Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-238

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur des blessures graves subies par un homme de 28 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 juillet 2021, à 20 h10, le Service de police régional de Peel a avisé l’UES des blessures du plaignant.

Le Service de police régional de Peel a signalé que, le 30 juillet 2021, à 16 h 17, un agent de son service avait été dépêché à la suite d’un appel concernant un homme [maintenant identifié comme le plaignant] qui se trouvait dans le secteur de l’autoroute 403 et de la rue Hurontario à Mississauga. L’agent a trouvé le plaignant sur la route. Il a déployé son arme à impulsions, qui est restée sans effet sur le plaignant. Ce dernier a traversé l’autoroute 403 en courant et il a été heurté par un véhicule qui circulait en direction est. Le premier véhicule a ensuite été percuté par un deuxième.

Le plaignant a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé, où il a reçu un traitement pour ses blessures. Des fractures du nez, des côtes et d’une épaule ont été diagnostiquées.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 30 juillet 2021 à 20 h 15

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 30 juillet 2021 à 20 h 44

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 28 ans; a refusé de coopérer à l’enquête


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 3 août 2021 et le 25 octobre 2021.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 25 octobre 2021.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

L’AT no 1 a participé à une entrevue le 31 juillet 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

Le 30 juillet 2021, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux, sur l’autoroute 403, au viaduc de la rue Hurontario, à Mississauga, pour entreprendre une enquête.

Ils sont arrivés à 22 h 25. Les lieux avaient été correctement sécurisés, puisque la voie réservée aux véhicules multioccupants et la voie no 1 en direction est près du viaduc de la rue Hurontario avaient été fermées. L’autoroute 403 est une autoroute à quatre voies comptant une voie réservée aux véhicules multioccupants dans ce secteur.

Deux véhicules se trouvaient à l’intérieur de la zone sécurisée.

Le premier était une BMW 330I argentée de 2005, qui était orientée vers l’est à environ 50 mètres à l’est du viaduc de la rue Hurontario. Le pare-brise était considérablement endommagé et il y avait aussi des dommages résultant de la collision à l’arrière du véhicule.


Figure 1 - La BMW avec des dommages importants au pare-brise



Figure 2 - Les dommages à l’arrière de la BMW

Le deuxième véhicule était une voiture Acura TLX noire de 2015. Ce véhicule était orienté vers l’est, dans la voie réservée aux véhicules multioccupants en direction est, à environ 40 mètres derrière le premier véhicule se trouvant près du viaduc. Ce véhicule avait subi des dommages à l’avant résultant de la collision.


Figure 3 - Dommages à l’avant de la voiture Acura

On a retrouvé à proximité deux chaussures de la même marque. L’un d’eux se trouvait dans la voie réservée aux véhicules multioccupants en direction est et l’autre, dans la voie réservée aux véhicules multioccupants en direction ouest, de l’autre côté du muret de béton. À l’est des chaussures et du deuxième véhicule, il y avait un bandana rouge avec des filins d’arme à impulsions à proximité et une zone tachée présumément de sang.

À 22 h 55, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont installé un tachéomètre électronique et, à 23 h 45, ils ont pris les mesures des lieux.

Le 31 juillet 2021, à 0 h 5, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont libéré les lieux et les véhicules pour le Service de police régional de Peel.

À 0 h 30, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires sont arrivés au lieu où s’était produite la première interaction entre la police et le plaignant et ont observé la voiture de police en cause, sécurisée et gardée par un agent du Service de police régional de Peel.

Le troisième véhicule était une Ford Explorer. Il s’agissait d’une voiture de police identifiée au nom du Service de police régional de Peel. La voiture était stationnée sur la rue Hurontario, près de la bretelle de sortie de l’autoroute 403 en direction est. Le moteur était éteint et les feux d’urgence aussi. Cette voiture ne comportait aucun élément de preuve utile pour l’enquête. Les enquêteurs ont inspecté le sol à partir de l’arrière de la voiture de police jusqu’à la zone près de l’autoroute et n’ont rien trouvé pouvant contribuer à l’enquête. À 0 h 45, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont libéré la voiture du Service de police régional de Peel et sont partis.

À 1 h 0, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires sont arrivés au poste de la division 12 du Service de police régional de Peel, au 4600 Dixie Road, à Mississauga. À 1 h 4, ils ont reçu des éléments de preuve utiles pour l’enquête, notamment un couteau de poche argenté et une arme à impulsion X26 contenant deux cartouches, dont une avait été déployée. Les enquêteurs ont photographié le couteau, puis ont téléchargé les données de l’arme à impulsions.

À 1 h 21, les enquêteurs ont fait un essai de l’arme à impulsions d’une durée de dix secondes. À 1 h 22, ils ont téléchargé un rapport de l’historique des données à un ordinateur portatif. Les heures de l’ordinateur portatif et du téléphone cellulaire remis concordaient.

À 1 h 29, les enquêteurs ont rendu l’arme à impulsions avec la cartouche inutilisée et le couteau au Service de police régional de Peel et ils ont prélevé une cartouche d’arme à impulsions déployée. Un reçu d’équipement de police a été remis. À 1 h 45, les enquêteurs sont partis du poste du Service de police régional de Peel.


Schéma des lieux


Éléments de preuve matériels

Le 30 juillet 2021, à 23 h 50, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont prélevé un échantillon de sang par écouvillonnage et ont recueilli des filins d’armes à impulsions sur les lieux.

Le 31 juillet 2021, à 1 h 29, ils ont collecté une cartouche d’arme à impulsions déployée.

Les enquêteurs ont également photographié comme éléments de preuve plusieurs objets qui avaient été marqués par la Police provinciale de l’Ontario pour les besoins de leur enquête, notamment quatre glaces d’automobile, la semelle intérieure d’une chaussure, une chaussure pour pied droit, une chaussette, une chaussure pour pied gauche et un bandana.

Éléments de preuves médicolégaux

Données téléchargées à partir d’une arme à impulsions

Les données téléchargées à partir d’une arme à impulsion ont permis de déterminer ce qui suit :

Le 30 juillet 2021, à 16 h 15 min 41 s, l’arme à impulsions à été armée par l’AI [1]. Elle contenait deux cartouches non utilisées. À 16 h 15 min 55 s, l’AI a appuyé sur la gâchette de l’arme à impulsions et la première cartouche a été déployée pendant cinq secondes. À 16 h 16 min 7 s, l’AI a appuyé sur la gâchette de l’arme à impulsions pendant une seconde, et la deuxième cartouche a alors enregistré une « défaillance de senseur » pendant cinq secondes. L’AI a ensuite désarmé son arme à impulsions à 16 h 16 min 38 s.

Les données téléchargées indiquaient que la première cartouche avait été déployée et qu’il y avait eu une défaillance de senseur pour la deuxième.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Appels au 911

Appel au 911 du TC no 3
À 16 h 17, un agent à la retraite, soit le TC no 3, au volant d’une Toyota Camry argentée, a appelé la police. Il a indiqué qu’il se trouvait du côté est de la route 10 (rue Hurontario), près du viaduc de l’autoroute 403. Le TC no 3 avait observé une interaction entre un homme [maintenant identifié comme le plaignant] et un agent du Service de police régional de Peel [maintenant identifié comme l’AI]. Le TC no 3 a signalé au centre de répartition que l’AI avait besoin de renforts dans le secteur de la rue Hurontario et de l’autoroute 403, à la bretelle de sortie en direction est. La voiture de l’AI était sur la route, et l’AI avait de la difficulté avec le plaignant. Il s’était bagarré avec ce dernier et il avait déployé (ou semblé déployer) son arme à impulsions. Le plaignant a été décrit comme un adulte dans la trentaine. Il portait un chandail orangé et un pantalon foncé. Pendant qu’il parlait au centre de répartition, le TC no 3 a perdu de vue l’AI et le plaignant.

Appel au 911 du TC no 4
Une femme s’étant identifiée comme le TC no 4 a appelé le 911 et a demandé la police. Elle a signalé au centre de répartition qu’elle avait été témoin d’un incident sur l’autoroute 403, près de la rue Hurontario. Le TC no 4 avait vu un agent du Service de police régional de Peel [maintenant identifié comme l’AI] poursuivre un homme [maintenant identifié comme le plaignant] sur l’autoroute 403, près du viaduc de la rue Hurontario. Le plaignant avait été heurté par une voiture pendant qu’il tentait de traverser l’autoroute 403. Le TC no 4 a décrit le plaignant comme un homme noir portant un chandail jaune et un pantalon noir.

Enregistrements des communications

Les enregistrements ont été faits le 30 juillet 2021.

À 16 h 15, l’AI a indiqué au centre de répartition qu’il était à la bretelle de sortie de l’autoroute 403 menant à la rue Hurontario et qu’il s’occupait d’un mendiant, soit le plaignant.

À 16 h 15, l’AI a demandé des renforts pour venir à bout du plaignant. L’AT no 2 a alors été envoyé là où se trouvait l’AI.

À 16 h 16, l’AI a indiqué qu’il avait déployé son arme à impulsions contre le plaignant. Celui-ci s’était enfui vers le nord, sur la rue Hurontario.

À 16 h 17, l’AI a signalé que le plaignant traversait l’autoroute 403 en courant et, peu après, il a indiqué que le plaignant avait été heurté par un véhicule.

À 16 h 18, l’AI a demandé une ambulance. Le plaignant se trouvait au muret de béton du centre, sur la voie réservée aux véhicules multioccupants de l’autoroute 403, près du viaduc de la rue Hurontario.

À 16 h 18, le centre de répartition a demandé à tous les agents du Service de police régional de Peel d’aller prêter main-forte à l’AI. D’après ce qu’on savait, le plaignant se serait bagarré avec l’AI et il aurait reçu une décharge d’arme à impulsions. Il respirait et il était conscient. Il semblait que le plaignant tentait de se relever pendant que l’AI lui ordonnait de rester au sol.

À 16 h 20, quelqu’un a annoncé que l’AI allait bien et que l’AT no 1 de la division 12 était sur les lieux.

À 16 h 24, le centre de répartition a signalé que le plaignant était sous garde et il a demandé que d’autres agents du Service de police régional de Peel se rendent sur les lieux pour s’occuper de la circulation sur les voies en direction est de l’autoroute 403.

À 16 h 25, le centre de répartition a mentionné qu’un véhicule avait heurté le plaignant pendant qu’il traversait la route en courant. Deux femmes [maintenant identifiées comme le TC no 1 et le TC no 2] occupaient ce véhicule. L’AI poursuivait le plaignant à pied avant l’accident.

À 16 h 25 min, on a annoncé que le plaignant était dans une ambulance. L’AI a été désigné comme l’agent du Service de police régional de Peel en cause dans l’incident. L’AT no 1 a indiqué que la voiture de police de l’AI devait être verrouillée et laissée sur les lieux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants, que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Peel :
• les notes de l’AI et des AT;
• le dossier de la police – personne concernée;
• les rapports audio des communications;
• la politique relative à la santé mentale du Service de police régional de Peel;
• la directive relative aux interventions en cas d’incident du Service de police régional de Peel;
• la directive relative aux enquêtes criminelles du Service de police régional de Peel;
• le rapport général du Service de police régional de Peel;
• le rapport de collision de véhicule automobile du Service de police régional de Peel;
• le rapport des détails de l’incident du Service de police régional de Peel;
• le rapport d’incident supplémentaire du Service de police régional de Peel;
• la liste des témoins du Service de police régional de Peel;
• la déclaration du TC no 1 au Service de police régional de Peel;
• les chronologies des événements du Service de police régional de Peel (x2).

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort du poids des éléments de preuve réunis par l’UES, notamment des entrevues avec l’AI et plusieurs témoins civils des événements en question.

Dans l’après-midi du 30 juillet 2021, l’AI était dans sa voiture de police sur la bretelle de sortie en direction est de l’autoroute 403 menant à la rue Hurontario lorsque le plaignant a attiré son attention. Celui-ci descendait la bretelle à pied en passant d’une voiture à l’autre pour mendier de l’argent et il cognait de manière agressive sur la glace des automobilistes qui refusaient de lui en donner. L’agent s’est rangé sur l’accotement des voies en direction sud de la rue Hurontario, juste au sud de la bretelle, il est sorti de son véhicule et s’est approché du plaignant, en lui ordonnant de cesser ce qu’il faisait. Celui-ci a proféré des jurons à l’intention de l’AI, tout en continuant de longer la file de véhicules.

Le plaignant a continué de s’éloigner de l’agent après s’être fait dire qu’il était en état d’arrestation pour sollicitation agressive. Il a refusé de se retourner et de s’étendre au sol. Rendu un peu plus loin sur la bretelle, le plaignant s’est retourné pour confronter l’AI et s’est mis à l’injurier. L’AI a sorti son arme à impulsions et l’a pointée en direction du plaignant. Celui-ci s’est rapproché de l’agent et l’AI a alors déployé son arme à impulsions. Le plaignant a hurlé et a arraché les filins des sondes, après quoi il s’est mis à courir en retournant vers la bretelle dans la direction de la rue Hurontario.

L’AI a poursuivi le plaignant lorsque celui-ci a changé de direction pour aller vers le nord sur la rue Hurontario. Le plaignant a enjambé un muret de béton au nord de la bretelle d’entrée de l’autoroute 403 en direction est pour se retrouver sur le remblai menant aux voies en direction est de l’autoroute. L’agent a descendu le remblai à sa suite en lui répétant de s’arrêter, mais il a vu le plaignant s’élancer pour traverser des voies de circulation avec des véhicules en mouvement.

Les automobilistes en direction est approchant du viaduc de la rue Hurontario ont dû faire des manœuvres d’évitement pour ne pas percuter le plaignant. Lorsqu’il est arrivé dans la voie réservée aux véhicules multioccupants, à l’est du viaduc, le plaignant a été percuté par un véhicule et projeté dans les airs. Il s’est retrouvé sur l’accotement du côté nord des voies en direction est, puis il s’est relevé et a avancé de quelques mètres vers l’est avant de s’immobiliser au sol, sur le terre-plein central de l’autoroute.

L’AI avait vu le plaignant se faire percuter par le véhicule. Il a traversé les voies en direction est de l’autoroute, il est parvenu au plaignant et il a envoyé un message radio pour faire venir une ambulance.

Le plaignant a été transporté en ambulance du lieu de l’accident jusqu’à l’hôpital et de multiples fractures ont été diagnostiquées.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Articles 2 et 6, Loi sur la sécurité dans les rues – Arrestation sans mandat pour sollicitation agressive


2. (1) La définition qui suit s’applique au présent article.

«agressive» Qui inquiétera vraisemblablement une personne raisonnable quant à sa sécurité. 

(2) Nul ne doit faire de la sollicitation agressive.

(3) Sans préjudice de la portée du paragraphe (1) ou (2), la personne qui se livre à une ou plusieurs des activités suivantes est réputée faire de la sollicitation agressive pour l’application du présent article :

1. Par des mots, des gestes ou autrement, menacer la personne sollicitée de lui faire mal, pendant la sollicitation ou après qu’elle a répondu ou n’a pas répondu à la sollicitation.
2. Bloquer le passage à la personne sollicitée pendant la sollicitation ou après qu’elle a répondu ou n’a pas répondu à la sollicitation.
3. Proférer des paroles injurieuses pendant la sollicitation ou après que la personne sollicitée a répondu ou n’a pas répondu à la sollicitation.
4. Suivre, côtoyer ou devancer la personne sollicitée pendant la sollicitation ou après qu’elle a répondu ou n’a pas répondu à la sollicitation.
5. Faire de la sollicitation tout en étant sous l’effet de l’alcool ou de la drogue.
6. Continuer de solliciter une personne d’une façon persistante après qu’elle a répondu par la négative à la sollicitation.  

6. L’agent de police qui croit, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables, qu’une personne a contrevenu à l’article 2, 3 ou 4 peut l’arrêter sans mandat si, selon le cas :

a) avant la prétendue contravention à l’article 2, 3 ou 4, l’agent de police a ordonné à la personne de ne pas se livrer à des activités qui contreviennent à cet article;
b) l’agent de police croit, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables, qu’il est nécessaire d’arrêter la personne sans mandat afin d’établir son identité ou de l’empêcher de continuer ou de répéter la contravention.  

Analyse et décision du directeur

Le 30 juillet 2021, le plaignant a été heurté et grièvement blessé par un véhicule lorsqu’il a traversé les voies en direction est de l’autoroute 403, à Mississauga. Quelques instants à peine avant la collision, l’AI avait tenté d’arrêter le plaignant. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, dans laquelle l’AI a été désigné comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Le plaignant s’est montré agressif envers les automobilistes qui refusaient de lui donner de l’argent, ce qui a amené l’un d’eux à se plaindre à l’AI lorsque celui-ci s’est rangé sur le bord de la bretelle de sortie de l’autoroute 403 menant à la rue Hurontario. Lorsque l’agent lui a ordonné de cesser de se comporter de la sorte, le plaignant a ignoré l’agent et a continué de solliciter de manière agressive de l’argent auprès des automobilistes le long de la bretelle. Dans les circonstances, j’estime que l’AI avait des motifs valables d’arrêter le plaignant, en vertu de l’article 6 de la Loi sur la sécurité dans les rues.

Je juge également que la force employée par l’AI pour mettre le plaignant sous garde était justifiée sur le plan légal. Le plaignant a défié l’autorité de l’agent de l’arrêter et a refusé de se rendre de façon pacifique. Il a plutôt choisi de s’éloigner de l’agent tout en continuant à mendier de l’argent aux automobilistes. Au vu du dossier, comme l’AI avait affaire à un individu belliqueux sur la bretelle de sortie d’une route importante, je ne peux conclure raisonnablement que l’AI a réagi de façon excessive en utilisant son arme à impulsions lorsque le plaignant s’est avancé vers lui de manière menaçante. Vu le lieu, il aurait été risqué de tenter de maîtriser le plaignant en intervenant physiquement. L’arme à impulsions avait en revanche le potentiel de permettre d’immobiliser le plaignant et de le mettre sous garde rapidement, compte tenu des dangers que représentait la circulation automobile dans le secteur. Malgré les tentatives de l’agent, qui tentait d’éviter une tragédie, le plaignant a réussi à se soustraire aux effets neutralisants de l’arme en arrachant les filins des sondes.

Enfin, il n’y aucune raison de croire que les blessures du plaignant ont été occasionnées, totalement ou en partie, par un manque de diligence de nature criminelle de la part de l’AI. La seule infraction potentielle à prendre en considération est celle de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles contraire à l’article 221 du Code criminel. Elle ne s’applique que dans les cas de grave négligence qui dénote une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui qui représente à la fois un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Encore une fois, l’AI avait le droit de tenter d’arrêter le plaignant pour sollicitation agressive. On pourrait considérer qu’il aurait mieux valu qu’il évite d’intervenir, compte tenu de la position précaire où il se trouvait sur la bretelle de sortie. Par contre, le plaignant menaçait les automobilistes en frappant sur leur véhicule et il donnait l’impression qu’il avait l’intention de continuer. Au vu du dossier, la décision de l’agent d’intervenir au moment et à l’endroit où il l’a fait est raisonnable.

En définitive, comme il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués ont agi autrement qu’en toute légalité pendant toute l’interaction avec le plaignant, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 25 novembre 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures indiquées sont basées sur l’heure à l’horloge interne de l’arme à impulsions et ne sont pas forcément exactes. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.