Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OVI-087

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 28 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 24 mars 2022, le Service de police régional de Halton (SPRH) a avisé l’UES de la blessure du plaignant.

Selon le rapport du SPRH, le 24 mars 2022, vers 3 h 30 du matin, des agents du SPRH ont répondu à un appel pour vol et pour un incident connexe de « vol dans une boîte aux lettres », à Georgetown. La police a repéré le véhicule suspect des deux incidents qui se dirigeait vers un cul-de-sac à Georgetown. Les agents ont dressé un barrage routier et ont attendu le retour du véhicule suspect. Le véhicule suspect a fait demi-tour et s’est dirigé vers le barrage routier. À l’approche du barrage routier, le véhicule suspect a viré sur l’accotement puis dans le fossé. Le conducteur – le plaignant – s’est enfui à pied, mais les agents l’ont rattrapé rapidement. Les deux autres occupants du véhicule ont été arrêtés sur place.

Les trois individus se sont plaints de douleurs et ont été transportés à l’hôpital de Georgetown pour y être examinés. Il a été déterminé que le conducteur du véhicule avait subi une fracture de la clavicule à la suite de la collision automobile. Les passagers ont été identifiés comme Passager 1 et Passager 2. [1]

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 24 mars 2022 à 10 h 15

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 24 mars 2022 à 14 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 28 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 24 mars 2022.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 24 mars 2022.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 31 mars 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite devant une résidence de Roydon Place. Le VUS GMC a percuté un poteau d’éclairage en béton devant la propriété. L’UES n’a pas examiné les lieux.

Un agent de la police technique du SPRH a pris des photographies.


Figure 1 – Vue aérienne des lieux sur Google Maps


Figure 2 – Photographie prise par le SPRH du VUS GMC contre le poteau

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Communications radio du SPRH

A 2 h 39 [3], le répartiteur radio lance un appel demandant que des unités se rendent à un « Circle K », à Georgetown, où deux hommes ont été vus dans le magasin avec ce qui semblait une arme à feu. La personne qui a appelé n’a pas vu l’arme à feu. Les hommes ont volé de l’argent et des briquets. Une description de ces hommes a été fournie. Ils ont été vus pour la dernière fois en train de marcher vers le sud.

A 2 h 39, on demande une unité canine.

À 3 h 27, il est signalé que deux hommes sont en train d’ouvrir de force des boîtes aux lettres sur Rosefield Drive. L’unité canine signale avoir tourné à droite sur Delroy avant de poursuivre sa route sur Roydon Place – une rue sans issue. On entend une unité annoncer [traduction] « Bloquez-le, bloquez-le. » Une unité annonce : « Nous avons un problème ici, nous allons avoir besoin de renfort. »

À 3 h 33, une unité signale avoir un « 92 » (personne arrêtée) à une adresse de Rosefield Drive. Une autre unité dit avoir un « 92 » – un homme d’une trentaine d’années qui perd connaissance par moments. Il a été impliqué dans un accident automobile.

Un agent demande qu’on vérifie l’immatriculation du véhicule impliqué dans l’accident et on constate qu’il s’agit d’un véhicule volé. L’agent dit qu’ils ont trois personnes sous garde. Le véhicule a percuté un lampadaire de plein fouet. L’un des occupants ne réagit pas aux frottements du sternum. Il respire, mais ne va pas bien. On demande d’envoyer d’urgence une ambulance.

Dans une autre annonce, on demande qu’on envoie une deuxième ambulance et que la municipalité examine le lampadaire.

Appels au 9-1-1 du SPRH

À 3 h 27, le 24 mars 2022, la TC no 1 appelle le 9-1-1 pour signaler que deux hommes armés d’un pied de biche et d’une lampe de poche tentent d’ouvrir de force des boîtes aux lettres sur Rosefield Drive. Elle décrit les deux hommes comme portant des vêtements sombres.

Pendant qu’elle est au téléphone avec le préposé à l’appel, la TC no 1 dit qu’elle voit des véhicules de police, gyrophares allumés, rouler sur Rosefield Drive. Elle voit ensuite des agents de police poursuivre deux hommes à pied sur Rosefield Drive. Le préposé à l’appel remercie la TC no 1 d’avoir appelé après que les deux hommes ont été placés sous garde.

Vidéo du système de caméra à bord du véhicule de police de l’AT no 3

La caméra de la voiture de police de l’AT no 3 était pointée vers le pare-brise avant. Elle n’était pas en marche au moment des événements en question.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPRH a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 25 et le 28 mars 2022 :
  • Historique de l’appel;
  • Enregistrements des communications;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Politique – Poursuite en vue de l’appréhension d’un suspect;
  • Vidéo de caméras à bord de véhicule;
  • Photos des lieux.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers médicaux du plaignant à l’Hôpital de Georgetown;
  • Dossiers médicaux du passager 1 à l’Hôpital de Georgetown;
  • Dossiers médicaux du passager 2 à l’Hôpital de Georgetown.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit.

Le 24 mars 2022, vers 3 h 30 du matin, le plaignant et deux complices étaient dans le secteur de Roydon Place et Rosefield Drive, à Georgetown, lorsque plusieurs véhicules du SPRH se sont approchés d’eux. Le plaignant, au volant d’un VUS volé, avec ses complices comme passagers, a roulé vers l’est sur Rosefield Drive, puis vers le sud sur Roydon Place pour tenter d’échapper à la police. Au bout de Roydon Place, une rue sans issue, le plaignant a viré à gauche pour faire demi-tour.

Sous la direction de l’AT no 1, les véhicules de police ont suivi le plaignant jusqu’à Roydon Place. Afin d’empêcher le plaignant de leur échapper, l’AT no 1 a également tourné à gauche pour lui barrer la route. L’AT no 3 et l’AT no 2, qui suivaient l’AT no 1, ont immobilisé leurs véhicules de police devant les maisons du côté est de la chaussée.

Réalisant que les policiers mettaient en place un barrage devant lui, le plaignant est monté sur le trottoir devant les maisons du côté est de la chaussée et a tenté de contourner les véhicules de police. Juste devant la voiture de police de l’AT no 2, il a viré à gauche et a percuté un lampadaire en béton avec le côté conducteur avant du VUS. Le plaignant ne portait pas de ceinture de sécurité à ce moment-là. Il a subi une blessure – une fracture de la clavicule gauche – par suite de l’impact.

Le plaignant et un des passagers ont été arrêtés sur place et placés sous garde. Le deuxième passager est sorti du véhicule et s’est enfui en courant avant d’être aussi arrêté.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13 (2) du Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


 

Analyse et décision du directeur

Le 24 mars 2022, le plaignant a subi une blessure grave lorsqu’il a percuté le véhicule qu’il conduisait. Comme, à ce moment-là, le véhicule était poursuivi par des agents du SPRH, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents du SPRH ait commis une infraction criminelle en lien avec la blessure du plaignant.

L’infraction à prendre en considération est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, une infraction visée par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. S’agissant d’une infraction de négligence criminelle, un simple manque de diligence ne suffira pas à engager la responsabilité. Ce qui est nécessaire, entre autres, est une négligence qui constitue un écart marqué et important par rapport à la diligence dont une personne raisonnable aurait fait preuve dans les mêmes circonstances. En l’espèce, il faut donc déterminer si les agents ont fait preuve d’un manque de diligence qui a causé l’accident, ou y a contribué, et qui était suffisamment flagrant pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AT no 2, l’AT no 1 et l’AT no 3 exerçaient légalement leurs fonctions au moment des événements en question. On les avait avisés d’un appel provenant d’une maison du secteur signalant que des personnes tentaient d’ouvrir de force une boîte aux lettres sur Rosefield Drive. Les agents avaient des raisons de croire que ces personnes étaient également impliquées dans un vol commis récemment dans un magasin Circle K à quelques kilomètres de là. Dans les deux cas, on soupçonnait que les suspects étaient armés. J’accepte donc que les agents étaient en droit de chercher à arrêter le véhicule pour enquêter sur ces infractions criminelles.

Je suis également convaincu que les agents se sont comportés avec la diligence requise à l’égard de la santé et de la sécurité des occupants du VUS. Toute l’intervention s’est déroulée à vitesse modérée et n’a duré que quelques secondes, au cours desquelles rien ne suggère qu’un agent de police ait intentionnellement frappé le VUS. La décision des agents de manœuvrer leurs véhicules de façon à bloquer le VUS pour l’empêcher de sortir de la rue sans issue était raisonnable. Même si cette tactique créait un risque de collision, ce risque était calculé compte tenu de la nature des infractions criminelles pour lesquelles le plaignant et ses complices étaient poursuivis, de la vitesse modérée des véhicules et de l’absence de tout véhicule tiers à cette heure de la journée.

Pour les motifs qui précèdent, la preuve n’établit pas que l’un ou l’autre des agents impliqués dans la poursuite du plaignant ait transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 21 juillet 2022

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le passager 1 et le passager 2 ont refusé de participer à une entrevue avec l’UES. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Les heures ont été extraites du rapport de l’historique des appels. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.