Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCD-124

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 36 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 mai 2022, vers 11 h 59, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES et donné les renseignements suivants.

Le 5 mai 2022, vers 9 h 30, le plaignant a été arrêté sans incident pour ivresse dans un lieu public, sur la rue Front, dans la ville de Quinte West-Trenton. Une vérification du casier judiciaire du plaignant a révélé qu’il était recherché en vertu de plusieurs mandats. Le plaignant a été conduit au détachement de Quinte West de la Police provinciale et placé en cellule à 9 h 58. À 10 h 33, lors d’une vérification régulière des cellules, on a découvert que le plaignant avait uriné par terre et était inconscient. Les services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés. Des agents ont commencé à administrer la RCR au plaignant, ont utilisé un défibrillateur externe automatisé (DEA) et lui ont administré de la naloxone. Les SMU sont arrivés et ont poursuivi les soins. Toutes les tentatives de réanimation ont échoué et le décès du plaignant a été constaté à 11 h 14.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 mai 2022 à 13 h 19

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 mai 2022 à 14 h 31

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 36 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)

Le témoin civil a participé à une entrevue le 6 mai 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 13 mai 2022.

Témoins employés du service (TES)

TES no 1 A participé à une entrevue
TES no 2 A participé à une entrevue

Les témoins employés du service ont participé à une entrevue le 13 mai 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et à proximité d’une cellule du détachement de Quinte West de la Police provinciale. Il s’agissait d’une cellule de taille courante, équipée d’un lit-banquette en béton et d’un ensemble toilette/lavabo en acier inoxydable. La cellule était surveillée par une caméra fixée sur le coin nord-ouest du plafond.

Le plaignant, décédé, était allongé par terre, la tête vers le lit au fond de la cellule et les pieds vers la porte ouverte de la cellule. Il y avait des signes évidents d’intervention médicale sur le corps.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Communications radio

Le 5 mai 2022, à 9 h 36 min 36 s, l’AT no 1 demande au répartiteur de vérifier si le plaignant fait l’objet de mandats d’arrêt. L’AT no 1 dit que le plaignant a eu un « épisode » sur le pont de la rue Dundas à Trenton, en Ontario, et qu’il éloigne le plaignant du pont. Le répartiteur répond à l’AT no 1 que le plaignant est repéré dans les dossiers pour des accusations antérieures et pour « omission de se conformer » aux conditions de sa mise en liberté. L’AT no 1 dit qu’il a déplacé son véhicule de police sur la rue Front. Le répartiteur lui dit que le plaignant fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis à Brantford, en Ontario. L’AT no 1 avise le répartiteur qu’il conduit le plaignant au poste de police.

À 10 h 35 min 19 s, un agent appelle les SMU pour demander une ambulance. Une personne de quarante ans qui est sous garde (le plaignant), est apparemment en état d’ébriété et sous l’influence de substances illégales, et son état de santé nécessite une évaluation. Le plaignant est éveillé et respire correctement. Le répartiteur confirme que l’ambulance est en route.

Un agent appelle le répartiteur des SMU pour mettre à jour l’appel et demander que l’ambulance vienne le plus rapidement possible parce que de la naloxone a été administrée au plaignant qui a perdu connaissance. Un agent appelle quelqu’un et lui demande de surveiller l’entrée du poste de police, car l’ambulance est en route. L’agent dit à cette personne que le plaignant se trouve dans les cellules, en surdose de drogue. Une autre personne confirme qu’on a administré le DEA huit fois sans qu’aucun choc ne soit conseillé six fois. L’AI avise cette personne de noter l’incident comme étant une mort subite.

Caméra de vidéosurveillance de la ville de Quinte West-Trenton

Le 5 mai 2022, à 9 h 38 min 58 s, un VUS noir banalisé de la Police provinciale apparaît dans la vidéo. Il s’arrête dans le stationnement du café The Grind. À 9 h 39 min 30 s, l’AT no 1 sort du VUS. Debout à côté de la portière du conducteur, il se penche vers l’intérieur du véhicule. À 9 h 39 min 58 s, l’AT no 1 ouvre la portière arrière, côté conducteur, et un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] sort du véhicule. À 9 h 40 min 39 s, le plaignant est debout à côté du VUS, près de la roue arrière; il se tourne face au VUS et met les mains dans le dos. L’AT no 1 menotte le plaignant dans le dos. À 9 h 41 min 13 s, l’AT no 1 fouille le plaignant.

À 9 h 41 min 50 s, un VUS noir banalisé de la Police provinciale apparaît sur la vidéo sur la droite. Il se gare derrière le véhicule de police de l’AT no 1. À 9 h 42 min 2 s, l’AT no 2 sort de son véhicule de police et s’approche de l’AT no 1 et du plaignant. Le plaignant se balance d’un côté à l’autre, fléchit légèrement les genoux, se redresse à plusieurs reprises et lève les bras dans son dos.

À 9 h 43 min 16 s, l’AT no 1 termine la fouille du plaignant et le fait s’assoir sur la banquette arrière de son VUS.

À 9 h 46 min 1 s, le VUS de l’AT no 1 disparaît de la vidéo sur la gauche, suivi du véhicule de police de l’AT no 2.

Vidéo de la garde par la police

Vidéos de l’entrée sécurisée du poste et du bloc cellulaire

Le 5 mai 2022, à 9 h 47 min 55 s, un VUS noir banalisé de la Police provinciale arrive à l’entrée sécurisée. À 9 h 48 min 29 s, le plaignant – menotté – sort du VUS. Le plaignant se balance d’avant en arrière, lève et baisse les bras et fait un pas de côté. L’AT no 1 ouvre une porte visible en haut de la vidéo et la maintient ouverte pour le plaignant.
 
À 9 h 48 min 50 s, le plaignant franchit la porte et balance ses pieds à chaque pas.

À 9 h 57 min 20 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 escortent le plaignant jusqu’à une cellule. Le plaignant a une démarche instable.

À 10 h 02 min 56 s, la TES no 1 entre dans le corridor et regarde dans la cellule du plaignant. À 10 h 03 min 10 s, la TES no 1 poursuit sa marche dans le corridor et regarde dans une autre cellule. À 10 h 03 min 20 s, la TES no 1 regarde de nouveau dans la cellule du plaignant avant de sortir du corridor. À 10 h 04 min 45 s, la TES no 1 sort du corridor. À 10 h 08 min 5 s, la TES no 1 revient dans le corridor et regarde dans la cellule du plaignant. À 10 h 08 min 10 s, la TES no 1 sort du corridor.

À 10 h 23 min 33 s, la TES no 2 entre dans le corridor et regarde dans la cellule du plaignant quand elle passe devant avant d’aller dans une autre cellule. À 10 h 24 min 15 s, la TES no 2 regarde de nouveau dans la cellule du plaignant avant de sortir du corridor.

À 10 h 26 min 56 s, la TES no 1 entre dans le corridor et regarde dans la cellule du plaignant. À 10 h 27 min 2 s, la TES no 1 sort du corridor. À 10 h 28 min 43 s, la TES no 1 revient dans le corridor et regarde dans la cellule du plaignant. La TES no 1 ouvre la trappe, se penche et regarde à l’intérieur de la cellule.

À 10 h 29 min 35 s, la TES no 2 entre dans le corridor et rejoint la TES no 1 devant la cellule du plaignant. La TES no 1 et la TES no 2 se penchent pour regarder dans la cellule. À 10 h 29 min 49 s, la TES no 1 ferme la trappe. À 10 h 29 min 54 s, la TES no 1 et la TES no 2 sortent du corridor.

À 10 h 33 min 31 s, l’AT no 3 entre dans le corridor et va devant la cellule du plaignant. L’AT no 3 frappe à la vitre. À 10 h 33 min 45 s, l’AI entre dans le corridor et se rend à la cellule du plaignant. À 10 h 34 min 12 s, l’AI et l’AT no 3 sortent du corridor. Au même moment, la TES no 1 entre dans le corridor et regarde dans la cellule. À 10 h 34 min 18 s, la TES no 1 sort du corridor.

À 10 h 35 min 18 s, l’AT no 3 et l’AI entrent dans le corridor et se dirigent vers la cellule du plaignant. L’AI déverrouille la porte et les deux agents entrent dans la cellule. À 10 h 35 min 50 s, l’AT no 1 entre à son tour dans la cellule. À 10 h 37 min 32 s, l’AT no 3 sort de la cellule du plaignant et sort du corridor en accélérant le pas. À 10 h 37 min 46 s, l’AT no 3 entre dans le corridor, puis entre dans la cellule du plaignant, avec un objet en main.

À 10 h 42 min 21 s, les pompiers entrent dans le corridor puis dans la cellule du plaignant. À 10 h 55 min 48 s, des ambulanciers paramédicaux entrent dans le corridor puis dans la cellule du plaignant.

Vidéo de l’enregistrement au poste de police

Le 5 mai 2022, à 9 h 48 min 50 s, l’AT no 1 escorte le plaignant dans l’aire d’enregistrement du poste de police. Le plaignant s’assied sur un banc en métal et une fois assis, bouge avec des mouvements saccadés. Le plaignant balance les jambes et se penche d’avant en arrière dans des mouvements rapides.
À 9 h 49 min 27 s, l’AT no 2 entre dans l’aire d’enregistrement et se tient à côté de l’AT no 1, face au plaignant. Le plaignant bouge sans cesse, secoue la tête de haut en bas et balance les jambes d’avant en arrière.

À 9 h 52 min 19 s, le plaignant se lève et l’AT no 1 lui retire les menottes. Le plaignant sautille sur place, saisit son pantalon, se penche en avant, puis se relève. Le plaignant a du mal à retirer son chandail en raison de ses mouvements convulsifs. Il a des mouvements convulsifs d’avant en arrière sur le banc.

À 9 h 57 min 20 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 escortent le plaignant hors de l’aire d’enregistrement.

Vidéo de la cellule du plaignant

Le 5 mai 2022, à 9 h 57 min 26 s, un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] entre en titubant dans la cellule. Il marche en titubant dans la cellule, s’accroupit et tire sur ses vêtements. Il se relève, sautille sur place et balance les bras dans tous les sens. Il se penche et perd l’équilibre en arrière contre la porte de la cellule.

À 9 h 59 min 54 s, le plaignant est courbé et tombe en avant en se cognant la tête par terre. Le plaignant est alors à genoux, les bras le long du corps et la tête en avant contre le sol.

À 10 h 35 min 37 s, l’AI et l’AT no 3 entrent dans la cellule. À 10 h 35 min 41 s, l’AI secoue l’épaule droite du plaignant. À 10 h 35 min 49 s, l’AT no 1 entre dans la cellule. L’AT no 1 saisit la chemise du plaignant et le tire en avant; l’AI le fait rouler sur le dos.

À 10 h 36 min 21 s, l’AT no 1 commence à exercer des compressions thoraciques sur le plaignant et l’AI met quelque chose [maintenant connu comme étant de la naloxone] près du visage du plaignant. L’AT no 2 prend la naloxone que l’AT no 1 avait sur le côté et la fait passer à l’AI qui la place près du visage du plaignant.

À 10 h 37 min 32 s, l’AT no 3 sort de la cellule puis revient rapidement avec un DEA en main. À 10 h 38 min 55 s, on applique le DEA au plaignant. À 10 h 40 min 22 s, l’AT no 1 continue les compressions thoraciques.

À 10 h 42 min 28 s, on interrompt les compressions thoraciques; les pompiers arrivent devant la porte de la cellule. À 10 h 42 min 48 s, les compressions thoraciques reprennent. À 10 h 43 min 24 s, un membre du personnel du service d’incendie place un sac gonflable sur le plaignant.

À 10 h 43 min 57 s, l’AI se relève et sort de la cellule; le personnel du service d’incendie prend en charge les procédures de réanimation.

À 11 h 14 min 33 s, on met fin aux procédures de réanimation.

Figure 1 – The AED
Figure 1 – Le DEA

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, sur demande, la Police provinciale :
  • Séquence de vidéosurveillance de la ville de Quinte West;
  • Enregistrements des communications;
  • Détachement de Quinte West – séquences vidéo de détention;
  • Rapport détaillé sur une personne – le plaignant;
  • Résumé de l’événement;
  • Rapports du Centre d’information de la police canadienne;
  • Dossier de passation de garde;
  • Rapport général;
  • Notes des agents témoins;
  • Politique relative au contrôle et aux soins des détenus;
  • Rapport de détention de prisonnier – le plaignant;
  • Vérification de sécurité de prisonnier – le plaignant.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu le rapport d’autopsie du bureau du coroner le 12 août 2022.

Description de l’incident

Le scénario suivant découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec plusieurs agents qui sont intervenus auprès du plaignant pendant sa garde par la police. L’enquête a également bénéficié de vidéos enregistrées pendant la période de détention du plaignant. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

Dans la matinée du 5 mai 2022, l’AT no 1, qui était en patrouille dans son véhicule de police, a remarqué le plaignant sur le pont Est de la rue Dundas, à l’est de la rue Front, à Trenton. Le plaignant était penché par-dessus la balustrade du côté sud du pont et sautillait. Inquiet pour la sécurité du plaignant, l’AT no 1 s’est arrêté à sa hauteur dans la voie ouest et est sorti de son véhicule de police pour lui parler. L’agent a conclu que le plaignant était en état d’ébriété et qu’il présentait un danger pour lui-même. Il a également appris qu’il y avait un mandat d’arrêt contre le plaignant. L’AT no 1 a arrêté le plaignant et l’a escorté jusqu’à la banquette arrière de son véhicule de police.

L’AT no 1 a roulé sur une courte distance jusqu’à un stationnement de la rue Front, où il a fouillé et menotté le plaignant avant de le faire assoir dans le véhicule et de le conduire au poste du détachement.
Une fois au poste, le plaignant a été placé dans une cellule vers 10 h. Peu après, le plaignant est tombé, s’est cogné la tête contre le sol et a uriné par terre. Juste avant 10 h 30, la gardienne civile chargée de la surveillance du plaignant – la TES no 1 – a informé le personnel policier que le plaignant était inanimé dans sa cellule.

L’AI – l’agent responsable de l’ensemble des soins et du contrôle des prisonniers au détachement – s’est rendu dans la cellule avec l’AT no 3 et l’AT no 1. Les agents ont commencé à administrer les premiers soins au plaignant. Un DEA a été utilisé (déconseillant les chocs) sur le plaignant, de la naloxone lui a été administrée et des compressions thoraciques lui ont été appliquées.
 
Le service d’incendie est arrivé sur les lieux vers 10 h 40, suivi des ambulanciers paramédicaux qui ont pris la direction des soins du plaignant. Les efforts continus de réanimation ont échoué et le décès du plaignant a été constaté à 11 h 14.
 

Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie a attribué la cause du décès du plaignant à « une intoxication par de multiples drogues (méthamphétamine, fentanyl, méthadone, bromazolam, cocaïne) ».

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé le 5 mai 2022 pendant qu’il était sous la garde de la Police provinciale de l’Ontario. L’UES a été avisée et a désigné un des agents chargés de la garde du plaignant comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention des articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Pour ces deux infractions, un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les mêmes circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de négligence qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a mis en danger la vie du plaignant ou a causé son décès et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.
 
Au moment des événements en question, la détention du plaignant par la police était légale. Le plaignant faisait l’objet d’un mandat d’arrêt en vigueur, il était visiblement en état d’ébriété, et il avait un comportement erratique sur un pont. L’AT no 1 était donc dans son droit de l’appréhender pour ivresse dans un lieu public, en vertu de la Loi sur les permis d’alcool et conformément au mandat.

Je suis convaincu qu’une fois sous garde, le plaignant a été traité avec diligence et dans le respect de sa santé et de sa sécurité. La décision de le loger en cellule au lieu de l’emmener à l’hôpital peut être considérée comme raisonnable. Le plaignant se comportait étrangement, ce qui n’était pas en soi incompatible avec une personne sous l’influence de drogues, mais pas nécessairement au bord d’une détresse médicale aiguë. De plus, les agents ignoraient la nature et la quantité de drogues que le plaignant avait ingérées. La gardienne civile chargée de surveiller le plaignant durant son séjour en cellule – la TES no 1 – l’a personnellement vérifié à plusieurs reprises pendant environ une demi-heure avant d’être inquiète pour le bien-être du plaignant au point de demander l’intervention des agents. La TES no 1 aurait peut-être dû alerter les agents plus tôt qu’elle ne l’a fait – le plaignant était immobile par terre presque tout le temps. Cependant, comme le plaignant respirait, la TES no 1 n’a alerté un sergent que lorsqu’elle a remarqué que la respiration devenait superficielle et qu’elle ne parvenait pas à réveiller le plaignant en faisant du bruit. Une fois avisés de la situation, les agents en cause, y compris l’AI, ont agi avec niveau raisonnable de diligence et de vigilance. Ils ont rapidement appelé une ambulance et prodigué des soins d’urgence au plaignant.
 
Au bout du compte, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI, ou n’importe quel autres des agents qui ont eu affaire au plaignant pendant sa garde, ait transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.



Date : 2 septembre 2022

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.