Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 19-OOD-158

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès d’un nouveau-né (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 juin 2019, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a signalé un incident impliquant une femme, le témoin civil (TC) no 1, et donné le rapport qui suit. Le 25 juin 2010, des agents du SPGS se sont rendus à une résidence collégiale, à Sudbury, pour aider la Société d’aide à l’enfance autochtone KENTA [1]. La TC no 1 a été arrêtée pour violation de la paix à 17 h 04 et comme elle devenait violente, les agents ont dû la plaquer à terre. Elle a résisté à son arrestation et a également été accusée de résistance à son arrestation. Elle a été conduite à l’hôpital et libérée sur promesse de comparaître. Le 30 juin 2019, la TC no 1 a donné naissance à un bébé prématuré, qui est décédé. Le coroner a informé le SPGS que la TC no 1 avait accouché à Horizon Santé-Nord (HSN) le 30 juin, à 10 h 30, et que le nouveau-né était décédé à 11 h 58. Le coroner a indiqué que la TC no 1 avait dit au coroner local qu’elle avait été jetée au sol et piétinée pendant son arrestation. Elle était convaincue que son accouchement prématuré était lié à son arrestation. Le coroner a décrit plusieurs problèmes médicaux auxquels la TC no 1 avait été confrontée au cours de sa grossesse et pourraient aussi avoir joué un rôle dans son accouchement prématuré. L’autopsie devait être menée à HSN

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Plaignant :

Nouveau-né, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue 

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit à l’extérieur d’une résidence collégiale, à Sudbury.

Au moment de cet incident, le 25 juin 2019, le SPGS n’avait pas sécurisé les lieux. L’UES a été avisée de l’incident le 30 juin 2019 et n’avait donc rien à examiner sur les lieux.

Éléments de preuves médicolégaux


Rapport de l’autopsie


Le rapport de l’autopsie, daté du 11 février 2020 et reçu par l’UES le 21 mai 2020, attribuait le décès du plaignant à la « prématurité due à une cause indéterminée ». Le pathologiste a noté qu’il n’était pas possible d’établir si une « agression » – que la TC no 1 allègue avoir subie aux mains des agents lors de son arrestation le 25 juin 2019 – a joué un rôle ou non dans la naissance prématurée du plaignant.

Témoignage d’expert

Le 7 août 2019, l’UES a participé à une conférence téléphonique du coroner avec plusieurs pathologistes et médecins. À ce moment-là, sur la base des analyses effectuées par les médecins, aucune raison médicale définitive ne permettait d’associer la naissance prématurée du bébé de la TC no 1 à une interaction avec le SPGS. L’accouchement prématuré semblait être lié à des problèmes médicaux et non à un traumatisme.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Résumé de la vidéo de la résidence collégiale


Caméra ouest
  • 25 juin 2019, 16 h 23 min 59 s – la TC no 1 et le TC no 2 sont sur le trottoir, près d’une Kia grise. Le véhicule de police no 1 est garé dans le stationnement, à côté de la Kia. L’AI no 1 et le TC no 2 sont présents. La TC no 1 est debout, côté passager de la Kia, et tient un téléphone cellulaire. Le TC no 2 est devant la Kia;
  • 16 h 33 min 00 S– Un enfant sort de la Kia;
  • 16 h 33 min 40 s – Une femme [la TC no 6] arrive et parle à l’AT no 2, près du véhicule de police no 2 qui est garé sur la chaussée. La TC no 1 suit la TC no 6 et le TC no 2 vers le véhicule de police no 2. Le TC no 2 prend un siège pour bébé sur le siège arrière de la Kia et se dirige vers le gazon, à côté du véhicule de police no 2. La TC no 6 parle à la TC no 1;
  • 16 h 34 min 30 s – La TC no 6 s’éloigne et se dirige vers l’endroit où le véhicule de police no 1 est garé. La TC no 1, le TC no 2 et les deux agents de police semblent parler. La TC no 1 tient son téléphone cellulaire en l’air et semble enregistrer;
  • 16 h 42 min 55 s – Le véhicule de police no 3 (un VUS) arrive et se gare derrière le véhicule de police no 2 dans la rue. Une agente de police [AT no 1] sort du véhicule de police 3 et discute avec l’AI no 1 et l’AT no 2;
  • 16 h 43 min 24 s – Le véhicule de police no 4 arrive et se gare de l’autre côté de la rue par rapport au véhicule de police no 2;
  • 16 h 44 min 28 s – L’agente de police parle avec la TC no 1;
  • 16 h 49 min 00 s – L’AT no 2 parle à la TC no 6;
  • 16 h 49 min 55 s – Le TC no 2 retourne à la Kia avec l’enfant puis revient sur le gazon. L’AT no 2 parle avec la TC no 1. L’AT no 1 parle à la TC no 1, qui lève son téléphone cellulaire en l’air;
  • 16 h 52 min 25 s – L’AT no 2 retourne à l’endroit où se trouve l’AT no 1 et la TC no 1 s’assoit sur l’herbe;
  • 16 h 53 min 10 s – L’AT no 1 s’éloigne en direction de la TC no 6 et parle avec elle;
  • 16 h 53 min 50 s – Un agent de police [AI no 2] sort du véhicule de police no 4 et s’approche des autres personnes;
  • 16 h 54 min 45 s – L’AT no 1 revient et parle à la TC no 1. L’AI no 2 se dirige vers l’entrée du collège;
  • 16 h 57 min 10 s – L’AT no1 parle à la TC no 1 en privé;
  • 16 h 55 min 40 s – Le TC no 2 revient avec un panier à linge contenant des articles. Il pose le panier par terre et tient des documents qu’il montre aux agents. L’AI no 2 se dirige vers la TC no 6;
  • 16 h 58 min 20 s – L’AT no 1 parle à la TC no 1. L’AT no 2 se dirige vers l’entrée du collège;
  • 16 h 59 min 34 s – Le TC no 2 se dirige vers le collège avec les deux enfants;
  • 17 h 00 min 10 s – Les AI no 1 et AI no 2 se dirigent vers l’AT no 1 qui parle avec la TC no 1. La TC no 1 prend le panier à linge et tente de s’éloigner. L’AT no 1 se place devant la TC no 1. La TC no 1 recule. L’AI no 1 et l’AI no 2 s’approchent. La TC no 1 recule; l’AT no 1 avance vers elle, suivi par les deux autres agents. La TC no 1 se dirige vers l’entrée du collège; les agents commencent à courir dans sa direction;
  • 17 h 02 min 10 s – On ne voit plus personne dans le champ de vision de la caméra;
  • 17 h 06 min 50 s – L’AT no 2 retourne au véhicule de police no 2 et ouvre la portière arrière, côté passager. L’AT no 1 et l’AI no 1 escortent la TC no 1 en direction du véhicule de police no 2, la tenant respectivement par le bras gauche et le bras droit. La TC no 1 est menottée dans le dos. Une lutte s’ensuit quand les agents tentent de faire assoir la TC no 1 dans le véhicule de police. Un agent récupère une bouteille de jus dans le panier à linge et retourne au véhicule de police no 2;
  • 17 h 09 min 20 s – L’AI no 2 prend le panier à linge et retourne à l’intérieur du collège;
  • 17 h 12 min 20 s – Une ambulance arrive dans le secteur et s’arrête dans la rue près du véhicule de police no 2;
  • 17 h 13 min 10 s – L’AT no 1 parle aux ambulanciers paramédicaux;
  • 17 h 13 min 33 s – Le TC no 2, accompagné de l’AT no 2, s’approche de l’AT no 1. La TC no 1 se dirige vers la porte latérale de l’ambulance et parle avec un ambulancier;
  • 17 h 17 min 34 s – La porte latérale de l’ambulance se ferme. L’AT no 1 et l’AT no 2 sont derrière l’ambulance dont la porte arrière est ouverte. Un agent ouvre la porte latérale et entre dans l’ambulance;
  • 17 h 23 min 59 s – L’ambulance reste sur les lieux et la vidéo prend fin.


Vidéo de la fenêtre
  • 17 h 02 min 55 s – La TC no 1 entre en vue de la fenêtre. L’AT no 1 lui tient le bras droit. La TC no 1 essaye de se dégager de son emprise. L’AI no 1 est à gauche de l’AT no 1 et l’AI no 2 à droite. La TC no 1 tombe à plat ventre. L’AT no 1 se relève et l’AI no 1 se met à terre. Il y a une lutte entre les agents et la TC no 1. L’AT no 1 retourne par terre;
  • 17 h 04 min 57 s – Un quatrième agent passe devant la fenêtre puis disparaît. La TC no 1 est assise; l’AI no 1 et un des autres agents la relèvent puis marchent vers l’avant du collège;
  • 17 h 12 min 10 s – L’ambulance arrive sur les lieux;
  • 17 h 12 min 6 s – La vidéo prend fin.


Résumé de la vidéo prise sur un téléphone cellulaire


La TC no 1 a affiché une vidéo de 30 minutes et 23 secondes sur les réseaux sociaux.

  • Au début de la vidéo, la TC no 1 parle avec deux agents en uniforme [maintenant connus pour être l’AI no 1 et l’AT no 2];
  • La TC no 1 dit aux policiers qu’ils exagèrent et qu’ils ont été formés pour traiter avec les femmes autochtones atteintes de [le handicap de la TC no 1];
  • La TC no 1 dit aux policiers qu’elle ne veut pas leur parler sans la présence d’un avocat;
  • On entend un homme dire qu’il va rester;
  • La TC no 1 est debout à côté de la portière d’une Kia grise, côté passager. L’AI no 1 est du même côté de la Kia. L’AT no 2 est devant la Kia;
  • La TC no 1 accuse les agents de changer de ton parce qu’ils sont maintenant enregistrés;
  • L’AT no 2 dit à la TC no 1 qu’il continue de dire la même chose que précédemment;
  • La TC no 1 dit à l’AT no 2 que lorsqu’elle décrit la situation, il ne l’a pas crue;
  • Le TC no 2 demande aux agents s’ils ont un mandat pour l’arrêter;
  • L’AT no 2 va vérifier et dit à la TC no 1 qu’un mandat d’arrestation a été lancé contre elle à Timmins;
  • Le TC no 2 demande s’il peut partir avec les enfants de sa conjointe;
  • L’AT no 2 dit au TC no 2 qu’il pourra partir, mais qu’il faut d’abord qu’on vérifie les sièges d’auto et si le véhicule avait été impliqué dans une collision automobile;
  • La TC no 1 s’approche de l’AT no 2 et demande qu’un superviseur soit présent;
  • La TC no 1 parle à l’AI no 1 et à l’AT no 2 et les accuse de retenir de jeunes enfants et une femme autochtone de 24 ans qui est enceinte et risque de faire une fausse couche;
  • La TC no 1 demande à l’AT no 2 pourquoi elle n’a pas été arrêtée et il lui répond que le mandat est à Timmins;
  • La TC no 1 demande à l’AI no 1 si elle est détenue et dit que la police s’est servie du prétexte de lui demander une déclaration au sujet de l’agression sexuelle de son enfant qu’elle a signalée et que maintenant, elle ne peut pas partir parce que KINA va venir;
  • La TC no 1 demande si la police a un objectif;
  • L’AI no 1 commence à donner des explications et l’AT no 2 dit qu’ils pourront partir après qu’il aura vérifié les sièges pour enfants;
  • La TC no 1 accuse les agents de les retenir en attendant l’arrivée de KINA;
  • La TC no 1 accuse les agents de ne pas être en mesure de les retrouver même quand on leur a dit où aller. Elle dit qu’elle va appeler le Centre d’amitié autochtone;
  • L’AT no 2 dit à la TC no 1 qu’il veut parler à l’intervenante de KINA;
  • La TC no 1 dit à l’AT no 2 d’aller parler à l’intervenante de KINA;
  • La TC no 1 s’énerve parce que l’AT no 2 veut parler à l’intervenante de KINA en privé;
  • L’AT no 2 dit à la TC no 1 qu’elle peut aller attendre à l’intérieur, et que personne ne l’empêche d’aller où que ce soit;
  • La TC no 1 dit à l’AT no 2 que puisqu’elle est présente, il peut parler avec l’intervenante de KINA;
  • L’intervenante de KINA [maintenant connue pour être la TC no 6] essaie de calmer la TC no 1 et lui dit que la situation est très grave, qu’on risque de lui retirer les enfants, et qu’elle veut juste connaître sa version des faits;
  • La TC no 1 demandent pourquoi il y a ce risque pour les enfants;
  • L’intervenante de KINA dit à la TC no 1 qu’elle ne veut pas être enregistrée sur vidéo;
  • La TC no 1 affirme qu’elle a le droit d’enregistrer la conversation et ajoute qu’elle a envoyé un courriel à sa travailleuse sociale;
  • La TC no 1 dit que l’intervenante de KINA refuse de parler en étant enregistrée; elle va appeler l’aide juridique;
  • Le TC no 2 demande à l’AT no 2 s’ils pourraient venir le lendemain au poste de police pour parler à une policière de l’agression sexuelle qu’ils ont signalée;
  • L’AT no 2 explique au TC no 2 qu’ils devront peut-être attendre au poste de police, car il n’y a pas beaucoup de femmes parmi les agents de police;
  • Le TC no 2 répond qu’ils n’auraient pas de problèmes avec ça et que les policiers peuvent maintenant s’en aller. Il explique en outre comment ils s’occupent des enfants;
  • On peut voir en arrière-plan l’AT no 1 parler à l’AI no 1;
  • L’AT no 2 explique au TC no 2 que la police a le pouvoir légal de déterminer si les enfants ont besoin de protection;
  • La TC no 1 commence à parler à l’AT no 1;
  • L’AT no 1 demande à la TC no 1 si elle a des questions;
  • La TC no 1 se plaint de la conduite de l’AI no 1 et de l’AT no 2;
  • La TC no 1 dit à l’AT no 1 pourquoi elle a le droit de s’occuper de ses enfants. Elle explique qu’elle est allée voir des médecins et d’autres professionnels de la santé qui l’ont autorisée à avoir ses enfants. Elle ajoute que maintenant KINA est là et la cherche depuis hier alors qu’ils ont ses coordonnées;
  • L’AT no 1 tente de discuter avec la TC no 1;
  • La TC no 1 demande à l’AT no 1 d’appeler son superviseur pour lui demander de les rejoindre;
  • La TC no 1 accuse l’AT no 1 d’avancer d’un air menaçant vers elle. Elle accuse la police de mal la traiter;
  • L’AT no 1 continue d’essayer de parler avec la TC no 1 et lui dit d’arrêter de crier ou qu’on va l’arrêter;
  • L’AI no 1 essaie de parler avec la TC no 1 et le TC no 2;
  • La TC no 1 dit qu’elle est enceinte et risque de faire une fausse couche, et qu’elle veut que les policiers la laissent tranquille. Elle accuse de nouveau la police d’avancer vers elle d’un air menaçant;
  • L’AI no 1 dit à la TC no 1 qu’ils ne font que parler;
  • La TC no 1 veut enregistrer l’interaction avec l’intervenante de KINA;
  • L’AT no 1 dit à la TC no 1 d’arrêter de crier.

La vidéo prend fin.


Résumé de la vidéo prise sur un téléphone cellulaire


La TC no 1 a remis à l’UES une copie d’une vidéo de trois minutes et 23 secondes qu’elle a enregistrée sur son téléphone cellulaire. La vidéo était sous-titrée : Acculée et traumatisée.

  • Au début de la vidéo, la TC no 1 s’adresse directement à l’AT no 1. Elle dit que l’AT no 1 vient de lui dire que ses enfants ne sont pas appréhendés;
  • L’AT no 1 répond qu’elle ne le sait pas encore;
  • La TC no 1 rétorque en disant à l’AT no 1 qu’il y a à peine deux secondes, elle lui a dit que ses enfants n’étaient pas appréhendés. La TC no 1 accuse l’AT no 1 de mentir;
  • La TC no 1 accuse l’AT no 1 d’avancer vers elle d’un air menaçant.
  • La TC no 1 dit qu’elle a le droit de défendre et de protéger ses enfants;
  • La TC no 1 dit que l’AT no 1 ne peut pas lui dire qu’ils ne vont pas appréhender ses enfants alors qu’elle [l’intervenante de KINA] vient de lui dire : « Je vais appréhender vos enfants. »
  • La TC no 1 accuse l’intervenante de KINA de s’éloigner d’elle quand elle lui demande pourquoi les enfants allaient être appréhendés;
  • L’AT no 1 essaie de parler à la TC no 1, mais cette dernière dit qu’elle veut donner sa propre version devant la caméra;
  • La TC no 1 décrit les deux policiers [maintenant connus pour être l’AI no 1 no et l’AT no 1] comme ayant reçu une formation sur la façon de traiter les femmes autochtones qui souffrent de [l’handicap de la TC no 1], de violence conjugale et ont été victimes de violence sexuelle dans leur enfance.
  • La TC no 1 accuse la police d’être contre elle depuis le début. Elle [décrit ses allégations d’agression sexuelle contre son enfant et déclare qu’elle a le droit de tenir ses enfants hors de la portée de KINA ou de quiconque qui menace leur sécurité];
  • À deux minutes et 38 secondes du début de la vidéo, la TC no 1 commence à marcher et accuse l’AT no 1 de la suivre et de la harceler. Elle dit que l’AT no 1 est agressive et sourit d’un air narquois. La TC no 1 demande à l’AT no 1 d’appeler son chef et de lui demander de venir;
  • La TC no 1 commence à bouger et dit [traduction] : « Ne me touchez pas »;
  • L’AT no 1 répond [traduction] : « Vous n’allez nulle part, vous n’êtes pas arrêtée [inintelligible] de vous calmer »;
  • La TC no 1 dit à l’AT no 1 de s’arrêter;
  • L’AT no 1 avance vers la TC no 1;
  • La TC no 1 crie [traduction] : « Je ne fais rien de mal, [TC no 2] »;
  • L’AT no 1 avance vers la TC no 1;
  • Un agent et l’AT no 1 disent à la TC no 1 qu’elle est en état d’arrestation;
  • Ecran rouge sur la vidéo
  • On entend un homme dire : « On vous a dit que vous étiez en état d’arrestation, arrêtez de résister, vous êtes en état d’arrestation, OK? »;
  • La TC no 1 hurle.

La vidéo prend fin.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé les documents et éléments suivants au SPGS, qu’elle a obtenus et examinés :
  • Rapport d’arrestation;
  • Lettre d’attestation – Notes de l’AI no 2;
  • Liste de témoins civils – TC no 1;
  • Notes des ATs;
  • Participation des agents;
  • Procédure – Fouille de personnes.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a aussi obtenu et examiné les documents suivants :
  • Vidéo du collège; et
  • Vidéo d’un téléphone cellulaire.

Description de l’incident

Les événements importants en question sont relativement clairs d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec la TC no 1 et avec plusieurs témoins civils et de la police qui étaient présents au moment de l’arrestation. L’enquête a également bénéficié d’un enregistrement vidéo de l’interaction entre la TC no 1 et la police capturée par un téléphone cellulaire et par des caméras de surveillance du secteur. Dans l’après-midi du jour en question, l’AI no 1, en compagnie de l’AT no 2, a rencontré la TC no 1 dans le stationnement d’une résidence collégiale. La rencontre avait été organisée pour discuter de la plainte de la TC no 1 concernant une agression sexuelle présumée contre son fils en bas âge. La police était également là pour aider les autorités de protection de l’enfance à enquêter sur la sécurité des deux enfants de la TC no 1. Plus précisément, des inquiétudes avaient été soulevées concernant la possibilité que la TC no 1 et son partenaire, le TC no 2, vivaient avec les enfants dans leur véhicule, étaient impliqués dans la consommation de drogues illicites et utilisaient des sièges pour enfants défectueux.

Peu de temps après le début de la rencontre, la TC no 1 s’est énervée, craignant que les autorités ne soient là que pour lui retirer ses enfants. La TC no 1 a eu une discussion animée avec les agents et a dénoncé ce qu’elle estimait une injustice perpétrée contre elle et sa famille. Lorsque le TC no 2 lui a demandé avec insistance si lui-même et la TC no 1 étaient détenus, l’AT no 2 a dit qu’ils étaient libres de partir, mais qu’il devrait d’abord vérifier l’état des sièges pour enfants dans leur véhicule. La colère de la TC no 1 s’est intensifiée avec l’arrivée de la TC no 6 des services à l’enfance et à la famille Kina Gbezhgomi, qui avait été chargée de s’assurer du bien-être des enfants.

Environ une demi-heure après le début de la rencontre, à la demande de la TC no 1 qui voulait parler à un superviseur, l’AT no 1 est arrivée au stationnement. Elle a parlé avec la TC no 1, sans parvenir à désamorcer la situation. Convaincue que l’AT no 1 n’était pas sensible à ses inquiétudes, la TC no 1 a continué de parler fort et de protester contre ce que faisaient les agents. Le bruit a attiré l’attention de personnes à proximité et d’employés du collège, dont certains se sont approchés pour voir ce qui se passait. L’AT 1 no a averti la TC no 1 qu’elle serait arrêtée si elle ne cessait de causer des troubles dans le secteur. Les agents ont demandé s’ils pouvaient continuer la rencontre en privé, à l’intérieur du domicile de la TC no 1, mais la TC no 1 a refusé. Après avoir parlé avec la TC no 6, l’AT no 1 a informé la TC no 1 que l’intervenante de la protection de l’enfance lui parlerait en privé, mais à la condition que la conversation ne soit pas enregistrée. La TC no 1 a insisté sur le fait qu’elle enregistrerait leur conversation en audio. Cette rencontre n’a pas eu lieu.

Pour répondre aux préoccupations en matière de protection de l’enfance qui avaient été soulevées, le TC no 2 est allé dans la résidence, dans la chambre qu’il partageait avec la TC 1 no, et est revenu avec un panier contenant de la nourriture et un certain nombre de documents. L’AT no 2 a inspecté le contenu du panier et s’est assuré que la TC no 1, le TC no 2 et les enfants vivaient à la résidence et avaient de la nourriture à leur disposition. L’agent a également inspecté la chambre depuis l’embrasure de la porte et n’a vu aucune preuve de consommation de drogue ou de conditions de vie insatisfaisantes.

Vers 17 h, la TC no 1 a ramassé le panier de nourriture et a tenté de s’éloigner des policiers en se dirigeant vers la résidence. L’AT no 1 s’est placée devant elle pour lui bloquer le chemin. La TC no 1 a protesté bruyamment, et l’AT no 1 l’a avertie qu’elle serait arrêtée si elle ne se calmait pas. Dans les secondes qui ont suivi, l’AT no 1 a saisi l’un des bras de la TC no 1 et lui a dit qu’elle était en état d’arrestation. La TC no 1 a repoussé la main de l’AT no 1, puis s’est débattue quand l’agente a tenté de la saisir de nouveau.

L’AI no 1 et l’AI no 2 – ce dernier arrivé sur les lieux quelques minutes auparavant – sont allés prêter main-forte à l’AT no 1. L’AI no 1 a fait un croc-en-jambe à la TC no 1, qui a atterri à plat ventre. La TC no 1 a résisté lorsque les agents ont tenté de la menotter, refusant de libérer ses bras. À un moment donné, elle a mordu ou tenté de mordre l’AI no 2. Les agents sont finalement parvenus à menotter la TC no 1, puis l’ont escortée jusqu’à une voiture de police où ils l’ont fait s’assoir sur la banquette arrière.

À la suite de l’arrestation de la TC no 1, l’AT no 2 a appelé une ambulance. Il savait que la TC no 1 était enceinte et était inquiet après son arrestation lorsqu’il a remarqué des taches humides sur les vêtements de la TC no 1, autour de l’aine.

La TC no 1 a été conduite de là en ambulance à HSN, où elle a été examinée, a reçu son congé de l’hôpital, puis libérée de la garde de la police sur promesse de comparaître.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 31(1), Code criminel -- Arrestation pour violation de la paix

31(1) Un agent de la paix qui est témoin d’une violation de la paix, comme toute personne qui lui prête légalement main-forte, est fondé à arrêter un individu qu’il trouve en train de commettre la violation de la paix ou qu’il croit, pour des motifs raisonnables, être sur le point d’y prendre part ou de la renouveler.

Paragraphe 175 (1) du Code criminel -- Troubler la paix

175 (1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :
(a) n’étant pas dans une maison d’habitation, fait du tapage dans un endroit public ou près d’un tel endroit :
(i) soit en se battant, en criant, vociférant, jurant, chantant ou employant un langage insultant ou obscène, 
(ii) soit en étant ivre,
(iii) soit en gênant ou molestant d’autres personnes.

Analyse et décision du directeur

Le 29 juin 2019, la TC no 1 a accouché du plaignant. En raison de sa naissance prématurée, le plaignant est décédé environ une heure après sa naissance. Quatre jours plus tôt, des agents du SPGS avaient plaqué la TC no 1 à terre lors de son arrestation. L’UES a ouvert une enquête en raison d’un lien possible entre la force utilisée contre la TC no 1 durant son arrestation et la mort de son enfant. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation de la TC no 1 et le décès du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. L’AT no 1, qui a initié l’arrestation, a déclaré qu’elle l’avait fait pour violation de la paix. Bien qu’il ne me semble pas entièrement évident que l’arrestation de la TC no 1 était légale, je ne suis pas en mesure de raisonnablement conclure avec suffisamment de certitude que les agents n’avaient pas les motifs requis pour placer la TC no 1 sous garde.

Dans l’arrêt Fleming c. Ontario, 2019 CSC 45, la Cour suprême du Canada a statué qu’un acte qui est simplement perturbateur, embêtant ou indiscipliné n’est pas une violation de la paix; un acte ne peut être considéré comme une violation de la paix que s’il comporte un certain degré de violence et un risque de préjudice. On peut faire valoir que le comportement de la TC no 1, bien que bruyant, n’était pas menaçant dans ce sens. Ceci dit, la question qui se pose est de savoir si l’AT no 1 était d’avis qu’il y avait des motifs raisonnables et probables de croire que la TC no 1 violait la paix et si cette opinion été défendable en se fondant sur une évaluation objective des circonstances pertinentes : R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241. À cet égard, il me semble que l’AT no 1 avait des raisons légitimes de croire qu’il y avait des motifs suffisants de procéder à l’arrestation de la TC no 1 étant donné les cris, les gesticulations et la belligérance de cette dernière contre les agents pendant une période assez prolongée.

De plus, il est vrai que l’AT no 1 a pris la décision d’arrêter TC no 1 en partie parce que cette dernière troublait la paix de la manière décrite à l’article 175 du Code criminel. En effet, quelques instants avant l’arrestation, l’AT no 1 avait expressément averti la TC no 1 qu’elle serait placée en détention pour troubler la paix si elle ne changeait pas de comportement. Étant donné que l’interaction entre les agents et la TC no 1 s’est déroulée dans un lieu public, j’accepte que les protestations de la TC no 1 pendant une longue période devant une résidence étudiante étaient bruyantes au point d’attirer des passants et des employés du collège sur les lieux par l’agitation. Néanmoins, je ne suis pas convaincu, pour des motifs raisonnables, que les agents n’avaient pas de motifs légitimes d’arrêter la TC no 1 pour les troubles de l’ordre public qu’elle avait ainsi provoqués. L’analyse de la légalité de l’appréhension de la TC no 1 ne s’arrête toutefois pas là.

Je conviens avec la TC no 1 qu’elle a été détenue par la police pendant un certain temps avant son arrestation. L’AT no 1 l’a montré clairement quand, au moment où la TC no 1 a tenté de passer devant elle, elle lui a bloqué le chemin en lui disant qu’elle « n’irait nulle part ». La question à trancher est de savoir si la détention de la TC no 1 était légale. Dans la négative, on pourrait alors soutenir que la police avait tort d’appréhender la TC no 1 pour s’être violemment opposée à une détention qu’elle avait le droit de contester.

La jurisprudence relative aux détentions aux fins d’enquête dans le contexte du droit criminel est bien établie. Dans l’arrêt R. c. Mann, [2004] 3 RCS 59, la Cour suprême du Canada a statué que les policiers peuvent détenir une personne aux fins d’enquête s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans une infraction criminelle. Néanmoins, en l’espèce, la TC no 1 n’a pas été détenue parce qu’elle était soupçonnée d’un crime; il semble plutôt que la police était là pour faciliter la conduite d’une enquête en matière de bien-être de l’enfance. La jurisprudence dans ce domaine est moins utile.

Dans l’arrêt Dedman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 2, le plus haut tribunal du Canada a adopté le critère énoncé dans l’arrêt R. v. Waterfield, [1963] 3 All E. R. 659 en ce qui concerne l’existence des pouvoirs et de l’autorité d’un agent de police en common law. Selon le critère Waterfield, à première vue, l’atteinte à la liberté d’une personne par un policier est illégale à moins que 1) le policier n’agisse dans le cadre général d’un devoir reconnu de la police et que 2) l’atteinte constitue un usage justifiable des pouvoirs de la police dans l’exercice de ce devoir. J’accepte que les agents qui étaient présents et impliqués dans la détention de la TC no 1 agissaient dans le cadre général de leur devoir de protéger et de préserver la vie. C’était, après tout, l’objet même de l’enquête en question concernant le bien-être de l’enfance, à savoir, déterminer si les enfants de la TC no 1 étaient en sécurité sous sa garde, une enquête dont je n’ai aucune raison de douter qu’elle reposait sur des préoccupations légitimes au sujet du bien-être des enfants.

Il est moins facile de déterminer si les agents ont dépassé les limites de leurs pouvoirs associés à l’obligation de protéger et de préserver la vie en détenant la TC no 1. D’une part, la TC no 1 et son fiancé, le TC no 2, avaient fait des efforts pour montrer que les enfants étaient entre de bonnes mains. Ils avaient démontré, par exemple, que les enfants vivaient dans un logement raisonnable avec de la nourriture à leur disposition. [2] D’un autre côté, les agents savaient que l’organisme de protection de l’enfance avait tenté en vain de localiser la TC no 1 et ses enfants. Même si les agents de police sont habilités à travailler comme préposés à la protection de l’enfance et à appréhender des enfants, l’AI no 1 et l’AT no 2 ne disposaient que de très peu de renseignements sur les préoccupations en matière de protection de l’enfance et on peut comprendre pourquoi ils préféraient s’en remettre aux autorités de protection de l’enfance à cet égard, en particulier du fait de l’état émotionnel de la TC no 1 et de son comportement erratique quand elle a appris l’arrivée de ces autorités. Il convient également de noter que la détention n’était pas trop intrusive – les policiers ont donné à la TC no 1 la possibilité d’attendre chez elle sans avoir recours à la force contre elle. Dans ce contexte, je ne suis pas en mesure de conclure que la détention initiale de la TC no 1 était injustifiable en vertu du critère Waterfield.

Une fois que l’intervenante de la protection de l’enfance – la TC no 6 – est arrivée, par ses propos et son comportement, la TC no 1 a montré qu’une rencontre constructive avec cette dernière ne serait pas possible. La TC no 1 avait le droit de refuser de coopérer avec les autorités de protection de l’enfance. Toutefois, la TC no 1 n’avait pas le droit d’empêcher la TC no 6 d’appréhender ses enfants. Selon des éléments de preuve, les autorités de protection de l’enfance avaient déjà présumé que les enfants de la TC no 1 avaient besoin de protection et devraient être retirés de la garde de leur mère. Par exemple, dans sa dispute avec l’AT no 1 quelques instants avant son arrestation, la TC no 1 a déclaré [traduction] : « Vous ne pouvez pas rester là et me dire qu’ils ne vont pas appréhender mes enfants quand elle [l’intervenante de Kina] vient de me dire qu’elle allait les appréhender, et quand je lui ai demandé pourquoi elle voulait appréhender mes enfants, elle s’est éloignée ». Je ne suis donc pas persuadé que les agents ont franchi la limite acceptable et détenu illégalement la TC no 1 avant que de la mettre en état d’arrestation. [3]

L’analyse porte alors sur le bien-fondé de la force employée par les agents impliqués. La preuve établit que la TC no 1 a résisté à son arrestation, d’abord en repoussant la main de l’AT no 1 puis en refusant de se rendre pacifiquement quand l’AI no 1 et l’AI no 2 sont intervenus pour prêter main-forte. L’AI no 1 a réagi en faisant trébucher la TC no 1 et en la plaquant à terre. Même s’il aurait été préférable que l’AI no 1 fasse preuve d’une plus grande retenue, d’autant plus qu’il semble avoir su que la TC no 1 était enceinte, le fait demeure que la TC no 1 avait l’intention de résister à ce qu’elle considérait comme une conduite oppressive de la part des agents, comme cela a été amplement démontré lorsqu’elle a mordu ou tenté de mordre l’AI no 2 après avoir été plaquée à terre. Par conséquent, je suis d’avis que la tactique n’était pas déraisonnable compte tenu de la situation; une fois la TC no 1 à terre, les agents seraient mieux placés pour maîtriser toute résistance supplémentaire qu’elle pourrait leur opposer. Après la mise à terre, à part le fait que les agents se sont mis à plusieurs pour lui maitriser les bras et la menotter, il n’y a aucune preuve que quiconque ait frappé la TC no 1.

Le bébé de la TC no 1 – le plaignant est mort peu après sa naissance le 29 juin 2019. Le rapport d’autopsie attribue sa mort à « la prématurité de cause indéterminée ». En parvenant à cette conclusion, le pathologiste a noté qu’on ne pouvait pas établir clairement si « l’agression » présumée de la TC no 1 par des policiers lors de son arrestation le 25 juin 2019 a ou non joué un rôle dans la naissance prématurée du plaignant. Quoi qu’il en soit, comme je ne suis pas convaincu, pour des motifs raisonnables, que les agents qui ont eu affaire à la TC no 1 le jour de son arrestation ont commis une infraction criminelle, il n’y a pas de raison de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.



Date : 15 mars 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Kina Gbezhgomi, Services à l'enfance et à la famille. [Retour au texte]
  • 2) Cependant, il faut dire que l'AT no 2 était sans doute le seul à avoir connaissance de cette situation et n'en avait pas vraiment fait part aux autres agents sur les lieux, notamment la TC no 1. [Retour au texte]
  • 3) Je le répète, même si une détention illégale a lieu en l’espèce, cela ne signifierait pas pour autant que l'arrestation était illégale. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.