Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-355
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 28 ans (plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 25 août 2024, à 8 h 37, le Service de police de Toronto a communiqué avec l’UES pour lui transmettre les renseignements qui suivent.
Autour de 18 h le 24 août 2024, un agent en service rémunéré se trouvait à proximité du Centre Rogers lorsqu’il a aperçu un motocycliste qui faisait des cabrés (« wheelies ») sur la rue Front. L’agent a tenté d’intercepter le motocycliste, mais sans succès, et celui-ci a pris la fuite. La description du motocycliste et de son casque a été diffusée par radio. Plus tard en soirée, des agents qui se trouvaient au Yonge-Dundas Square ont aperçu quelqu’un à pied qui leur a semblé être le motocycliste recherché. Il tenait un casque qui correspondait à la description diffusée. Les agents ont tenté de mettre l’homme en détention pour enquête, mais celui-ci s’est enfui en courant. Les agents l’ont poursuivi à pied et ont demandé des renforts. Douze agents ont répondu à l’appel. L’homme [maintenant identifié comme le plaignant] a fini par être attrapé et arrêté. Après son arrestation, il s’est plaint de douleurs au poignet et à la cheville et il a été conduit à l’Hôpital Mount Sinai. Le 25 août 2024 vers 6 h, une fracture du poignet et une potentielle fracture de la cheville ont été diagnostiquées. Après enquête, on a conclu que le plaignant n’était pas le même motocycliste que celui aperçu à proximité du Centre Rogers.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 26 août 2024, à 9 h 30
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 26 août 2024, à 10 h 14
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 28 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.
Le plaignant a participé à une entrevue le 27 août 2024.
Témoin civil
TC À participé à une entrevue.
La témoin civile a participé à une entrevue le 27 août 2024.
Agents impliqués
AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
L’agent impliqué a participé à une entrevue le 4 novembre 2024.
Agents témoins
AT no 1 À participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 À participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 3 À participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.
Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 11 septembre 2024 et le 19 octobre 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés à proximité du coin sud-est de l’intersection entre la rue Yonge et Dundas Square. L’adresse la plus proche est le 279, rue Yonge.
Éléments de preuve matériels
Le 3 septembre 2024, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’Unité de médecine légale du Service de police de Toronto. Des photos d’une moto et de deux casques de moto ont été prises.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Enregistrement de caméra d’intervention
Le 24 août 2024, à environ 23 h 20 min 9 s, les AI nos 1 et 2 se sont approchés d’un homme [plaignant] et d’une femme [TC] sur un trottoir à l’extérieur d’un magasin Shoppers Drug Mart [au 279, rue Yonge]. Les agents de police étaient debout devant le plaignant. L’AI no 1 tenait un téléphone cellulaire. Le plaignant tenait un casque de moto et une bouteille d’eau. Il se situait à proximité de quelques motocyclettes garées en bordure de la rue. La TC tenait également un casque de moto. Le plaignant s’est penché pour regarder le téléphone de l’AI no 1. L’AI no 1 a éloigné son téléphone du plaignant.
À approximativement 23 h 20 min 23 s, l’AI no 1 a pointé du doigt le casque du plaignant. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont placés de part et d’autre du plaignant. Le plaignant a levé la main droite et reculé.
Vers 23 h 20 min 31 s, l’AI no 2 a saisi la partie supérieure du bras du plaignant. Le plaignant a reculé dans une moto, la faisant tomber à la renverse. L’AI no 1 a saisi le plaignant par le côté gauche.
Autour de 23 h 20 min 39 s, l’AI no 2 a empoigné le tee-shirt du plaignant et l’a tiré. Le plaignant s’est penché vers l’avant et le sac à dos qu’il portait est tombé de ses épaules. Un agent de police a demandé au plaignant de lâcher son casque. Le plaignant a tourné sur lui-même pendant que les agents de police continuaient de le tenir. Il s’est de nouveau penché et l’AI no 2 lui a arraché son tee-shirt.
Aux alentours de 23 h 20 min 52 s, le plaignant a fait demi-tour et couru vers l’est sur Dundas Square. L’AI no 2 l’a poursuivi. Le plaignant a traversé Dundas Square en direction nord-ouest en courant et s’est dirigé vers un stationnement intérieur [au 20 Dundas Square]. L’AI no 1 a diffusé un message par radio. Il a indiqué qu’il était en train de poursuivre à pied [Traduction] « peut-être le même gars qui avait frappé un agent plus tôt ».
À environ 23 h 21 min 4 s, le plaignant a sauté par-dessus un muret. L’AI no 2 est passé devant l’endroit où le plaignant avait sauté en courant. L’AI no 2 a couru jusqu’à l’angle de la rue Victoria et de la rue Dundas. L’AI no 1 l’y a rencontré en courant en direction nord sur la rue Victoria. L’AI no 1 avait déployé sa matraque. L’AI no 2 a annoncé par radio que le plaignant s’était [Traduction] « réfugié dans le stationnement intérieur ». Ils se sont dirigés vers l’entrée du stationnement.
Vers 23 h 21 min 44 s, les AI nos 1 et 2 ont atteint l’entrée du stationnement. Le plaignant est sorti d’entre des véhicules stationnés sur le côté nord de Dundas Square à moto. La moto s’est dirigée vers l’ouest sur Dundas Square. Les AI nos 1 et 2 ont couru après la moto. Cette dernière s’est arrêtée à l’intersection de Dundas Square et de la rue Yonge.
À 23 h 22 min 11 s, l’AI no 1 a frappé le plaignant à la jambe gauche avec sa matraque. La TC se tenait à proximité et a prié l’AI no 1 d’arrêter. L’AI no 1 s’est placé devant la moto, tenant la nuque du plaignant. L’AI no 2 est arrivé et a saisi le plaignant par l’arrière de sa ceinture. Il a tiré le plaignant vers la gauche jusqu’à ce que la moto, que ce dernier enjambait, bascule. Le plaignant est tombé sur le côté gauche. L’AI no 1 lui a dit [Traduction] « couchez-vous », alors que le plaignant était déjà au sol.
À environ 23 h 22 min 16 s, l’AI no 1 a placé sa matraque en travers du côté droit du cou du plaignant pour le maintenir en place. La main droite du plaignant se trouvait sous la région du menton du casque. L’AI no 2 a utilisé ses deux mains pour saisir le poignet droit du plaignant. L’AI no 2 a dit au plaignant : [Traduction] « Donnez-moi la main. » Le plaignant a retiré le casque de sa tête.
Vers 23 h 22 min 34 s, le plaignant s’est relevé pour saisir la main gauche de l’AI no 1. Il a tiré sur la main de l’AI no 1 jusqu’à ce que la matraque ne soit plus dans son cou. L’AI no 1 s’est agenouillé sur le côté droit du visage du plaignant. L’AI no 1 a lâché la matraque pour immobiliser le haut du corps et la main droite du plaignant avec ses mains. Le plaignant était alors le seul en possession de la matraque, la tenant dans la main gauche. L’AI no 2 a agrippé la matraque de la main droite alors qu’il maintenait les genoux du plaignant en place avec la main gauche. L’AI no 2 et le plaignant tiraient tous les deux sur la matraque. L’AI no 2 a saisi la matraque à deux mains et a tiré. Le plaignant n’a pas lâché prise. L’AI no 2 a donné un coup sur le poignet gauche du plaignant avec sa main droite. L’AI no 2 s’est levé et a tiré sur la matraque. Le plaignant a roulé sur le dos et donné un coup de pied vers le haut à l’AI no 2. L’AI no 2 a pris possession de la matraque. L’AI no 1 a dit : [Traduction] « Arrêtez de lutter. » Il a ajouté : [Traduction] « Continuez de vous débattre et je vous frappe à nouveau. » L’AI no 2 est retourné au sol pour immobiliser les jambes du plaignant à l’aide de sa main et de la matraque, qu’il tenait en travers des chevilles du plaignant. Le plaignant a enlevé son pied de la motocyclette en donnant un coup de pied avant de tourner sur lui-même au sol. L’AI no 2 a lâché le plaignant.
Autour de 23 h 23 min 25 s, le plaignant s’est mis debout. L’AI no 1 s’est levé et a maîtrisé la tête du plaignant avec ses bras. Le plaignant était penché vers l’avant et sa tête se trouvait près de l’abdomen de l’AI no 1. Le plaignant a marché vers l’avant et poussé l’AI no 1 vers l’arrière, dans la vitrine de Shoppers Drug Mart. L’AI no 2 a tiré sur la ceinture du plaignant, tout en continuant de tenir la matraque. Il y a eu un bruit sourd, puis le plaignant a crié de douleur. L’AI no 2 a communiqué sa position par radio. Il semblait essoufflé. Il a demandé des renforts.
Aux alentours de 23 h 24 min 10 s, l’AT no 5 est arrivé. Il s’est approché du plaignant par derrière et lui a dit : [Traduction] « Couchez-vous par terre. » L’AT no 1 est arrivé.
Vers 23 h 24 min 22 s, la caméra d’intervention de l’AI no 2 s’est détachée de sa poitrine. Elle est tombée au sol, l’objectif pointant vers le ciel. Les agents de police luttaient avec le plaignant sur le bord du cadre de la caméra. Le plaignant a été plaqué au sol par les agents de police, tombant sur le côté droit. Il a continué de lutter et s’est retrouvé sur le côté gauche. L’AT no 5 a demandé au plaignant de se coucher à plat ventre. Le bras gauche du plaignant était replié sous sa tête alors qu’il était allongé sur le côté gauche. Son bras droit reposait le long de son côté droit. Les agents de police ont lutté pour lui prendre les deux bras.
Vers 23 h 24 min 34 s, l’AI no 1 a semblé s’éloigner de la bagarre. L’AT no 3 et l’AT no 2 sont arrivés. L’AT no 2 s’est abaissé au sol pour prendre la main droite du plaignant.
Aux alentours de 23 h 24 min 43 s, l’AI no 2 a ramassé sa caméra d’intervention et l’a replacée sur sa poitrine.
À environ 23 h 24 min 48 s, l’AT no 6 et l’agent no 1 sont arrivés. L’AT no 6 a tenté de prendre le bras droit du plaignant.
Vers 23 h 24 min 58 s, l’AT no 1 a installé un dispositif de contention aux jambes du plaignant.
À environ 23 h 25 min 2 s, l’AT no 6 a donné quatre coups de pied dans le bas du dos du plaignant. Des membres de la foule ont crié et dit : [Traduction] « Arrêtez de le frapper. » L’AT no 2 a passé une menotte à la main droite du plaignant avant de tirer sur les menottes pour lui amener la main derrière le dos. L’AT no 3 a lutté avec le plaignant pour lui prendre le bras gauche.
À approximativement 23 h 25 min 37 s, l’AT no 3 a donné deux coups de coude dans le haut du dos du plaignant. L’AT no 1 a utilisé une matraque pour dégager le bras gauche du plaignant, qu’il gardait sous lui. On lui a menotté la main gauche derrière le dos.
Vers 23 h 26 min 7 s, le plaignant menotté et couché sur le ventre, les agents de police se sont éloignés de lui. L’AT no 1 a rangé sa matraque.
À environ 23 h 26 min 44 s, le plaignant a poussé un cri de douleur et dit : [Traduction] « Ahhh, mon putain de bras est cassé. »
Vers 23 h 27 min 59 s, le plaignant a été transporté par quatre agents de police jusqu’à un véhicule de police. Il avait alors les jambes attachées. Il a été placé à l’intérieur du véhicule de police.
Aux alentours de 23 h 28 min 53 s, un agent de police non identifié a déclaré que le plaignant était blessé et saignait au visage.
À environ 23 h 29 min 52 s, l’AI no 1 a parlé à l’AT no 2. L’AI no 1 a dit : [Traduction] « J’ai vu la photo du gars à moto, je l’ai vu passer par ici… (inaudible)… nous avons donc juste essayé de le mettre sous garde pour enquête… il s’est débattu et s’est enfui… il est arrivé à moto et a pris sa petite amie, donc j’ai commencé à lui donner une sale raclée, bien, je lui ai juste donné quelques coups de matraque. »
À approximativement 23 h 30 min 6 s, l’AT no 6 et l’agent no 1 ont quitté les lieux de l’incident avec le plaignant dans leur véhicule de police.
Vers 23 h 30 min 42 s, l’AI no 1 a dit à l’AI no 2 : [Traduction] « Ce type s’est bien débattu. » L’AI no 2 a acquiescé et expliqué comment le plaignant avait réussi à prendre la matraque de l’AI no 1. L’AI no 1 a ajouté : [Traduction] « C’est pourquoi je l’ai frappé au visage. »
Enregistrement de caméra interne de voiture
Le 24 août 2024, à 23 h 29 min 2 s, le plaignant était étendu sur le dos sur la banquette arrière de la voiture de police [maintenant identifiée comme la voiture de l’agent no 1 et de l’AT no 6]. Il avait les mains derrière le dos et son rythme respiratoire était accéléré.
À 23 h 36 min 21 s, la voiture de police s’est arrêtée dans une aire de transfert [maintenant identifiée comme celle du poste de la division 52 du Service de police de Toronto]. Le plaignant a demandé à faire relâcher un peu les menottes. L’AT no 6 a ouvert la portière arrière du côté passager pour parler avec le plaignant. Celui-ci a dit qu’il n’avait plus de sensation dans les jambes. Il a indiqué qu’il avait reçu [Traduction] « environ une dizaine » de coups à la tête et qu’il avait été poussé contre un mur. Il s’est plaint de douleur à la main droite. L’AT no 6 a bougé le dispositif de contention des jambes, et le plaignant a émis un son exprimant sa douleur et demandé à l’AT no 6 de ne pas faire ça. L’agent no 1 a aidé le plaignant à s’asseoir droit sur la banquette arrière.
À 23 h 39 min 27 s, le plaignant a dit que ses mains [Traduction] « avaient été malmenées ». Il s’est plaint de la menotte à sa main droite.
À 23 h 41 min 36 s, l’AT no 6 a ajusté les menottes du plaignant. Ce dernier a encore une fois manifesté sa douleur lorsqu’elle a manipulé son poignet. L’AT no 6 a remarqué que les menottes n’étaient pas verrouillées à double tour. Le plaignant lui a dit : [Traduction] « Je crois que vous m’avez cassé le poignet. » Celle-ci a répondu : [Traduction] « Je ne crois pas. » Le plaignant a ajouté [Traduction] « Les fractures ont été faites plus tôt… (inaudible). » L’AT no 6 a répondu que puisque les menottes n’étaient pas verrouillées à double tour, elles se sont probablement resserrées. Le plaignant a ensuite été sorti de la voiture de police.
Enregistrements audio des communications du Service de police de Toronto
Le 24 août 2024, à 23 h 21 min 1 s, un agent en service rémunéré [soit l’AI no 2] a diffusé par radio qu’il était en train de poursuivre à pied [Traduction] « peut-être le même gars qui avait frappé un agent plus tôt » à proximité de l’intersection entre la rue Yonge et Dundas Square. Des renforts ont alors été envoyés dans le secteur.
À 23 h 21 min 27 s, l’AI no 2 a indiqué que la personne [plaignant] qu’il avait poursuivie s’était réfugiée dans un stationnement intérieur.
À 23 h 21 min 46 s., l’AI no 2 a signalé que le plaignant était sur sa moto.
À 23 h 23 min 18 s, un agent a dit qu’il était arrivé au garage et avait bloqué les sorties.
À 23 h 23 min 32 s, l’AI no 2 a indiqué qu’il se trouvait au magasin Shoppers Drug Mart [au 279, rue Yonge].
À 23 h 23 min 46 s, l’AI no 2 a répété sa position et demandé une voiture en renfort.
À 23 h 26 min 10 s, une agente a annoncé que le plaignant était sous garde.
Le 25 août 2024, à 0 h 6 min 52 s, un agent a signalé que le plaignant allait être conduit à l’Hôpital Mount Sinai.
Documents obtenus du service de police
L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto entre le 27 août et le 10 septembre 2024 :
- le rapport d’incident général;
- le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
- l’enregistrement de la caméra d’intervention;
- l’enregistrement de la caméra interne du véhicule;
- les enregistrements des communications;
- la politique relative au recours à la force;
- un communiqué;
- les notes de l’AT no 1;
- les notes de l’AT no 2;
- les notes de l’AT no 3;
- les notes de l’AT no 6;
- les notes de l’AT no 5;
- les notes de l’AT no 4;
- les registres de formation sur le recours à la force pour l’AI no 1;
- les registres de formation sur le recours à la force pour l’AI no 2.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les documents suivants d’autres sources entre le 28 août 2024 et le 17 septembre 2024 :
- les enregistrements vidéo sur téléphone cellulaire faits par le plaignant;
- un enregistrement sur téléphone cellulaire de la vidéo publiée sur le média social 6ixBuzz;
- l’enregistrement vidéo fait sur un téléphone cellulaire par la témoin no 1;
- l’enregistrement vidéo depuis le 1, rue Dundas Est;
- l’enregistrement vidéo depuis le 279, rue Yonge;
- le dossier médical du plaignant de l’Hôpital Mount Sinai;
- le dossier médical du plaignant provenant d’une clinique médicale.
Description de l’incident
Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant, une témoin civile (TC), l’AI no 1 et d’autres agents ayant joué un rôle dans les événements en question, ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI no 2 a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.
Dans la soirée du 24 août 2024, les AI nos 1 et 2 étaient en service rémunéré et patrouillaient dans le secteur de Yonge-Dundas Square, à Toronto, lorsqu’ils ont aperçu un homme, soit le plaignant, qui tenait un casque de moto. Le casque était semblable à la description donnée à la radio ce jour-là du casque que portait un motocycliste qui aurait vraisemblablement frappé et blessé un agent de police. Les agents ont soupçonné qu’il s’agissait du motocycliste en question et se sont approchés pour faire une vérification.
Le plaignant était debout avec la TC du côté sud de Dundas Square, juste à l’est de la rue Yonge, lorsque les agents se sont approchés. Le plaignant a nié qu’il était la personne recherchée et s’est dérobé lorsque les agents se sont approchés davantage. Une lutte de courte durée s’est engagée lorsque les AI nos 1 et 2 ont tenté d’attraper le plaignant, qui tentait de leur échapper. Celui-ci a d’ailleurs réussi à fuir et s’est dirigé vers l’est sur Dundas Square en courant.
Les AI nos 1 et 2 se sont séparés pour poursuivre le plaignant à pied, l’AI no 2 se dirigeant vers le nord-est pour traverser la place. Ils se sont rejoints non loin de là, près de l’intersection entre Dundas Square et la rue Victoria. De là, ils ont observé le plaignant conduisant sa moto vers l’ouest sur Dundas Square en direction de la rue Yonge.
Le plaignant était retourné à sa moto et se dirigeait vers l’intersection entre Dundas Square et la rue Yonge, présumément pour rejoindre la TC et récupérer son casque, qu’il avait échappé durant la lutte avec les agents. Il a été arrêté à l’intersection lorsque l’AI no 1 est arrivé et a repris la lutte avec lui. Pendant la bagarre, l’AI no 1 a utilisé sa matraque pour frapper en direction du bras gauche et de la jambe gauche du plaignant. L’AI no 2 est arrivé en l’espace de quelques secondes pour aider à faire descendre le plaignant de sa moto et l’amener au sol, et la moto a alors basculé et s’est retrouvée sur la jambe gauche du plaignant. En utilisant sa matraque appuyée sur le côté gauche du cou du plaignant, l’AI no 1 a tenté de le maintenir au sol. Le plaignant ne s’est pas laissé prendre les bras pour se faire menotter et s’est emparé de la matraque de l’AI no 1. L’AI no 2 a lutté avec le plaignant pour essayer de reprendre la matraque et y est arrivé pendant que l’AI no 1 donnait des coups de poing sur la tête du plaignant. Pendant que les deux agents se bagarraient avec lui, le plaignant s’est relevé. Il a entouré l’AI no 1 de ses bras, pendant que l’agent tenait la tête et le tronc du plaignant et les deux se sont déplacés vers le sud et sont entrés en collision avec une vitrine de commerce. Les agents ont maintenu le plaignant contre la vitrine tandis que l’AI no 2 demandait des renforts à la radio.
D’autres agents sont ensuite arrivés sur les lieux et ont amené le plaignant au sol. Le plaignant a continué à lutter pendant que les agents lui mettaient les bras derrière le dos. Après quelques coups de genou dans le haut du dos par l’AT no 3, quatre coups de pied dans le dos par l’AT no 6 et l’utilisation d’une matraque pour lui sortir le bras qu’il tenait sous lui, le plaignant a été menotté.
Le plaignant a été conduit à l’hôpital après son arrestation, et une fracture latente du scaphoïde droit a été diagnostiquée.
Dispositions législatives pertinentes
Le paragraphe 25 (1) du Code criminel : Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le plaignant a reçu un diagnostic de blessure grave à la suite de son arrestation par des agents du Service de police de Toronto le 24 août 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant deux agents impliqués, soit l’AI no 1 et l’AI no 2. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ont commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.
J’ai la conviction que, dès le début de l’interaction entre les AI nos 1 et 2 et le plaignant, ils avaient des motifs de le détenir pour effectuer des vérifications relatives à un incident survenu plus tôt, au cours duquel un agent avait été heurté par un motocycliste. Ce type de détention n’est légitime que dans les cas où il existe des motifs raisonnables de soupçonner que la personne a perpétré un crime, comme on l’a vu dans l’arrêt R. c. Mann, [2004] 3 R.C.S. 59. Le plaignant a nié être le motocycliste recherché par les agents. Quelques heures s’étaient écoulées depuis l’incident en cause et les faits s’étaient produits à une certaine distance de là. Par contre, le casque que tenait le plaignant avait des caractéristiques vraiment spéciales et la ressemblance avec celui que portait le suspect était frappante. Au vu du dossier, même si les justifications sont faibles, il m’est impossible de conclure que les agents impliqués n’avaient pas des soupçons raisonnables de croire que le plaignant était le suspect. Par la suite, les agents avaient des motifs de mettre le plaignant sous garde pour avoir résisté à des agents dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’il a pris la fuite.
De plus, les éléments de preuve ne permettent pas d’établir de manière raisonnable que la force employée par les agents, y compris par l’AI no 1 et l’AI no 2, contre le plaignant était excessive. La première bagarre, à laquelle le plaignant a échappé, s’apparentait à une lutte plutôt égale de part et d’autre et ne soulève aucune préoccupation. La force employée par les agents impliqués lorsqu’ils ont rattrapé le plaignant par la suite était également raisonnable. Le plaignant était déterminé à fuir et il était impératif, pour la sécurité de tous, y compris pour le groupe de passants qui avaient commencé à s’amasser à proximité, de le faire descendre de sa moto dès que possible. Les coups de matraque donnés par l’AI no 1 étaient justifiés dans les circonstances, d’autant plus que le plaignant avait réussi à s’échapper pendant une autre lutte survenue un peu plus tôt. Une fois le plaignant au sol, les AI nos 1 et 2 avaient manifestement l’avantage sur le plaignant, mais celui-ci a quand réussi à se relever malgré les coups de poing donnés par l’AI no 1. Ce n’est qu’à l’arrivée d’autres agents que le plaignant a été plaqué au sol de nouveau. Il a néanmoins continué à lutter vigoureusement avec les agents, en leur résistant pour les empêcher de prendre son bras gauche pour qu’ils puissent le menotter, ce qui a amené l’AT no 3 ainsi que l’AT no 6 à donner, respectivement, des coups de genou et des coups de pied dans le dos du plaignant. Ce n’est qu’après ces coups que le bras gauche du plaignant a pu être maîtrisé. Vu leur nombre, les agents auraient probablement fini par réussir à prendre le bras du plaignant sans le frapper. Cela dit, le plaignant a offert une résistance incroyable et les agents ont dû lutter avec lui un bon moment. Ils étaient en droit de vouloir mettre un terme à la bagarre dès que possible. Au vu du dossier, les coups de pied et les coups de genou représentaient une escalade de la force proportionnelle à la situation.
Par conséquent, il n’existe pas de motifs de porter des accusations au criminel dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : Le 18 décembre 2024
Approuvé par voie électronique
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
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