Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCD-225

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 39 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 28 mai 2024, à 6 h, le Service de police de Thunder Bay (SPTB) a communiqué avec l’UES pour lui fournir les renseignements suivants :

Le 27 mai 2024, à 15 h 30, des agents du SPTB ont arrêté le plaignant en vertu d’un formulaire au titre de la Loi sur la santé mentale délivré par un médecin. Le plaignant a été transporté au Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay (CRSSTB) afin de subir un examen. Il a reçu son congé du CRSSTB à 18 h. Il faisait l’objet de plusieurs mandats d’arrestation non exécutés par le SPTB et a été emmené au poste de police en attendant de comparaître devant le tribunal. La mise en détention s’est déroulée sans incident, et les interactions avec le plaignant n’ont pas soulevé d’inquiétudes. Il a été placé dans une cellule. Tout au long de la nuit, on a surveillé le plaignant dans sa cellule, et il n’y avait rien d’important à signaler. Le 28 mai 2024, à 4 h 11, on a vérifié l’état du plaignant, conformément à la politique, et une fois de plus, on n’a relevé aucun problème. À 4 h 19, le plaignant était affalé dans sa cellule, et des agents sont entrés pour vérifier son état. On a constaté qu’il ne présentait pas de signes vitaux. On a commencé les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR). On a demandé aux services paramédicaux de se rendre les lieux, et le cœur du plaignant s’est remis à battre. Il a été transporté au CRSSTB où il est resté sous assistance respiratoire.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 28 mai 2024, à 6 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 28 mai 2024, à 22 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 39 ans; décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 29 mai 2024 et le 1er août 2024.

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 4 juin 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et près d’une cellule du poste du SPTB situé au 1200, avenue Balmoral, à Thunder Bay.

Éléments de preuve matériels

Le 28 mai 2024, à 22 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu dans l’aire des cellules du poste du SPTB situé au 1200, avenue Balmoral, à Thunder Bay. Le plaignant avait été placé dans l’une des cellules. L’aire était climatisée et la température était à 21 degrés Celsius au moment de l’examen. Des caméras de surveillance étaient réparties dans l’établissement, une caméra étant placée en face de chaque cellule pour que l’on puisse voir les occupants. On pouvait regarder la vidéo en temps réel à partir d’un bureau central.

Sur le plancher de la cellule du plaignant se trouvaient des débris médicaux, notamment des emballages ouverts, un défibrillateur externe automatisé, une sonde d’intubation, un cathéter intraveineux et un ballon-masque. Près de la porte ouverte de la cellule, il y avait une couverture pliée dont un coin était taché. Il y avait des boîtes à boisson vides provenant des repas fournis aux personnes détenues. On n’a trouvé aucun objet étranger ou aucune substance étrangère dans la cellule.

À 22 h 55, les lieux ont été rendus accessibles au SPTB.

Éléments de preuve médicolégaux

Selon le rapport d’autopsie, le décès du plaignant est attribuable à une intoxication à la cocaïne, et une cardiomégalie avec hypertrophie ventriculaire gauche a contribué au décès.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Images captées par la caméra d’intervention

Le 27 mai 2024, à 15 h 22 min 48 s, l’AT no 7, l’AT no 1, l’AT no 5 et l’AT no 2 arrivent à une résidence de la Première Nation de Fort William. Le plaignant est assis à l’extérieur sur une chaise, les bras levés en l’air. L’AT no 7 dit au plaignant qu’il serait arrêté et emmené à l’hôpital. Le plaignant se montre coopératif. Il déclare que son niveau d’anxiété est élevé et qu’il ne se souvient pas des derniers jours. Il se lève et place ses mains derrière son dos. Les agents le menottent. L’AT no 5 et l’AT no 1 procèdent à une fouille par palpation. Le plaignant porte un t-shirt, un pantalon et des chaussures. L’AT no 2 et l’AT no 1 retournent ses poches. Ils effectuent une fouille par palpation de ses jambes et ses chevilles. Les agents escortent le plaignant jusqu’à un véhicule de police et le placent dans l’habitacle arrière.

À 15 h 28 min 50 s, le plaignant dit à l’AT no 2 qu’il a consommé de la drogue la veille. Il déclare qu’il est venu à la résidence après avoir consommé de la drogue pendant une longue période. Il dit qu’il consomme habituellement du crack. Il s’exprime de manière cohérente tout au long de l’interaction avec la police.

Images captées par la caméra à bord des véhicules de police

Le 27 mai 2024, à 15 h 27 min 45 s, le plaignant est placé dans l’habitacle arrière du véhicule de police de l’AT no 2 et l’AT no 1. Il semble fatigué pendant le trajet vers le CRSSTB et dit qu’il ne se souvient pas de la dernière fois où il a dormi.

À 17 h 39 min 31 s, le plaignant est dans l’habitacle arrière du véhicule de police. On l’emmène du CRSSTB à un poste du SPTB. Tout au long du trajet, il semble lucide et cohérent. Il est menotté, les mains derrière le dos.

Vidéo de la mise en détention

Le 27 mai 2024, à 17 h 51 min 46 s, deux agents, soit l’AT no 1 et l’AT no 2, escortent le plaignant dans l’aire de mise en détention. Il s’assied sur un banc.

À 17 h 52 min 38 s, l’AT no 1 demande au plaignant s’il a de la drogue ou de l’alcool dans son organisme. Le plaignant nie avoir consommé quoi que ce soit. L’AT no 1 lui demande s’il a de la drogue sur lui, puis s’empresse d’ajouter « Manifestement, non, puisque vous venez de porter une chemise d’hôpital ». L’AT no 1 lui demande s’il a quelque chose dans ses sous-vêtements. Le plaignant dit que non. L’AT no 1 demande au plaignant s’il est blessé. Le plaignant répond qu’il n’est pas blessé. L’AT no 1 demande au plaignant s’il a des problèmes de santé. Le plaignant dit qu’il souffre d’hypertension artérielle. L’AT no 1 lui demande s’il prend des médicaments pour son hypertension. Le plaignant répond que cela fait longtemps qu’il n’a pas pris ses médicaments. L’AT no 1 demande au plaignant s’il a envie de se faire du mal ou de se tuer. Le plaignant répond que non. L’AT no 2 balaie le plaignant au moyen d’un détecteur de métal portatif.

À 17 h 54, on escorte le plaignant à une cellule. On lui enlève les menottes et on le place dans la cellule. Il s’assied sur le banc de la cellule. Les agents sortent de l’aire des cellules.

Les agents vérifient la cellule environ toutes les 30 minutes entre le moment où le plaignant y est placé et environ 23 h 39[3]. Les vérifications de la cellule sont effectuées par l’AT no 3 et le TES no 1. Pendant ce temps, le plaignant est assis sur le banc et mange, puis il s’allonge sur le banc et place une couverture sur lui. Il semble dormir.

Vers 23 h 39, le plaignant s’assied sur le banc. Il mange un peu plus. Il y a une couverture sur la moitié inférieure de son corps. Il s’adosse au mur et se serre la poitrine à deux mains. Quelques minutes plus tard, il place ses mains sous la couverture. Il se penche vers l’avant tout en restant assis sur le banc. Il change plusieurs fois de position sur le banc et semble agité.

Le 28 mai 2024, à 0 h 9, le TES no 1 effectue une vérification de la cellule. Il n’y a pas de conversation entre le TES no 1 et le plaignant.

Vers 0 h 40, 1 h 11 et 1 h 56, le TES no 1 effectue des vérifications de la cellule. Il n’y a pas de conversation entre le TES no 1 et le plaignant. Le plaignant est couché sur le banc.

Vers 2 h 30, le plaignant semble agité. Il fait les cent pas et se tient près des portes pendant que le TES no 1 procède à la vérification de la cellule. Il n’y a pas de conversation entre le TES no 1 et le plaignant.

Vers 3 h 6, le TES no 1 effectue une vérification de la cellule. Le plaignant est couché sur le banc. Il n’y a pas de conversation entre le TES no 1 et le plaignant.

Vers 3 h 40, l’AI procède à une vérification de la cellule. Le plaignant est assis sur le banc, dos au mur de la cellule. Il n’y a pas de conversation entre l’AI et le plaignant.

Le plaignant alterne entre diverses positions : assis sur le bord du banc et penché vers le sol, assis droit sur le banc avec les bras autour des genoux et couché. Il semble agité. Il s’assied sur le plancher avec le dos contre le mur de la cellule. Il se tient les genoux.

Vers 4 h 6, le plaignant s’approche de la toilette. Il s’approche de la porte de la cellule et appuie son dos contre celle-ci, puis reprend sa position initiale sur le plancher.

Vers 4 h 11, l’AI procède à une vérification de la cellule. Le plaignant est assis par terre, le dos contre le mur de la cellule, et se tient les genoux. Il n’y a pas de conversation entre l’AI et le plaignant. Le plaignant s’approche à nouveau de la toilette.

Vers 4 h 16, le plaignant agite les bras dans les airs et se tient l’arrière de la tête. Il a une main sur chaque genou et semble trembler. Les tremblements s’accentuent. Il lève les jambes en l’air et se laisse glisser sur son côté droit. Il est recroquevillé sur le sol, entre le mur et le banc. Il continue de donner des coups de pied. Puis, il ne bouge plus et est allongé sur le dos, la tête orientée vers la porte de la cellule. On voit, à son torse qui monte et redescend, qu’il respire toujours.

Vers 4 h 19, l’AI entre dans l’aire des cellules et regarde le plaignant par terre. Il sort de l’aire des cellules et, environ une minute plus tard, revient avec l’AT no 4. L’AI ouvre la cellule. L’AT no 4 entre dans la cellule, saisit le plaignant par le bras et le sort de la cellule. Il est partiellement sorti du cadre de la caméra. D’autres agents arrivent. Un agent fouille la cellule, mais semble ne rien trouver. Les jambes du plaignant semblent bouger en raison de convulsions mineures.

Vers 4 h 31, les agents font rouler le plaignant sur le dos. Un agent effectue des compressions thoraciques. Environ trois minutes plus tard, les services paramédicaux arrivent.

Vers 4 h 53, l’ambulance quitte le poste du SPTB.

Transmissions radio de la police

Le 25 mai 2024, à 7 h 41[4], le SPTB reçoit un appel du CRSSTB. L’appelant, qui ne s’identifie pas, indique que le plaignant a été amené à l’hôpital par un membre de sa famille. L’appelant dit que le plaignant a été admis en vertu d’un formulaire 1 et qu’il s’est ensuite enfui de l’hôpital.

Le 27 mai 2024, à 13 h 39, le plaignant appelle le SPTB et indique qu’il va se rendre. Il déclare avoir volé un véhicule à l’hôpital. Il dit qu’il se trouve chez un membre de sa famille et qu’il sera au poste du SPTB dans 30 minutes.

À 14 h 13, le plaignant appelle encore une fois le SPTB. Il demande si des agents viendront le chercher. Le répartiteur l’informe que la police l’attend au poste. Il dit qu’il est « dans la réserve ».

À 14 h 27, le plaignant rappelle le SPTB et donne une adresse. Il dit que le membre de sa famille chez qui il se trouve ne veut pas le conduire au poste.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPTB le 29 mai 2024 :

  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • photographies des lieux;
  • enregistrements des communications;
  • enregistrements des caméras d’intervention;
  • images captées par les caméras à bord des véhicules de police;
  • vidéo de la mise en détention;
  • tableau d’urgence relative de l’incident;
  • rapport de personne disparue;
  • formulaire 1 rempli en vertu de la Loi sur la santé mentale;
  • rapport d’incident général;
  • rapports supplémentaires;
  • rapport de mise en accusation d’un accusé adulte;
  • mandat de dépôt;
  • mandat d’arrestation;
  • registre du système de gestion des détenus;
  • rapport concernant les clés des cellules;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes du TES no 1;
  • notes de l’AT no 7;
  • notes de l’AT no 4;
  • politique – soins et traitement des détenus.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part d’autres sources entre le 2 juillet 2024 et le 14 mars 2025 :

  • dossiers médicaux du plaignant du CRSSTB;
  • rapport d’autopsie du bureau du coroner.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues menées avec les membres du SPTB qui sont intervenus auprès du plaignant pendant les événements en question et les séquences vidéo qui ont capté sa détention, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.

Dans l’après-midi du 27 mai 2024, le plaignant se trouvait à une adresse de la Première Nation de Fort William lorsqu’il a communiqué avec le SPTB pour se rendre. Une ordonnance d’arrestation aux termes de la Loi sur la santé mentale autorisait son admission à l’hôpital pour un examen. Il s’était enfui de l’hôpital quelques jours plus tôt, mais souhaitait maintenant y retourner. Les agents se sont rendus à l’adresse et ont arrêté le plaignant sans incident. Le plaignant a été fouillé, placé dans un véhicule de police et emmené au CRSSTB.

Les parties sont arrivées à l’hôpital vers 16 h. Le plaignant a retiré ses vêtements, qui ont été fouillés par les agents, et a revêtu une chemise d’hôpital. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait quelque chose dans ses sous-vêtements, le plaignant a répondu par la négative. Il a fait l’objet d’une évaluation médicale et a ensuite été confié de nouveau à la garde de la police. Comme il y avait un autre mandat en vigueur autorisant son arrestation pour plusieurs infractions criminelles, le plaignant a de nouveau été placé sous garde et emmené au poste de police.

Au cours de la procédure de mise en détention au poste de police, le plaignant a nié avoir consommé de la drogue ou de l’alcool. Il a indiqué qu’il souffrait d’hypertension artérielle et qu’il n’avait pas pris ses médicaments depuis un certain temps. Vers 18 h, le plaignant a été placé dans une cellule.

Tout au long de la soirée et dans la matinée du lendemain, on a vérifié l’état du plaignant à des intervalles réguliers d’environ 30 minutes. On lui a fourni du jus et de la nourriture. Le 28 mai 2024 vers 4 h 16, le plaignant a commencé à trembler. Il a levé les jambes dans les airs et a glissé sur son côté droit. Il s’est couché en boule sur le sol entre le mur et le banc de la cellule. Il a fini par s’immobiliser, couché sur le dos, sa poitrine continuant à se soulever et à s’abaisser.

L’AI, qui avait la responsabilité de surveiller les cellules à ce moment-là, est entré dans l’aire des cellules vers 4 h 19. Il a regardé le plaignant, qui était couché sur le sol, et est rapidement parti chercher l’agent responsable, l’AT no 4. Les deux agents sont revenus environ une minute plus tard et l’AT no 4 a sorti le plaignant, qui était inconscient, de la cellule. On a demandé une ambulance. Les agents ont entrepris des manœuvres de RCR et administré des doses de naloxone en attendant l’arrivée de l’ambulance.

Vers 4 h 53, des ambulanciers se sont rendus sur place et ont pris en charge les soins du plaignant. Il a été transporté à l’hôpital.

Le 31 mai 2024, on a arrêté les soins et le plaignant est décédé.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste était d’avis que le décès du plaignant était attribuable à une intoxication à la cocaïne. Le médecin légiste a également conclu qu’une cardiomégalie avec hypertrophie ventriculaire gauche avait contribué au décès.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :

(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,

(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :

b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 220, Code criminel – Négligence criminelle causant la mort

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

(a) soit en faisant quelque chose;

(b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

(a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

(b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé à l’hôpital à Thunder Bay le 31 mai 2024. Il a été transporté à l’hôpital depuis l’aire des cellules du poste du SPTB le 28 mai 2024, après une crise médicale. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, désignant l’un des agents chargés de s’occuper du plaignant à titre d’AI. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux problèmes de santé du plaignant et à son décès.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont l’AI est intervenu auprès du plaignant qui a mis la vie de ce dernier en danger ou qui a contribué à son décès et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Le plaignant était légalement sous la garde des agents tout au long des événements en question. Son arrestation initiale avait été autorisée en vertu de la Loi sur la santé mentale. Son arrestation subséquente a été effectuée en vertu d’un mandat d’arrestation.

En ce qui concerne le temps passé par le plaignant sous la garde de la police, je suis convaincu que les agents qui étaient chargés de s’occuper de lui, y compris l’AI, ont agi en tenant dûment compte de la santé et de la sécurité du plaignant. Au moment où le plaignant a été placé dans une cellule, il avait été fouillé à trois reprises : chez un membre de sa famille, à l’hôpital et au poste de police. Aucune de ces fouilles n’a révélé la présence sur lui de drogues auxquelles il aurait pu avoir accès pendant qu’il était dans la cellule. Selon les enregistrements vidéo, il ne semble pas non plus que le plaignant a ingéré de la drogue qu’il avait sur lui pendant qu’il était sous garde. En outre, les enregistrements montrent que le plaignant a fait l’objet d’une surveillance régulière lorsqu’il était dans la cellule, conformément à la politique de la police. Il a montré pour la première fois des signes de détresse médicale vers 4 h 16, soit environ cinq minutes après la dernière vérification effectuée par l’AI. L’agent semble avoir remarqué la détresse du plaignant vers 4 h 19, soit quelque temps avant la prochaine vérification prévue, et a rapidement appelé à l’aide. Environ une minute plus tard, d’autres agents se sont rendus à la cellule et ont prodigué des soins d’urgence au plaignant, notamment la RCR et des administrations de naloxone.

Pour les raisons susmentionnées, je ne peux pas conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’AI a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel en ce qui concerne la crise médicale du plaignant ainsi que son décès. Le dossier est clos.

Date : 18 mars 2025

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci‑dessous. [Retour au texte]
  • 3) On a établi les heures de vérification de la cellule en comparant les enregistrements avec le registre du système de gestion des détenus. [Retour au texte]
  • 4) Les heures indiquées sont tirées du rapport du système de répartition assistée par ordinateur et sont donc approximatives. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.