Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-TCI-013

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 34 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 18 janvier 2022, à 17 h 17, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES qu’un homme qui s’était barricadé a été transporté à l’hôpital après s’être poignardé.

Selon le SPT, cet après-midi-là, vers 13 h 41, le SPT a été appelé à une résidence près des rues Bloor et Bathurst, parce qu’un occupant d’un foyer de groupe pour personnes souffrant de divers troubles de santé mentale était agité. Avant l’arrivée de la police, l’homme, identifié plus tard comme étant le plaignant, s’était poignardé à l’estomac. À leur arrivée sur les lieux, les agents ont tenté sans succès d’appréhender le plaignant, y compris en utilisant un vaporisateur d’oléorésine de capsicum (gaz poivré). Le plaignant a commencé à se poignarder au cou à plusieurs reprises. Il a ensuite sauté dans la salle à manger par un passe-plat et s’est dirigé vers un autre occupant du foyer. À ce moment-là, les agents l’ont appréhendé sans incident.

Une ambulance a conduit le plaignant à l’hôpital St. Michael’s, où il subissait une intervention chirurgicale au moment de la notification. La police avait sécurisé le foyer et y montait la garde.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 18 janvier 2022 à 17 h 58

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 18 janvier 2022 à 19 h 02

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

homme de 34 ans; n’a pas été invité à participer à une entrevue en raison de son état de santé


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 18 et le 24 janvier 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue et ses notes n’ont pas été communiquées

Étant donné que l’interaction entre la police et le plaignant a été captée par plusieurs caméras, il a été décidé que l’UES n’avait pas besoin de mener une entrevue avec l’AI.


Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Aucune entrevue n’a été demandée avec les agents témoins, étant donné que tout l’incident a été enregistré par plusieurs caméras.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une maison du secteur des rues Bloor et Bathurst, à Toronto. Il s’agit d’un foyer titulaire d’un permis pour les personnes ayant des troubles de santé mentale et de toxicomanie. Plusieurs pièces ont été converties en chambres pour les résidents.

La cuisine était en désordre, avec du marc de café et de l’eau sur le sol. Sur le rebord du passe-plat, il y avait un couteau à steak avec une tache de sang de 5 centimètres sur la pointe. Dans la salle à manger, l’écran d’ordinateur et l’écran de télévision étaient brisés.

Éléments de preuve matériels

L’UES a recueilli un couteau à steak sur le comptoir du passe-plat. La pointe du couteau était tachée d’une substance rouge, vraisemblablement le sang du plaignant. Le couteau n’a pas été soumis pour analyse, car les événements dans leur intégralité ont été enregistrés sur des vidéos.
L’UES a également récupéré le pulvérisateur de gaz poivré de l’AI. Des prélèvements ont été effectués sur l’ordinateur de la salle à manger et sur le réfrigérateur de la cuisine de la résidence, pour détecter la présence possible de gaz lacrymogènes. Le pulvérisateur de gaz poivré et les prélèvements n’ont pas été soumis pour analyse, là aussi parce que l’incident a été enregistré sur des vidéos.


Figure 1 - Le couteau du plaignant

Figure 1 - Le couteau du plaignant


Figure 2 - Le pulvérisateur de gaz poivré

Figure 2 - Le pulvérisateur de gaz poivré

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Enregistrements des communications du SPT

Le 18 janvier 2022, à 13 h 37, le TC no 1 a appelé le 9-1-1 pour demander une ambulance. En arrière-plan, on peut entendre le plaignant pleurer continuellement. Le TC no 1 demande au plaignant de lui expliquer ce qui ne va pas. Le TC no 1 demande que les Services paramédicaux de Toronto transportent le plaignant à « CAMH » (le Centre de toxicomanie et de santé mentale), mais le répartiteur du service d’ambulance lui répond qu’ils peuvent seulement transporter des gens aux services d’urgence des hôpitaux. Le TC no 1 dit que plaignant sécrète beaucoup de mucus. La téléphoniste du 9-1-1 du SPT reste en ligne et le TC no 1 lui dit que le plaignant souffre de schizophrénie. Le répartiteur des Services paramédicaux de Toronto dit qu’ils ont du retard et ne pourront pas se rendre à cette adresse avant plusieurs heures.

À 13 h 44, l’AI et l’AT no 1 sont envoyés à la résidence pour rencontrer les ambulanciers paramédicaux.

À 14 h 02, le TC no 1 rappelle le 9-1-1 pour signaler que le plaignant s’est poignardé. Le TC no 1 dit que le service d’incendie est venu à la résidence, mais qu’aucune ambulance n’est encore arrivée. Pendant qu’il est en ligne avec la téléphoniste du 9-1-1, on peut entendre le TC no 1 parler à l’AI et lui dire qu’un homme s’est poignardé à l’estomac.

À 14 h 05, l’AT no 1 dit qu’ils sont avec l’homme et que tout semble en ordre, mais qu’ils vont vérifier si l’homme [le plaignant] est blessé. À 14 h 07, l’AT no 1 dit que le plaignant s’est barricadé dans la cuisine et qu’ils ont besoin de l’aide d’autres agents.

À 14 h 11, l’AT no 1 dit que le plaignant est sorti de la cuisine et se trouve maintenant dans une pièce secondaire. À 14 h 12, d’autres agents annoncent qu’ils sont arrivés à la résidence et, à 14 h 14, l’AT no 1 dit que le plaignant est sous garde.


Résumé des vidéos

[2]

Les vidéos des caméras de sécurité de la résidence et des caméras corporelles des agents fournies à l’UES ont capturé toute la séquence de l’événement qui fait l’objet de l’enquête. Les vidéos de la résidence étaient celles de caméras installées dans la cuisine, dans la salle à manger et dans le couloir à l’extérieur des deux pièces. Ces vidéos n’avaient pas de fonction audio.

Tous les agents sur les lieux étaient équipés de caméras corporelles, avec fonction audio.

À 13 h 48, la caméra de la cuisine a enregistré le TC no 5 qui parle au plaignant à la porte de la cuisine. Le plaignant entre dans la cuisine et semble s’essuyer les yeux. Il porte un chandail à capuche, avec la capuche sur la tête, ce qui empêche de voir son visage. La TC no 5 pointe la porte du doigt pour demander au plaignant de sortir de la cuisine. La TC no 5 sort alors de la cuisine, suivie du plaignant.

Sur la vidéo de la caméra de la salle à manger, on peut voir la TC no 5 parler au plaignant dans la salle à manger. La TC no 5 retourne ensuite dans la cuisine, suivie du plaignant.

À 13 h 53, la TC no 5 est de retour dans la cuisine; le plaignant est debout derrière elle et se balance d’un pied sur l’autre. La TC no 5 verse un café au plaignant et lui fait signe de sortir de la cuisine. Le plaignant se dirige vers la porte de la cuisine puis parle à la TC no 5 depuis le seuil. La TC no 5 fait de nouveau un geste vers la porte de la cuisine, et place sa main sur l’épaule droite du plaignant pour l’encourager à sortir de la cuisine. Elle reprend ensuite son travail dans la cuisine.

À 13 h 55, le plaignant se dirige vers le comptoir de la cuisine, saisit un couteau et, alors que la TC no 5 se retourne, porte le couteau contre son abdomen. La TC no 5 sort en courant de la cuisine.

Le plaignant parle ensuite au TC no 4 qui est debout près de la porte de la cuisine.

À 13 h 57, sur la vidéo de sa caméra corporelle, on peut voir l’AT no 1 arriver avec l’AI devant la porte d’entrée de la résidence. L’AI demande au TC no 1 si le plaignant a un couteau sur lui. Le TC no 1 confirme que le plaignant a un couteau.

À 13 h 58, sur la vidéo de la caméra du couloir, on peut voir le TC no 1 entrer dans le couloir, suivi de l’AI et de l’AT no 1. Le TC no 4 est devant la porte de la cuisine et parle au plaignant.

Alors que l’AI et l’AT no 1 marchent dans le couloir, sur la vidéo de la caméra corporelle de l’AI, on voit le plaignant dire à ce dernier que tout va bien. L’AI dit au plaignant [fn]3[/fn] : « Laisse-nous te parler », puis : « Mais d’abord, montre-moi tes mains ». Le plaignant demande pourquoi il doit montrer ses mains et l’AI lui répond : « Parce que je ne peux pas te laisser faire des bêtises avec un couteau. »

À 13 h 58, sur la vidéo de la caméra de la cuisine, on voit le TC no 1 ouvrir le passe-plat et parler au plaignant. Le plaignant se retourne vers la porte de la cuisine et parle à quelqu’un à la porte. Il agite les mains, comme pour suggérer qu’il est mal à l’aise.

À 13 h 59, sur la vidéo de sa caméra corporelle, on voit l’AI ouvrir la porte de la cuisine, un pulvérisateur de gaz poivré dans la main gauche. L’AI explique au plaignant qu’il ne suffit pas qu’il leur dise qu’il va bien pour qu’ils partent, parce que quelqu’un leur a dit qu’il s’était donné un coup de couteau. L’AI demande au plaignant de montrer son ventre. Le plaignant nie s’être poignardé, tout en écartant légèrement sa veste de quelques centimètres de son abdomen et en agitant les mains comme pour suggérer qu’il n’y a rien de mal avec son abdomen. L’AI dit alors au plaignant : « Écoute mon gars, voilà ce qui va se passer. Tu me montres ton ventre ou bien on t’arrête. C’est ça que tu veux? » Le plaignant demande : « M’arrêter pour quoi? » L’AI répond : « En vertu de la Loi sur la santé mentale. Tu pourrais être un danger pour toi-même, alors tu me montres ton ventre ou je te promets qu’on va t’arrêter. Point final. Je ne peux pas partir; je ne peux pas partir. Qu’arriverait-il si tu te blessais? »

Le plaignant approche lentement de la porte de la cuisine et l’AI, le pulvérisateur de gaz poivré dans la main gauche, le met en garde : « Ne continue pas à avancer vers moi comme ça ou tu vas te faire asperger. Ne continue pas à avancer vers moi comme ça. Je vais t’asperger avec ce pulvérisateur de gaz poivré en plein visage. » Le plaignant recule jusqu’au fond de la cuisine.

Sur la vidéo de sa caméra corporelle, on voit l’AT no 1 dire par radio que tout est en ordre, et qu’ils ne font que vérifier s’il l’homme est blessé.

L’AI demande qui a appelé la police et le TC no 1, qui est dans le couloir à ce moment-là, déclare qu’il l’a fait parce que le plaignant pleurait. L’AI demande au TC no 1 pourquoi il a demandé une ambulance pour quelqu’un qui pleurait. Le TC no 1 explique que le plaignant avait eu une crise émotionnelle, et la TC n° 5 était sortie de la cuisine en courant, en disant que le plaignant s’était poignardé. L’AI demande au plaignant s’il s’est poignardé, mais le plaignant ne répond pas.

À 14 h, sur la vidéo de sa caméra corporelle, on voit l’AI dire à l’AT no 1 : « Je ne vois pas de sang ou quoi que ce soit. Est-il un danger pour lui-même ou pour d’autres personnes? Non. Je veux dire, il est émotionnellement perturbé ». L’AI demande de nouveau au plaignant d’ouvrir sa veste.

L’AI déclare ensuite à l’AT no 1 : « D’après moi, il n’est pas urgent d’entrer. S’il se précipite sur moi, je fermerai la porte. J’ai ça (il montre son pulvérisateur de gaz poivré). S’il se précipite sur moi ou quoi que ce soit, je pourrais l’asperger. » L’AI ajoute qu’il n’a vu aucune arme, mais que cela ne veut pas dire que le plaignant n’en a pas.

Sur la vidéo de la caméra de l’AT no 1, on voit l’AI lui demander si elle est prête et ajouter qu’il faut mettre le plaignant à terre. Il dit : « Nous allons le faire sous la Loi sur la santé mentale, d’accord? » L’AT no 1 demande : « Tu veux que j’essaye de le convaincre de sortir? »

À 14 h 01, l’AT no 1 demande au plaignant comment il s’appelle pour qu’ils puissent parler. Le plaignant s’agite et se dirige vers la porte de la cuisine. L’AI tire la porte pour la fermer. L’AI dit à l’AT no 1 : « On va devoir le mettre à terre et le menotter ».

Sur la vidéo de la caméra de la cuisine, on voit le plaignant s’éloigner de la porte de la cuisine en balayant des percolateurs à café et d’autres objets sur le comptoir de la cuisine sur son passage pour les faire tomber par terre. Ensuite, il glisse et tombe par terre.

À 14 h 02, la porte de la cuisine s’ouvre au moment où le plaignant se relève. Sur la vidéo de la caméra de l’AI, on peut entendre le plaignant crier au moment où il se relève. Le plaignant commence à avancer vers la porte de la cuisine et l’AI dirige un jet de gaz poivré sur son visage. Le plaignant se couvre le visage avec le capuchon de son chandail. Il approche de la porte de la cuisine et parvient à passer son bras gauche dans l’embrasure de la porte au moment où l’AI essaie de la fermer. Le plaignant retire son bras en arrière et la porte se ferme.

L’AT no 1 demande à l’AI s’il veut du renfort; l’AI répond par l’affirmative. L’AT no 1 dit sur sa radio de police que le plaignant s’est barricadé et qu’il est possiblement armé, puisqu’il est dans la cuisine où il y a des couteaux.

Le plaignant s’éloigne de la porte de la cuisine, glisse et tombe à la renverse. Il s’assied par terre et frappe dans ses mains. Sur la vidéo de la caméra de l’AI, on entend le plaignant répéter trois fois ce qui semble être « Jésus ». À 14 h 03, le plaignant se relève une nouvelle fois.

L’AI demande à l’AT no 1 de regarder par la fenêtre de service pour voir si le plaignant se blesse. Croyant qu’il parle de la fenêtre extérieure de la cuisine, l’AT no 1 sort du bâtiment. Sur la vidéo de la caméra de l’AT no 1, on peut voir que la fenêtre extérieure de la cuisine est givrée, ce qui bloque la vue ce qui se passe à l’intérieur. L’AT no 1 frappe à la fenêtre de la cuisine.

L’AI déclare : « D’accord, pour les besoins de cette caméra ici, j’ai dû asperger cette personne de gaz poivré. L’homme avait un comportement agressif, il courait vers moi là-bas, et aussi dans le but de le neutraliser pour l’empêcher de se blesser. J’ai évidemment fermé cette porte. Je ne veux pas qu’il se précipite sur moi avec un couteau. » Sur la caméra de l’AI, on peut entendre le plaignant chanter « Jésus » trois fois.

À 14 h 04, sur la vidéo de la caméra de l’AI, on entend l’AT no 1 frapper à la fenêtre extérieure de la cuisine. On entend le plaignant crier de douleur.

À 14 h 04, sur la vidéo de la caméra de la cuisine, on voit le plaignant, alors debout, saisir de la main droite un couteau sur le comptoir de la cuisine (vraisemblablement le couteau qu’il tenait auparavant). Il se donne quatre coups de couteau au côté droit du cou, puis deux coups au côté gauche. Au deuxième coup de couteau, il met la main gauche au bout du manche du couteau pour l’enfoncer apparemment dans son cou. Il se met ensuite à arpenter la cuisine avec le couteau toujours enfoncé dans le côté gauche du cou.

À 14 h 04 min 59 s, le plaignant saisit un grand couteau sur le comptoir, soulève ses vêtements et s’enfonce le couteau dans le ventre. Il lâche le couteau qui reste enfoncé dans son ventre. Il retire ensuite le couteau de son ventre et le laisse tomber sur le plancher de la cuisine. Il a encore le couteau dans le cou.

L’AT no 1 retourne dans le couloir et, à 14 h 05, on voit l’AI sur sa caméra demander à l’AT no 1 de regarder par le passe-plat si le plaignant se blesse. L’AT no 1 déclare : « Il a l’air d’aller bien pour le moment ».

L’AI déclare à sa caméra : « Juste pour les besoins de la caméra, je n’ai pas envie de sauter là-dedans et de me faire poignarder, ou que nous soyons obligés de faire quelque chose de plus. »

À 14 h 05, la caméra de la cuisine enregistre le plaignant en train de récupérer une canette de soda sur le rebord de la fenêtre de la cuisine. Il ouvre la canette et s’arrose le visage avec le contenu. Il laisse tomber la canette par terre et refait la même chose avec une deuxième canette de soda. On ne sait pas s’il essaye de boire la boisson ou de l’utiliser pour rincer les résidus de gaz poivré sur son visage.

Sur la vidéo de sa caméra, on entend l’AI demander sur le réseau radio de la police si l’AT no 2 est à l’écoute. L’AI demande ensuite à l’AT no 1 de contrôler la porte de la cuisine, car sa radio n’est pas sur le bon canal. On entend alors un bruit de fracas provenant de la cuisine et l’AT no 1 dit que le plaignant est peut-être en train de sortir de la cuisine. Sur la vidéo de la caméra du couloir, on voit alors l’AT no 1 prendre le relais pour maintenir la porte de la cuisine fermée, tandis que l’AI se dirige vers la porte de la salle à manger.

Sur la vidéo de la caméra de la cuisine, on voit le plaignant grimper sur le comptoir de service et se faufiler dans le passe-plat pour aller dans la salle à manger. Sur la vidéo de la caméra de la salle à manger, on peut alors voir le plaignant tomber sur le plancher de la salle à manger. Quand il se relève, le couteau qui était enfoncé dans son cou tombe par terre; il le repousse du pied. La seule autre personne dans la salle à manger à ce moment-là était le TC no 2, qui est assis devant l’ordinateur dans la salle à manger.

Le plaignant s’approche du TC no 2, le saisit doucement par le bras droit et le guide vers la porte de la salle à manger. Il semble se servir du TC no 2 comme bouclier.

À 14 h 06, sur la vidéo de la caméra de l’AI, on voit le TC no 2 et le plaignant contourner la porte ouverte de la salle à manger; le TC no 2 est devant le plaignant qui dit : « Aide-moi ». L’AI dit au plaignant : « Mec, recule, sérieusement ». L’AI pousse alors le TC no 2 pour les forcer, lui et le plaignant, à reculer. Le plaignant lâche le TC no 2. L’AI dit au plaignant : « Mec, recule, tout de suite! » tout en pointant son pulvérisateur de gaz poivré vers lui. Le TC no 2 sort de la salle à manger tandis que le plaignant va vers l’ordinateur et s’assoit derrière le grand écran.

À 14 h 06, l’AI déploie sa matraque télescopique et s’en sert pour dégager un bloc de bois qui avait été placé dans l’embrasure de porte de la salle à manger pour la maintenir. Il rengaine ensuite sa matraque.

L’AI contourne la porte ouverte de la salle à manger et, de la main gauche, pointe son pulvérisateur de gaz poivré vers le plaignant. Le plaignant tire l’écran de l’ordinateur vers lui, comme pour s’en servir de bouclier. L’AI dit au plaignant : « Assez maintenant, sérieusement, mets-toi à terre. Mets-toi à terre ou tu vas encore te faire asperger ».

À 14 h 07, l’AI traîne une table pour s’en servir de barrière entre lui et le plaignant. Le plaignant agrippe alors l’écran de l’ordinateur et se cogne la tête dessus, ce qui le brise.

Sur l’enregistrement de sa caméra, on entend l’AI dire à l’AT no 1 : « Attendons l’arrivée des gars pour le saisir. Tout va bien, inutile de se précipiter ».

Le plaignant se relève et l’AI pointe de nouveau son pulvérisateur de gaz poivré sur lui. Sur l’enregistrement de sa caméra, on entend l’AI dire : « N’avance pas vers moi, monsieur, c’est un comportement agressif, je vais encore t’asperger. » Le plaignant fait des mouvements répétés de piétinement avec son pied droit; il semble très agité et marmonne quelque chose ou chante les paroles d’une chanson. L’AI lui dit de se calmer et le plaignant s’assied de nouveau derrière l’écran de l’ordinateur.

À 14 h 07, l’AT no 2 arrive à la porte de la salle à manger.

L’AI dit à l’AT no 2 : « Il pourrait avoir des couteaux et tout ce qui s’en suit, donc, j’imagine que ça va être une bagarre. Il est assez costaud. L’AI ajoute : “Il faut qu’on le menotte tout de suite, il pourrait être armé d’un couteau.”

À 14 h 08, le plaignant se lève, se dirige vers la télévision fixée au mur tout proche et donne un coup de poing dedans. Il crie deux fois : « Ne blessez pas mes gens ». L’AI dit à l’AT no 2 : ‘Je vais l’asperger à nouveau, c’est un comportement agressif’.

À 14 h 08, l’AT no 4, armé d’un fusil à létalité atténuée, entre dans la salle à manger.

L’AT no 2 demande au plaignant de lever les mains en l’air et lève lui-même les mains pour lui montrer quoi faire. Il dit aussi au plaignant de se retourner et lui montre comment. Le plaignant obéit aux deux ordres.

L’AT no 2 et l’AI s’approchent alors du plaignant et le menottent sans autre incident. À 14 h 09, le plaignant est escorté hors de la salle à manger.

À 14 h 10, on fouille le plaignant à l’extérieur. On retire deux pipes en verre de la poche avant droite de son pantalon.

À 14 h 12, sur la vidéo de la caméra de l’AI, on voit des ambulanciers paramédicaux soulever la chemise du plaignant et dire que le plaignant a une plaie punctiforme à l’abdomen et qu’il a quelque chose sous le cou.

Sur la vidéo de la caméra de l’AT no 1, on voit le TC no 1 lui dire que la nuit précédente, le plaignant avait endommagé la télévision d’un autre résident, mais qu’il avait affirmé être tombé sur la télévision. Le TC no 1 explique que le plaignant souffre de schizophrénie et qu’il est revenu de CAMH trois jours auparavant.

À 14 h 13, sur la vidéo de la caméra de la salle à manger, on voit un résident entrer dans la salle à manger, ramasser un couteau par terre et le placer sur le rebord du passe-plat.
 

Éléments obtenus auprès du service de police

  • Sur demande, l’UES a reçu les documents et éléments suivants entre le 18 et le 28 janvier 2022 :
  • Vidéos du système de surveillance de la résidence obtenus par le SPT;
  • Vidéos des caméras corporelles des agents qui sont intervenus;
  • Rapport des détails de l’événement sur le système de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Liste de témoins civils et copie de l’enregistrement de leurs déclarations;
  • Liste des agents concernés;
  • Notes de tous les agents témoins désignés;
  • Liste d’incidents avec la police impliquant le plaignant.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être résumés brièvement comme suit. Ils ont été enregistrés dans leur intégralité par les caméras corporelles que portaient des agents sur les lieux et par les caméras de vidéosurveillance de la résidence.

Dans l’après-midi du 18 janvier 2022, des agents de police ont été envoyés à une résidence, dans le secteur des rues Bloor et Bathurst, à Toronto, à la suite d’un appel à la police du gérant de l’immeuble – le TC no 1. Cet immeuble était une maison de chambres pour personnes souffrant de troubles de santé mentale et de toxicomanie. Le plaignant, un des résidents, avait agi bizarrement. Son comportement avait attiré l’attention du TC no 1, qui avait appelé le 9-1-1.

L’AI et sa partenaire, l’AT no 1, ont été dépêchés à l’adresse. Peu après leur arrivée sur les lieux, les agents ont appris que le plaignant s’était donné un coup de couteau dans le ventre juste avant leur arrivée. Le plaignant l’avait fait dans la cuisine de la maison de chambres, ce qui avait incité la TC n° 5 à le signaler au TC n° 1.

L’AI et l’AT no 1 sont entrés dans l’immeuble où on les a dirigés vers la cuisine au sous-sol. Ils y ont rencontré le plaignant et lui ont dit qu’ils souhaitaient lui parler et s’assurer qu’il allait bien. Le plaignant leur a dit qu’il n’avait pas besoin de la police et a refusé d’obtempérer quand les agents lui ont demandé de montrer son ventre pour voir s’il était blessé. L’AI lui a dit que la police ne partirait pas avant de s’être assurée qu’il n’était pas blessé. Le plaignant s’est approché de la porte de la cuisine, où se trouvaient les agents, et l’AI l’a averti qu’il allait pulvériser du gaz poivré dans sa direction s’il s’approchait. L’agent a fini par fermer la porte de la cuisine parce que le plaignant s’approchait.

Le plaignant ne s’est pas calmé. Seul dans la cuisine, il a agité les bras et fait tomber des objets qui étaient sur le comptoir. Lorsque l’AI a ouvert la porte de la cuisine, le plaignant a crié et s’est avancé vers lui. L’AI a aspergé le plaignant de gaz poivré, puis est sorti de la cuisine en fermant la porte derrière lui. Encore une fois, seul dans la cuisine, le plaignant a saisi un couteau sur le comptoir et s’est donné quatre coups sur le côté droit du cou, puis deux coups sur le côté gauche. Il a ensuite pris un autre couteau, a soulevé ses vêtements et s’est poignardé à l’abdomen.

Peu après s’être poignardé une deuxième fois à l’abdomen, le plaignant a grimpé par le passe-plat de la cuisine pour entrer dans la salle à manger de l’autre côté de la cloison. L’AI et l’AT no 1 se sont déplacés vers la porte de la salle à manger. Le plaignant s’est approché de la porte et l’AI lui a dit de reculer. L’agent a de nouveau menacé le plaignant d’utiliser son pulvérisateur gaz poivré s’il ne maintenait pas ses distances. Le plaignant a alors détruit un écran d’ordinateur et un écran de télévision dans la salle à manger.
Vers 14 h 08, soit environ six minutes après leur arrivée sur les lieux, l’AI et l’AT no 1 ont été rejoints par l’AT no 4 et l’AT no 2. Les agents sont entrés dans la salle à manger, l’AT no 4 muni d’un fusil à létalité atténuée, et ont ordonné au plaignant de se retourner et de lever les mains en l’air. Le plaignant a obtempéré et a été menotté sans incident par l’AI et l’AT no 2.

Le plaignant a été conduit de là à l’hôpital. Il a été soigné pour des blessures à l’abdomen et au cou.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 18 janvier 2022, le plaignant s’est lui-même infligé des blessures graves . Comme des agents de police avaient été appelés pour s’occuper du plaignant et étaient sur place à ce moment-là, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. Un de ces agents a été identifié en tant qu’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

Le premier devoir d’un agent de police consiste à protéger la vie. Mis au courant de l’état d’esprit perturbé du plaignant à ce moment-là et de la blessure au couteau qu’il s’était infligée, l’AI et l’AT no 1 étaient tenus de se rendre sur les lieux, d’évaluer la situation et de prendre les mesures raisonnables qui pourraient être nécessaires pour empêcher que le plaignant ne se blesse davantage. Très rapidement par la suite, après avoir observé le comportement du plaignant de leurs propres yeux, à mon avis, les agents étaient dans leur droit de chercher à l’appréhender en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

La force utilisée par l’AI, à savoir la décharge de son pulvérisateur de gaz poivré, constituait une force justifiée. Au moment où il l’a fait, l’agent avait des raisons de craindre que le plaignant, qui s’était poignardé plus tôt et était maintenant dans une cuisine où il y avait des couteaux, puisse être armé. Dans les circonstances, il semblerait que le recours au gaz poivré, qui devrait suffisamment neutraliser le plaignant à distance pour procéder à son arrestation en toute sécurité, était une tactique raisonnable.

Outre l’emploi de la force, il reste à établir l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a contribué aux blessures du plaignant dans sa façon de traiter le plaignant pendant la brève confrontation. L’infraction à prendre en considération à cet égard est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, une infraction visée par l’article 221 du Code criminel. Cette infraction correspond aux cas graves de négligence, qui démontrent un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances.

À mon avis, il n’y a pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure raisonnablement que l’AI a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel. La présence sur les lieux de l’agent était légitime tout au long de son interaction avec le plaignant. Il ne pouvait pas quitter la résidence étant donné que le plaignant – une personne instable – avait accès à des couteaux et venait de s’en servir pour se blesser. Bien que le ton sur lequel il a parlé au plaignant n’était peut-être pas des plus cordiales, il est évident que l’AI essayait de ne pas le provoquer indûment. L’agent a gardé ses distances et a finalement décidé d’attendre l’arrivée des renforts avant d’engager physiquement le plaignant. L’AI aurait pu peut-être empêcher le plaignant de se blesser davantage s’il était intervenu plus énergiquement; néanmoins, l’agent craignait à juste titre que le plaignant ait des couteaux. Je ne peux donc pas reprocher à l’AI d’avoir attendu l’arrivée d’autres agents avant d’adopter une tactique plus proactive.

En conséquence, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté illégalement en présence du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 18 mai 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 2) L’horodatage des vidéos de la résidence étaient en avance de cinq minutes sur celui des caméras corporelles des agents. Les heures mentionnées dans ce résumé sont les heures enregistrées sur le système de vidéosurveillance de la résidence, sauf indication contraire. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.