une allée derrière une résidence du secteur de la rue Simcoe Nord et de Windfields Farm Drive, à Oshawa.

Les enquêteurs de l’UES sont arrivés sur les lieux le 20 juillet 2022, à 9 h 30. L’allée était fermée par un ruban jaune portant l’inscription : « POLICE LINE DO NOT CROSS » (Ligne de police – ne pas franchir). Des agents en uniforme du SPRD gardaient les points d’entrée/sortie.

Éléments de preuve matériels

Les indices matériels étaient dans l’allée, principalement entre deux garages. Les deux armes à feu suivantes se trouvaient à cet endroit : [2]
 

1 - Pistolet semi-automatique Glock modèle 48 [9 mm]

Cette arme à feu avait été sécurisée; la glissière était verrouillée et les munitions retirées. Il y avait une cartouche à proximité sur le sol ainsi qu’un chargeur qui contenait d’autres cartouches.


2 - Pistolet semi-automatique de 9 mm de marque inconnue

Cette arme à feu était sécurisée; la glissière était verrouillée et les munitions retirées. Il y avait une cartouche à proximité sur le sol ainsi qu’un chargeur qui contenait d’autres cartouches.

Toutes les pièces à conviction sur les lieux ont été photographiées sur place par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES et du SPT.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont dressé un schéma des lieux montrant l’emplacement des éléments de preuve.
 

Éléments de preuve trouvés sur les lieux

1 – douille
2 – douille
3 – veste noire
4 – pochette noire
5 – sandale droite
6 – sandale gauche
7 – pantalon noir
8 – sous-vêtement
9 – fragment d’étui de cartouche

Un tuyau de descente pluviale entre deux garages avait une perforation orientée de droite (est) à gauche (ouest).

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont également recueilli les objets suivants sur les lieux :

  • l’arme à feu de l’AI délivrée par le SPT;
  • 1 pistolet semi-automatique Glock modèle 22 calibre .40;
  • 1 cartouche retirée de la culasse;
  • 1 chargeur contenant 11 cartouches.

Figure 1 – Douilles

Figure 1 – Douilles


Figure 2 - Fragment d’étui de cartouche

Figure 2 - Fragment d’étui de cartouche


Figure 3 – Les deux armes à feu non délivrées par le SPT

Figure 3 – Les deux armes à feu non délivrées par le SPT


Figure 4 – L’arme à feu et le chargeur de l’AI

Figure 4 – L’arme à feu et le chargeur de l’AI

Éléments de preuves médicolégaux


Soumissions au Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Le 18 août 2022, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a téléchargé une soumission de cas au CSJ pour les objets saisis à la résidence.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]


Séquence audio/vidéo d’une résidence.

Le 21 juillet 2022, l’UES a obtenu des séquences audio/vidéo d’une résidence. En voici un résumé des parties pertinentes :


Caméra 1

Sur l’enregistrement du 20 juillet 2022, à 5 h 38, on peut voir douze agents du GIU se diriger vers la maison où se trouve le plaignant. Peu après, on peut entendre [traduction] « Police. Mandat de perquisition », crié deux fois, suivi de deux bruits violents.


Caméra 2

À 5 h 59, on peut voir l’AI marcher lentement vers l’ouest dans l’allée. Il s’arrête, se retourne et fait signe de la main gauche d’avancer. Après quelques secondes, l’AI sort du champ de vision et on peut voir un VUS du SPT [conduit par l’AT no 2] rouler lentement vers l’ouest. Quelques secondes plus tard, on peut entendre deux coups de feu, et un deuxième VUS [avec l’AT no 4 et l’AT no 5 à bord] entre dans le champ de vision et se dirige vers l’arrière de la maison. Les agents du SPT sortent de leurs véhicules respectifs et assurent la protection des lieux. Peu après, une unité des SMU arrive sur les lieux.


Vidéo de la caméra corporelle portée par l’AT no 2

Le 20 juillet 2022, le SPT a remis à l’UES l’enregistrement de la caméra corporelle de l’AT no 2. Les qualités audio et vidéo se sont avérées bonnes. L’enregistrement montre clairement les actes et les commentaires des agents du SPT dans le champ de vision de la caméra. Ce qui suit est un résumé des données pertinentes de cette vidéo.

Au moment où il met en marche sa caméra corporelle, le 20 juillet 2022 à 17 h 29, l’AT no 2 entre dans l’allée arrière de la maison au volant d’un VUS Ford Explorer du SPT [spécialement conçu pour les unités canines]. Au début de l’enregistrement, l’AT no 2 roule lentement vers l’ouest dans l’allée. L’AI [4] marche vers la maison, à quelques pieds devant l’AT no 2. Bien qu’une partie du champ de vision de la caméra corporelle soit obstrué par la main droite de l’AT no 2 sur le volant, on peut voir une personne [maintenant connue comme étant le plaignant] descendre dans l’allée depuis une terrasse du deuxième étage [maintenant connue comme étant celui de la maison faisant l’objet d’un mandat de perquisition]. L’AT no 2 accélère immédiatement et s’arrête du côté opposé de l’allée, devant le garage. L’AT no 2 sort de son véhicule avec son chien et l’AI apparaît, son arme à feu pointée sur le plaignant, qui est immobile par terre dans l’allée, entre la maison du mandat de perquisition et la maison voisine. Deux armes de poing sont visibles par terre, une près du pied gauche du plaignant et l’autre, près de son pied droit. L’AI crie au plaignant de ne pas bouger.

Peu après, l’AT no 4 et l’AT no 5 viennent en renfort à l’AT no 2 et l’AI en pointant leurs armes à feu vers la terrasse où des agents du GIU [l’AT no 1 et l’AT no 3] crient des ordres à un individu avec lequel ils interagissent. Peu après, on entend le son de la décharge d’une arme à impulsions et l’AT no 2 dit sur sa radio du SPT qu’on a besoin d’un ambulancier paramédical dans l’allée. Un ambulancier paramédical du GIU arrive sur les lieux.

L’AI fouille le plaignant et le retourne sur le dos. Ensuite, l’AI éloigne un peu les deux armes à feu qui sont sur le sol. Un ambulancier paramédical du GIU prodigue des soins au plaignant.

On peut voir plus tard l’AT no 4 retirer les chargeurs des deux armes à feu, y compris les cartouches toujours chambrées. Les deux armes à feu sont ensuite replacées par terre, et des agents du SPT sécurisent les lieux.

Un peu plus tard, le plaignant est placé dans une ambulance des SMU et conduit à l’hôpital.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 20 juillet et le 4 octobre 2022 :
  • Mandat de perquisition;
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Notes (Excuses) de l’AI;
  • Notes de l’AT no 7;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 6;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 8 (SPRD);
  • Rapport général d’incident [rédigé par l’AT no 8];
  • Vidéo de la caméra corporelle de l’AT no 2;
  • Politique – arrestation;
  • Politique – obtention d’un mandat de perquisition;
  • Politique – exécution d’un mandat de perquisition;
  • Politique – usage de la force;
  • Politique – gilet pare-balles souple.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapport d’appel des SMU de Toronto;
  • Dossier médical – Hôpital Sunnybrook;
  • Vidéo enregistré par le TC no 1 sur son téléphone cellulaire;
  • Séquence vidéo d’une résidence.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et des vidéos qui montrent certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Le 20 juillet 2022, vers 5 h 30, le plaignant était chez un ami – dans une résidence à proximité de la rue Simcoe Nord et de Windfields Farm Drive, à Oshawa – lorsque des agents du SPT sont entrés pour exécuter un mandat de perquisition. Le plaignant faisait partie d’un groupe qui passait la nuit dans la maison en question, dont un homme recherché pour un meurtre commis à Toronto le mois précédent.
 
Les agents qui sont entrés dans la maison étaient des membres du GIU. Comme les personnes sur place étaient soupçonnées de posséder des armes, le rôle du GIU consistait à détenir les occupants et à sécuriser les lieux avant que les membres de l’unité des homicides du SPT n’entrent dans la maison pour effectuer la perquisition. Les membres du GIU ont donc exécuté une « entrée dynamique “– une tactique par laquelle les agents entrent de force, déploient des dispositifs de distraction et utilisent les éléments de surprise, de rapidité et de force écrasante pour neutraliser les menaces possibles avant qu’elles ne se matérialisent.
 
Quand il a vu les agents entrer, leurs armes à feu dégainées, le plaignant a décidé de s’enfuir. Depuis la terrasse du deuxième étage, au-dessus du garage, le plaignant a enjambé la balustrade et s’est suspendu temporairement du côté extérieur avant de se laisser tomber de manière contrôlée sur le sol en contrebas. Il avait sur lui deux armes de poing semi-automatiques.

Des agents du SPT, dont l’AI, attendaient derrière la maison, dans l’allée où se trouvait le garage, pour le cas où des gens tenteraient de s’enfuir en voyant le GIU entrer. L’AI était à l’est de cet endroit à ce moment-là et approchait lentement à pied de l’arrière de la maison quand il a repéré le plaignant suspendu à la balustrade. Il s’est alors précipité vers lui. Le plaignant venait d’atterrir sur ses pieds lorsque l’agent lui a crié de laisser tomber l’arme. Peu après, d’une position au sud-est du plaignant, l’AI a fait feu deux fois avec son arme de poing.

Un seul des coups de feu a atteint le plaignant. La balle a traversé sa cuisse droite.

Le plaignant s’est effondré et a été arrêté. Un ambulancier paramédical de l’unité tactique qui était présent sur les lieux lui a immédiatement prodigué des soins, avant qu’on le conduise en ambulance à l’hôpital.

Deux armes de poing semi-automatiques ont été récupérées sur les lieux près de l’endroit où le plaignant s’est effondré.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.


Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé par balle par un agent du SPT le 20 juillet 2022. Cet agent a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.
 
L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle, ou une menace d’agression, et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. À mon avis, il n’y a pas suffisamment de preuves pour raisonnablement conclure que la force utilisée par l’AI n’était pas légalement justifiée au sens de l’article 34.

Il convient tout d’abord de noter que la présence de l’AI était légale tout au long de son intervention. L’agent faisait partie d’une équipe d’agents qui s’étaient regroupés à l’adresse en question à Oshawa pour aider à l’exécution d’un mandat de perquisition apparemment valide. Étant donné que le plaignant était présent sur les lieux – où se trouvaient présumément des objets (y compris des armes à feu) et des personnes impliquées dans un meurtre commis quelques semaines auparavant à Toronto – et le fait que le plaignant s’est enfui dès qu’il a vu les agents du GIU, l’AI avait des motifs légitimes de détenir ce dernier pour enquêter : R. c. Mann, [2004] 3 RCS 59.

En ce qui concerne la fusillade, je suis convaincu que l’AI a fait feu dans le but de dissuader une menace raisonnablement appréhendée. Bien que l’enquête ne dispose d’aucune preuve directe de première main de l’état d’esprit de l’agent – l’AI ayant choisi (comme c’était son droit légal) de ne pas s’entretenir avec l’UES – la preuve circonstancielle rend cette hypothèse probable. Considérons le contexte dans lequel les événements se sont déroulés : la perquisition de locaux où se trouvaient présumément des armes à feu et l’auteur suspecté d’un meurtre. Considérons aussi la situation de l’AI au moment où il a confronté le plaignant : un individu qui essayait de s’enfuir, une arme à feu en main qu’il refusait de lâcher immédiatement comme l’agent le lui ordonnait. Il est donc tout à fait vraisemblable que l’AI a fait feu parce qu’il jugeait que c’était nécessaire pour se protéger d’un risque réel de mort ou de lésions corporelles graves par le plaignant.

Je suis donc convaincu que les deux coups de feu tirés en succession rapide par l’AI constituaient un recours à la force raisonnable en légitime défense. L’arme à feu que tenait le plaignant constituait une menace grave et imminente pour la vie et l’intégrité physique de l’agent. La question de savoir si le plaignant avait l’intention de l’utiliser contre l’AI ou même la pointait vers l’agent au moment du tir est contestée par certains éléments de preuve. Quoi qu’il en soit, l’AI, dans la position où il se trouvait et ne disposant que d’une fraction de seconde pour réagir à la situation, ne pouvait que présumer que le plaignant risquait de faire feu avec son arme. Dans les circonstances, quand le plaignant n’a pas obtempéré à l’ordre de lâcher son arme, l’AI était en droit de réagir à une menace de force létale en recourant lui-même à la force létale. L’agent n’avait à sa disposition aucune autre arme pour neutraliser immédiatement le danger que posait le plaignant. Battre en retraite ou se mettre à couvert n’étaient pas non plus des options raisonnablement à la disposition de l’AI : au moment où l’agent a sans doute réalisé que le plaignant avait une arme à feu, il ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de lui; ces autres options étaient donc essentiellement exclues.

Au bout du compte, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté autrement que dans les limites établies par le droit pénal tout au long de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est clos.



Date : 17 novembre 2022
Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Membre du Service de police régional de Durham (SPRD). [Retour au texte]
  • 2) Les deux armes à feu n’étaient pas des armes de service du SPT. [Retour au texte]
  • 3) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 4) L’AI est vêtu d’un T-shirt et d’un jean bleu. Il ne porte pas de gilet pare-balles. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.