Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OVI-317

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 27 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 septembre 2021, à 7 h 07 du matin, le Service de police de Chatham-Kent (SPCK) a contacté l’UES et signalé ce qui suit.

La nuit précédente, vers 0 h 30, le SPCK a reçu un appel signalant une invasion de domicile à Shrewsbury. En route vers le lieu de l’appel, un agent du SPCK a repéré un véhicule qui roulait en sens inverse. L’agent du SPCK a fait demi-tour dans le but d’arrêter le véhicule. Après avoir fait demi-tour, l’agent pouvait voir les feux arrière du véhicule devant lui et a cru que le véhicule s’était arrêté pour lui. Quand il s’est approché, il a constaté que le véhicule avait roulé dans le fossé. Le conducteur avait pris la fuite à pied. Deux passagères étaient toujours dans le véhicule et ont été transportées à l’hôpital Alliance Chatham-Kent pour la santé pour des blessures dont on ignorait alors la nature.

À 7 h 53, le SPCK a ajouté qu’une des passagères devait être opérée pour une blessure à la hanche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 septembre 2021 à 8 h 15

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 septembre 2021 à 10 h 45
 
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (la « plaignante ») :

Femme de 27 ans, a participé à une entrevue

La plaignante a participé à une entrevue le 24 septembre 2021.

Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas consenti à participer à une entrevue
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue les 23 et 30 septembre 2021.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 27 et le 29 septembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite sur Kent Bridge Road (route régionale 15), entre Highway 3 et Ridge Line (route régionale 19). Kent Bridge Road est une route rurale droite à deux voies.


Figure 1 – Le lieu de la collision

Schéma des lieux

Éléments de preuves médicolégaux

Itinéraire – Données du système de positionnement global (GPS)

Le 24 septembre 2021, le SPCK a remis à l’UES des données GPS du véhicule de police que conduisait l’AI. Les données avaient déjà été tracées et aucune donnée brute n’a été fournie. [1] Un enquêteur de l’UES a examiné les données à l’aide de Google Maps. L’AI a parcouru environ 5,19 kilomètres depuis l’endroit où il a fait demi-tour sur Kent Bridge Road, près de Talbot Trail. On peut voir sur Google Earth qu’il s’agit d’une route droite en zone rurale peu habitée.

Rapport du spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES

Le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a présenté les conclusions suivantes :
  • Au moment de la collision, la chaussée était mouillée. Il pleuvait et il faisait nuit.
  • L’accident s’est produit sur Kent Bridge Road (route régionale 15) entre Highway 3 et Ridge Line (route régionale 19).
  • Une Ford Fusion roulait vers le nord près du 20096 Kent Bridge Road. À environ 900 mètres au sud de Ridge Line, elle a fait un écart sur la droite et a roulé en partie sur l’accotement de gravier du côté est, sur environ 100 mètres. [Ceci correspond aux renseignements selon lesquels le conducteur de la Ford Fusion s’était légèrement déplacé sur la droite lorsqu’une ambulance l’a croisé en sens inverse.]
  • La Ford Fusion est retournée sur la chaussée et a parcouru environ 72 mètres quand le conducteur a perdu le contrôle. Bien qu’aucune trace de pneu n’ait été laissée sur la chaussée parce qu’il pleuvait, la Ford Fusion a pivoté (probablement dans le sens des aiguilles d’une montre, résultat du coup de volant trop brusque du conducteur quand la Ford est revenue de l’accotement en gravier à la chaussée goudronnée).
  • La Ford Fusion a ensuite viré brusquement vers l’est, traversé l’accotement de gravier, puis a continué sur le côté sur la pelouse mouillée du 20113 Kent Bridge Road, laissant des « sillons » tracés par ses pneus dans le sol sur environ 32 mètres.
  • La Ford Fusion a ensuite fait une embardée sur le côté, puis un tonneau. Après avoir glissé et roulé, elle s’est immobilisée sur son toit, à environ 50 mètres au nord-est de l’endroit où elle avait quitté la route.
  • La Ford Fusion présentait des dommages correspondant au tonneau; elle n’avait pas d’autre dommage.
  • La Ford Fusion n’a subi aucun dommage qui indiquerait qu’elle soit entrée en contact avec un autre véhicule lors de cette collision.
  • L’AI a immobilisé son véhicule de police sur la route, à peu près à la hauteur de la Ford. Le véhicule de police est resté à cet endroit pendant l’enquête sur les lieux de l’UES.
  • L’UES et le SPCK ont examiné et photographié le véhicule de police de l’AI. Il ne présentait aucun dommage.
  • D’après les données GPS de son véhicule de police, l’AI se dirigeait vers le sud sur Kent Bridge Road à grande vitesse (il répondait à un appel radio prioritaire), a fait demi-tour dans le secteur de Kent Bridge Road et Highway 3, puis a roulé vers le nord à grande vitesse pour tenter de « rattraper » la Ford Fusion.
  • Les indices matériels sur les lieux concordaient avec le fait que l’accident impliquait un seul véhicule automobile – la Ford Fusion dont la plaignante était passagère.
  • Les indices matériels sur les lieux, de même que les autres éléments de preuve recueillis et examinés au cours de l’enquête, montraient que le véhicule de police conduit par l’AI n’a pas été directement impliqué dans la collision et qu’il n’y a eu aucun contact entre ce véhicule de police et la Ford Fusion avant ou pendant la collision.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications du 9-1-1

Le 23 septembre 2021, à 0 h 30, une femme appelle le 9-1-1. Elle est affolée et pleure, et on peut entendre ce qui ressemble au bris de meubles en arrière-plan. La femme déclare qu’ils essaient de la tuer et qu’ils sont entrés de force dans son appartement. On entend une voix masculine en arrière-plan. La femme déclare que les suspects l’ont frappée à la tête.

La femme est parvenue à forcer la plaignante et les autres suspects à sortir de son appartement, mais n’a pas identifié les autres suspects. Quand la femme l’a fait sortir de force de l’appartement, la plaignante lui a dit qu’elle allait chercher un fusil de chasse dans le coffre de son véhicule.


Enregistrements des communications – Service de répartition

L’AT no 1 accuse réception d’un appel pour des troubles dans une résidence de Blenheim – le domicile de l’appelante au 9-1-1. On peut entendre une voix masculine en arrière-plan. On demande à l’AI d’intervenir et il dit qu’il connaît cette résidence.

Le répartiteur dit que la suspecte [maintenant connue pour être la plaignante] s’est enfuie de la résidence et qu’elle a un fusil de chasse dans le coffre de son véhicule. L’appelante au 9-1-1 est peut-être intoxiquée, car elle est difficile à comprendre. L’AI accuse réception de l’appel. Il ne parvient pas à ouvrir une session sur son terminal de données mobile. L’appel entre l’appelante au 9-1-1 et le préposé à l’appel est interrompu.

L’AT no 2 dit qu’il n’y a aucun véhicule sur les lieux et que les suspects ont peut-être pris la fuite.

L’AI annonce par radio qu’il a repéré le véhicule qui s’est éloigné de lui en accélérant vers le nord sur Kent Bridge Road. L’AI annonce qu’il lance une poursuite. On peut entendre la sirène de son véhicule. L’AI dit qu’il roule vers le nord sur Kent Bridge Road.

L’AT no 3 demande la raison de la poursuite et l’AI déclare que c’est à cause de l’appel pour troubles au 9-1-1 et de la présence possible d’une arme à feu dans le véhicule.

L’AT no 2 annonce qu’il y a du grabuge dans l’appartement et que personne ne répond à la porte.

L’AI annonce qu’il arrive à Ridge Line. Le répartiteur lui demande les vitesses impliquées. L’AI déclare que le véhicule suspect s’est immobilisé et qu’un suspect s’enfuit en courant. L’AI demande qu’on envoie les services médicaux d’urgence (SMU) au sud de Ridge Line. L’AT no 3 demande si quelqu’un est plus près.

L’AT no 2 dit qu’il entend quelqu’un pleurer dans l’appartement et qu’il va défoncer la porte. L’AT no 1 demande si elle doit se rendre à Ridge Line et on lui répond par l’affirmative.

L’AI déclare qu’il y a deux femmes [maintenant connues comme étant la plaignante et la TC no 1], dont la plaignante.

L’AT no 3 dit qu’il a de gros problèmes avec sa radio.

L’AT no 1 annonce qu’on peut arrêter la plaignante pour voies de fait causant des lésions corporelles.

L’AI déclare que la plaignante a une blessure à la hanche. L’AI ajoute qu’un suspect s’est enfui à pied vers l’est et qu’il s’agissait d’une collision de véhicule à moteur.

Le répartiteur demande à l’AI s’il sait qui a pris la fuite et s’il a besoin d’une unité canine.

Le numéro d’immatriculation du véhicule en cause est indiqué. Le répartiteur annonce que la plaque correspond à une Ford argentée et précise le nom du propriétaire enregistré.

Les transmissions qui suivent portent sur l’envoi de l’unité canine et sur la demande de l’envoi d’une unité au domicile du propriétaire enregistré du véhicule.

Vitesses

Les renseignements provenant de la répartition assistée par ordinateur et des données GPS associées au véhicule du SPCK que conduisait l’AI ont établi ce qui suit.

L’AI a commencé à se diriger vers la résidence à 0 h 33 et a atteint une vitesse maximale de 168 km/h à 0 h 35.

L’AI a ralenti à 25 km/h vers 0 h 39 lorsqu’il a annoncé qu’il venait de voir le véhicule suspect se diriger vers le nord sur Kent Bridge Road.

Vers 0 h 39 min 39 s, l’AI a annoncé que le véhicule avait accéléré pour s’éloigner de lui et qu’il se lançait à sa poursuite. Il a mentionné la possibilité qu’un suspect ait une arme à feu dans le véhicule comme motif de la poursuite.

Après avoir fait demi-tour à 0 h 39, l’AI a atteint initialement 166 km/h, puis a roulé à environ 157 km/h pendant deux minutes quand il a annoncé que le véhicule en fuite s’était arrêté à 0 h 41, à quel point il a demandé les SMU.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPCK a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 24 septembre et le 26 octobre 2021 :
  • Enregistrements des communications;
  • Photographies;
  • Rapport de chronologie de l’événement – système de répartition assisté par ordinateur;
  • Notes de terrain de reconstitution de la collision – AT no 4 ;
  • Données téléchargées de récupération de données d’accident – Ford Fusion
  • Données téléchargées de récupération de données d’accident – véhicule de police;
  • Rapport général d’incident;
  • Rapport de données GPS pour le véhicule de police de l’AI;
  • Notes de l’AI;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Téléchargement de données de véhicule de police;
  • Déclaration de l’AI;
  • Rapport d’événement supplémentaire – synopsis d’accusation;
  • Déposition de l’AT no 1;
  • Déposition de l’AT no 2;
  • Déclaration écrite de l’AT no 3.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme il en avait le droit. Il a toutefois fait une déclaration écrite et autorisé la communication de ses notes.

Dans la nuit du 22 au 23 septembre 2021, vers 0 h 30, une femme a appelé le 9-1-1 pour signaler une invasion de son domicile à Blenheim. L’appelante a identifié la plaignante comme faisant peut-être partie des intrus. Des agents ont été envoyés sur les lieux.

Alors qu’il se rendait sur les lieux et roulait vers le sud sur Kent Bridge Road, l’AI a remarqué un véhicule – une Ford Fusion argentée – qui approchait en sens inverse, s’arrêter dans le secteur de Talbot Trail. À ce moment-là, on avait dit aux agents qui se rendaient sur les lieux de l’appel que les intrus s’étaient enfuis dans un véhicule contenant une arme à feu. L’AI est arrivé à la hauteur de la Ford qui a alors repris sa route en accélérant vers le nord. L’AI a fait demi-tour et a poursuivi la Ford sur Kent Bridge Road.

Quelques minutes plus tard, à environ un kilomètre au sud de Ridge Line, une ambulance, gyrophares et sirène allumés, approchait de la Ford en sens inverse. Au moment où l’ambulance l’a croisé, le conducteur de la Ford a fait un léger écart vers l’accotement en gravier à l’est de la chaussée, puis est retourné sur la chaussée et a perdu le contrôle de son véhicule. La Ford a glissé vers le côté est de la route, a fait deux tonneaux et s’est immobilisée sur son toit à côté d’une rangée d’arbres sur le terrain du 20113 Kent Bridge Road. Un homme est rapidement sorti de l’épave et s’est enfui vers l’est.

L’AI, qui était à environ quatre longueurs de voiture de la Ford au moment de l’accident, a immobilisé son véhicule de police sur la chaussée près du lieu de l’accident. Il s’est approché pour venir en aide aux personnes qui étaient dans le véhicule – la plaignante et la TC no 1 – et a demandé une ambulance par radio.

Bien que ni la plaignante ni la TC no 1 n’aient coopéré avec l’UES, l’enquête suggère que la plaignante a subi une luxation de la hanche dans l’accident et qu’elle a peut-être subi une intervention chirurgicale.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite causant des lésions corporelles

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.
(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.
(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.

Paragraphe 128(13), Code de la route – Véhicules de police et excès de vitesse

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :
(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Le 23 septembre 2021, la plaignante a apparemment subi une blessure grave lors d’un accident de la route à Blenheim. Comme, à ce moment-là, le véhicule dont elle était passagère était poursuivi par un agent du SPCK, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’agent en question a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’accident et la blessure de la plaignante.

L’infraction à prendre en considération est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, une infraction visée par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. En l’espèce, il faut déterminer si l’AI, dans la manière dont il poursuivait la Ford, a causé l’accident ou y a contribué, et s’il a fait preuve d’un manque de prudence suffisamment flagrant pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AI était dans l’exercice légal de ses fonctions lorsqu’il a décidé de poursuivre la Ford. À ce moment-là, il savait que les auteurs de l’invasion de domicile avaient pris la fuite vers l’est dans un véhicule. Dans les circonstances, quand le conducteur de la Ford, après s’être initialement arrêté, a décidé d’accélérer pour s’éloigner de l’AI, ce dernier avait des motifs de croire que le conducteur et les passagers du véhicule étaient les personnes qui venaient de s’enfuir des lieux du crime.

Quant à la manière dont l’agent s’est comporté pendant la poursuite, je suis convaincu que l’AI a fait preuve de diligence et de respect pour la sécurité publique tout au long de la poursuite. La seule véritable question est sa vitesse, qui a atteint 166 km/h au cours de la poursuite qui a duré environ deux minutes sur une distance de cinq kilomètres. Cette vitesse dépassait largement la limite de vitesse de 50 km/h en vigueur à cet endroit. D’autre part, l’AI avait activé ses gyrophares et sa sirène, sur une route rectiligne en bon état où la circulation était très faible. Il était également un agent dans l’exercice légal de ses fonctions et donc exempté des limites de vitesse en vertu de l’alinéa 128 (13)b) du Code de la route. Même si cette disposition n’accorde pas aux agents la liberté de rouler aussi vite qu’ils le souhaitent sans égard à la sécurité publique, il s’agit d’un facteur important dans l’analyse du caractère raisonnable, particulièrement dans un cas comme celui-ci, où l’agent intervenait dans une affaire impliquant une infraction criminelle très grave. Enfin, rien ne prouve que la vitesse de l’agent ait mis directement en péril d’autres usagers de la route. Je suis donc convaincu, selon la prépondérance des éléments de preuve, que l’AI n’a pas transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel.

En dernière analyse, en l’absence de motif raisonnable de croire que l’AI se soit conduit autrement que légalement tout au long de sa brève poursuite de la Ford Fusion, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles en l’espèce. Le dossier est donc clos.


Date : 20 janvier 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le service de police n’avait pas de lecteur qu’il pourrait partager à l’externe. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.