Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PFP-138

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge, par la police, d’une arme à feu contre un homme de 72 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 mai 2022, à 19 h 44, la Police provinciale de l’Ontario a signalé ce qui suit à l’UES.

Après une dispute avec sa femme, le plaignant a rassemblé ses armes à feu, les a emportées dans son bateau et est sorti sur la baie Georgienne à bord de son bateau. Sur l’eau, le plaignant a pointé son arme à feu sur d’autres plaisanciers et a proféré des menaces. L’Unité de la sécurité nautique de la Police provinciale a localisé le plaignant sur l’eau et l’a confronté. Lorsque le plaignant a semblé vouloir prendre une autre arme, la Police provinciale a déployé une arme Anti-Riot Weapon Enfield (ARWEN), ce qui a eu l’effet escompté. Le plaignant a été appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM) et amené à l’Hôpital général de la baie Georgienne. Il ne semblait pas avoir subi de blessure grave.

La Police provinciale avait remorqué le bateau du plaignant jusqu’au Honey Harbour Boat Club et était en train de le sécuriser en prévision de l’inspection de l’UES.

L’ARWEN avait également été mis en sécurité afin que l’UES puisse l’examiner.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 28 mai 2022 à 21 h 1

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 28 mai 2022 à 22 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 72 ans; a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 31 mai 2022.


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 N’a pas participé à une entrevue
TC no 5 N’a pas participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 29 mai 2022 et le 31 mai 2022.
 

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

Les enquêteurs de l’UES ne se sont pas rendus sur les lieux.

L’incident est survenu sur un cours d’eau situé près de l’île Tomahawk, dans la baie Georgienne.

Peu après l’incident, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires (ESSJ) de l’UES a inspecté les bateaux impliqués à la marina de Honey Harbour.

Éléments de preuve matériels

Le 28 mai 2022, un ESSJ de l’UES a inspecté les deux embarcations impliquées dans l’incident.


Embarcation du plaignant

  • Bateau noir et blanc de 18 pieds.
  • Le bateau était muni d’un moteur hors-bord de 115 chevaux.
  • Le bateau avait un toit Bimini doté de panneaux latéraux transparents en plastique.
  • Le bateau arborait de nombreuses marques d’impact sur le panneau latéral gauche (bâbord), ce qui correspondait aux types de marques qu’auraient laissés des projectiles ARWEN.
  • Il y avait deux armes à feu longues dans l’espace de rangement situé dans le plat bord gauche (bâbord) : un fusil Cooey Model 84 de calibre .12 (il n’y avait pas de munitions dans ce fusil) et une carabine semi-automatique Mossberg de calibre .22 (il n’y avait ni munitions ni chargeur dans la carabine). La carabine était munie d’une bretelle.


Embarcation de la Police provinciale

  • Embarcation Hike 2007 de 23 pieds.
  • Il s’agit d’un bateau de patrouille de la Police provinciale qui arbore des graphiques conçus par la Police provinciale.
  • À bord de cette embarcation, il y avait une carabine Cooey à verrou de calibre 22, modèle 39, doté d’une lunette Weaver. Selon la police, cette arme a été trouvée dans l’embarcation du plaignant. La carabine n’était pas chargée.
Les deux bateaux et les armes ont été retournés à la Police provinciale.

Le 29 mai 2022, à 0 h 1, la Police provinciale a remis à l’UES une arme ARWEN 37 mm, édition tactique. Trois douilles ARWEN AR-1 ont également été remises à l’UES. En tout, cinq cartouches ARWEN ont été tirées avec cette arme. Tous les projectiles et deux des douilles sont tombés dans la baie Georgienne. L’ARWEN a été examiné et retourné à la Police provinciale.

À 0 h 15, la Police provinciale a remis à l’UES une arme ARWEN 37 mm et quatre cartouches ARWEN AR-1. Une cartouche ARWEN a été tirée avec cette arme. La douille et le projectile sont tous deux tombés dans la baie Georgienne. L’ARWEN et les quatre cartouches ont été examinés et retournés à la Police provinciale.


Photo 1 — Carabine semi-automatique Mossberg de calibre .22

Photo 1 — Carabine semi-automatique Mossberg de calibre .22


Photo 2 — Douilles d’ARWEN AR-1

Photo 2 — Douilles d’ARWEN AR-1


Photo 3 — ARWEN 37 mm

Photo 3 — ARWEN 37 mm

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Vidéo no 1

La vidéo, qui n’était pas datée, avait une durée de 30 secondes. Elle semble avoir été filmée depuis un patio.

On y voit un petit bateau avec un toit, positionné juste à côté du rivage rocailleux et pointé vers un autre bateau près de l’île Tomahawk. Un bateau de la Police provinciale s’approche du bateau [on sait maintenant qu’il s’agissait du bateau du plaignant] depuis le côté gauche. Il se trouve à environ trois ou quatre longueurs de bateau de celui du plaignant. Quatre agents de l’unité tactique de la Police provinciale sont à l’avant du bateau de la Police provinciale. Il y a un agent au milieu du bateau, sur le côté droit. On entend plusieurs agents donner l’ordre de « lever les mains ». On entend également le mot « ARWEN », puis environ six décharges. Après la dernière décharge, le bateau de la Police provinciale se trouve à environ une longueur de bateau de celui du plaignant.

En arrière-plan, un homme dit : [Traduction [2]] « Il vient de prendre une arme ».

Lorsque le bateau de la Police provinciale entre en contact avec le côté gauche du bateau, on entend « ne bougez pas ». On entend d’autres « ne bougez pas » pendant que le bateau du plaignant tourne dans le sens horaire jusqu’à ce qu’il soit parallèle avec le côté droit du bateau de la Police provinciale. On entend des ordres « levez les mains en l’air où je peux les voir ».

Dix secondes après le contact entre les deux embarcations, deux membres de la Police provinciale montent à l’avant du bateau bowrider et quelqu’un dit : « Attachez-le bateau ». Un troisième agent de la Police provinciale monte dans le bateau par le côté gauche.

Un bateau rapide [on sait maintenant qu’il s’agissait du bateau de la TC no 2 et de son mari] passe entre le bateau de la Police provinciale et l’île Tomahawk.

Tous les agents de la Police provinciale passent sous le toit du bateau. Le toit tombe dans le bateau.

On en voit jamais clairement le plaignant dans la vidéo.


Vidéo no 2

Dans cette vidéo, on ne voit pas ce que le plaignant fait à l’intérieur du bateau ni ce que font les agents de la Police provinciale pendant son arrestation.


Appels au 9-1-1

Le 28 mai 2022, à 14 h 46, la TC no 1 a appelé la Police provinciale pour signaler que son mari, le plaignant, traversait une crise de santé mentale. Le plaignant était à la dérive dans son bateau, car elle avait caché la clé du bateau. Il criait et hurlait après les voisins, et dans le vide. Elle a indiqué que le plaignant avait des armes à feu dans le bateau.

La TC no 1 a expliqué que son mari avait des antécédents de santé mentale et qu’il avait cessé de prendre certains de ses médicaments au cours des trois derniers jours. Il avait également arrêté de manger et ne dormait pas.

À 15 h 10, la TC no 1 a rappelé et a signalé que les armes à feu dans le bateau n’étaient pas chargées, car, le matin même, elle avait localisé et déchargé les armes à feu, et dissimulé toutes les munitions.

À 15 h 46, la TC no 1 a appelé la police et a déclaré que son mari se trouvait au milieu de la baie Portage. À 16 h 9, la TC no 1 a appelé pour informer la Police provinciale de l’endroit où se trouvait le plaignant. Lorsqu’on lui a demandé si elle craignait qu’il se suicide, la TC no 1 a répondu qu’elle n’en avait honnêtement aucune idée.

À 17 h 3, la TC no 1 a signalé que le plaignant se trouvait près de l’île Thompson, mais que personne ne l’avait à l’œil à ce moment-là.

********

Le 28 mai 2022, à 15 h 21, le TC no 5 a appelé la Police provinciale pour signaler que le plaignant était dans son bateau avec une arme à feu. Le plaignant tenait devant lui une arme à feu avec une lunette et criait des jurons. Le plaignant hélait le TC no 5 et essayait de le faire sortir. Voyant qu’il ne sortait pas, il l’a traité de lâche à plusieurs reprises.

Le TC no 5 a contacté la Police provinciale à quatre autres reprises pour leur indiquer où se trouvait le plaignant, d’après les signalements des autres propriétaires de chalet.

********

Le 28 mai 2022, à 21 h 48, le mari de la TC no 2 a signalé que, au moment où la Police provinciale était en pleine discussion avec le plaignant, lui et sa femme se trouvaient dans un bateau à environ 50 mètres de là. Le mari de la TC no 2 croyait qu’il s’agissait d’un exercice de quelque sorte, mais la TC no 2 croyait qu’une arme à feu avait été déchargée. Le mari de la TC no 2 se demandait s’ils avaient été en danger.

Si le plaignant avait une arme à feu, le mari de la TC no 2 voulait remercier la Police provinciale.

Le reste des appels au 9-1-1 ne comportaient aucun renseignement utile pour l’enquête de l’UES.


Communications de la Police provinciale

Le 28 mai 2022, à 14 h 49, une unité de la sécurité nautique a été informée que le plaignant avait cessé de prendre ses médicaments et était à la dérive dans son bateau. Il n’avait pas les clés. Il avait des armes à feu dans le bateau et le plaignant criait après les voisins.

La TC no 1 a indiqué plus tard qu’il n’y avait pas de munitions dans le bateau.

On a demandé que soient dépêchés un deuxième bateau, un hélicoptère de la Police provinciale, des membres de l’Unité tactique et de secours (UTS), une Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) (et le système d’aéronef télépiloté de l’EIU), ainsi que des négociateurs.

Dans l’une des communications, un agent a indiqué que le plaignant pouvait être arrêté pour avoir « pointé une arme à feu ».

Un agent a indiqué que l’équipe de l’UTS avait procédé à une arrestation et qu’un ARWEN avait été déchargé. Le plaignant n’avait pas été blessé.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la Police provinciale entre le 6 juin 2022 et le 9 juin 2022 :
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Enregistrements de communications
  • Notes — AT no 2
  • Notes — AT no 1
  • Notes — agents non désignés (x6)
  • Fiche d’ouverture de session pour le détachement
  • Synopsis de l’entrevue — TC no 1
  • Liste des agents impliqués
  • Rapport d’incident
  • Messages échangés avec Georgian Bay sur WhatsApp (28 mai 2022)

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend une entrevue avec le plaignant, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, ni l’un ni l’autre des agents impliqués n’a accepté de participer à une entrevue avec l’UES ni d’autoriser la transmission de leurs notes.

Au cours de l’après-midi du 28 mai 2022, la conjointe du plaignant, la TC no 1, a téléphoné au 9-1-1. L’appel a été reçu par la Police provinciale. La TC no 1 appelait pour signaler que son mari était en détresse psychologique. Au moment de l’appel au 9-1-1, il était à la dérive dans son bateau avec des armes à bord — deux carabines et un fusil. On avait signalé qu’il avait crié contre des voisins en passant devant leurs propriétés. Peu de temps après, le TC no 5 a également téléphoné à la Police provinciale. Il a indiqué que le plaignant était sur son bateau et qu’il tenait un fusil et lui criait des injures et le traitait de lâche. La Police provinciale a déployé des unités de la sécurité nautique, un hélicoptère, un drone et des agents de l’équipe tactique sur les lieux, c.-à-d. les voies navigables de la baie Georgienne entre l’île Tomahawk et Honey Harbour.

Le plaignant traversait une crise au moment des événements. Il était embarqué dans son bateau depuis sa résidence sur l’île Portage, apparemment dans l’intention de susciter une confrontation avec la police qui se solderait par sa mort.

Les agents de la Police provinciale ont localisé le plaignant et l’ont approché au moyen de leurs embarcations. La police a utilisé un drone pour s’approcher de l’embarcation du plaignant et surveiller la situation. La police a demandé au plaignant de lever les mains et de ne pas tenir d’arme. Puisqu’ils étaient au courant de l’état d’esprit dans lequel se trouvait le plaignant, ils ont expliqué qu’ils voulaient l’aider.

Le plaignant a refusé d’obtempérer. Il s’est plutôt emparé de l’une de ses carabines alors qu’un bateau de police s’approchait de lui. Deux des agents — l’AI no 2 et l’AI no 1 — ont réagi en tirant en direction du plaignant avec leur ARWENS. L’AI no 2 a tiré à cinq reprises. L’AI no 1 a tiré une fois. Aucun des projectiles n’a touché le plaignant.

Après les décharges d’ARWENS, le bateau de police a heurté le bateau du plaignant, ce qui lui a fait perdre l’équilibre. Les agents sont rapidement montés sur le bateau du plaignant et l’ont mis en détention.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(2) Lorsqu’une personne est tenue ou autorisée par la loi à exécuter un acte de procédure ou à exécuter une sentence, cette personne ou toute personne qui l’assiste est, si elle agit de bonne foi, justifiée d’exécuter l’acte de procédure ou d’exécuter la sentence, même si l’acte de procédure ou la sentence est défectueux ou s’il a été délivré ou imposé sans compétence ou avec excès de compétence.

Analyse et décision du directeur

Le 28 mai 2022, la Police provinciale a communiqué avec l’UES pour signaler qu’un ARWEN avait été déchargé sur une personne — le plaignant — plus tôt ce jour là. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec l’incident.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle s’ils doivent recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à accomplir en vertu de la loi.

L’AI no 1 et l’AI no 2 exerçaient leurs fonctions de façon légitime lorsqu’ils se sont approchés du bateau du plaignant en vue de l’arrêter. En se basant sur les renseignements qui leur avaient été fournis par la conjointe du plaignant et d’autres personnes, et selon lesquels le plaignait traversait une crise et était en possession de plusieurs armes à feu, les agents étaient fondés à appréhender le plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Le plaignant était également passible d’arrestation en vertu de l’article 87 du Code criminel pour avoir pointé une arme à feu en direction du TC no 5.

Quant à la force employée pour arrêter le plaignant, notamment la décharge d’ARWEN dans la direction du plaignant, je suis d’avis qu’elle était justifiée au sens de la loi. Étant donné ce qu’ils savaient de la situation du plaignant, les agents ne pouvaient pas tout simplement lui laisser le champ libre sur l’eau. Le plaignant s’était comporté de façon belliqueuse avec les personnes croisées sur les îles alors qu’il était à la dérive, parfois en tenant une arme dans ses mains. La police se devait donc d’intervenir de façon proactive pour assurer la sécurité publique. Alors qu’ils s’approchaient du plaignant en bateau, les agents lui ont donné l’occasion de lever les mains et de se rendre pacifiquement. Lorsque le plaignant a refusé et s’est plutôt emparé de sa carabine, il a envoyé un message clair aux agents — leurs vies étaient en danger imminent, car le plaignant pourrait leur tirer dessus. Les agents devaient présumer que l’arme était chargée, même si la TC no 1 avait indiqué qu’elle avait retiré les munitions des armes à feu. Au vu de ces circonstances, l’utilisation d’armes à létalité réduite — les ARWEN — m’apparaît comme une réponse mesurée et proportionnelle aux exigences du moment; s’ils avaient l’effet prévu, ils allaient permettre de neutraliser le plaignant temporairement sans lui infliger de blessures graves et donner aux agents le temps de l’arrêter de façon sécuritaire. Le fait qu’aucun des projectiles n’ait effectivement touché le plaignant n’a aucune incidence sur l’analyse.

Je n’ai donc aucun motif raisonnable de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 se sont comportés autrement qu’en toute légalité lorsqu’ils ont déchargé leur ARWEN en direction du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.



Date : 23 septembre 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels de nature délicate qui ne sont pas divulgués dans le présent rapport, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux renseignements sont résumés dans les paragraphes qui suivent. [Retour au texte]
  • 2) NdT : Tous les dialogues sont des traductions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.