Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFP-403

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur un homme de 39 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 25 novembre 2021, à 17 h 05, le Service de police de Barrie (SPB) a contacté l’UES pour signaler ce qui suit.

Le 25 novembre 2021, à 9 h 45, des agents du SPB sont intervenus pour un appel impliquant un homme – le plaignant – qui s’était barricadé dans sa chambre avec des armes. Il avait attaché un couteau à un long bâton et s’en servait pour menacer les agents de police. Après avoir déployé une arme à impulsions [1] et une arme antiémeute ENfield (ARWEN) [2], les agents sont parvenus à maîtriser le plaignant.

Le plaignant a été arrêté en vertu de la Loi sur la santé mentale et conduit à l’Hôpital Royal Victoria pour une évaluation psychiatrique.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 novembre 2021 à 17 h 54

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 novembre 2021 à 18 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 39 ans, n’a pas consenti à participer à une entrevue


Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 13 janvier 2022.


Agents témoins (AT)

AT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une chambre du 2e étage d’une résidence de la rue Innisfil, à Barrie.

Éléments de preuve matériels

Le 25 novembre 2021, une caméra corporelle portée par un agent de police a filmé la scène et l’interaction des agents avec le plaignant, y compris l’utilisation de l’arme à impulsions et de l’ARWEN. Elle a filmé la pièce où le plaignant s’était barricadé avec des armes, dont un couteau fixé à une perche.

Figure 1 – Projectile d’ARWEN

Figure 1 – Projectile d’ARWEN


Figure 2 - L’ARWEN de l’AI

Figure 2 - L’ARWEN de l’AI


Figure 3 – L’arme à impulsions de l’AT no1

Figure 3 – L’arme à impulsions de l’AT no1


Figure 4 - Le couteau du plaignant au bout d’une perche

Figure 4 - Le couteau du plaignant au bout d’une perche

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]


Enregistrements des communications de la police

Les communications radio du 25 novembre 2021 liées au recours à la force durant l’interaction entre le SPB et le plaignant ont été enregistrées dans deux fichiers.

Dans le premier fichier des transmissions radio, à 9 h 56 min 41 s, la répartitrice diffuse un message indiquant qu’un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] avait appelé plusieurs fois ce jour-là et la veille. Ces appels provenaient d’une ligne téléphonique fixe d’une résidence de la rue Innisfil. La répartitrice ajoute que le plaignant a des antécédents d’armes à feu et d’incendie criminel et demande que des agents de police se rendent à cette adresse.

À 10 h 06 min 46 s, un agent demande par radio à la répartitrice si les appels téléphoniques avaient été reçus via le 9-1-1 ou sur la ligne des appels non urgents. La répartitrice répond que c’était sur la ligne des appels non urgents.

À 10 h 12 min 57 s, la répartitrice annonce que le plaignant vient de rappeler. Un agent dit que personne ne répond à la porte.

À 10 h 16 min 13 s, un autre agent appelle par radio pour demander si la mère du plaignant a un autre numéro de téléphone où on pourrait la joindre. À 10 h 17 min 45 s, la répartitrice répond qu’elle n’a pas réussi à en trouver.

À 10 h 18 min 3 s, un agent dit que le plaignant est dans la maison, mais refuse de venir à la porte ou de leur parler. L’agent ajoute qu’il a essayé d’appeler le numéro de téléphone à plusieurs reprises, et que lui-même et les autres agents allaient prendre des notes et réessayer plus tard de parler avec le plaignant.

Dans le deuxième fichier des transmissions radio, qui commence à 11 h 06 min 24 s, un agent dit à un sergent qu’il va l’appeler pour lui fournir une mise à jour, mais que des agents sont en place près de la résidence de la rue Innisfil.

À 12 h 00 min 9 s, un agent non identifié dit que le plaignant est dans sa chambre avec un arc et une flèche. À 12 h 05 min 6 s, il dit que le plaignant s’est barricadé dans sa chambre avec un arc, une flèche et un couteau attaché à une perche.

A 12 h 25 min 32 s, dans une transmission radio en partie inintelligible, un agent donne une mise à jour en disant que quelqu’un [inaudible] est là avec une ARWEN et une arme à impulsions et essaye de parler au plaignant. Le reste de cette transmission est inintelligible.


Rapport du système de répartition assistée par ordinateur (RAO)

Le 25 novembre 2021, à 9 h 48 min 33 s, le plaignant appelle la ligne des appels non urgents et traite les téléphonistes de « nazis ». À la suite de cet appel, deux agents sont envoyés sur les lieux. Le plaignant rappelle à 10 h 12 min 57 s et crie des injures, et hurle [traduction] « Allez vous faire foutre, terroristes nazis ».

À 10 h 13 min 14 s, l’opératrice note que des agents frappent à la porte du plaignant, mais que ce dernier ne réagit pas. À 10 h 18 min 21 s, la même chose est répétée, et il est noté que le plaignant ne répond aux appels téléphoniques.

À 10 h 18 min 44 s, on contacte la sœur du plaignant. Elle avait porté plainte contre son frère plus tôt dans l’année. Il est aussi noté que le plaignant a appelé la police six fois au cours des deux derniers jours et a traité les téléphonistes de « terroristes nazis ».

À 10 h 23 min 42 s, un message est envoyé indiquant que la sœur du plaignant a confirmé que ce dernier vit avec leur mère. Elle est inquiète pour sa mère parce que le plaignant est violent. Elle ajoute qu’elle a la clé de la maison et que le plaignant se tuerait si sa mère appelait la police. Le plaignant n’a pas d’armes à feu. Il consomme de la marijuana.

Le rapport de RAO indique ensuite qu’à 11 h 05 min 48 s, la sœur du plaignant se rend chez sa mère.

À 11 h 07 min 5 s, deux agents attendent, prêts à intervenir, près de la résidence de la rue Innisfil.

À 11 h 58 min 34 s, un superviseur de la police demande un « 10-3 » [4] et demande que les Services médicaux d’urgence viennent sur les lieux et attendent à proximité.

Le rapport de RAO indique ensuite, à 12 h 05 min 27 s, qu’un agent a commencé à négocier avec le plaignant qui s’est barricadé dans sa chambre avec un arc et une flèche et avec un couteau attaché à une perche. Ces négociations se poursuivent au-delà de 12 h 26. Les agents ont déployé à la fois une ARWEN et une arme à impulsions, sans que cela permette de résoudre la situation.

À 12 h 27 min 52 s, on avise un négociateur de la situation et, à 12 h 40 min 57 s, on avise un inspecteur.

À 12 h 51 min 17 s, deux agents supplémentaires sont dépêchés sur les lieux.

A 13 h 03 min 17 s, l’inspecteur a mis en place un poste de commandement sur le lieu de l’incident.

À 13 h 06 min 35 s, un sergent interroge un autre service de police au sujet d’un incident, survenu dans le territoire de compétence de ce service de police, qui impliquait le plaignant et qui s’était soldé par un incendie.

À 13 h 14 min 22 s, le rapport de RAO note qu’un agent a vu le plaignant à une fenêtre.

À 14 h 04 min 17 s, un agent est chargé de rencontrer la sœur et la mère du plaignant.

À 16 h 07 min 15 s, un agent dit que l’AI et le négociateur poursuivent les pourparlers avec le plaignant, qui est toujours barricadé.

À 16 h 52 min 52 s, le plaignant est sous garde.

A 16 h 55 min 5 s, l’inspecteur demande qu’on sécurise les lieux.

À 17 h 01 min 7 s, le plaignant est placé à l’arrière du véhicule de police du négociateur.

À 17 h 01 min 8 s, un sergent demande qu’un agent se rende à l’hôpital.


Vidéo de la caméra corporelle de l’AI

L’UES a examiné cette vidéo qu’elle a demandée au SPB le 26 novembre 2021 et reçue le 29 novembre 2021. Ce qui suit est un résumé des principaux éléments de cette vidéo.

L’enregistrement commence à 11 h 53 min 8 s et se termine à 16 h 43 min 52 s

À 11 h 53 min 30 s, l’AT no 1 parle à la mère et à la sœur du plaignant. Le plaignant s’est barricadé dans sa chambre et refuse d’obéir aux ordres de la police de sortir.

À 11 h 57 min 30 s, l’AT no 2 utilise un bélier pour forcer la porte de la chambre. On peut voir le plaignant qui tient un couteau attaché à une perche. À 12 h 00, on ordonne au plaignant de lâcher son arme – il refuse.

L’AI dit au plaignant de se détendre et de lâcher doucement l’arme. Il ajoute que la police ne lui veut aucun mal et qu’on va l’emmener chez un médecin pour son propre bien-être.

Le plaignant dit aux agents qu’ils sont des tueurs d’enfants, des meurtriers et des nazis, et qu’ils vont le tuer. Il refuse d’obtempérer à l’ordre de la police de lâcher l’arme et de sortir de la pièce. Il agite le couteau attaché à une perche et le pointe en direction des agents du SPB.

À 12 h 10 min 32 s, l’AT no 1 décharge une arme à impulsions en mode sonde, en visant le bas du côté droit du torse du plaignant, juste sous le sternum. La décharge dure 10 s (de 12 h 10 min 32 s à 12 h 10 min 42 s).

À 12 h 13 min 50 s, l’AI décharge son ARWEN.

À 12 h 19 min 5 s, l’AI demande au plaignant s’il est blessé et s’il a besoin d’ambulanciers paramédicaux. Le plaignant répond par la négative aux deux questions.

À 12 h 39 min 5 s, le plaignant répète à plusieurs reprises traduction] : « Vous allez devoir me tuer, je suis prêt à mourir. » Les agents parlent au plaignant en essayant de le calmer et prennent des dispositions pour qu’il parle à sa mère. Le plaignant ignore les demandes répétées de sa mère de coopérer avec la police et de lâcher la perche avec le couteau.

À 13 h 34 min 4 s, le plaignant dit aux agents [traduction] : « Vous devriez déposer votre arme à feu ». On lui demande s’il a une arme à feu et il répond [traduction] : « Peut-être ». Les agents continuent de parler avec le plaignant.

À 16 h 43 min 42 s, le plaignant se rend à la police.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPB a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 26 novembre 2021 et le 10 mars 2022 :
  • Enregistrements des communications;
  • Rapport sur les détails de l’événement;
  • Liste des personnes concernées;
  • Rapport d’admission;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Entretien du SPB avec la mère du plaignant;
  • Vidéo de la caméra corporelle de l’AI;
  • Procédure – arrestation;
  • Procédure – maladie mentale, troubles émotionnels et troubles du développement.
  • Procédure – utilisation de la force;
  • Procédure – commandement en cas d’incident majeur et négociation en situation de crise.

Description de l’incident

Le scénario suivant a été établi à partir des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont une entrevue avec l’AI et l’examen de la vidéo d’une caméra corporelle de la police qui a enregistré une grande partie de l’incident en question.

Dans la matinée du 25 novembre 2021, une équipe d’agents, dont l’AI – un membre de l’unité de soutien tactique du SPB – s’est regroupée à proximité de la résidence du plaignant située rue Innisfil, à Barrie. Selon les renseignements dont ils disposaient, le plaignant était en détresse mentale et s’était enfermé dans sa chambre, dans cette résidence, avec des armes à sa disposition.

À l’aide d’une clé fournie par la famille, les agents sont entrés dans la résidence pour appréhender le plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale. L’AI était armé d’une ARWEN. L’AT no 1 était équipé d’une arme à impulsions et d’un bouclier. L’AT no 2 avait un bélier. L’AT no 3 et un autre agent étaient aussi présents.

Une fois dans la résidence, l’équipe s’est rendue au deuxième étage où l’AT no 2 a utilisé le bélier pour enfoncer la moitié supérieure de la porte de la chambre que le plaignant refusait d’ouvrir. Le plaignant s’est réfugié dans un placard, situé au bout du mur dans lequel se trouvait la porte. Le plaignant avait avec lui un couteau fixé au bout d’une perche, un arc et une flèche.

Le plaignant était furieux que les agents aient défoncé sa porte. Il les a traités de nazis, de tueurs d’enfants et de meurtriers, et leur a dit qu’il n’avait nullement l’intention de se rendre sous leur garde. Le plaignant croyait qu’ils étaient là pour le tuer et le leur a dit.

Depuis le seuil de la porte brisée, l’AI a expliqué au plaignant que les agents n’étaient pas là pour lui faire du tort et qu’ils avaient enfoncé la porte parce qu’ils étaient inquiets pour sa sécurité et voulaient lui parler. L’agent a ajouté que la police avait l’intention de l’emmener pour le faire examiner par un médecin.

Vers 12 h 10, le plaignant est sorti de son placard et a grimpé sur son lit pour récupérer une bouteille d’eau qui se trouvait de l’autre côté de la pièce. Au moment où le plaignant grimpait sur le lit, l’AT no 1 s’est positionné près de la porte et a déchargé son arme à impulsions dans sa direction. Le plaignant a crié de douleur et est tombé sur le lit, puis par terre. Il semblait neutralisé, mais seulement temporairement – apparemment, une ou plusieurs des sondes de l’arme à impulsions s’étaient détachées quand il a roulé par terre. Le plaignant est parvenu à se ressaisir et s’est de nouveau réfugié dans le placard. Il était encore plus furieux qu’avant, accusant les agents d’avoir tiré sur lui alors qu’ils lui avaient promis de ne pas le faire.

Environ trois minutes après la décharge de l’arme à impulsions, alors que par moments, le plaignant sortait partiellement du placard, l’AI a tiré sur lui avec son ARWEN à trois reprises. Peu après, alors que le plaignant ressortait partiellement du placard, le côté gauche du corps exposé, l’AI a tiré une quatrième fois avec son ARWEN. Le projectile semble avoir alors atteint le plaignant en haut et à gauche de la poitrine, près de l’épaule. Le plaignant s’est une fois de plus réfugié dans le placard. L’agent, croyant avoir frappé le plaignant, lui a demandé s’il était blessé et s’il voulait une ambulance. Le plaignant a répondu qu’il n’avait pas besoin d’une ambulance.

Au cours des quatre heures et demie suivantes, avec l’aide d’un autre négociateur arrivé entre-temps sur les lieux, les agents ont continué à parler au plaignant pour tenter de le convaincre d’abandonner ses armes et de se rendre. Le plaignant s’est finalement calmé et s’est rendu vers 16 h 43. Il a été menotté sans incident et emmené à l’hôpital pour y être examiné.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 25 novembre 2021, le SPB a contacté l’UES pour signaler qu’un de ses agents avait déchargé un fusil à létalité atténuée sur un homme – le plaignant – au cours de son arrestation plus tôt dans la journée. L’UES a ouvert une enquête et a identifié l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec la décharge de son ARWEN.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi.

Au moment des événements en question, le plaignant n’était apparemment pas sain d’esprit et semblait présenter un danger pour lui-même et pour autrui. Dans les jours qui avaient précédé l’incident, il avait appelé la ligne des appels non urgents du SPB à plusieurs reprises pour crier après les téléphonistes et accuser la police d’être « nazie ». L’AT no 3 s’était rendu à la résidence du plaignant pour lui parler de son comportement. Il n’avait pas réussi à joindre le plaignant qui était dans la maison, mais il était parvenu à parler avec sa sœur au téléphone. La sœur du plaignant s’était déclarée inquiète pour la sécurité de sa mère et avait mentionné que le plaignant avait agressé leur mère dans le passé. Refusant de parler avec l’AT no 3, le plaignant s’était barricadé dans sa chambre, avec des meubles contre la porte, et s’était armé de plusieurs armes blanches. Au vu de ce qui précède, je suis convaincu que l’appréhension du plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale était légale.

Je suis en outre convaincu du caractère légal de la force utilisée par les agents, notamment des multiples décharges d’ARWEN par l’AI. Le plaignant était très agité quand il a vu les agents à la porte de sa chambre. Il était furieux qu’ils aient forcé la porte immédiatement à leur arrivée devant sa chambre. Les agents ne sont pas parvenus à l’apaiser pendant la majeure partie des premières étapes de la confrontation. Ils avaient une raison précise d’être inquiets pour le bien-être du plaignant et donc de vouloir forcer la porte le plus tôt possible. Par la suite, étant donné que l’AI était confronté à un homme en possession d’un arc avec une flèche et d’un couteau fixé à l’extrémité d’une perche qu’il brandissait de temps à autre dans la direction des agents, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement que l’AI ait agi trop précipitamment en tirant sur le plaignant avec son ARWEN. À ce moment-là, il était clair qu’avancer vers le plaignant pour tenter de le maîtriser corps à corps exposerait les agents à un risque de lésions corporelles graves et de mort. L’ARWEN ne présentait pas le même risque, car si elle s’avérait efficace, elle permettrait d’immobiliser temporairement le plaignant à distance et en toute sécurité. Il s’avère que ni les trois premiers projectiles tirés par l’AI (dont aucun ne semble avoir touché le plaignant) ni le dernier (qui semble avoir atteint le plaignant) n’ont été efficaces. La confrontation s’est poursuivie pendant plusieurs heures. Il convient de noter que le plaignant n’a pas été gravement blessé à la suite des décharges de l’ARWEN.

En dernière analyse, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit conduit autrement que légalement à l’égard du plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 24 mars 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Une arme à impulsions est un dispositif qui produit des impulsions électriques. Il s’agit d’une option de recours à la force à létalité atténuée. [Retour au texte]
  • 2) Une ARWEN constitue une option de recours à la force à létalité atténuée. [Retour au texte]
  • 3) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 4) Un 10-3 est généralement diffusé pour alerter les autres utilisateurs de la fréquence radio de cesser leurs émissions et libérer le canal en cas d’urgence. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.