Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OVI-181

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 28 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 juillet 2022, à 12 h 19, le Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant. Le SPO a indiqué que, le 13 juillet 2022, le plaignant a signalé au SPO qu’il a subi une fracture de la clavicule lorsqu’il a été impliqué dans une collision avec un véhicule de police du SPO le 4 juillet 2022. Le SPO a également signalé à l’UES qu’une collision impliquant un véhicule du SPO, conduit par l’agent impliqué (AI), est survenue le 4 juillet 2022, à 17 h 2. Le SPO a déclaré que l’AI, dont les feux d’urgence et la sirène étaient activés, était entré en collision avec le véhicule du plaignant alors que l’AI franchissait un feu rouge à l’intersection de l’avenue Woodroffe et du chemin Fallowfield, à Ottawa. L’agent témoin (AT) no 1 du SPO suivait l’AI dans son propre véhicule à ce moment-là. L’AT no 2 du SPO est arrivé sur les lieux peu après la collision.

Le bébé du plaignant, qui était dans le véhicule du plaignant, a été transporté à l’hôpital [on sait maintenant qu’il s’agissait du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario] avec la conjointe du plaignant [on sait maintenant qu’il s’agissait de la témoin civile (TC)], laquelle était également à bord du véhicule du plaignant. Le plaignant a quant a lui été transporté au campus général de l’Hôpital d’Ottawa.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 13 juillet 2022 à 14 h 1

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 13 juillet 2022 à 16 h 25

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Nombre de spécialistes de la reconstitution
des collisions de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 28 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 14 juillet 2022.

Témoin civil

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 28 juillet 2022.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 25 août 2022.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 21 juillet 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite à l’intersection de l’avenue Woodroffe et du chemin Fallowfield. L’avenue Woodroffe avait une orientation nord-sud et le chemin Fallowfield avait une orientation est-ouest.

Les quadrants de l’intersection étaient contrôlés par des feux de signalisation.

La limite de vitesse affichée pour la circulation en direction nord sur l’avenue Woodroffe et pour la circulation en direction est sur le chemin Fallowfield était de 80 km/h.

Dans le secteur de l’intersection, chaque artère se composait de quatre voies séparées en deux voies par des terre-pleins centraux surélevés en béton s’étendant nord sud et est ouest. Il y avait des voies de virage à gauche sur l’avenue Woodroffe et le chemin Fallowfield.

Le point d’impact de la collision se trouvait à plusieurs mètres au sud-est du point central de l’intersection.

Preuves d’expert

Constatations du spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES

Un spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a été affecté à l’enquête. Ses conclusions sont résumées dans les sections suivantes du présent rapport :
  • Enregistrements vidéo
  • Rapport sur les données de collision extraites (DCE)
  • Données du système de localisation GPS
  • Zone d’impact
  • Opinion
Enregistrements vidéo

La ville d’Ottawa a fourni à l’UES une vidéo de l’intersection Woodroffe-Fallowfield au moment de la collision. La vidéo ne montre pas la collision en soi, car la collision s’est produite à l’extérieur du champ de la caméra, c’est-à-dire au sud et en dessous de l’objectif de la caméra, ou derrière. La caméra était orientée vers le nord. Dans la vidéo, on ne voit pas le véhicule de l’AI s’approcher de l’intersection ni pendant la collision ou dans sa position finale, après la collision. On ne voit pas les feux de signalisation pour le chemin Fallowfield. Seuls les feux de signalisation qui contrôlent la circulation en direction nord sur l’avenue Woodroffe sont visibles. Le feu jaune qui contrôle la circulation se dirigeant tout droit en direction nord a été allumé pendant 4,6 secondes.

L’enregistrement a commencé à 14 h 30.

À 14 h 49 min 17 s, un gros camion-benne blanc roulant vers le sud sur l’avenue Woodroffe, dans la deuxième voie, s’est arrêté à un feu rouge, à environ huit longueurs de voiture derrière la ligne d’arrêt. Il était muni d’une remorque sur laquelle se trouvait une excavatrice.

À 14 h 49 min 55 s, un feu vert clignotant permettant aux véhicules roulant vers le nord sur l’avenue Woodroffe de tourner à gauche sur le chemin Fallowfield en direction ouest s’est allumé. Les véhicules circulant vers le nord qui ont tourné à gauche depuis l’avenue Woodroffe pour emprunter le chemin Fallowfield en direction ouest étaient hors du champ de la caméra, sauf l’ombre d’un véhicule.

À 14 h 50 min 9 s, le feu vert clignotant de virage à gauche de l’avenue Woodroffe en direction nord est passé au jaune. À 14 h 50 min 10 s, le feu contrôlant la circulation continuant tout droit sur l’avenue Woodroffe en direction nord est passé au vert et, à 14 h 50 min 14 s, le feu jaune permettant à la circulation de l’avenue Woodroffe en direction nord de tourner sur le chemin Fallowfield en direction ouest est passé au rouge.

À 14 h 50 min 18 s, la circulation en direction sud sur l’avenue Woodroffe s’est engagée dans l’intersection et, à 14 h 50 min 20 s, la circulation en direction nord de l’avenue Woodroffe s’est engagée dans l’intersection. À 14 h 50 min 21 s, le feu pour les piétons traversant vers le nord s’est mis à clignoter en rouge et un décompte a commencé. À 14 h 50 min 29 s, le dernier véhicule qui s’est engagé dans l’intersection en direction nord avant la collision a traversé l’intersection. Les feux de circulation étaient encore au vert.

À 14 h 50 min 42 s, une camionnette noire se dirigeant vers le sud a franchi la ligne d’arrêt et s’est engagée dans l’intersection. Deux secondes plus tard, à 14 h 50 min 44 s, une berline roulant vers le sud derrière la camionnette a franchi la ligne d’arrêt et s’est engagée dans l’intersection. Ce fut le dernier véhicule à s’engager dans l’intersection en direction sud. Les feux de signalisation contrôlant la circulation en direction nord et sud de l’avenue Woodroffe étaient toujours au vert.

Le camion-benne muni d’une remorque avait atteint la ligne d’arrêt, mais s’est arrêté assez brusquement. À 14 h 50 min 46 s, le feu de signalisation de l’avenue Woodroffe en direction nord est passé au jaune. Quatre secondes plus tard, à 14 h 50 min 50 s, un véhicule utilitaire sport de couleur foncée qui roulait vers le sud sur l’avenue Woodroffe dans la première voie [les voies sont comptées du centre de la route vers l’extérieur] s’est arrêté à côté du camion-benne.

À 14 h 50 min 50 s, la collision s’est produite sous le champ de la caméra. Un morceau de débris est apparu dans le champ de la caméra. Le feu de circulation pour l’avenue Woodroffe était toujours au jaune. Le véhicule du plaignant, dont le côté conducteur était fraîchement endommagé, a pivoté dans le sens antihoraire après la collision et est passé de la zone d’impact au quadrant nord-est de l’intersection, accompagné de certains débris. Toujours à 14 h 50 min 50 s, le feu de circulation de l’avenue Woodroffe en direction nord est passé au rouge. À 14 h 50 min 53 s, le véhicule du plaignant s’est immobilisé.

Selon les données provenant de la caméra de circulation, 21 secondes se sont écoulées entre le véhicule du plaignant et le dernier véhicule qui a traversé l’intersection en direction nord avant la collision.

L’endroit où les débris apparaissent dans la vidéo pour la première fois concorde avec la collision qui s’est produite dans l’intersection alors que le plaignant roulait dans la première voie, à côté des voies de virage à gauche permettant de tourner sur le chemin Fallowfield en direction ouest. Les voies de circulation en direction est du chemin Fallowfield n’étaient pas dans le champ de la caméra. La vidéo n’a donc pas permis de déterminer dans laquelle des deux voies en direction est la collision s’est produite.

La collision est survenue à la fin de la phase jaune du feu de signalisation contrôlant la circulation en direction nord sur l’avenue Woodroffe.

Rapport sur les DCE

Lors de la collision, les coussins gonflables se sont déployés dans le véhicule de police de l’AI. Les données ont été enregistrées dans le module de contrôle des coussins gonflables (MCCG). Les données du MCCG ont été téléchargées le 18 juillet 2022 par un agent du SPO au moyen du programme Bosch CDR. Une copie du rapport sur les DCE a été fournie à l’UES à des fins d’examen.

Le rapport sur les DCE contenait des données pour les cinq secondes précédant la collision. À l’aide des données provenant du rapport sur les DCE et des calculs relatifs au temps et à la distance, le spécialiste en reconstitution a déterminé l’emplacement de l’AI et en a tenu compte lors de la rédaction des observations qui suivent.

Cinq secondes avant la collision, la vitesse de l’AI était de 0 km/h. La pédale de frein n’était pas enfoncée. La pédale d’accélération était enfoncée à 37 %. L’AI était dans l’intersection, à environ 7,5 mètres à l’intérieur de l’intersection, c’est-à-dire à l’est de la ligne d’arrêt, et était sur le point de traverser la deuxième voie de circulation en direction sud de l’avenue Woodroffe. Quatre secondes et demie avant la collision, la vitesse de l’AI était de 4 km/h. La pédale de frein n’était pas enfoncée. La pédale d’accélération n’était pas enfoncée. Son véhicule était presque perpendiculaire à la deuxième voie de circulation en direction sud de l’avenue Woodroffe.

Quatre secondes avant la collision, la vitesse de l’AI était de 7 km/h. La pédale de frein était enfoncée. Pendant les quelques secondes qui ont suivi, l’AI se trouvait dans l’intersection, de l’autre côté des deux voies de circulation en direction sud, et roulait lentement vers l’est. Trois secondes et demie avant la collision, sa vitesse était de 6 km/h, et la pédale de frein était enfoncée.

Trois secondes avant la collision, la vitesse de l’AI était de 5 km/h. La pédale de frein n’était pas enfoncée. La pédale d’accélération n’était pas enfoncée. Deux secondes et demie avant la collision, la vitesse de l’AI était de 5 km/h. La pédale de frein n’était pas enfoncée. La pédale d’accélération était enfoncée à 74 %.

Deux secondes avant la collision, la vitesse de l’AI était de 11 km/h. La pédale de frein n’était pas enfoncée. La pédale d’accélération était enfoncée à 89 %. Une seconde et demie avant la collision, la vitesse de l’AI était de 17 km/h. Il s’approchait du terre-plein central de l’avenue Woodroffe. La pédale d’accélération était enfoncée à 100 %.

Une seconde avant la collision, la vitesse de l’AI était de 24 km/h. Il était à peu près au centre de l’avenue Woodroffe. La pédale d’accélération était enfoncée à 100 %. Une demi seconde avant la collision, la vitesse de l’AI était de 31 km/h. Il a traversé les deux voies de virage à gauche pour la circulation en direction nord. La pédale d’accélération était enfoncée à 89 %.

Au moment de l’impact, la vitesse de l’AI était de 38 km/h. Il se trouvait à environ 25 mètres à l’est de la ligne d’arrêt pour la circulation en direction est et il était à environ huit mètres de la fin de la portion de l’intersection où passaient les voies en direction nord de l’avenue Woodroffe. Sa pédale d’accélération était enfoncée à 79 %. Il a relâché la pédale de frein pendant environ trois secondes et demie et a appuyé sur l’accélérateur pendant deux secondes et demie.

Données GPS

Les véhicules de police conduits par l’AI et l’AT no 1 étaient munis d’appareils GPS enregistrant des données sur l’emplacement et la vitesse de chaque véhicule. Voici un résumé des renseignements dérivés des données GPS.

À 14 h 47 min 10 s, l’AI était stationnaire sur le côté ouest du chemin Cedarview, au sud du chemin Fallowfield. À partir de 14 h 47 min 57 s, l’AI a roulé en direction est sur le chemin Fallowfield, depuis le chemin Cedarview jusqu’à l’avenue Woodroffe.

Entre le chemin Cedarview et l’avenue Woodroffe, l’AT no 1 a emprunté exactement le même itinéraire à des vitesses presque identiques à celles de l’AI.

Entre le chemin Cedarview et le chemin Greenbank, la vitesse la plus élevée enregistrée pour l’AI était de 136,7 km/h, à 14 h 49 min 1 s. L’AI a roulé à 76,3 km/h avant d’atteindre l’intersection du chemin Greenbank, puis à 99,3 km/h par la suite.

De 14 h 49 min 28 s à 14 h 49 min 43 s, l’AI a accéléré jusqu’à 148,5 km/h à l’est du chemin Greenbank. À environ 600 mètres à l’est du chemin Greenbank, une vitesse de 148 km/h a été enregistrée pour l’AI. Également à 14 h 49 min 43 s, l’AT no 1 roulait à 141,9 km/h, à environ 90 mètres derrière l’AI.

À 14 h 50 min 6 s, l’AI a ralenti jusqu’à 80,2 km/h sur le chemin Greenbank, environ à mi chemin de l’avenue Woodroffe. À 14 h 50 min 24 s, il roulait à 138,6 km/h, à l’ouest de l’avenue Woodroffe. À l’approche de l’intersection du chemin Fallowfield et de l’avenue Woodroffe, il a ralenti. Onze secondes plus tard, à 14 h 50 min 35 s, à un point situé à 238 mètres à l’ouest de la ligne d’arrêt pour la circulation en direction est, l’AI roulait à 71 km/h. À 14 h 50 min 49 s, l’AI se trouvait à environ 11 mètres à l’est de la ligne d’arrêt [de l’intersection] et roulait à 17,7 km/h.

À 14 h 51 min 42 s, le véhicule de l’AI était stationnaire dans l’intersection, après la collision.

Zone d’impact

L’AI et le plaignant roulaient tous deux en ligne droite et n’ont pas louvoyé avant la collision.

Les mesures relatives à la zone d’impact prises par l’UES étaient basées sur le fait que l’AI se dirigeait vers l’est dans la deuxième voie et que le plaignant circulait en direction nord dans la première voie.

Étant donné que les principaux points d’impact de la collision étaient le coin du passager avant du véhicule de police et le côté conducteur du véhicule du plaignant, la zone d’impact se trouvait à environ 11 mètres au nord de la ligne d’arrêt pour la circulation en direction nord et à environ 25 mètres à l’est de la ligne d’arrêt pour la circulation en direction est, dans le quadrant sud-est de l’intersection.

Opinion

D’après la vidéo, lorsque la collision s’est produite, le feu jaune des feux de circulation contrôlant la circulation en direction nord était allumé depuis environ quatre secondes.

Quant à la zone d’impact, d’après les calculs, le plaignant se trouvait à environ 11 mètres au nord de la ligne d’arrêt lorsque la collision s’est produite.

Le spécialiste en reconstitution de l’UES a calculé où se trouvait le plaignant lorsque le feu de circulation est passé au jaune en se fondant sur la fourchette de vitesses suivante :
o 50 km/h — 45 mètres au sud de la ligne d’arrêt;
o 60 km/h — 56 mètres au sud de la ligne d’arrêt;
o 70 km/h — 68 mètres au sud de la ligne d’arrêt;
o 80 km/h — 78 mètres au sud de la ligne d’arrêt.

Si le plaignant roulait à l’une ou l’autre des vitesses indiquées ci-dessus, il s’est engagé dans l’intersection alors que le feu de signalisation était jaune.

En utilisant un coefficient de traînée de 0,7, le spécialiste en reconstitution de l’UES a calculé la distance et le temps dont le plaignant aurait eu besoin pour arrêter son véhicule s’il avait freiné pour s’arrêter au feu jaune :
o 50 km/h — 14 mètres/2 secondes;
o 60 km/h — 20 mètres/2,4 secondes;
o 70 km/h — 27 mètres/2,8 secondes;
o 80 km/h — 36 mètres/3,2 secondes.

Selon les calculs du spécialiste en reconstitution de l’UES, si le plaignant roulait à l’une ou l’autre des vitesses susmentionnées, il aurait été en mesure de s’arrêter au feu jaune.

Le plaignant roulait en direction nord dans la première voie. Le feu de circulation permettant aux véhicules en direction nord de tourner à gauche sur le chemin Fallowfield était rouge et de gros véhicules étaient immobilisés dans les voies, ce qui empêchait le plaignant de voir les véhicules arrivant du chemin Fallowfield en direction est. Les mêmes véhicules qui l’empêchaient de voir la circulation provenant du chemin Fallowfield en direction est auraient empêché l’AI de voir le véhicule du plaignant. L’obstruction de la ligne visuelle a joué un rôle majeur dans cette collision.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Enregistrements de communications audio du SPO

Voici un résumé des communications radio pertinentes.

À 14 h 45, le 4 juillet 2022, une femme a téléphoné au 911 pour signaler une collision de véhicules motorisés sur la promenade Prince of Wales entre la promenade Fairpark et Winding Way. La femme a indiqué qu’elle était passée à côté d’un véhicule qui avait été « embouti » et qu’elle s’était arrêtée sur le bord de la route. Elle ne savait pas si une ambulance était nécessaire.

À 14 h 46, un deuxième appel au 911 a été reçu. Un homme a signalé qu’il avait heurté le véhicule devant lui et que le conducteur avait peut-être besoin d’une ambulance. On a également signalé que le conducteur du véhicule percuté avait déclaré qu’il allait bien et qu’une autre personne était venue à son secours. La personne qui a téléphoné au 911 ne savait pas si une ambulance était nécessaire.

On a demandé à l’AI de se rendre sur la promenade Fairpark et la promenade Prince of Wales pour une collision de véhicules motorisés avec blessures.

La communication suivante provient de l’AT no 1. Il a signalé qu’une collision de véhicules motorisés s’était produite sur le chemin Fallowfield [on sait maintenant qu’il s’agissait de la collision faisant l’objet du présent rapport]. On entend l’AI déclarer qu’il était impliqué dans la collision.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du SPO entre le 15 juillet 2022 et le 24 août 2022 :
  • Données GPSAT no 1
  • Données GPSAI
  • Rapport d’inspection mécanique du véhicule de police
  • Enregistrements de communications audio
  • Rapport sur les DCE
  • Rapport sur la collision de véhicules motorisés
  • Mesure d’enquête — AT no 2
  • Mesure d’enquête — AI
  • Déclarations de témoins civils (x2)
  • Résultats d’une recherche auprès du ministère des Transports — AI
  • Notes — AT no 1
  • Notes — AT no 5
  • Notes — AI
  • Notes — AT no 2
  • Notes — AT no 6
  • Notes — AT no 4
  • Notes — AT no 3
  • Politique sur les signalements à l’UES
  • Capture d’écran du contenu de la clé USB contenant les documents fournis à l’UES
  • Politique relative aux collisions avec des véhicules de police
  • Rapport du système de répartition assisté par ordinateur (Système RAO)
  • Rapport du Système RAO
  • Déclaration du témoin — le plaignant (avec photos)
  • Explication détaillée écrite concernant le délai avant que le SPO signale l’incident à l’UES

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants remis par d’autres sources :
  • Vidéo fournie par la ville d’Ottawa — avenue Woodroffe et chemin Fallowfield
  • Diagramme explicatif des feux de circulation de la ville d’Ottawa — 4 juillet 2022
  • Dossiers médicaux — Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario
  • Dossiers médicaux — Hôpital d’Ottawa
  • Dossiers médicaux — Hôpital Queensway Carleton
  • Dossiers du Service paramédic d’Ottawa
  • Photographies provenant des médias sociaux, fournies par le plaignant

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES — laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et l’AI, des données GPS et des enregistrements vidéo qui ont capté certains aspects de l’incident — brosse un portrait clair des principaux événements et peut être résumée brièvement.

Dans l’après-midi du 4 juillet 2022, le plaignant roulait dans son véhicule — une Hyundai — en direction nord, dans la voie de dépassement de l’avenue Woodroffe. Il était accompagné de sa femme et de son nouveau-né.

Ces derniers étaient sur la banquette arrière et étaient adéquatement attachés. Le plaignant s’est approché de l’intersection du chemin Fallowfield, puis s’y est engagé, et c’est à ce moment que son véhicule est entré en collision avec un véhicule de police qui roulait en direction est.

L’AI était au volant du véhicule de police. Il se rendait sur les lieux d’une collision automobile en roulant vers l’est sur le chemin Fallowfield, en direction de l’intersection de l’avenue Woodroffe.
 
La collision a fait pivoter les deux véhicules dans l’intersection et ils s’y sont immobilisés. Avec l’aide d’une infirmière hors service [2] qui était présente sur les lieux, la famille du plaignant a été extraite de la Hyundai et aidée à se rendre à l’angle nord-est de l’intersection.
 
Le plaignant, sa femme et son enfant ont été transportés à l’hôpital. Seul le plaignant a reçu un diagnostic et des soins pour une blessure — une fracture de la clavicule gauche.

L’AI n’a pas subi de blessures graves.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13(2), du Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 (2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

Paragraphes 144 (18) et 144 (20), du Code de la route – Exemption de s’arrêter à un feu rouge

144 (18) Le conducteur qui s’approche d’une signalisation de la circulation dont le feu est rouge et qui fait face à ce feu arrête son véhicule et ne repart que lorsque le feu vert est allumé.

144(20) Malgré le paragraphe (18), le conducteur d’un véhicule de secours, après avoir immobilisé son véhicule, peut continuer de rouler sans attendre le feu vert, s’il peut le faire en toute sécurité.  



Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors d’une collision de véhicule motorisé survenue à Ottawa, le 4 juillet 2022. Son véhicule a été percuté par un véhicule de police du SPO conduit par l’AI. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la collision.

L’infraction possible à l’étude dans cette affaire est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention du paragraphe 320.13(2) du Code criminel. En tant qu’infraction de négligence criminelle, un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité. L’infraction repose plutôt, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir si l’AI a manqué de diligence dans la façon dont il a conduit son véhicule et de savoir s’il a donc causé la collision ou contribué à la collision, et si ce manque de diligence, le cas échéant, est suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, cela n’est pas le cas.

L’AI exerçait ses fonctions de façon légitime alors qu’il roulait en direction est; il avait été dépêché sur les lieux d’une collision comportant possiblement des blessures.

Je suis également convaincu que l’AI s’est comporté avec la prudence et la diligence nécessaires pour assurer la sécurité publique au sens du droit criminel, bien qu’il semble avoir manqué au devoir de diligence qui lui incombe en vertu du paragraphe 144 (20) du Code de la route. D’après ce paragraphe, le conducteur d’un véhicule d’urgence doit s’arrêter avant de franchir un feu rouge afin de s’assurer qu’il peut le franchir en toute sécurité. Le fait même qu’un accident soit survenu semble indiquer que l’AI a enfreint cette disposition. La preuve voulant que l’agent ait commencé à accélérer alors qu’il approchait du milieu de l’intersection afin de traverser les voies de circulation en direction nord de l’avenue Woodroffe, malgré le fait que sa ligne visuelle était obstruée, semble étayer cette conclusion. On aurait pu s’attendre à ce que l’AI procède de manière plus prudente, en avançant petit à petit pour s’assurer que la voie était libre.

Cela dit, les circonstances ayant amené l’AI à traverser cette intersection s’accompagnent d’un certain nombre de considérations atténuantes qui font que son erreur ne constitue pas un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable. L’agent s’est arrêté complètement au feu rouge, feux d’urgence et sirène activés, avant de s’engager lentement dans l’intersection lorsque les automobilistes ont commencé à s’arrêter. Il a été suffisamment prudent pour éviter d’entrer en collision avec un ou deux véhicules qui roulaient en direction sud et qui n’ont pas cédé le passage. De plus, rien n’indique que l’agent n’a pas pris les précautions requises, comme le prévoit le paragraphe 144 (20), lorsqu’il a traversé les intersections précédentes alors qu’il se rendait sur les lieux de la collision.
 
Par conséquent, après une mise en balance de l’ensemble des circonstances entourant la collision, je ne peux raisonnablement conclure que l’AI a enfreint les limites de la prudence prescrites par le droit criminel. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 10 novembre 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux renseignements sont résumés dans les paragraphes qui suivent. [Retour au texte]
  • 2) Malgré les efforts déployés, l’UES n’a pas réussi à confirmer l’identité de ce témoin. [Retour au texte]

Note:

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