Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-382

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par une femme de 43 ans (plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 novembre 2021, à 11 h 30, le Service de police de Barrie a avisé l’UES de la blessure subie par la plaignante.

Le Service de police de Barrie a signalé que, le 9 novembre 2021, à 9 h 44, il avait reçu un appel demandant de venir en aide aux ambulanciers se trouvant à une résidence dans le secteur de l’avenue Mapleton et d’Essa Road. Le premier agent arrivé sur les lieux, soit l’agent témoin (AT) no 1, portait une caméra d’intervention. L’AT no 1 a demandé des renforts, et d’autres agents ainsi que des membres de l’escouade tactique se sont rendus sur place. Une femme [plaignante] a été arrêtée. Elle s’est plainte de douleur à une cheville et elle a été conduite à l’Hôpital Royal Victoria, pour un examen médical.

À 13 h 15, le Service de police de Barrie a communiqué de nouveau avec l’UES pour signaler qu’une fracture de la cheville gauche avait été diagnostiquée chez la plaignante et qu’elle était gardée à l’hôpital en vertu de la Loi sur la santé mentale.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 9 novembre 2021, à 14 h 5

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 10 novembre 2021, à 9 h 43

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 43 ans, n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

L’AT no 1 a participé à une entrevue le 24 novembre 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

Les enquêteurs de l’UES ne se sont pas rendus sur les lieux et ils n’ont pas procédé à une évaluation judiciaire.

La résidence à proximité de l’avenue Mapleton et d’Essa Road était une maison unifamiliale à deux étages. La route menant à la résidence était revêtue et était suffisamment large pour une voie de circulation dans chaque direction. Le terrain avant se rendait jusqu’à la route, sans trottoir ni piste d’aucune sorte, à part une bordure de rue, communément appelée chaîne de trottoir. Une intersection dotée de feux de circulation se trouvait à proximité.

La voiture de police de l’AT no 1 était stationnée sur la route, en face d’une résidence voisine de celle en cause.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

L’UES a obtenu des enregistrements audio et vidéo pertinents, dont les détails figurent ci-dessous.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1

Demandé le 10 novembre 2021 et reçu au registre central de l’UES le 19 novembre 2021, l’enregistrement de la caméra d’intervention commençait à 10 h 29 et se terminait à 11 h 3, il était en couleur et il comprenait le son. Voici un résumé des images captées.

L’AT no 1 est arrivé sur les lieux et une ambulance était stationnée devant la résidence. À 10 h 30, l’AT no 1 s’est approché de la maison en allant à la rencontre d’une femme (TC no 1). L’AT no 1 a mentionné que les ambulanciers lui avaient dit que la mère de la TC no 1 [maintenant identifiée comme la plaignante] était partie se promener. La TC no 1 a signalé qu’elle ne savait pas où se trouvait la plaignante, mais elle a laissé entendre qu’elle était peut être dans la maison ou dans l’arrière-cour.

La TC no 1 est entrée pendant que l’AT no 1 et un ambulancier attendaient sur le bord du palier avant. La porte d’entrée est restée ouverte et on entendait la TC no 1 parler à quelqu’un d’autre à l’intérieur avant qu’elle dise à l’AT no 1 que la plaignante se trouvait dans l’arrière-cour.

La TC no 1 est ressortie et a dit à l’AT no 1 que la plaignante [Traduction] « paniquait » et que, quand elle s’adressait à elle, celle-ci l’ignorait et faisait comme si elle n’était pas là. Elle a signalé à l’AT no 1 que la plaignante était allée à l’hôpital la veille mais était ressortie en disant qu’elle n’avait pas besoin d’être là. La TC no 1 ne savait pas si la plaignante prenait des médicaments.

À 10 h 31, l’AT no 1 et l’ambulancier sont allés ensemble dans l’arrière-cour en passant par la porte de côté. La plaignante était assise sur les marches d’une terrasse avec une femme (TC no 2). L’AT no 1 a demandé à la plaignante comment elle allait, mais celle-ci ne lui a pas répondu. Elle n’est pas entrée en contact visuel avec lui et elle a ignoré sa présence. Elle a par contre parlé à la TC no 2. Elle a dit vouloir aller chercher de l’eau dans la maison, puis elle s’est levée et s’est dirigée vers la porte-fenêtre coulissante donnant accès à la maison. L'AT no 1 a demandé à la plaignante de discuter avec lui, pendant que la TC no 2 tenait la main droite de celle-ci, l’empêchant ainsi d’entrer dans la maison. À 10 h 32, l’AT no 1 s’est adossé à la porte-fenêtre et il a dit à la plaignante qu’elle n’avait pas besoin d’entrer dans la maison. La plaignante a répondu à l’AT no 1 qu’elle n’était pas obligée de faire quoi que ce soit et elle lui a dit de la laisser tranquille. Elle lui a ensuite tourné le dos et s’est mise à discuter avec le TC no 2. L’AT no 1 a essayé d’engager la conversation avec la plaignante et lui a posé des questions sur sa visite à l’hôpital de la veille, mais cette dernière n’a rien répondu.

À 10 h 33, l’AT no 1 a dit à la plaignante qu’elle devait retourner à l’hôpital pour aller voir un médecin. La plaignante a refusé de répondre à l’AT no 1 et a tenté à deux autres reprises de le dépasser pour entrer dans la maison. Elle a attrapé la main de la TC no 2 en l’éloignant de la terrasse pour l’emmener plus loin dans l’arrière-cour. La plaignante s’est délibérément dirigée vers une porte de côté dans la clôture, en entraînant la TC no 2 avec elle, la tenant toujours par la main. La TC no 2 a résisté. L’AT no 1 a alors envoyé un message radio pour demander qu’un autre agent vienne le rejoindre.

À 10 h 34, la plaignante est sortie de l’arrière-cour pour se rendre sur le trottoir de la route adjacente. Elle continuait de tenir la main de la TC no 2 et l’entraînait ainsi avec elle. Elle a marché sur le trottoir jusqu’à ce que la TC no 2 réussisse à la faire arrêter. L’AT no 1 a dit [Traduction] « ça suffit » et il a attrapé la plaignante par le bras gauche pour l’approcher de lui. Celle-ci s’est écartée, a tourné sur elle-même et a réussi à libérer son bras de la prise de l’AT no 1, puis s’est mise à proférer des jurons. L’AT no 1 a alors attrapé les deux bras de la plaignante et l’a fait tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, ce qui l’a fait tomber sur le trottoir. Il a continué à la tenir et à tenter de la maîtriser. La plaignante s’est mise à genoux et, tournant le dos à l’AT no 1, elle a tenté de se mettre debout. L’AT no 1 a poussé sur le dos de la plaignante pour la plaquer au sol, sur le ventre. L’ambulancier s’est agenouillé sur le sol, près du haut du corps de la plaignante, et a placé la main au milieu de son dos. La TC no 2 se tenait en face de l’ambulancier, tandis qu’un autre homme s’agenouillait près de la tête de la plaignante. L’AT no 1 a dit à la plaignante d’arrêter de résister et a ajouté qu’ils voulaient seulement l’aider, puis il a envoyé un message radio pour dire [Traduction] « Tout va bien. »

À 10 h 35, l’AT no 1 a ramené la main gauche de la plaignante derrière son dos et il lui a passé une menotte au poignet gauche. Elle avait le bras droit sous le tronc et l’AT no 1 a demandé à l’ambulancier de lui sortir le bras. Ce dernier a dégagé le bras droit de la plaignante, qui était sous son corps, pour le placer derrière son dos, ce qui a permis à l’AT no 1 de lui menotter le poignet droit. Il a ordonné à la plaignante de ne pas lui donner de coups de pied, il l’a tournée sur le dos et l’a aidée à se relever avant de l’amener jusqu’à sa voiture de police. La plaignante a marché avec l’AT no 1 d’un bon pas, sans aucune difficulté et sans donner l’impression de boîter.

À 10 h 36, l’AT no 1 a tendu le bras vers la portière arrière du côté passager de sa voiture de police et, à deux reprises, il a dit à la plaignante de s’immobiliser avant de la ramener vers lui en la tirant par le bras droit. Il a ajouté qu’il n’avait pas l’impression qu’elle comprenait dans quelle situation elle se trouvait et qu’elle ne devait pas essayer de tirer un policier. L’AT no 1 a ouvert la portière arrière avec sa main droite, pendant qu’il tenait la plaignante avec sa main gauche. Il lui a ordonné de s’asseoir, mais la plaignante n'a fait aucun mouvement pour entrer. L’AT no 1 a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de répéter et qu’elle devait entrer dans la voiture.

À 10 h 37, l’AT no 1 a attrapé les deux bras de la plaignante et l’a poussée en lui disant à maintes reprises de s’asseoir dans le véhicule. Il lui a intimé de ne pas toucher à son arme à impulsions, il l’a fait tourner dans le sens des aiguilles d’une montre et il l’a forcée à s’asseoir dans la voiture de police. Une fois assise, la plaignante est demeurée face à l’AT no 1, les pieds hors du véhicule. L’AT no 1 a mis la main sur le genou droit de la plaignante et lui a ordonné de ne pas lui donner de coups de pied.

Un membre de l’escouade tactique [maintenant identifié comme l’AI no 2] a pris la jambe droite de la plaignante et lui a ordonné de placer ses pieds à l’intérieur du véhicule. L’AT no 1 s’est ensuite reculé et l’AI no 2 a attrapé les deux jambes de la plaignante ainsi que ses pieds pour les pousser dans la voiture. L’AI no 2 a essayé de lui entrer les jambes et les pieds dans la voiture, mais la plaignante a résisté en se raidissant les jambes et en ressortant les pieds. Un homme a dit à la plaignante de remettre ses pieds dans le véhicule pour éviter d’être blessée. L’AI no 2 a ordonné à la plaignante d’arrêter et a ajouté qu’ils allaient l’emmener avec eux et qu’elle pouvait elle-même entrer les jambes dans la voiture, sinon ils allaient lui faire mal en la forçant. Un homme a dit à la plaignante qu’elle devait coopérer, sinon elle allait être blessée et que personne ne voulait en arriver là.

À 10 h 38, l’AI no 2 a réussi à pousser le pied et la jambe gauches de la plaignante pour la faire entrer dans la voiture de police et un autre membre de l’escouade tactique a demandé à l’AI no 2 de reculer. Un troisième membre de l’escouade tactique [maintenant identifié comme l’AI no 3] s’est alors approché de la portière. La plaignante était assise avec la jambe gauche à l’intérieur du véhicule et la jambe droite tendue dehors, avec le pied appuyé contre la portière ouverte. À l’aide de son pied gauche, l’AI no 3 a donné quatre coups de pied sur la jambe droite de la plaignante, puis il s’est incliné vers la plaignante et lui a attrapé les jambes avec ses mains. Il a lutté avec elle et elle a tendu les deux jambes hors du véhicule. Alors, l’AI no 3 les lui a attrapées. L’AI no 3 a ensuite reculé et un autre membre de l’escouade tactique [maintenant identifié comme l’AI no 1] est aussi intervenu. La plaignante avait alors les deux jambes à l’extérieur de la voiture de police. L’AI no 1 s’est penché vers l’intérieur de la voiture. La voix d’un agent hors du champ de la caméra a demandé à l’AI no 1 : [Traduction] « Besoin d’un déploiement en mode contact? » Un agent de l’escouade tactique était debout, du côté extérieur de la portière, lorsque la plaignante l’a ouverte en poussant avec son pied. Elle avait un pied appuyé contre la portière. L’AI no 1 s’est penché à l’intérieur du véhicule et a semblé tenir les jambes de la plaignante. Il a tiré dessus, les a levées, puis les a redescendues. Cela a eu pour effet de relâcher la pression sur la portière, et l’agent de l’escouade tactique derrière la portière a pu la refermer légèrement.

À 10 h 39, la plaignante était étendue sur le dos sur la banquette arrière, dans le compartiment de prisonnier, les jambes tendues hors de la voiture. L’AI no 1 a reculé et il tenait la jambe gauche de la plaignante avec ses deux mains. Un autre membre de l’escouade tactique s’est penché vers l’intérieur, a attrapé le pied gauche de la plaignante, l’a fait bouger et s’est aperçu qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec sa cheville. Un homme a voulu savoir ce qui n’allait pas avec son pied, puis a demandé à la plaignante ce qu’elle s’était fait à la cheville. L’AT no 1, qui se trouvait derrière la portière ouverte, a indiqué que la plaignante ne voulait parler à personne et qu’elle n’avait cessé de tenter de lui échapper. L’AI no 1 a demandé aux ’ambulanciers de prêter assistance à la plaignante et un ambulancier s’est alors approché. Un agent de l’escouade tactique lui a dit qu’il croyait que la plaignante avait frappé son pied trop fort sur la portière. L’ambulancier a pris le pied de la plaignante et a indiqué qu’elle avait une luxation. Lorsque l’ambulancier s’est éloigné, la plaignante s’est assise, avec les pieds au sol. Elle n’a rien dit. Elle a regardé par terre et s’est penchée vers l’avant. Les agents lui ont ordonné de ne pas se lever.

À 10 h 41, un agent de l’escouade tactique s’est penché vers l’intérieur du véhicule et a attrapé les jambes de la plaignante. Il s’est promptement redressé et a ordonné à la plaignante de cesser de lutter. Celle-ci a ensuite été sortie de la voiture de police par deux ambulanciers et quelques agents. Elle a alors été installée sur une civière. Elle avait toujours les mains menottées derrière le dos.

À 10 h 42, pendant que la plaignante était en train d’être attachée à la civière, le son a été coupé sur l’enregistrement de la caméra d’intervention.

À 10 h 43, la plaignante a été emmenée jusqu’à l’ambulance sur la civière. Les agents de l’escouade tactique et les TC nos 1 et 2 ainsi qu’un homme étaient debout dans l’entrée de cour.

À 10 h 46, le véhicule d’un superviseur de la police est arrivé. L’AT no 1 et un autre agent ont discuté avec le superviseur [présumément l’AT no 2].

À 10 h 49, l’AT no 1 est entré dans l’ambulance. Le son de la caméra d’intervention a été réactivé et on a entendu l’AT no 1 dire que la plaignante avait une luxation de la cheville, qui s’était [Traduction] « déboîtée d’un coup » et était peut être fracturée.

À 10 h 51, l’AT no 1 s’est éloigné vers l’arrière de l’ambulance, pour rejoindre la plaignante et, à 11 h 3, l’ambulance est arrivée à l’hôpital.

Enregistrements des communications de la police et rapport du système de répartition assisté par ordinateur

Les enregistrements des communications de la police ont été demandés le 10 novembre 2021 et ont été reçus au registre central de l’UES le 29 novembre 2021. Le rapport du système de répartition assisté par ordinateur a quant à lui été demandé le 10 novembre 2021 et reçu au registre central le 12 novembre 2021.

Les enregistrements des communications du 9 novembre 2021 ont été divulgués sous la forme de 142 pistes avec des indications individuelles de la date et de l’heure, de 9 h 44 à 15 h 30. Le rapport du système de répartition assisté par ordinateur résumait le contenu des enregistrements.

Voici le résumé des enregistrements audio des communications de la police.

À 9 h 44, le centre de communication des ambulances a appelé le centre de communication du Service de police de Barrie afin de demander l’assistance de la police pour une patiente [maintenant identifiée comme la plaignante], qui refusait de sortir de chez elle pour subir un examen médical. La téléphoniste de la police a indiqué dans le rapport du système de répartition assisté par ordinateur que l’appel original demandant une ambulance avait été fait parce que la plaignante avait de la difficulté à respirer. La répartitrice de la police a signalé qu’il n’y avait aucun agent disponible.

À 10 h 2, une téléphoniste du Service de police de Barrie a rappelé le centre de communication des ambulances et a appris que la plaignante refusait toujours de sortir de chez elle. À 10 h 10, la répartitrice de la police a encore mentionné qu’aucun agent n’était disponible.

À 10 h 12, la répartitrice de la police a donné l’adresse à la radio et les ambulanciers ont demandé la police parce que la patiente refusait de sortir de chez elle.

À 10 h 20, une note a été ajoutée au rapport du système de répartition assisté par ordinateur. Elle mentionnait que la plaignante essayait de fuir la résidence et, à 10 h 21, la répartitrice de la police a transmis l’information à l’AT no 1.

À 10 h 22, l’AT no 1 est arrivé sur les lieux et, six minutes plus tard, il a demandé à la répartitrice de faire une vérification sur la plaignante dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne. La répartitrice a répondu qu’il n’y avait [Traduction] « rien à signaler » sur la plaignante dans la base de données. L’AT no 1 a mentionné que la plaignante était allée se promener jusque chez les voisins et qu’il irait voir comment elle allait.

À 10 h 33, l’AT no 1 a demandé calmement à la radio : [Traduction] « Pourrais-je avoir une autre unité? » On entendait des bruissements en arrière-plan. La répartitrice a demandé qu’une unité réponde. Deux unités ont été dépêchées, mais elles ne se trouvaient pas à proximité.

À 10 h 34, il y a eu une communication par radio qui n’était pas claire. Il a semblé que la téléphoniste avait demandé à une équipe de l’escouade tactique d’aller sur les lieux, car elle savait que les membres étaient dans le secteur. L’agent appelé a demandé l’adresse de la résidence et a répondu qu’ils étaient en route.

À 10 h 35, en réponse à une transmission par radio incompréhensible, la répartitrice a répondu qu’elle n’avait encore personne d’autre sur les lieux avec l’AT no 1. On a ensuite entendu l’AT no 1, semblant à bout de souffle, dire à la radio : [Traduction] « Elle a été arrêtée. » La répartitrice a demandé qu’une autre unité se rende sur les lieux.

À 10 h 37, un homme a dit que tout allait bien et, à 10 h 39, un homme a demandé qu’un agent avec une voiture de police comprenant un compartiment de prisonnier complètement grillagé se rende sur place. La répartitrice a demandé une unité semblable, mais le même homme a dit à la répartitrice de laisser tomber, car la plaignante allait être transportée en ambulance.

À 10 h 51, un homme a annoncé que l’AI no 2 allait conduire la voiture de police de l’AT no 1 jusqu’à l’Hôpital Royal Victoria, et la répartitrice a noté cette information dans le rapport du système de répartition assisté par ordinateur.

À 10 h 53, l’AT no 2 a signalé à la répartitrice que l’AT no 1 se rendait à l’ l’Hôpital Royal Victoria à bord de l’ambulance et que lui-même se rendait aussi à l’hôpital. Il a demandé qu’un autre agent rejoigne l’ambulance à l’hôpital.

Le rapport du système de répartition assisté par ordinateur indique qu’à 11 h 10, l’UES avait été avisée.

Le rapport signale aussi qu’à 13 h 20, la plaignante avait été admise à l’hôpital, où elle était gardée en vertu de la Loi sur la santé mentale.

À 14 h 11, l’AT no 1 a signalé à la radio que la plaignante [Traduction] « venait de recevoir une décharge d’arme à impulsions et qu’elle allait avoir des accusations portées contre elle pour voies de fait contre des agents de police et autres méfaits. » La répartitrice a ajouté une note à ce sujet dans le rapport du système de répartition assisté par ordinateur.

Enregistrement de communications entre la police et les services d’ambulance

L’enregistrement a été demandé le 10 novembre 2021 et reçu au registre central de l’UES le 29 novembre 2021.

Le 9 novembre 2021, le Service de police de Barrie a enregistré un appel téléphonique provenant du Georgian Central Ambulance Communications Centre. À 9 h 43, le centre de communication a appelé la police pour de l’assistance à la résidence de la plaignante. Les ambulanciers qui se trouvaient là avaient signalé qu’une femme de 42 ans [maintenant identifiée comme la plaignante] refusait de sortir de la maison pour subir un examen médical portant sur ses difficultés respiratoires. Le téléphoniste des services ambulanciers ne savait pas si quelqu’un d’autre se trouvait dans la résidence.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Barrie :
  • le rapport des détails de l’événement;
  • les notes des AT;
  • la liste de témoins des agents;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1;
  • les enregistrements des communications de la police;
  • la procédure relative aux arrestations;
  • la procédure relative à la santé mentale;
  • la procédure relative aux personnes émotionnellement perturbées ou ayant une déficience intellectuelle;
  • la procédure relative à l’utilisation de la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • le rapport d’appel d’ambulance des services ambulanciers de Simcoe.

Description de l’incident

Le déroulement des événements suivant ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, notamment une entrevue avec un agent ayant participé à l’arrestation de la plaignante, soit l’AT no 1. L’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1, ayant capté les images d’une bonne partie des événements, a aussi été utile pour l’enquête. Les agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir leurs notes relatives à l’incident, comme la loi les y autorise.

Dans la matinée du 9 novembre 2021, l’AT no 1 est arrivé à la résidence de la plaignante à Barrie pour aller prêter main-forte aux ambulanciers sur place. Ceux-ci avaient été appelés par un membre de la famille de la plaignante, qui se préoccupait du bien être de cette dernière. La plaignante refusait de coopérer avec les ambulanciers, ce qui les a amenés à appeler la police. L’AT no 1 a discuté avec la fille de la plaignante, qui a confirmé les craintes de la famille au sujet de la plaignante et il a indiqué que celle-ci se trouvait dans l’arrière-cour.

La plaignante était assise sur la terrasse arrière, en compagnie d’une connaissance, lorsque l’AT no 1 et un ambulancier ont pénétré dans l’arrière-cour en passant par une porte sur le côté. L’agent a tenté d’engager la conversation avec elle, mais ne lui répondait pas. À un certain stade, la plaignante a voulu entrer dans la maison en passant par la porte-fenêtre coulissante, mais l’agent et l’amie de la plaignante l’ont empêchée. La plaignante est alors sortie de l’arrière-cour, en entraînant son amie avec elle sur le trottoir longeant la route adjacente à sa résidence.

L'AT no 1 a suivi la plaignante sur le trottoir et lui a attrapé les bras. Celle-ci a tenté de se dégager et a fini par être plaquée au sol par l’agent. L’AT no 1 l’a placée sur le ventre et, avec l’aide de l’ambulancier, il lui a menotté les mains derrière le dos.

Après l’arrestation de la plaignante, l’AT no 1 l’a escortée jusqu’à la voiture de police sur une courte distance dans l’intention de l’installer sur la banquette arrière, du côté passager. La plaignante a résisté. Même si l’agent a réussi à l’asseoir à l’arrière, il était incapable de lui faire entrer les pieds et les jambes à l’intérieur du véhicule. Elle avait toujours les jambes tendues hors du véhicule lorsque les AI nos 1, 2 et 3 sont venus prêter assistance.

Les AI nos 1, 2 et 3, membres de l’escouade tactique du Service de police de Barrie, avaient répondu à une demande de renfort urgente diffusée à la radio [2]. L’AI no 2 a été le premier à se mêler à la lutte avec la plaignante. Il a attrapé les jambes de celle-ci et a tenté de les faire entrer dans la voiture de police, avec un succès mitigé. L’AI no 3 a tenté à son tour de maîtriser la plaignante. Une fois la jambe gauche de cette dernière dans le véhicle, l’AI no 3 a, avec son pied gauche, donné un coup de pied sur la jambe et le pied droits de la plaignante, qui étaient tendus hors du véhicule. L’AI no 1 a aussi lutté avec la plaignante pour la forcer à entrer complètement dans la voiture de police. C’est lui qui a remarqué que la cheville gauche de la plaignante avait l’air déformée. Les agents ont alors lâché la plaignante.

Avec l’aide des agents, les ambulanciers ont sorti la plaignante de la voiture de police, après quoi elle a été installée sur une civière et placée dans l’ambulance, puis transportée à l’hôpital.

La plaignante a reçu un diagnostic de fracture de la cheville gauche.

Dispositions législatives pertinentes

L'article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
d) elle s’infligera des lésions corporelles graves
e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
f) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Le paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

La plaignante a été grièvement blessée durant son arrestation effectuée par des agents du Service de police de Barrie le 9 novembre 2021. Les trois agents, soit les AI nos 1, 2 et 3, ont été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués ont commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure de la plaignante.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

J’ai la conviction que l’AT no 1 était habilité par la loi à faire ce qu’il dit avoir voulu faire, soit notamment, arrêter la plaignante en vertu de la Loi sur la santé mentale. Compte tenu de l’information obtenue à la suite de l’appel au 911 fait par la famille de la plaignante, d’une conversation à la résidence avec la fille de la plaignante (qui a exprimé ses préoccupations à l’égard de la santé mentale de sa mère) et de ce qu’il avait constaté par lui-même en tentant d’engager la conversation avec la plaignante dans l’arrière-cour, l’agent avait, à mon avis, des motifs suffisants pour justifier une arrestation en vertu de l’article 17 de la loi.

J’estime également que la force exercée contre la plaignante n’a pas dépassé l’usage d’une force légalement justifiée. Pour ce qui est de l’AT no 1, les éléments de preuve indiquent que l’agent a plaqué la plaignante au sol lorsqu’elle lui a résisté quand il a tenté de la mettre sous garde. La tactique employée par l’agent semble avoir été raisonnable pour vaincre la résistance de la plaignante et la mettre sous garde rapidement, vu qu’il se trouvait alors avec elle sur le bord d’une route et qu’une lutte prolongée risquait de les amener sur la route. Il ne m’est pas possible de conclure raisonnablement que la force employée par la suite par les agents impliqués, notamment leurs tentatives de maîtriser les membres de la plaignante pour la faire entrer dans une voiture de police, était excessive. La plaignante refusait obstinément d’entrer ses jambes dans la voiture de police et il était justifié que les agents prennent les mesures nécessaires pour vaincre sa résistance. Le seul moment où une force vigoureuse a été exercée contre la plaignante est quand l’AI no 2 lui a donné plusieurs coups de pied sur la jambe droite. Au stade où ces coups ont été donnés, les agents avaient déjà tenté depuis un bon moment de vaincre la résistance de la plaignante, mais sans succès, et il semble donc que l’augmentation de la force exercée ait été une suite logique proportionnelle à la situation. Il importe de signaler que ces coups de pied n’ont pas été d’une force excessive et qu’ils ne sont pas à l’origine de la blessure de la plaignante.

En définitive, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les agents qui ont lutté avec la plaignante durant son arrestation ont agi de manière illégale et il n’y a donc aucun motif de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 9 mars 2022


Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

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