Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OFI-100

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 29 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 mai 2020, à 11 h 20, la Police régionale de Peel (PRP) a communiqué avec l’UES pour signaler un incident. La PRP a fait savoir que le 2 mai 2020, à 9 h 23, des agents de son service s’étaient rendus à une résidence, à Mississauga. Quelqu’un avait téléphoné à la police pour signaler qu’un membre de sa famille était venu chez elle et qu’elle lui avait dit avoir [TRADUCTION] « tué son mari ». Des agents de police se sont ainsi rendus au domicile de cette dernière, sur le croissant Holden. Les agents sont entrés dans la maison et ont trouvé le plaignant en train de se trancher la gorge avec un couteau. Quand il a aperçu les agents, le plaignant s’est précipité vers eux en brandissant le couteau. L’AI a alors tiré des coups de feu et a atteint le plaignant. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 29 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

En outre, l’UES a reçu et examiné les notes d’un autre agent.


Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans l’arrière-cour d’une résidence du croissant Holden. Pour entrer dans l’arrière-cour, il fallait franchir une barrière au bout de la voie d’accès pour autos. Dans la grande remise de l’arrière-cour, on a trouvé une grande flaque de sang, une chaussure, des lunettes et un téléphone cellulaire.

Éléments de preuve matériels

Les éléments suivants ont été recueillis sur les lieux :
  • 3 douilles;
  • 6 sondes d’arme à impulsions;
  • les fils d’une arme à impulsions;
  • une arme à impulsions;
  • 5 portes de décharge d’arme à impulsions;
  • 2 dépôts d’AFID (Anti Felon Identification Tag) d’arme à impulsions;
  • une veste noire (2 pièces);
  • un pantalon d’entraînement pourpre.
L’UES a également récupéré deux couteaux qui avaient été maniés par le plaignant.


Figure 1 – Le couteau dentelé manié par le plaignant.

Figure 1 – Le couteau dentelé manié par le plaignant.


Figure 2 – Le couteau d’office qui a été trouvé à proximité de l’endroit où le plaignant est tombé.

Figure 2 – Le couteau d’office qui a été trouvé à proximité de l’endroit où le plaignant est tombé.

Éléments de preuves médicolégaux


Données des armes à impulsions


L’UES a reçu les armes à impulsion de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 4.

L’arme à impulsions de l’AT no 4, un modèle Taser X2, a été armée à 9 h 32 min 7 s [1]. À 9 h 32 min 19 s, l’arme à impulsions a été enclenchée et la cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes; la cartouche 2, elle, a été déployée pendant 7 secondes. À 9 h 32 min 27 s, l’arme à impulsions a été enclenchée et la cartouche 2 a été déployée pendant 13 secondes. À 9 h 32 min 29 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 10 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 32 min 44 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 3 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 32 min 50 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 3 secondes encore une fois; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 32 min 56 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 1 seconde; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 33 min, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 2 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 33 min 10 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 1 seconde; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 34 min 34 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 7 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 34 min 43 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 7 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 34 min 55 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 1 seconde; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 40 min 13 s, le dispositif de sécurité de l’arme à impulsions a été activé, puis, à 9 h 40 min 15 s, l’arme à impulsions a été armée de nouveau. À 9 h 40 min 49 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 4 secondes; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 40 min 56 s, le bouton d’arc a été enfoncé et a été maintenu ainsi pendant 4 secondes encore une fois; les cartouches 1 et 2 avaient déjà été déployées. À 9 h 41 min 19 s, le dispositif de sécurité de l’arme à impulsions a été activé, puis, à 9 h 41 min 23 s, l’arme à impulsions a été armée de nouveau. À 9 h 41 min 23 s, le dispositif de sécurité de l’arme à impulsions a été activé une nouvelle fois.

L’arme à impulsions de l’AT no 1, un modèle Taser X2, a été armée à 9 h 31 min 50 s. L’arme a été enclenchée et la cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes.

L’arme à impulsions de l’AI, un modèle Taser, a été armée à 9 h 35 min 23 s, puis, à 9 h 35 min 27 s, le dispositif de sécurité de l’arme a été activé. À 9 h 36 min 13 s, l’arme a été armée de nouveau, puis, à 9 h 36 min 28 s, le dispositif de sécurité a été activé une nouvelle fois. À 9 h 37 min 25 s, l’arme à impulsions a été armée encore une fois. À 9 h 38 min 48 s, l’arme a été enclenchée et la cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes. À 9 h 38 min 56 s, l’arme à impulsions a été enclenchée de nouveau pendant 5 secondes; la cartouche 1 avait déjà été déployée. À 9 h 40 min 39 s, le dispositif de sécurité de l’arme a été activé; la cartouche 1 avait été déployée, mais non la cartouche 2. 

Décompte des munitions


L’UES a reçu l’arme à feu de l’AI. Il s’agissait d’un pistolet semi automatique Smith & Wesson M&P40 de calibre .40. Le chargeur contenait 12 cartouches, et une cartouche avait été retirée de la culasse. Chacun des deux chargeurs de réserve de l’AI contenait 15 cartouches. 

Figure 3 – L’arme à feu de l’AI.

Figure 3 – L’arme à feu de l’AI.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Enregistrement vidéo capté par un civil avec son téléphone cellulaire


Le civil a fourni une copie de la vidéo qu’il avait captée avec son téléphone cellulaire le 2 mai 2020. La vidéo n’avait toutefois aucune valeur probante pour les besoins de cette enquête.

Enregistrements de communications

La PRP a fourni une copie de l’enregistrement des communications du 2 mai 2020.

À 9 h 14 min 2 s, un homme téléphone au 9-1-1 pour signaler une collision entre deux véhicules automobiles à l’intersection des chemins Burnhamthorpe et Cawthra. L’un des conducteurs impliqués [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] s’est enfui des lieux à pied en direction de la rue Hassell et s’est emparé d’un vélo. À 9 h 15 min 4 s, un deuxième homme téléphone au 9-1-1 pour signaler que le plaignant a fui les lieux de la collision, qu’il a poussé un vieil homme pour lui voler son vélo et qu’il se dirigeait vers le croissant Holden. L’homme qui téléphone se trouve alors à 20 maisons environ des lieux et dit avoir vu le plaignant se battre avec une personne dans une arrière-cour. À 9 h 17 min 34 s, une femme téléphone au 9-1-1 pour signaler une collision entre des véhicules automobiles; elle indique que le plaignant s’est enfui vers la rue Hassell. Apparemment, le plaignant conduisait dangereusement sur l’autoroute 410 avant de s’engager sur le chemin Cawthra.

À 9 h 22 min 24 s, une femme [on sait maintenant qu’il s’agissait de la TC no 2] téléphone au 9-1-1. Cette femme, la TC no 2, explique qu’une personne, membre de sa famille [on sait maintenant qu’il s’agissait de la TC no 4], et son mari se trouvaient dans leur maison; cette personne est arrivée chez elle en disant que quelqu’un a tué son mari. La répartitrice lui demande de rester en ligne et lui dit qu’elle envoie des secours. La répartitrice demande où se trouve le mari en question, et la TC no 2 répond que quelqu’un est parti pour tenter de le trouver. En arrière plan, quelqu’un dit qu’il se trouve dans le salon, sur le lit. La répartitrice demande s’il s’agit de sa voisine. La TC no 2 répond qu’elle est une membre de sa famille et que quelqu’un est entré dans sa maison et a tué son mari. La répartitrice demande à la TC no 2 si elle est en sécurité et cette dernière confirme qu’elle l’est. La TC no 2 indique que la TC no 4 saigne; elle dit à la TC no 4 que la police est en route. La répartitrice demande si la TC no 4 saigne beaucoup. La TC no 2 indique qu’elle a des blessures qui saignent un peu à la main et aux genoux.

La répartitrice demande où se trouve le mari de la TC no 4; la TC no 2 répond qu’il est à leur maison, sur le croissant Holden. La répartitrice demande où se trouve la personne qui l’a tué et la TC no 2 répond qu’elle l’ignore. La TC no 2 indique que la TC no 4 s’apprête à retourner sur les lieux; la répartitrice lui demande de lui dire de rester sur place. La TC no 2 demande à la TC no 4 de s’arrêter et de revenir à l’intérieur. Elle lui dit que la police est en route. Elle indique à la répartitrice qu’elle est en train de marcher; elle continue de marcher et dit qu’elle aperçoit la police devant la maison. Elle indique donc à la répartitrice que la police est sur place, puis met fin à l’appel.

À 9 h 23 min 55 s, une répartitrice du 9-1-1 appelle le répartiteur du service d’ambulance et demande qu’on envoie une ambulance à une résidence du croissant Holden, précisant que le patient est un homme. La répartitrice du 9-1-1 explique que la TC no 4 a indiqué que quelqu’un était entré chez elle et avait tué son mari. Elle ajoute que la police est en route. L’appel prend fin.

À 9 h 24 min 20 s, une surveillante des communications appelle le répartiteur du service d’ambulance pour demander qu’on envoie une ambulance à une résidence du croissant Holden. Elle fait savoir qu’une femme a téléphoné et qu’elle a indiqué que la TC no 4 s’était présentée chez elle et qu’elle avait tué son mari, précisant que les agents de police étaient tout juste en voie d’arriver sur les lieux. Elle indique que la femme saigne, mais qu’elle ne dispose d’aucun autre renseignement concernant les victimes ou les personnes sur place. Le répartiteur du service d’ambulance demande qui est entré dans la maison et a tué le mari de la TC no 2; la répartitrice du 9-1-1 déclare que la personne ayant téléphoné a dit que la TC no 4 était entrée dans la maison et avait tué le mari de la TC no 2. La répartitrice du 9-1-1 dit supposer que la TC no 4 a tué quelqu’un. L’appel prend fin.

À 9 h 28 min 3 s, une femme du centre des communications appelle une agente supérieure et l’informe des appels au 9-1-1. La femme fait savoir : qu’il y a eu un accident à l’intersection des chemins Burnhamthorpe et Cawthra; qu’un homme s’est enfui des lieux, que quelqu’un a réussi à l’attraper et qu’il le retient sur la rue Holden; qu’un appel a été fait, depuis une résidence sur la rue Holden, dans lequel on a indiqué que la TC no 4 avait tué le mari de la personne ayant téléphoné; que le sergent sur les lieux a dit qu’il y avait peut-être eu un homicide parce que les personnes sur place ont déclaré qu’un homme s’était précipité dans la maison et que ces événements pouvaient donc être liés. L’agente supérieure dit qu’elle veut qu’un périmètre de sécurité soit établi autour de la maison et qu’on envoie un autre sergent sur les lieux de la collision de véhicules automobiles. La femme dit que [numéro d’unité] est en route vers les lieux de la collision et que [un autre numéro d’unité] est en route vers l’endroit où il y a peut-être eu un homicide. Elle ajoute ensuite que des agents viennent tout juste d’arriver sur les lieux et qu’ils ont fait savoir que l’homme s’est barricadé dans la remise d’une arrière-cour et qu’il saigne abondamment.

À 10 h 17 min 14 s, l’agente supérieure appelle la femme pour lui faire part d’un énoncé de mission. À 10 h 19 min 39 s, un agent de la 11e division téléphone pour faire le point sur les blessures de la victime. La TC no 4 a subi une fracture au bras gauche, une fracture à la jambe gauche et une lacération à la jambe gauche. Le mari de la TC no 4 a été désigné comme étant la deuxième victime à la résidence en question.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants de la PRP, et les a examinés :
  • enregistrements des communications;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur (x3);
  • notes des agents témoins et d’un agent supplémentaire;
  • rapport d’incident (x3);
  • rapport sur les détails concernant la personne (le plaignant);
  • rapport des communications audio de la PRP (x2);
  • directive de la PRP – intervention en cas d’incident;
  • liste des agents concernés de la PRP;
  • registre de divulgation de la PRP à l’intention de l’UES;
  • photos prises par la PRP;
  • dossier de formation de l’AI – formation sur le recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a également obtenu et examiné les dossiers médicaux du plaignant, fournis par le Centre Sunnybrook des sciences de la santé; une vidéo captée par un civil au moyen de son téléphone cellulaire; le rapport sur l’arme à feu du Centre des sciences judiciaires, daté du 17 juin 2020.

Description de l’incident

On peut établir clairement les principaux événements qui se sont produits en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les déclarations de trois agents témoins qui ont vu les coups de feu tirés et de plusieurs témoins civils. En outre, dans le cadre de l’enquête, on a bénéficié de l’examen des enregistrements de communications de la police ainsi que d’un examen fondé sur les sciences judiciaires des lieux de l’incident et des éléments de preuve. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à divulguer ses notes à propos de l’incident.

Le 2 mai 2020, vers 9 h 29, l’AI a tiré sur le plaignant à trois reprises, à bout portant, à l’aide de son arme de poing semi-automatique. Couvert de sang et grièvement blessé, le plaignant venait de sortir d’une remise située dans l’arrière-cour d’une maison sur le croissant Holden. Il tenait un grand couteau dentelé dans sa main droite et il avait, au cou, des lacérations qui saignaient. Le plaignant a été immobilisé par une balle qui a touché la partie inférieure de sa jambe droite.

Dans les minutes qui ont précédé les coups de feu, le plaignant a suivi un parcours violent et intense dans le quartier. En effet, peu de temps après avoir été impliqué dans une collision de véhicules automobiles à l’intersection des chemins Cawthra et Burnhamthorpe, le plaignant est descendu de son véhicule et a agressé un homme âgé, a volé son vélo, puis s’est enfui en direction du chemin Hassall. Il s’est ensuite rendu au croissant Holden, au sud ouest de l’intersection, où il a pénétré par effraction dans une maison et a attaqué l’un des propriétaires avec un couteau. Par la suite, il a violemment attaqué la femme du propriétaire, la TC no 4, et lui a infligé de graves blessures. La TC no 4 a réussi à se rendre chez son fils.

Une fois à la maison de son fils, la TC no 4, dans tous ses états, a fait savoir que quelqu’un s’était introduit par effraction dans sa maison et que son mari était mort. On a appelé la police; pour sa part, le fils de la TC no 4 a entrepris de se diriger vers la maison de ses parents pour voir comment se portait son père.

Le plaignant avait quitté la résidence et se trouvait dans l’arrière-cour de la maison adjacente sur le croissant Holden. Sur place, il a attaqué le TC no 9 avec un couteau et lui a infligé de graves blessures.

Les agents ont commencé à arriver sur le croissant Holden; un voisin les a alors avisés qu’on avait vu le plaignant entrer dans une remise dans l’arrière-cour d’une résidence du croissant Holden. L’AT no 1 et l’AI se sont dirigés vers l’arrière de la résidence et ont tenté d’ouvrir la porte de la remise. Malgré la résistance de l’autre côté, ils ont réussi à entrebâiller la porte. En regardant à l’intérieur de la remise, l’AT no 1 a pu voir le plaignant. Ce dernier s’est mis à crier des paroles, répétant [TRADUCTION] « Ils essaient de me tuer. Vous allez devoir me tuer. » L’AT no 1 et l’AI ont entrepris de demander au plaignant de sortir de la remise, les mains en l’air. Comme il n’obéissait pas, l’AT no 1 a fermé la porte et a décidé d’attendre l’arrivée d’autres agents de police; à ce moment là, l’agente ignorait que le TC no 9 se trouvait aussi dans la remise.

Après une discussion entre l’AI et l’AT no 1, il a été décidé que l’AT no 1 allait sortir son arme à impulsions et que l’AI resterait à ses côtés avec son arme à feu, prête à intervenir. Quelques secondes plus tard, le plaignant a ouvert la porte de la remise et en est sorti. Il tenait un couteau de cuisine avec une lame dentelée dans sa main gauche [2]. Le plaignant ainsi que son couteau étaient couverts de sang. Le plaignant a commencé à se couper du côté gauche du cou avec le couteau. L’AT no 1 a alors tiré sur le plaignant avec son arme à impulsions [3]. Bien que le choc l’ait temporairement arrêté, le plaignant est resté debout et a commencé à marcher vers les agents. En s’avançant, le plaignant a dit qu’il s’était échappé d’un hôpital où le personnel avait tenté de le tuer et a crié que l’AI devait le tuer. Les agents se sont mis à s’éloigner du plaignant en lui ordonnant de jeter son couteau et de s’arrêter. Le plaignant a alors tourné son attention vers l’AI, qui se tenait à droite de l’AT no 1, et a commencé à marcher dans sa direction. Lorsque le plaignant s’est retrouvé à deux ou trois mètres d’elle, l’AI a tiré trois coups rapides avec son arme à feu.

Un projectile a touché le plaignant à la jambe droite. Il a échappé son couteau et est tombé au sol. Il a continué à s’agiter au sol et a reçu de multiples décharges d’armes à impulsions, dont deux ont peut-être été déployées par l’AI.

Entre temps, on a avisé l’AT no 1 de la présence du TC no 9 dans la remise. Avec deux autres agents, l’AT no 1 est entré dans la remise et a découvert le TC no 9 sur le sol, couvert de sang et grièvement blessé.

Des ambulances sont arrivées sur les lieux et ont emmené les blessés à l’hôpital.

Dispositions législatives pertinentes

Article 25, Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été blessé par balle par une agente de la PRP dans la matinée du 2 mai 2020. L’agente en question – l’AI – a été désignée comme étant l’agente impliquée aux fins de l’enquête de l’UES. L’agente et d’autres agents se sont rendus à une résidence de Mississauga à la suite du signalement d’un homicide dans le secteur et ont affronté le plaignant dans l’arrière-cour de la maison jumelée; les coups de feu ont été tirés peu de temps après. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux coups de feu tirés.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. En ce qui concerne l’utilisation d’une force potentiellement létale, le paragraphe 25(3) prévoit que cette force n’est pas justifiée à moins que l’agent de police n’estime, pour des motifs raisonnables, qu’elle est nécessaire afin de se protéger lui même ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre la mort ou des lésions corporelles graves. Je n’ai aucun motif de conclure, selon un jugement raisonnable, que l’AI a enfreint ces restrictions en ce qui concerne la force qu’elle a employée contre le plaignant.

L’AI exerçait ses fonctions légitimes lorsqu’elle s’est rendue dans l’arrière-cour de la résidence en question sur le croissant Holden et qu’elle a affronté le plaignant. Étant donné les communications radio dont elle avait pris connaissance et les renseignements obtenus auprès des témoins sur place, l’AI avait des motifs de croire que l’homme qui s’était enfui des lieux d’un accident de voiture survenu à proximité avait agressé plusieurs résidents du secteur et se cachait dans la remise. Il est évident que l’arrestation de l’homme – le plaignant – était fondée.

En outre, je suis convaincu que la force utilisée par l’AI, soit les trois coups de feu, qui ont peut-être été suivis de décharges d’arme à impulsions, respectait les critères de justification légale. Lorsqu’il est sorti de la remise, le plaignant s’est dirigé vers l’AI en tenant un couteau couvert de sang. Une décharge de l’arme à impulsions de la part du collègue de l’agente, l’AT no 1, ainsi que de multiples ordres donnés au plaignant de vive voix pour qu’il jette son arme et s’immobilise n’ont pas suffi à arrêter ce dernier. Il ne fait aucun doute que le plaignant avait l’intention de faire du mal aux agents avec le couteau. Lorsqu’il a cessé d’utiliser le couteau pour se couper, le plaignant l’a pointé vers l’AI en criant qu’elle devait lui tirer dessus. Battre en retraite n’était pas une option. Le plaignant venait tout juste d’agresser et de blesser grièvement trois occupants des résidences où il s’était introduit par effraction et représentait un danger réel pour l’AT no 1 et les autres personnes à proximité des lieux. Dans cette affaire, je suis convaincu que l’AI a pris les mesures nécessaires pour contrecarrer une menace imminente de mort ou de blessure grave lorsqu’elle a tiré à trois reprises en direction du plaignant alors qu’il se trouvait à deux ou trois mètres d’elle.

À la suite des tirs, le plaignant semble avoir été atteint de quelques décharges de l’arme à impulsions de l’AI, suivies de décharges supplémentaires de l’arme à impulsions de l’AT no 4, ce dernier étant arrivé dans l’arrière-cour juste avant les coups de feu [4]. Selon les témoignages recueillis, le plaignant s’agitait pendant qu’il était au sol et tentait de se remettre sur ses pieds. D’ailleurs, il semble avoir réussi à se relever brièvement, avant que l’AT no 4 n’utilise son arme à impulsions. Au moment où l’AI a employé son arme à impulsions, le plaignant n’était pas encore menotté. Même s’il ne tenait plus son couteau, les agents ne pouvaient être certains qu’il n’avait pas une autre arme sur lui. En effet, après l’arrestation du plaignant, un couteau d’office a été trouvé dans le gazon près de l’endroit où celui-ci était tombé. Dans les circonstances, il serait déraisonnable de qualifier d’excessive l’utilisation de l’arme à impulsions par l’AI. À mon avis, tant qu’elle ne pouvait être certaine que le plaignant ne représentait plus une menace, l’AI était en droit de maintenir ce dernier immobilisé à une certaine distance avec son arme à impulsions.

À première vue, le nombre de fois où l’AT no 4 a employé son arme à impulsions pendant l’incident, soit 14 décharges au total sur une période d’environ 8 minutes, peut sembler excessif. Toutefois, les éléments de preuve à cet égard, tirés des données téléchargées depuis l’arme en question, ne correspondent pas du tout à ce qu’ont déclaré l’AT no 4 et d’autres agents s’étant présentés sur les lieux pour prêter main forte à leurs collègues en vue de l’arrestation du plaignant. En effet, alors que les témoignages recueillis révèlent que l’AT no 4 a utilisé son arme à impulsions plusieurs fois à l’endroit du plaignant, il l’a fait, selon ce qui a été rapporté, seulement jusqu’à ce que le plaignant soit menotté – une période d’au plus quatre minutes à compter du moment où les coups de feu ont été tirés. Toujours selon les témoignages donnés, tout au long de cette période – plus courte que celle liée aux données de l’arme à impulsions –, le plaignant s’agitait au sol; il donnait des coups avec ses jambes, bougeait vivement ses bras, essayait constamment de se relever et a même tenté de mordre les agents. Même une fois le plaignant menotté, les ambulanciers paramédicaux arrivés sur les lieux ont jugé nécessaire d’utiliser des sédatifs à son endroit avant de pouvoir traiter ses blessures et le transporter à l’hôpital. Étant donné qu’il est bien possible que certaines des 14 décharges enregistrées par l’arme de l’AT no 4, n’ayant pas atteint le plaignant, aient été involontaires ou accidentelles et puisque l’on sait que le plaignant a continué à s’agiter au sol pendant un certain moment, même après avoir été atteint par une balle, je suis d’avis que les éléments de preuve ne permettent pas d’établir, sur la base d’un jugement raisonnable, que la force employée par l’AT no 4 a transgressé les limites prescrites par le droit criminel.

Le plaignant n’était pas sain d’esprit au moment où se sont produits ces événements traumatisants; il semble avoir souffert d’un épisode psychotique. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que l’AI a agi raisonnablement dans le contexte des événements qui se déroulaient, compte tenu de ce que demandait la situation. En conclusion, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI et les autres agents concernés dans l’arrestation du plaignant ont commis un geste n’étant pas conforme à la loi, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Par conséquent, le dossier est clos.


Date : 16 février 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures associées aux événements qui se rapportent aux armes à impulsions proviennent de l’horloge interne des armes mêmes et ne correspondent pas nécessairement aux heures réelles. [Retour au texte]
  • 2) Le couteau a été retrouvé sur les lieux par l’UES. La longueur de la lame était d’environ 20 centimètres. [Retour au texte]
  • 3) Il ne semble pas que les deux sondes de l’arme à impulsions aient atteint le plaignant, car on a retrouvé l’une d’elles logée dans le mur de la remise d’où le plaignant était sorti. [Retour au texte]
  • 4) Ni l’AT no 1 ni l’AT no 4, qui étaient tous deux à proximité, n’ont dit avoir vu l’AI utiliser son arme à impulsions à quelque moment que ce soit. Toutefois, les données téléchargées depuis l’arme à impulsions que l’AI transportait indiquent que l’arme a été utilisée deux fois au cours de l’incident. D’après les éléments de preuve recueillis, il semble que l’arme à impulsions a été employée après que l’AI eut utilisé son arme à feu et avant que l’AT no 4 utilise sa propre arme à impulsions à l’endroit du plaignant. [Retour au texte]

Note:

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