Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFD-463

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 17 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 30 octobre 2024, à 21 h 53, la Police régionale de York (PRY) a signalé l’incident suivant à l’UES.

Le 30 octobre 2024, à 19 h 43, un homme a téléphoné à la police pour signaler qu’une introduction par effraction était en cours dans sa résidence située sur Downey Circle, à Aurora. Une personne essayait de s’introduire dans la maison par la porte de côté. Un agent est arrivé sur les lieux rapidement et a signalé qu’il avait été touché au visage par ce qu’il croyait être un plomb. D’autres agents sont arrivés peu après. Les agents ont vu sortir un homme du garage et ce dernier a tiré sur les agents au moyen d’un fusil de chasse. L’un des coups de feu a touché un véhicule de police. Quatre agents ont déchargé leurs armes à feu. On croyait que l’homme qui avait téléphoné au 911 était l’homme qui avait tiré sur les agents. Cet homme a été identifié comme étant le plaignant. Le décès du plaignant a été constaté.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 30 octobre 2024 à 22 h

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 30 octobre 2024 à 23 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 17 ans; décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 30 octobre 2024 et le 4 novembre 2024.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 4 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’AI no 1 a participé à une entrevue le 21 novembre 2024.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 1er novembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question ont débuté à l’intérieur et autour d’une maison — la résidence no 1 — située sur Downey Circle, à Aurora, et se sont poursuivis vers l’ouest, sur la chaussée.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Le 30 octobre 2024, à 23 h 30, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur Downey Circle, à Aurora. Des agents en uniforme de la PRY assuraient la protection des lieux.

Downey Circle était une rue résidentielle. La résidence no 1 était située à l’est de la résidence no 2. Il y avait une distance d’environ 85 mètres entre la résidence no 1 et la résidence no 2.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a pris les photos suivantes.

Figure 1 — Distance entre la première et la dernière zone d’interaction [depuis le véhicule de police jusqu’aux marqueurs numérotés]

Figure 1 — Distance entre la première et la dernière zone d’interaction [depuis le véhicule de police jusqu’aux marqueurs numérotés]

Figure 2 — La machette trouvée à côté du plaignant

Figure 2 — La machette trouvée à côté du plaignant

Figure 3 — Le fusil de chasse utilisé par le plaignant

Figure 3 — Le fusil de chasse utilisé par le plaignant

Figure 4 — Dommages causés au véhicule de police de l’AT no 1 par une balle de fusil de chasse

Figure 4 — Dommages causés au véhicule de police de l’AT no 1 par une balle de fusil de chasse

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné les lieux et ont trouvé deux cartouches de fusil de chasse encore pleines, sept cartouches de fusil de chasse déchargées, et un fusil de chasse à pompe contenant trois cartouches pleines. Au total, 45 douilles de calibre .223[2] et quatre douilles de calibre 9 mm ont été trouvées dans la rue, près de la résidence no 2, et dans l’entrée d’une maison située de l’autre côté de la rue de la résidence no 2, ainsi que dans l’herbe à côté de l’entrée. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné l’intérieur de la résidence no 1 et ont trouvé une carabine de calibre 22 dans une pièce à l’étage située à l’avant de la maison, ainsi que de nombreuses douilles de calibre 22 sur le plancher, sous une fenêtre avant endommagée.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont également trouvé deux projectiles déchargés dans l’entrée de la résidence no 2 et un projectile sous le plaignant. Le plaignant portait une veste de style tactique. La veste contenait plusieurs cartouches pleines pour fusil de chasse.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont pris des photos des armes à feu, des balles et des chargeurs remis à l’AI no 1, à l’AI no 4, à l’AI no 3 et à l’AI no 2, et les ont recueillis aux fins de l’enquête.

Dix projectiles et un fragment ont été retirés du corps du plaignant lors de l’examen post-mortem.

Éléments de preuve médico-légaux

Les armes à feu, les balles et les chargeurs remis à l’AI no 1, à l’AI no 4, à l’AI no 3 et à l’AI no 2 ont été envoyés au Centre des sciences judiciaires (CSJ) à des fins d’analyse balistique. Les douilles trouvées par l’UES lors de l’examen des lieux ont également été soumises au CSJ. Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UES n’avait pas encore reçu les résultats des analyses.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné les armes à feu et les chargeurs suivants. Voici ce qu’ils ont constaté.

AI no 4 — Carabine C8

Le chargeur principal contenait 21 cartouches. Le chargeur secondaire contenait 28 cartouches.

Si le chargeur de l’arme était plein avant l’incident, alors sept coups ont été tirés (et possiblement huit, si le chargeur avait été rechargé).

Figure 5 — Carabine C8 de l’AI no 4

Figure 5 — Carabine C8 de l’AI no 4

AI no 3 — Carabine C8

Le chargeur principal était vide. Le chargeur secondaire contenait 26 cartouches.

Si le chargeur de l’arme était plein avant l’incident, alors 30 coups ont été tirés, soit les 28 cartouches du chargeur principal et deux cartouches du chargeur secondaire (et possiblement 31 cartouches, si le chargeur avait été rechargé).

Figure 6 — Carabine C8 de l’AI no 3

Figure 6 — Carabine C8 de l’AI no 3

AI no 1 — Carabine C8

Le chargeur principal contenait 16 cartouches. Le chargeur secondaire contenait 28 cartouches.

Si le chargeur de l’arme était plein avant l’incident, alors 12 coups ont été tirés (et possiblement 13, si le chargeur avait été rechargé).

Figure 7 — Carabine C8 de l’AI no 1

Figure 7 — Carabine C8 de l’AI no 1

Si les chargeurs des trois armes étaient pleins avant l’incident, cela signifierait que 49 cartouches ont été déchargées en tout (et possiblement 52). Quarante-cinq douilles de carabine C8 ont été retrouvées lors de l’examen des lieux, ce qui laisse un déficit de quatre cartouches (et possiblement de sept).

AI no 2 — Pistolet Glock

Le chargeur qui se trouvait dans le ceinturon de service de l’AI no 2 contenait 13 cartouches. Le chargeur du pistolet contenait 17 cartouches (il y avait une cartouche dans la culasse). Le chargeur de rechange qui se trouvait dans le ceinturon de service contenait 17 cartouches.

Quatre cartouches ont été tirées au moyen de ce pistolet (et possiblement cinq, si le chargeur avait été rechargé).

Quatre douilles de 9 mm ont été retrouvées lors de l’examen des lieux, ce qui ne laisse aucun déficit (ou, possiblement, un déficit d’une douille, si le pistolet avait été rechargé et que cinq cartouches ont donc été déchargées).

Figure 8 — Pistolet de l’AI no 2

Figure 8 — Pistolet de l’AI no 2

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[3]

Communications radio et téléphoniques de la PRY

Le 30 octobre 2024, à 19 h 28, le plaignant appelle le 911 et demande qu’on envoie la police à son domicile, car il a entendu des cris et des coups à la porte, et la porte de son garage a été ouverte et refermée. Il affirme également qu’il a entendu des bruits à l’intérieur du garage. Le plaignant parle très vite et demande à plusieurs reprises dans combien de temps la police va arriver. Le répartiteur répond au plaignant qu’un agent se trouve dans une rue non loin de là, puis la ligne se ferme. Le répartiteur tente à plusieurs reprises de rappeler le plaignant, mais ce dernier ne répond pas.

Le 30 octobre 2024, l’AT no 1 répond à l’appel et arrive sur les lieux à 19 h 38 min 40 s. Il signale que des coups de feu ont été tirés, probablement par un fusil factice. Il était sorti de son véhicule de police et n’était pas blessé. Quelqu’un [le plaignant] se trouvait à la fenêtre de la résidence no 1.

À 19 h 42 min 22 s, l’AI no 2 signale que des coups de feu ont été tirés et que le plaignant a une arme d’épaule en sa possession. L’AT no 1 signale qu’il a été touché à la bouche, possiblement par un plomb.

À 19 h 44 min 19 s, l’AI no 2 signale que le plaignant se trouve dans le garage, que des coups de feu ont été tirés et, par la suite, que le plaignant se dirige vers eux en courant. L’AI no 2 annonce que des coups de feu ont été tirés et que le plaignant a été touché.

À 19 h 45 min 49 s, l’AT no 5 signale que le plaignant est au sol. Des agents sont en train de lui porter assistance.

Le reste de l’enregistrement se rapporte à des agents de la PRY qui vérifient la résidence no 1 et au périmètre de sécurité.

De nombreuses personnes ont téléphoné au 911 pour signaler qu’elles ont entendu des coups de feu. On leur a répondu que la police était sur les lieux et qu’ils devraient descendre au sous-sol pour se mettre à l’abri.

Images captées par les systèmes de caméra intégrée aux véhicules (SCIV) de la PRY

Le 30 octobre 2024, à 19 h 39, l’AI no 4, l’AI no 3, l’AT no 2, l’AT no 4, l’AT no 3 et l’AT no 5 arrivent sur Downey Circle et s’arrêtent à l’ouest de la résidence no 2. Les agents contournent des véhicules de police, des véhicules civils et des arbres, en tenant leurs armes à feu dégainées.

À 19 h 42, l’AT no 1 se met à l’abri derrière le véhicule de l’AI no 2 et semble vérifier s’il est blessé au visage.

À 19 h 43, on entend de fortes détonations [provenant du fusil de chasse du plaignant] et les agents se mettent à l’abri.

À 19 h 44 min 35 s, plusieurs coups de feu retentissent [armes à feu de la police] et un agent crie : [Traduction[4]] « Tout le monde va bien? »

À 19 h 45 min 6 s, une voix crie : « Ne bougez pas! » Six secondes plus tard, une nouvelle volée de coups de feu [de la police] retentit.

À 19 h 45 min 35 s, un agent dit : « Il est à terre. »

À 19 h 58 min 51 s, les services médicaux d’urgence arrivent sur les lieux.

Vidéos captées par les caméras de certaines résidences et un téléphone cellulaire

Le 30 octobre 2024, à 19 h 42 min 47 s, l’AT no 1 arrête son véhicule de police sur Downey Circle, à l’est de la résidence no 1. Il se rend dans l’entrée de la résidence avec sa lampe de poche allumée et la braque en direction du deuxième étage. Plus de 20 coups de feu retentissent et l’AT no 1 se met à courir en direction ouest. Trois civils sortent brièvement de leur maison. D’autres véhicules de police arrivent.

À 19 h 44 min 58 s, le plaignant marche près de l’avant de la résidence no 1 et tire à plusieurs reprises avec son fusil de chasse en direction des agents, dans son propre garage et sur le véhicule de police inoccupé de l’AT no 1.

À 19 h 48 min 17 s, le plaignant court en direction ouest, passant sur les pelouses avant des maisons. Il est armé d’un fusil de chasse et court à proximité des maisons en contournant les véhicules dans les entrées. Il s’arrête au bas de l’entrée de la résidence no 2. Les agents lui crient de lâcher son arme. Le plaignant crie « Allez vous faire foutre » et tire un coup de feu en direction des agents. L’AI no 2 décharge son Glock à une reprise. Le coup de feu touche le plaignant et ce dernier crie et gémit bruyamment. Il tombe au sol, puis se relève en tenant un long objet sombre [machette] et descend l’entrée en direction de la chaussée et des agents. On entend plusieurs coups de feu provenant des armes des agents et le plaignant tombe sur la chaussée. La machette gît sur la chaussée, à sa droite. L’AI no 1 s’approche lentement du plaignant et lui crie : « Ne bougez pas, bordel! ». Le plaignant roule vers la droite, en direction de la machette, puis de nombreux coups de feu se font entendre [armes à feu de la police]. Le plaignant retombe et n’a plus bougé. Les agents entourent le plaignant, semblent le vérifier, puis le menottent.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès de la PRY entre le 31 octobre 2024 et le 4 décembre 2024 :

  • Enregistrements des communications
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrements captés par les SCIV
  • Notes — AT 1, AT 2, AT 3, AT 5 et AT 4
  • Rapport d’incident général
  • Politique — usage de la force
  • Dossiers de formation sur le recours à la force — AI 1, AI 4, AI 3 et AI 2

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :

  • Rapport préliminaire de l’autopsie réalisée par le Service de médecine légale de l’Ontario
  • Vidéos captées par les caméras de certaines résidences et un téléphone cellulaire

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, lesquels comprennent des entrevues avec l’un des agents impliqués (l’AI no 1) et des témoins oculaires civils, ainsi que des enregistrements vidéo qui ont capté l’incident. Comme la loi les y autorise, l’AI no 2, l’AI no 3 et l’AI no 4 n’ont pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à lui transmettre de leurs notes.

Dans la soirée du 30 octobre 2024, des agents de la PRY ont répondu à un appel au 911 concernant une introduction par effraction en cours dans la résidence no 1, laquelle était située sur Downey Circle, à Aurora. L’appelant — le plaignant — a déclaré qu’il avait entendu des bruits à l’intérieur du garage et des coups sur la porte.

L’AT no 1 a été le premier agent à arriver sur les lieux. Il est arrivé dans son véhicule de police vers 19 h 38. Il s’est stationné un peu à l’est de la résidence et est sorti de son véhicule. Il se dirigeait vers la maison lorsqu’il a été accueilli par des coups de feu provenant du deuxième étage. L’AT no 1 a couru vers l’ouest pour s’éloigner des coups de feu. Il n’a pas été touché.

Le plaignant était celui qui avait tiré les coups de feu. Il avait tiré plus de 20 balles au moyen d’une carabine. Peu après, il est sorti de la maison, vêtu d’une veste tactique et tenant un fusil de chasse. Depuis l’endroit où il s’était mis à l’abri à l’extrémité ouest de la rue, l’AT no 1 a braqué sa lampe de poche sur le plaignant et lui a ordonné de lâcher son arme. Le plaignant lui a répondu de se taire et a déclaré qu’il allait le tuer, puis il a tiré plusieurs coups de feu. L’AT no 1 a reçu un plomb provenant de l’une de ces balles au visage. À ce moment-là, d’autres agents se trouvaient sur les lieux, à l’extrémité ouest de la rue.

Tout en tenant le fusil de chasse, le plaignant s’est dirigé vers l’ouest, en direction des agents, en longeant la façade des maisons situées sur le côté sud de Downey Circle, jusqu’à ce qu’il arrive dans l’entrée de la résidence no 2. Les agents, qui étaient positionnés en grappes à proximité d’un véhicule se trouvant dans la rue devant la résidence no 2, et de l’autre côté de la rue, dans l’entrée d’une autre résidence et autour de cette entrée, ont de nouveau ordonné au plaignant de lâcher son fusil. Le plaignant a répondu « Allez vous faire foutre » et a tiré un coup de feu dans leur direction. L’AI no 2 a riposté en déchargeant à une reprise son pistolet semi-automatique. Le tir a atteint le plaignant, mais il s’est relevé avec une machette à la main et s’est mis à descendre l’entrée, en direction des agents. Les agents impliqués ont tiré plusieurs coups de feu et le plaignant est de nouveau tombé au sol, cette fois sur la chaussée. Le plaignant a roulé sur sa droite, en direction de la machette qu’il avait échappée, puis a été atteint par une deuxième volée de coups de feu. Le plaignant est tombé en arrière et n’a plus bougé. Les agents se sont approchés de lui et l’ont menotté.

Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés et ont commencé à prodiguer des soins au plaignant. Vers 20 h 7, son décès a été constaté.

Cause du décès

De l’avis préliminaire du pathologiste chargé de l’autopsie, le décès du plaignant serait dû à de multiples blessures par balle.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel — Défense de la personne — Emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé
d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 30 octobre 2024, le plaignant est décédé des suites de blessures infligées par des coups de feu tirés par des agents de la PRY. L’UES a été avisée de l’incident et a lancé une enquête. Les agents qui ont déchargé leurs armes — l’AI no 1, l’AI no 2, l’AI no 3 et l’AI no 4 — ont été désignés comme étant les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec la mort du plaignant.

Aux termes de l’article 34 du Code criminel, l’emploi de la force, qui constituerait une infraction en temps normal, est légalement justifié s’il vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si l’emploi de la force est lui-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si l’une des parties en cause a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi de la force ou à la menace d’emploi de la force.

Les agents impliqués exerçaient leurs fonctions de façon légitime tout au long de la série d’événements liés à la fusillade. Puisqu’ils avaient été dépêchés sur les lieux d’une introduction par effraction qui était en cours, les agents avaient le devoir de faire ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour faire appliquer la loi et assurer la sécurité publique.

Bien que trois des quatre agents qui ont déchargé leurs armes n’aient pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme la loi les y autorise, je ne peux raisonnablement conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a déchargé son arme sans croire que cela était nécessaire pour se protéger contre une attaque raisonnablement appréhendée. C’est ce qui ressort de la version des événements fournie par l’agent impliqué qui a participé à une entrevue avec l’UES, l’AI no 1. Ce dernier a déclaré que, lorsqu’il a déchargé son fusil C8, il croyait que le plaignant tentait d’attraper un fusil sur la chaussée. Les circonstances corroborent le témoignage de l’AI no 1 et laissent fortement croire que les trois autres agents impliqués ont pensé la même chose lorsqu’ils ont déchargé leurs armes respectives. Il faisait nuit, ils venaient de voir le plaignant tenir et décharger une arme d’épaule sur les agents, et le plaignant portait un objet long et mince et tentait de s’en emparer, et je suis convaincu que les agents croyaient qu’il s’agissait d’une arme à feu.

Quant aux tirs des agents impliqués, la preuve ne permet pas raisonnablement d’établir que l’utilisation de leurs armes à feu était injustifiée. Lorsque l’AI no 2 a tiré sur le plaignant la première fois, ses intentions étaient claires. Pour une raison quelconque, le plaignant semblait avoir planifié d’attirer la police chez lui, avec l’intention de tirer sur les agents qui allaient se présenter sur les lieux pour répondre à un faux signalement d’introduction par effraction en cours et de les tuer. Il était lourdement armé avec des armes à feu et une machette, et il avait tiré sur l’AT no 1 et d’autres agents à de nombreuses reprises avant qu’il se rende dans l’entrée de la résidence no 2. À cet endroit, à une distance de tout au plus 15 à 30 mètres des agents, il a de nouveau déchargé son fusil de chasse dans leur direction. La vie des agents était immédiatement en danger et il était impératif de neutraliser le plaignant le plus rapidement possible.Dans ces circonstances, l’AI no 2 a agi raisonnablement lorsqu’elle a recouru à une force létale pour se protéger d’un risque de mort imminent et pour protéger ses collègues. Le tir de l’agente a effectivement neutralisé le plaignant, mais seulement momentanément. Quelques secondes plus tard, lorsqu’il a réussi à se relever et s’est mis à avancer vers les agents en tenant une machette, machette que l’AI no 1 a prise pour une arme d’épaule, il a été accueilli par une volée de tirs de la police. Bien qu’il s’agissait en fait d’une machette, cela ne prive pas l’agent de la protection conférée par l’article 34, car l’erreur était raisonnable dans les circonstances, compte tenu de l’atmosphère très tendue au moment des événements et du fait qu’il faisait sombre. Pour les mêmes raisons, je ne peux raisonnablement écarter la possibilité que les autres agents impliqués aient agi en ayant la même appréhension lorsqu’ils ont ouvert le feu à cette occasion.Cela étant, cette volée de coups de feu était proportionnée aux exigences de la situation, à savoir la nécessité d’empêcher le plaignant de tirer à nouveau sur les agents avec ce qu’ils croyaient raisonnablement (bien qu’à tort) être une arme d’épaule. Cette analyse s’applique également à la deuxième et dernière volée de coups de feu de la police, puisque, d’après la preuve, le plaignant tentait à ce moment-là de mettre la main sur la machette. Enfin, bien que le nombre de coups de feu tirés par les agents impliqués était élevé, il n’excède pas ce qui serait considéré comme raisonnable dans les circonstances. Les tirs se sont succédé rapidement pendant trois phases distinctes au cours desquelles les agents ont été la cible de tirs ou ont raisonnablement cru qu’ils allaient être la cible de tirs.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles contre l’un ou l’autre des agents impliqués dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : Le 25 février 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Elles ne sont pas toutes indiquées sur le schéma à l’échelle. [Retour au texte]
  • 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci‑dessous. [Retour au texte]
  • 4) NdT: Tous les dialogues sont des traductions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.