Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-027

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la mort d’un homme de 30 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 janvier 2021, à 20 h 25, le service de police de Sault Ste. Marie (SPSSM) a informé l’UES du décès du plaignant.

Le SPSSM a indiqué que, le 23 janvier 2021, à 18 h 56, des agents du SPSSM avaient été dépêchés au 275, rue Albert, à Sault Ste. Marie, concernant une personne indésirable, soit le plaignant. Ce dernier tenait un couteau alors que les agents tentaient de communiquer avec lui. Il a commencé à se poignarder et plusieurs armes à impulsions ont été déployées. Des intervenants des services médicaux d’urgence (SMU) ont transporté le plaignant à l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie où sa mort a été constatée à 20 h 41. Des membres des services d’identification du SPSSM avaient été dépêchés pour photographier les lieux, obtenir et conserver les armes à impulsions, et recueillir les vêtements souillés de sang des agents.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 23 janvier 2021 à 21 h 42

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 24 janvier 2021 à 4 h 47

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
 

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 30 ans, décédé


Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue
TC n° 2 A participé à une entrevue
TC n° 3 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC n° 4 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 24 et 27 janvier 2021.

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue
AT n° 3 A participé à une entrevue
AT n° 4 A participé à une entrevue
AT n° 5 A participé à une entrevue
AT n° 6 A participé à une entrevue
AT n° 7 A participé à une entrevue
AT n° 8 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 24 janvier 2021.


Retard dans l’enquête

L’UES n’a reçu le rapport d’autopsie et de toxicologie que le 24 janvier 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans le vestibule de Campbell Place, un immeuble d’habitation situé au 275, rue Albert Est, à Sault Ste. Marie.

Le 24 janvier 2021, à 4 h 47, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés à l’adresse. Les portes d’entrée extérieures de l’immeuble se trouvaient sur le mur est. Elles menaient à un vestibule avec des boîtes aux lettres sur les murs nord et sud. Une deuxième série de portes verrouillées menaient à l’entrée du bâtiment.

Des photographies générales ont été prises et les marqueurs de preuve du SPSSM indiquant les objets exposés ont été enlevés et remplacés par des marqueurs de preuve de l’UES. Il y avait une grande tache de sang sur le sol dans le coin nord-ouest du vestibule. Trois cartouches d’armes à impulsions, quatre portes de cartouches d’armes à impulsions et une paire de menottes se trouvaient sur le sol dans le vestibule. À l’intérieur d’un sac en papier propre se trouvait un couteau orange et noir de modèle Snake Eye et de marque Buck entièrement déplié, avec une tache rouge semblable à du sang sur un côté de la lame. Dans le coin sud-est de la pièce se trouvaient une casquette de baseball et un couteau de modèle Snake Eye orange partiellement déplié, un cellulaire et une paire de lunettes. Des photographies ont été prises et toutes les pièces à conviction ont été recueillies.

Les lieux ont été mesurés pour créer un schéma à l’échelle.

Des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus au quartier général du SPSSM. Ils ont photographié quatre armes à impulsions et téléchargé leurs données, et photographié plusieurs vêtements des agents.

Figure 1 – Les lieux

Figure 1 – Les lieux


Figure 2 – Premier couteau

Figure 2 – Premier couteau


Figure 3 – Deuxième couteau

Figure 3 – Deuxième couteau




Schéma des lieux

Schéma des lieux


Éléments de preuve matériels

Les pièces à conviction recueillies par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES comprenaient trois cartouches d’armes à impulsions, quatre portes de cartouche d’armes à impulsions, un écouvillon de la tache de sang provenant du sol et deux couteaux orange et noir de modèle Snake Eye. On a également trouvé une quantité de confettis d’identification AFID jaunes et roses, un cellulaire et six sondes et fils d’armes à impulsions. L’autopsie a permis de recueillir deux sondes d’armes à impulsions prélevées dans le pantalon du défunt.


Armes à impulsions et sondes

Trois cartouches d’armes à impulsions ont été recueillies sur les lieux. Chaque cartouche d’arme à impulsions pouvait tirer deux sondes. On ne pouvait donc récupérer qu’un maximum de six sondes. Deux sondes ont été trouvées au SPSSM, plus précisément à l’arrière du pantalon du plaignant. Six sondes ont été recueillies lors de l’autopsie, soit un total de huit sondes. Cela indiquerait que quatre armes à impulsions ont été déployées. Cependant, il n’y avait pas quatre cartouches vides sur les lieux.

Éléments de preuve médicolégaux


Téléchargements et interprétation des armes à impulsions

Voici un résumé des renseignements tirés du téléchargement des données des armes à impulsions utilisées au cours de l’incident.

L’AT n° 2 était le premier agent à déployer son arme à impulsions. Il l’a déployée à trois reprises, pendant une période de cinq secondes à chaque décharge, à 19 h 55 min 58 s, à 19 h 56 min 5 s et à 19 h 56 min 11 s

L’AI a déployé son arme à impulsions à deux reprises, pendant cinq secondes puis 13 secondes, à 20 h 2 min 19 s et à 20 h 2 min 30 s

L’AT n° 3 a déployé son arme à impulsions une seule fois, à 19 h 57 min 40 s, pendant une seconde.

L’AT n° 8 a déployé son arme à impulsions une seule fois, pendant 21 secondes, à 19 h 56 min 4 s

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]1[/fn]


Enregistrements des communications

Voici un résumé des communications du service de police en lien avec l’incident.

Appels téléphoniques

La gérante de l’immeuble situé au 275, rue Albert Est a appelé le SPSSM pour signaler qu’elle avait reçu de nombreux appels de résidents de l’immeuble au sujet d’un homme dans le hall d’entrée. L’homme avait sauté devant un autobus de la ville. Elle a indiqué qu’elle avait dit à l’homme qu’il ne pouvait pas attendre dans la propriété et qu’il n’y avait pas d’arrêt d’autobus devant l’immeuble. L’homme portait une veste camouflage et transportait un sac rouge.

Un inconnu a signalé la présence d’un homme agressif qui semblait être sous l’influence d’un stupéfiant et qui fumait dans le hall du 275, rue Albert Est. .

Communications radio

A 19 h 27, les AT n° 6 et n° 8 ont été dépêchés au 275, rue Albert pour donner suite à un appel concernant un homme importun dans le hall. Une description de l’homme [maintenant connu comme étant le plaignant] a été donnée et des renseignements selon lesquels il était agressif ont été fournis. L’AI et l’AT n° 4 ont été envoyés en renfort.

Une vérification des dossiers du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) a révélé que le plaignant était en probation pour voies de fait contre un agent de la paix, port d’arme, défaut de comparaître et défaut d’arrêter pour un agent de la paix. Il ne devait pas posséder d’armes, ni de couteaux en dehors de son lieu de résidence, sauf pour la préparation et la consommation de repas.

Le répartiteur a tenté de prendre des dispositions afin que le plaignant soit transporté dans un refuge.

L’AT n° 6 a demandé si un sergent pouvait intervenir, car il pointait, en vain, un pistolet à impulsion électrique contre le plaignant dans le hall. L’AT n° 6 a dit qu’ils pouvaient voir un couteau dans sa poche. Un sergent a dit qu’il se trouvait à 40 secondes du lieu.

L’AT n° 6 a dit qu’il fallait faire venir une ambulance tout de suite.

Le répartiteur a appelé l’ambulance et a dit qu’il ne savait pas quel était le problème; cependant, en arrière-plan, on entendait des agents dire que les armes à impulsions avaient été déployées et que l’homme saignait abondamment. Il avait un coup de couteau au cou et les agents faisaient pression sur le cou. Le répartiteur a transmis ces renseignements à la personne qui a appelé l’ambulance.

Une voix d’homme a dit qu’une arme à impulsions avait été déchargée. Le plaignant s’était coupé la gorge avec un couteau. Les agents faisaient pression, car le plaignant saignait abondamment. On a demandé que l’ambulance se dépêche.

À 19 h 57, un agent a demandé au répartiteur de communiquer avec les ambulanciers paramédicaux, car le plaignant perdait connaissance. L’agent a dit qu’ils commençaient les compressions thoraciques sur le plaignant.


Vidéo de surveillance du hall

Une caméra de sécurité était installée dans le hall de l’immeuble d’habitation situé au 275, rue Albert Est, à Sault Ste. Marie. Elle pointait vers l’extérieur. Une seule porte vitrée mène à un vestibule. Il y a des fenêtres de chaque côté de la porte. Deux autres portes vitrées mènent du vestibule à l’extérieur.

À 18 h 28, le plaignant entre dans le vestibule. À 18 h 43, une femme s’approche de la porte du vestibule depuis le hall. On peut l’apercevoir en train de discuter avec le plaignant. À 19 h 1, la femme revient dans le hall et parle sur un cellulaire tout en regardant le plaignant.

À 19 h 24, on peut voir le plaignant en train de fumer une cigarette qu’il tient dans sa main gauche. Sa main droite est toujours dans la poche de sa veste.

À 19 h 40, deux agents [connus maintenant comme étant l’AI et l’AT n° 4] arrivent et entrent dans le vestibule. Le plaignant sort un ou plusieurs papiers de son sac de sport et les tient tout en parlant aux agents.

À 19 h 49, le plaignant commence à faire les cent pas et se dirige vers la porte du hall d’entrée, puis revient vers les agents. L’AI pointe son arme à impulsions vers le plaignant; son arme est visible dans le dos du plaignant.

Le plaignant se tourne vers les agents, le dos contre le mur. L’AI tient son arme à impulsions pointée vers le plaignant. Le plaignant tient son cellulaire dans sa main gauche et le tend vers les agents comme s’il fait un enregistrement. Le plaignant lève sa main gauche vers le haut et sur le côté tout en gardant sa main droite dans la poche de sa veste. Il se tourne vers les agents et s’adosse à la porte du hall. Il tourne la tête vers le hall, puis tourne son corps pour faire face au hall. Il semble parler à quelqu’un dans le hall tout en secouant le cellulaire dans sa main gauche dans cette direction.

Vers 20 h 2, un agent se rend dans le vestibule et déploie son arme à impulsions dans le dos du plaignant. La décharge semble efficace; le plaignant tombe sur le dos, du côté droit. Dans sa chute, le plaignant retire sa main droite de sa poche. Il semble tenir un objet dans sa main droite. Quatre ou cinq agents convergent vers le plaignant.

Au moment du déploiement de l’arme à impulsions, le plaignant a toujours son cellulaire dans sa main gauche et sa main droite dans la poche de sa veste. Alors qu’il tombe au sol, le plaignant sort sa main droite de la poche de sa veste avec ce qui semble être un objet.

Le plaignant est couché sur le dos. On peut voir du sang couler sur le sol près du côté droit de la tête du plaignant, qui cesse presque immédiatement de réagir. On peut apercevoir l’AT n° 3 en train d’exercer une pression sur le côté droit du cou du plaignant. L’AT n° 1 apparait avec des gazes ou des bandages médicaux.

À 20 h 6, les agents [connu maintenant comme étant l’AI, l’AT n° 2 et l’AT n° 7] commencent la réanimation.

À 20 h 10, les ambulanciers paramédicaux arrivent sur les lieux et prennent en charge les soins du patient.


Vidéos publiées sur Facebook par le plaignant

L’UES a examiné deux vidéos de la page Facebook du plaignant.

Dans la première vidéo, le plaignant prend un autobus et se rend dans un refuge pour hommes peu avant 18 h. Le plaignant discute avec un préposé, qui lui dit qu’il semble agir de manière paranoïaque. Le plaignant dit au préposé que quelqu’un l’a suivi toute la journée.

Dans la deuxième vidéo, le plaignant se trouve dans le vestibule d’un immeuble situé probablement au 275, rue Albert Est. Il s’adresse à un homme qui porte une veste fluorescente. L’homme demande au plaignant s’il connait l’horaire de l’autobus. Le plaignant répond : « Oui, ça va. » L’homme demande au plaignant s’il attend l’arrivée de l’autobus et il a répond : « Oui ». Le plaignant dit : « Quelqu’un dans cet immeuble me voit en train d’essayer de héler un autobus, pas vrai? »

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPSSM entre le 25 janvier et le 8 février 2021 :
  • Enregistrements des communications
  • Photographies des lieux
  • Registre de sortie de l’arme à impulsions
  • Notes de l’AT n° 8
  • Notes de l’AT n° 6
  • Notes de l’AT n° 4
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes de l’AT n° 5
  • Notes de l’AT n° 3
  • Notes de l’AT n° 7
  • Notes de l’AT n° 1
  • Historique des événements
  • Enregistrement du répartiteur assisté par ordinateur
  • Liste des personnes sondées
  • Liste d’agents de service
  • Politique en matière de santé mentale
  • Politique en matière de recours à la force
  • Politique en matière d’arrestation
  • Données de l’arme à impulsions
  • Dossiers de formation de l’AI sur l’usage de la force
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 8
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 6
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 4
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 2
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 5
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 3
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 7
  • Sommaire de déposition de l’AT n° 1


Éléments obtenus auprès d’autres sources

  • L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant d’autres sources :
  • Vidéo captée à l’aide de la caméra du hall d’entrée du 275, rue Albert Est
  • Addendum du rapport sur l’appel de l’ambulance des SMU
  • Rapport d’incident des SMU
  • Résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario
  • Rapport d’autopsie et rapport toxicologique du Bureau du coroner
  • Vidéos téléchargées depuis Facebook.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, qui comprenaient des entrevues avec plusieurs agents présents pendant l’incident et des séquences vidéo qui ont capté les événements en question. Comme il en avait le droit, l’AI a refusé de s’entretenir avec l’UES ou d’autoriser la publication de ses notes.

Dans la soirée du 23 janvier 2021, des agents, dont l’AI, ont été dépêchés à un immeuble d’habitation situé au 275, rue Albert, à Sault Ste. Marie pour donner suite à un appel de la gérante de l’immeuble signalant qu’un homme importun, soit le plaignant, se trouvait dans le hall de l’immeuble. Le plaignant a été prié de partir, mais il a refusé. Il a également été vu en train de courir du hall de l’immeuble vers la voie d’accès des autobus, sur la rue Albert, où il se plaçait parfois devant les autobus sur la chaussée.

L’AI et son partenaire, l’AT n° 4, ont été les premiers sur les lieux, arrivant vers 19 h 40. L’AT n° 6 et l’AT n° 8 sont également arrivés peu de temps après. Les agents ont rencontré le plaignant dans le vestibule du bâtiment, un espace clos situé entre les portes vitrées extérieures et une seule porte vitrée intérieure donnant sur le hall. L’AI s’est entretenu avec le plaignant et lui a demandé ce que les agents pouvaient faire pour l’aider. Le plaignant a expliqué qu’il se rendait à Pauline's Place, un fournisseur de logements d’urgence de courte durée. Il tenait un cellulaire dans sa main gauche, et gardait sa main droite dans la poche de son manteau. Invité à montrer sa main droite, le plaignant a refusé et a expliqué que son bras droit était cassé. Il a également refusé de quitter le vestibule pour accompagner les agents, et a demandé s’ils étaient véritablement des agents. Après avoir discuté avec l’homme pendant une dizaine de minutes, les agents ont aperçu la lame d’un couteau dans la poche avant gauche de son manteau. À ce moment-là, le répartiteur a informé les agents que le plaignant faisait l’objet d’une ordonnance de probation lui interdisant de porter de couteaux. L’AI a alors informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation, mais ce dernier ne s’est pas rendu.

L’AI a quitté le vestibule pour se placer au seuil d’une porte vitrée extérieure ouverte. Il pointait son arme à impulsions. Derrière lui l’AT n° 8 tenait son arme de poing. D’autres agents sont arrivés sur les lieux, notamment l’AT n° 2, l’AT n° 3 et l’AT n° 1. L’AT n° 2 occupait le seuil de l’autre porte vitrée extérieure, qui avait également été ouverte, son arme à impulsions dégainée. L’AT n° 1, situé l’extérieur, près d’une des portes extérieures, a pris l’initiative de s’entretenir avec le plaignant. Les efforts se sont poursuivis pour persuader le plaignant de lâcher son arme et de montrer sa main droite, mais en vain.

Vers 20 h 4, l’AI, l’AT n° 2 et l’AT n° 3 ont déployé leurs armes à impulsions sur le plaignant, qui s’est mis à hurler de douleur. Alors que le plaignant tombait au sol, il a retiré un couteau de sa poche droite et s’est coupé le devant du cou. Les agents sont intervenus pour le maîtriser. Le plaignant a cependant repoussé les agents qui tentaient de le menotter et de soigner ses blessures. L’AT n° 8 a déployé, à son tour, son arme à impulsions pendant qu’il tentait de contrôler les jambes du plaignant.

Les agents ont prodigué les premiers soins au plaignant, y compris la réanimation cardio pulmonaire, en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux sur les lieux.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital en ambulance. Sa mort a été constatée à 20 h 41.


Cause de la mort

Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie a conclu que le décès du plaignant était imputable à un « coup de couteau au cou, du côté droit ».

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé le 23 janvier 2021 d’un coup de couteau qu’il s’est lui-même infligé. Comme il interagissait avec des agents du SPSSM quand il s’est blessé, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’un des agents, soit l’AI, a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la mort du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour la force employée dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient autorisés ou tenus de faire par la loi.

Les agents qui se sont entretenus avec le plaignant au 275, rue Albert Est, notamment l’AI, étaient légalement placés en tout temps. Ayant reçu des rapports concernant un homme qui refusait de quitter des locaux privés, ils étaient en droit de se rendre à l’adresse en question pour gérer une intrusion possible. Une fois sur les lieux et sachant que le plaignant était en possession d’un couteau, en contravention flagrante d’une ordonnance de probation, les agents avaient également des raisons de placer le plaignant sous garde.

La force utilisée par l’AI et les autres agents, à savoir le déploiement de plusieurs armes à impulsions, était légalement justifiée. Les agents avaient des raisons de craindre que le plaignant constitue une menace pour lui-même et pour les autres. Lors d’une interaction antérieure récente avec des agents du SPSSM, le plaignant s’était également armé d’un couteau et l’avait utilisé pour se couper. Ils savaient également que le plaignant était paranoïaque. En effet, lorsqu’il s’était entretenu avec les agents, il s’était demandé s’ils étaient réellement des agents, avait mentionné que des personnes cherchaient à l’assassiner et avait expliqué que le morceau de papier d’aluminium sur sa tête servait à empêcher les autres d’intercepter ses pensées. De plus, des résidents de l’immeuble s’étaient rassemblés dans le hall pour voir ce qui se passait, et le plaignant avait crié après certains d’entre eux. Par conséquent, les agents étaient de plus en plus inquiets pour la sécurité du public. De ce fait, je ne peux pas blâmer les agents, qui auraient suivi les instructions de l’AT n° 1 lorsqu’ils ont déployé leurs armes à impulsions alors que le plaignant leur tournait le dos. Bien que les décharges des armes à impulsions n’aient pas complètement neutralisé le plaignant, qui a pu utiliser le couteau qu’il tenait dans sa main pour s’infliger une blessure mortelle, le déploiement de l’arme à impulsions offrait une occasion raisonnable de neutraliser le plaignant tout en gardant une distance sécuritaire.

De plus, les agents ne semblent pas avoir fait preuve d’un manque de diligence dans la façon dont ils ont agi avant le déploiement des armes à impulsions susceptible d’entraîner des poursuites pour négligence criminelle causant la mort en vertu de l’article 220 du Code criminel. L’infraction est réservée aux cas graves de négligence qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Elle n’est établie, entre autres, que si le comportement reproché constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait observé dans les circonstances. En l’espèce, rien n’indique que les agents ont enfreint les limites de la prudence prescrites par le droit pénal. Les preuves suggèrent qu’ils ont parlé au plaignant de manière appropriée et qu’ils ont essayé de l’aider à organiser son trajet pour la soirée. Il s’avère que les agents ont rapidement constaté que le plaignant souffrait peut-être d’une maladie mentale. On peut donc se demander pourquoi on n’a pas fait appel à l’équipe mobile d’intervention rapide en cas de crise du service [fn]2[/fn]. Il semble que certains des agents aient pensé à cette éventualité, mais qu’ils ont décidé, raisonnablement à mon avis, que ce n’était pas une option réaliste, car le plaignant était en possession d’une arme.

Par conséquent, étant donné qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI s’est comporté de manière illégale au cours de son interaction avec le plaignant, il n’y a pas de motifs de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 25 mai 2022

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.