Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFI-492

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« UES ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (« Loi sur l’UES »), « agent » s’entend des agents de police, des constables spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix nommés en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre l’agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il porte sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de cette personne.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis du présent rapport. Il s’agit notamment :

  • du nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée et de tout renseignement permettant de les identifier;
  • des renseignements qui pourraient entrainer la révélation de l’identité d’une personne qui a signalé avoir été agressée sexuellement dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public lié à leur publication.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport. Il s’agit notamment :

  • des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’ils entravent un dossier d’exécution de la loi ou une enquête menée en vue d’une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé. Il s’agit notamment :

  • des noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur des lieux;
  • des déclarations des témoins et des éléments de preuve fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables n’est compris.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, constables spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix nommés en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entrainé un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, souffre de brulures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps ou subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure qui est subie par une personne, qui est susceptible d’avoir des répercussions sur sa santé ou son confort et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES relativement à toute blessure grave subie par un homme de 33 ans (le «plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 16 novembre 2024 à 12 h 23, le Service de police d’Ottawa (« SPO ») a communiqué les renseignements suivants à l’UES.

Le 15 novembre 2024 à 23 h 14, le SPO a reçu un appel concernant un homme, le plaignant, qui brandissait une hache et tentait de s’introduire par effraction dans des véhicules et des commerces situés près de l’intersection du boulevard St. Joseph et de Place d’Orléans Drive, à Ottawa. La police a appris que le plaignant avait aussi été impliqué dans une altercation avec un civil inconnu qui avait subi une entaille, possiblement causée par la hache. Les agents qui sont arrivés sur les lieux ont exigé que le plaignant laisse tomber la hache. Le plaignant a couru vers les agents, motivant l’un d’eux [l’agent impliqué (AI)] à tirer cinq fois avec son arme à feu, atteignant le plaignant à une cuisse et à un mollet. Le plaignant a continué à brandir la hache et un autre agent a déchargé une arme à impulsions, ce qui a amené le plaignant à lâcher la hache et à se rendre. Le plaignant a été arrêté et transporté au Campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa, où il a été traité pour des blessures à une jambe.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 16/11/2024 à 12 h 47

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 16/11/2024 à 5 h 35

Nombre d’enquêteurs de l’UES affectés : 4

Nombre d’enquêteurs médicolégaux de l’UES affectés : 4

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 33 ans; n’a pas participé à une entrevue; a refusé.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue.

TC no 2 A participé à une entrevue.

TC no 3 N’a pas participé à une entrevue; a refusé[2].

TC no 4 A participé à une entrevue.

TC no 5 A participé à une entrevue.

TC no 6 A participé à une entrevue.

TC no 7 A participé à une entrevue.

TC no 8 A participé à une entrevue.

TC no 9 A participé à une entrevue.

TC no 10 A participé à une entrevue.

Les témoins civils ont participé à des entrevues du 16 novembre 2024 au 6 décembre 2024.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais a refusé de remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 8 janvier 2025.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 21 novembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les évènements en cause sont survenus dans les limites et autour de la voie de service au volant d’un restaurant situé près de l’intersection du boulevard St. Joseph et de Place d’Orléans Drive, à Ottawa.

Éléments de preuve matériels

Les fenêtres du guichet de service au volant du restaurant ont été fracassées et des éclats de vitre ont été dispersés à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment.

Trois voitures de patrouille situées à l’extrémité nord du parc de stationnement ne présentaient aucun dommage visible. On voyait une trainée de sang considérable commençant à l’est d’une voiture de patrouille et décrivant un arc jusqu’à son côté nord.

Huit douilles de 9 mm ont été trouvées sur les lieux : trois près du devant du restaurant, trois derrière une des voitures de patrouille et deux plus loin vers le nord-ouest. Plusieurs composants d’arme à impulsions, y compris des morceaux de plastique jaune et des cartouches, étaient dispersés sur les lieux tachés de sang, indiquant de multiples déploiements.

Les éléments suivants ont été documentés sur les lieux :

  • Un couteau noir et gris [longueur totale : 10 po, lame de 5 po] dont la pointe était tachée de rouge, trouvé dans le parc de stationnement, près du coin nord-est du bâtiment.
  • Un étui de couteau brun situé dans la grande zone tachée de sang au nord d’une voiture de patrouille.
  • Une hachette Woods [longueur : 15,75 po, tête de 5,5 po sur 3 po], trouvée près de la bordure nord du parc de stationnement.
  • Une paire de chaussures noires situées entre une voiture de patrouille et la grande zone tachée de sang.

Figure 1 – Photo de la hachette sur les lieux

Figure 1 – Photo de la hachette sur les lieux

Figure 2 – Arme à feu de l’AI

Figure 2 – Arme à feu de l’AI

Éléments de preuves médicolégaux

Données provenant de l’arme à impulsions — AT no 4

À 23 h 25 m 56 s[3] le 15 novembre 2024, la gâchette a été déclenchée, la cartouche 2 a été déployée et la décharge a duré environ cinq secondes.

À 23 h 26 m 01 s, la gâchette a été déclenchée, la cartouche 1 a été déployée et la décharge a duré environ cinq secondes.

À 23 h 27 m 16 s, le bouton Arc a été activé et la décharge a duré environ cinq secondes.

Données provenant de l’arme à impulsions — AT no 3

À 23 h 27 m 57 s le 15 novembre 2024, la gâchette a été déclenchée, la cartouche 2 a été déployée et la décharge a duré environ cinq secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]

Enregistrements de communications du SPO – appels au 911

Le 15 novembre 2024 à 23 h 12 m 49 s, un appelant a signalé qu’un homme [le plaignant] tentait d’accéder par effraction à un véhicule et d’attaquer ses occupants. Il était armé d’une hachette et avait fracassé deux fenêtres d’un restaurant. Selon la description, le plaignant portait un veston blanc, un jean bleu et une tuque noire. Pendant l’altercation, il avait frappé un autre homme [le TC no 5] à la bouche avec la hachette, ce qui avait provoqué un saignement. L’appel a pris fin à 23 h 19 m 19 s.

Le 15 novembre 2024 à 23 h 15 m 35 s, une femme a appelé le 911 pour signaler qu’elle et son mari avaient été attaqués dans la voie de service au volant d’un restaurant. Un homme avait frappé la main de son mari et lui avait infligé des blessures graves au visage et à la tête, ce qui avait provoqué une importante perte de sang. Incapable de confirmer son emplacement exact, la femme a demandé au répartiteur de localiser son téléphone. Le couple s’était échappé en roulant par-dessus une bordure et était actuellement stationné au centre commercial Place d’Orléans. Une autre personne qui se trouvait près d’eux a aussi dit avoir été attaquée. L’appel a pris fin à 23 h 19 m 35 s.

Le 15 novembre 2024 à 23 h 15 m 49 s, une personne a appelé le 911 pour signaler qu’un homme attaquait des véhicules avec une hachette en face du centre commercial. L’appelant l’a vu poursuivre une personne en brandissant l’arme, puis entrer dans un restaurant, la hachette toujours à la main. Une description physique de l’homme a été fournie. L’appel a pris fin à 23 h 17 m 39 s.

Le 15 novembre 2024 à 23 h 16 m 32 s, le TC no 10 a appelé le 911 pour demander à la police d’intervenir à un restaurant où un homme avait fracassé la fenêtre arrière de sa voiture et avait été vu en train d’errer dans le parc de stationnement avec une hachette et un couteau. Le TC no 10 s’était déplacé dans le parc de stationnement du centre commercial, où il avait rencontré la deuxième appelante au 911 et son mari, tous deux blessés. Il a dit au répartiteur qu’il fallait envoyer les services médicaux d’urgence (SMU). Des agents de police sont arrivés peu après et l’appel a pris fin à 23 h 18 m 32 s.

Enregistrements de communications du SPO – radio

Le 15 novembre 2024 à 23 h 16 m 00 s, le répartiteur a alerté les agents au sujet d’un homme portant un jean, un veston blanc et une tuque noire qu’on avait vu bruler un feu rouge vers le centre commercial Place d’Orléans. À 23 h 18 m 00 s, les SMU ont été demandés pour des victimes au centre commercial.

À 23 h 19 m 00 s, l’AI a indiqué qu’il était avec le TC no 5, qui avait des coupures au visage et une épaule contusionnée. Le suspect, qui portait un chandail blanc, avait été vu près d’un Tim Hortons.

À 23 h 20 m 00 s, on a entendu des coups de feu à la radio. L’AT no 2 a confirmé que des coups de feu avaient été tirés. Des agents ont indiqué que l’homme avait toujours la hachette à la main et qu’aucun agent n’était blessé.

At 23 h 21 h 00 s, l’homme était au sol, mais tenait toujours l’arme. Des agents ont demandé l’intervention urgente des SMU, car une victime avait subi deux grandes lacérations à la tête.

At 23 h 27 m 00 s, les SMU étaient presque arrivés et l’AT no 4 a confirmé que l’homme était toujours armé et sous la menace d’armes à feu. On avait déployé une arme à impulsions pour le maitriser.

À 23 h 36 m 00 s, les SMU étaient arrivés et l’homme était sous garde.

Enregistrement vidéo du restaurant

Le 15 novembre 2024, à compter de 22 h 59, une caméra a enregistré une série d’évènements survenus à l’intérieur et autour d’un restaurant situé près de l’intersection du boulevard St. Joseph et de Place d’Orléans Drive.

À 23 h 01, une berline Audi noire est entrée dans le parc de stationnement ouest, puis est demeurée immobile, ses feux avant et arrière allumés. Trois minutes plus tard, une berline Hyundai noire dont on a subséquemment déterminé qu’elle appartenait au plaignant est arrivée et s’est garée à deux places au sud de l’Audi. Le plaignant a éteint son véhicule, en est sorti et en a fouillé le coffre brièvement avant de le fermer à 23 h 05. Il portait un veston à capuchon blanc et gris, un pantalon bleu, des chaussures noires et une tuque noire.

Le plaignant s’est approché du conducteur de l’Audi et a engagé une conversation de deux minutes pendant laquelle il a utilisé le téléphone cellulaire du conducteur. À 23 h 08, il a marché vers le nord en longeant le côté ouest du bâtiment. Peu après, l’Audi s’est éloignée.

À 23 h 10, le plaignant est revenu à son véhicule. Un moment plus tard, un VUS blanc est entré dans le parc et s’est immobilisé derrière lui. Sans avertissement, le plaignant a attaqué la fenêtre avant du côté passager du VUS, causant le départ précipité du véhicule.

At 23 h 11, le plaignant a retiré de son coffre arrière un objet dont on a déterminé subséquemment qu’il s’agissait d’une hachette, puis est rapidement sorti du champ de vue.

Le plaignant a erré à l’extérieur du restaurant en brandissant la hachette.

At 23 h 13, le plaignant a été vu en train de s’approcher d’un homme non identifié, qui a utilisé un véhicule comme bouclier. Le plaignant l’a poursuivi en tenant à la fois la hachette et une arme tranchante. Peu après, il est parti puis est revenu sur les lieux.

À 23 h 14, le plaignant a poursuivi une fourgonnette blanche; il semblait suivre ses déplacements dans le parc de stationnement du restaurant.

À 23 h 18, le TC no 5 a été vu en train de montrer ses blessures à la bouche et au bras gauche.

À 23 h 19, l’AI est arrivé et a commencé à parler avec le TC no 5. Peu après, une voiture de patrouille portant des marques discrètes est entrée dans le parc de stationnement et a bloqué une berline de couleur foncée. Un agent [l’AT no 1] est sorti de la voiture de patrouille et a dégainé son arme à feu, puis la berline a accéléré, est passée par-dessus une bordure et a fui. Quelques secondes plus tard, le plaignant s’est élancé vers l’AI et un employé du restaurant, toujours armé de la hachette et d’un couteau. L’AI a déchargé son arme à feu vers le plaignant. Le plaignant a été vu en train de ramper vers l’AI. D’autres agents sont arrivés sur les lieux et des armes à impulsions ont été déployées.

À 23 h 29, plusieurs agents se sont approchés et ont menotté le plaignant. L’enregistrement a pris fin peu après, à 23 h 30.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPO a remis à l’UES les documents suivants du 17 au 21 novembre 2024 :

  • enregistrements des communications;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • enregistrement vidéo du restaurant;
  • déclarations écrites du SPO;
  • données sur le déploiement des armes à impulsions;
  • notes – AT no 1, AT no 2, AT no 3 et AT no 4;
  • sommaires de déclarations – AT no 1, AT no 2, AT no 3 et AT no 4.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues menées avec l’AI et plusieurs témoins civils ainsi que l’enregistrement vidéo d’une partie de l’incident, permettent d’établir le scénario suivant.

À compter de 23 h 12 le 15 novembre 2024, le SPO a reçu plusieurs appels 911 concernant des attaques violentes perpétrées par un homme armé d’une hachette à l’extérieur d’un restaurant situé près de l’intersection du boulevard St. Joseph et de Place d’Orléans Drive. L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2, chacun dans sa propre voiture de patrouille, ont été les premiers agents à arriver sur les lieux.

L’homme était le plaignant. Il était arrivé dans le parc de stationnement du restaurant dans une Hyundai peu après 23 h 00, l’avait garée et en était sorti. Armé d’un couteau et d’une hachette, il avait presque immédiatement commencé à attaquer à la hachette des automobilistes et des véhicules qui se trouvaient dans la voie de service à l’auto, causant des blessures graves et des dommages matériels.

L’AI est arrivé au parc de stationnement du restaurant vers 23 h 18 et a immobilisé son véhicule, face vers le sud-est, au bout de la voie de service à l’auto, sur le côté du restaurant[5]. L’agent est sorti de la voiture de patrouille et a parlé à un employé du restaurant et au TC no 5, que le plaignant avait frappé à la bouche et au coude gauche avec sa hachette par la fenêtre ouverte du conducteur pendant qu’il attendait sa nourriture au guichet. Peu après son arrivée, l’AI a dégainé son arme à feu et l’a pointée vers le sud.

Le plaignant, tenant toujours la hachette de la main droite et un couteau de la main gauche, s’est mis à courir vers l’AI dans la voie de service à l’auto. On l’a sommé à répétition de lâcher la hachette, mais il a continué à s’approcher de l’agent, arme à la main. Il s’était approché jusqu’à environ cinq mètres de l’AI lorsqu’il a reçu une salve de coups de feu tirés par l’agent. Une deuxième série de coups de feu a suivi peu après lorsque le plaignant, bien que ralenti par la première série, a continué à avancer. Actuellement au sol près de l’extrémité nord de la voie de service à l’auto, le plaignant s’est mis à ramper vers l’AI. Il restait en possession de la hachette.

Peu après, l’AT no 1, l’AT no 2 et d’autres agents qui arrivaient sur les lieux se sont joints à l’AI. Le plaignant avait cessé de ramper, mais refusait d’obéir aux ordres répétés de lâcher la hachette. L’AT no 4 et l’AT no 3 ont déchargé leur arme à impulsions sur le plaignant, après quoi il a laissé tomber l’arme. Les agents se sont approchés, ont éloigné la hachette du pied et ont menotté le plaignant.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital et traité pour au moins une blessure par balle. Il n’a pas participé à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses dossiers médicaux; la nature et la gravité de ses blessures demeurent inconnues.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel – Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Un agent du SPO a tiré sur le plaignant et l’a blessé le 15 novembre 2024. L’UES a été avisée de l’incident, a ouvert une enquête et désigné l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’incident.

L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle ou une menace d’agression et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

L’AI a exercé ses fonctions de façon légitime pendant la série d’évènements qui a culminé avec les coups de feu. Informé des appels au 911 signalant une perturbation aux alentours du restaurant, il avait le droit de se rendre sur les lieux pour faire appliquer la loi et assurer la sécurité publique.

L’AI dit qu’il a fait feu parce qu’il le croyait nécessaire pour se protéger d’une blessure grave ou de la mort que le plaignant aurait pu causer. Les faits connus à ce moment-là ajoutent foi aux craintes de l’agent. À son arrivée sur les lieux, il avait vu un homme (TC no 5) saigner du bras gauche et du visage et avait appris que cet homme avait été attaqué par un autre homme. Un moment plus tard, l’agent avait vu le plaignant se diriger vers lui rapidement, une hachette à la main droite. Il n’y avait pas de doute que le plaignant représentait une menace imminente et qu’il fallait agir immédiatement pour se défendre.

Le nombre total de coups de feu – huit – constituait un emploi de force raisonnable. Peu importe la raison, le plaignant s’était engagé dans une conduite où il menaçait les vies de nombreuses personnes avec des armes meurtrières. Ses intentions pendant qu’il s’approchait de l’AI étaient évidentes. Lorsqu’il est arrivé à environ cinq mètres de l’agent, le plaignant constituait un danger de mort clair et présent pour l’agent. L’AI aurait pu envisager de battre en retraite, et des éléments de preuve établissent qu’il a reculé de plusieurs pas pendant que le plaignant s’approchait, mais il n’avait pas l’option de se retirer des lieux en raison de la présence dans la zone d’autres personnes dont les vies étaient également en danger. La situation exigeait la puissance d’arrêt immédiate que seule une arme à feu pouvait offrir. Au vu de ce qui précède, je suis convaincu que la première série de coups de feu était raisonnablement nécessaire comme moyen de légitime défense. Pour les mêmes raisons, la deuxième série de coups de feu a été rendue nécessaire lorsque le plaignant a continué à avancer vers l’agent.

Pour les motifs qui précèdent, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 5 mars 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment de la notification, mais pas nécessairement aux conclusions de fait établies par l’UES après son enquête. [Retour au texte]
  • 2) L’UES a communiqué avec le TC no 3 le 27 novembre 2024. Elle a appris qu’il conduisait le véhicule occupé par le TC no 1, le TC no 2, le TC no 4 et le TC no 6. Le TC no 3 n’a pas été témoin de l’interaction entre la police et le plaignant parce qu’il se concentrait sur l’objectif de s’éloigner du secteur. Par conséquent, il n’a pas souhaité participer à une entrevue. [Retour au texte]
  • 3) Les heures proviennent des horloges internes des armes, qui ne sont pas nécessairement synchronisées avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 4) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 5) L’AT no 1 et l’AT no 2 s’étaient rendus au parc de stationnement du centre commercial situé en face pour s’occuper des victimes qui s’y étaient rassemblées. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.