Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PFP-248

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police en direction d’un homme de 44 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 12 juin 2024, à 14 h 37, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

La Police provinciale menait une enquête sur un homicide qui a débuté en mai 2024. Le 12 juin 2024, le suspect – le plaignant – a été vu dans les environs du parc provincial Kettle Lakes. L’équipe d’intervention d’urgence (EIU) et l’unité d’intervention tactique de la Police provinciale ont été dépêchées sur les lieux. On a vu le suspect monter dans un canot et se diriger vers une île. Des agents de la Police provinciale ont commencé à suivre le plaignant. Ce dernier a tiré sur les agents avec une arme à feu, atteignant un membre de l’unité d’intervention tactique au cou. La Police provinciale a riposté aux tirs pour permettre aux agents qui se trouvaient sur l’eau de quitter le secteur. Le plaignant n’a pas été touché. Il s’est finalement rendu et a été arrêté sans autre incident.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2024/06/12 à 17 h 10

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2024/06/12 à 23 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 44 ans; a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 13 juin 2024.

[Remarque : Une personne concernée (plaignant ou plaignante) est une personne qui, durant une interaction quelconque avec un ou plusieurs agents, a été gravement blessée, est décédée, a signalé qu’elle a été agressée sexuellement ou a été visée par une arme à feu déchargée par un agent.]

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 18 et le 21 juin 2024.

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 4 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 5 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 13 juin 2024 et le 5 septembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur le lac Night Hawk, à Timmins, en Ontario, et près de celui-ci.

Le 13 juin 2024, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur une petite île située à l’ouest de l’île Moose, sur le lac Night Hawk.

Deux bateaux à moteur étaient amarrés près de la rive nord. L’un d’entre eux était un bateau de la Police provinciale (le bateau no 2), et l’autre semblait être un bateau n’appartenant pas à la police (bateau no 1).

Le bateau no 1 était en aluminium et de couleur blanche. Un moteur Mercury reposait sur la poupe. Il n’avait pas de pare-brise. Il y avait des débris dans le bateau. Des rames de bois et un contenant d’essence rouge se trouvaient dans le bateau.

Le bateau no 2 était en aluminium et de couleur blanche. Un numéro d’identification était imprimé sur la proue et un autocollant de la Police provinciale était apposé sur la poupe. Un moteur Johnson reposait sur la poupe.

L’île était densément boisée. Le rivage était couvert de gros rochers de forme irrégulière formant une pente raide. Au-delà du rivage, le secteur était densément peuplé d’arbres, d’arbustes et d’autre végétation. Le secteur présentait des risques de trébuchement évidents. Le sol était humide, glissant et couvert d’arbres tombés, de feuilles et de mousse. La visibilité était limitée en raison du nombre d’arbres et de branches.

La longueur de l’île était d’environ 25 à 30 mètres, et sa largeur, d’environ 20 mètres. Elle était inhabitée. Une formation rocheuse et une grande zone boisée étaient visibles à environ 350 à 400 mètres au sud-est de l’île.

Une zone d’intérêt a été identifiée près du milieu de l’île. Quatre douilles de balle tirée de petit calibre ont été retrouvées au sol.

Figure 1 – Douille de petit calibre sur le sol

Figure 1 – Douille de petit calibre sur le sol

Il y avait de nombreuses marques d’impact sur les arbres, la plupart sur les côtés est et sud des troncs d’arbres. On a relevé 11 marques d’impact.

Figure 2 – Marque d’impact sur un arbre

Figure 2 – Marque d’impact sur un arbre

On a tenté d’extraire les projectiles, sans succès. On a trouvé un projectile sur la rive sud.

Éléments de preuve matériels

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES examiné les éléments suivants :

  • Un canot dont l’extérieur présente des sections de couleur blanche, brune et verte.
  • Un fusil de calibre 5,56 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche, un laser et une loupe [AI no 5].
  • Un fusil Armalite AR10A-4, 7,62 mm avec une lunette de visée [AI no 4].
  • Un fusil de calibre 5,56 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche et un laser [AI no 2].
  • Un fusil de calibre 5,56 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche, une loupe et un laser [AT no 4].
  • Une arme de calibre 5,56 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche, un laser et un silencieux [AI no 1].
  • Un fusil de calibre 5,56 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche, une loupe et un laser [AI no 3].
  • Une arme antiémeute Enfield (ARWEN) de calibre 37 mm avec une lunette de visée, une lampe de poche et un laser et d’une capacité d’un seul projectile.
  • Un chargeur de fusil de calibre 5,56 mm d’une capacité de 30 cartouches.
  • Un chargeur de fusil de calibre 5,56 mm d’une capacité de 30 cartouches.
  • Un chargeur de fusil de calibre 5,56 mm d’une capacité de 30 cartouches.
  • Un chargeur de fusil de calibre 5,56 mm d’une capacité de 30 cartouches.
  • Un chargeur de fusil de calibre 5,56 mm d’une capacité de 30 cartouches.
  • Sept douilles de balle tirée dans un sac de preuves scellé.
  • Six douilles de balle tirée dans un sac de preuves scellé.
  • Deux douilles de balle tirée dans un sac de preuves scellé.

Figure 3 – Fusil Armalite AR10A-4 utilisé par un AI

Figure 3 – Fusil Armalite AR10A-4 utilisé par un AI

Figure 4 – Fusil de calibre 5,56 mm utilisé par un AI

Figure 4 – Fusil de calibre 5,56 mm utilisé par un AI

Des plongeurs de la Police provinciale ont récupéré le fusil du plaignant. L’étui contenait un fusil avec un chargeur rempli. Le chargeur a été retiré. Il n’y avait pas de marque ni de fenêtre indiquant la capacité du chargeur. Une cartouche était visible sur la partie supérieure de la rampe d’alimentation du chargeur. L’inscription « REM » figurait sur la cartouche. Une cartouche a été retirée de l’extracteur. L’inscription « SUPER » figurait sur la cartouche. On a examiné le fusil et on y a relevé les identifiants suivants : « C.F. Mossberg and Sons Inc. North Haven, Conn. USA. »

Figure 5 – Fusil utilisé par le plaignant

Figure 5 – Fusil utilisé par le plaignant

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements des communications radio de la Police provinciale – 12 juin 2024

Vers 11 h 47 min 36 s, le TC no 3 appelle la police pour signaler qu’un homme seul dans un canot vient de s’arrêter à côté d’un sauna et qu’il est en train de partir à pied. L’appelant trouve que l’homme ressemble beaucoup à un suspect recherché – le plaignant.

Vers 11 h 48 min 19 s, le TC no 3 indique qu’il voit un hélicoptère dans les environs et qu’il entend des coups de feu.

Vers 12 h 1 min 32 s, un canot se trouve sur le rivage.

Vers 12 h 3 min 41 s, un civil appelle pour signaler qu’il voit un canot qui se dirige vers le nord sur le lac et qu’une personne est à bord. Les conditions sont très difficiles et le civil indique que cette personne ne devrait pas se trouver là.

Vers 12 h 13 min 21 s, le civil signale que le canot se dirige maintenant vers le nord, en direction de la route 101.

Vers 12 h 14 min 14 s, on signale que l’unité d’intervention tactique est à bord d’un bateau passant à côté de l’île Moose et se dirigeant vers le nord pour couper la route au suspect.

Vers 12 h 20 min 56 s, l’unité d’intervention tactique voit l’homme sur le canot entre la baie White Fish et l’île Moose. Les agents gardent leurs distances.

Vers 12 h 24 min 30 s, on signale que le suspect a fait chavirer le canot et que l’unité d’intervention tactique allait tenter un sauvetage.

Vers 12 h 29 min 24 s, on note que le canot s’est échoué près d’une île et que le suspect, un homme, pourrait se trouver sur l’île dans une position défensive.

Vers 12 h 29 min 51 s, on signale que l’unité d’intervention tactique garde ses distances et qu’elle établira un périmètre de sécurité jusqu’au retour de l’hélicoptère.

Vers 12 h 43 min 24 s, on signale que l’hélicoptère sera au-dessus de la cible dans quatre minutes.

Vers 12 h 46 min 45 s, on signale que l’île a été sécurisée et que l’hélicoptère assure la surveillance depuis les airs.

Vers 12 h 56 min 28 s, des coups de feu sont tirés.

Vers 12 h 57 min 5 s, on signale qu’une personne a été touchée.

Vers 13 h 0 min 7 s, on s’efforce d’extraire un agent par voie aérienne.

Vers 13 h 0 min 41 s, on demande une ambulance. On signale qu’une personne a subi deux blessures par balle au cou et que l’hélicoptère transportera le blessé directement à l’hôpital.

Vers 13 h 18 min 55 s, on constate que le suspect retourne sur le lac.

Vers 13 h 29 min 23 s, on signale que l’unité d’intervention tactique a placé le suspect sous garde.

Images captées par la caméra à bord du véhicule de police – véhicule de l’agent no 1

Le 12 juin 2024, à 13 h 54 min 48 s, on ouvre une portière arrière du véhicule de police.

Vers 13 h 56 min 45 s, le plaignant est placé à l’arrière du véhicule de police, menotté, les mains derrière le dos.

Vers 13 h 59 min 3 s, l’agent no 1 entre dans le véhicule de police et lit à nouveau au plaignant les chefs d’accusation qui sont portés contre lui, soit « manquement à l’engagement », « introduction par effraction » et « tentative de meurtre », et lui transmet des mises en garde.

Vers 14 h 0 min 37 s, le plaignant dit « Au fait, j’espère que votre ami va bien, je ne voulais pas le blesser ».

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale entre le 20 juin 2024 et le 18 septembre 2024 :

  • images captées par la caméra à bord du véhicule de police;
  • enregistrements des communications;
  • rapports sur les détails de l’incident;
  • photographies;
  • liste des agents concernés;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 4;
  • rapport d’arrestation du plaignant;
  • rapport d’identification.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées auprès du plaignant et des témoins civils et de la police, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi les y autorise, tous les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et ont refusé que l’on communique leurs notes.

Le matin du 12 juin 2024, des agents de l’unité d’intervention tactique ont été dépêchés dans la région du lac Night Hawk pour rechercher un suspect dans le cadre d’une enquête pour meurtre – le plaignant. Sous le commandement de l’AT no 3, et avec l’aide d’un hélicoptère et d’embarcations motorisées, les agents ont fouillé plusieurs sites dans la région, sans succès.

Le plaignant se trouvait dans un canot sur le lac et était armé d’un fusil de calibre .22. À un moment donné, il s’est échoué près d’un campement situé sur la rive sud-ouest du lac. Le TC no 3, qui trouvait suspecte la présence d’un homme dans un canot alors que les conditions sur le lac étaient difficiles, a appelé la police.

À bord de l’hélicoptère, l’AT no 3, l’AI no 3 et l’AT no 4 se sont dirigés vers le campement. Alors qu’ils s’approchaient, le plaignant a tiré sur l’hélicoptère. Il était environ 11 h 48.

L’AI no 3 et l’AT no 4 ont été déposés et ont parlé au propriétaire du campement, qui les a emmenés dans son bateau rejoindre les bateaux de la Police provinciale qui se trouvaient sur le lac. Le plaignant avait quitté la zone et se rendait en canot sur une petite île à l’ouest de l’île Moose.

À ce moment-là, il était prévu que les bateaux de la Police provinciale, pilotés par l’AT no 1 et l’AT no 2, fassent le tour de l’île à distance. L’objectif était d’empêcher le plaignant de sortir de l’île en attendant l’arrivée de ressources policières supplémentaires. Le moteur du bateau de l’AT no 2 s’est arrêté et le bateau a commencé à dériver vers l’île. L’AT no 1 est arrivé sur les lieux pour apporter son aide. Tandis que lui et l’AT no 2 tentaient de réparer le moteur en panne, un coup de feu a été tiré. L’AT no 4, qui conduisait un drone depuis le bateau de l’AT no 2, a été atteint au cou par une balle. Il était environ 12 h 56.

Le plaignant avait commencé à tirer sur le bateau depuis l’île. On ne sait pas combien de coups de feu il a tirés au total, mais des douilles de balle tirée retrouvées plus tard sur l’île laissent penser qu’il a tiré au moins cinq fois. Les agents de l’unité d’intervention tactique qui se trouvaient à bord des deux bateaux ont riposté, tirant en direction de l’île. Les tirs se sont poursuivis pendant un certain temps tandis que l’AT no 1 remorquait le bateau de l’AT no 2 pour l’éloigner de l’île et l’emmener à une distance sécuritaire. On a hissé l’AT no 4 hors du bateau pour le placer sur un amas de rochers, d’où il a été évacué du secteur par l’hélicoptère.

Les agents de l’unité d’intervention tactique ont maintenu leur position à proximité de cet endroit, à quelque 300 mètres à l’est de l’île sur laquelle se trouvait le plaignant. Un certain temps s’est écoulé, puis un agent s’est exclamé et a dit quelque chose comme « fusil. Il a quelque chose dans les mains. » L’AI no 3 a tiré deux fois. Le plaignant était dans son canot et pagayait en direction des agents. Tandis qu’il s’approchait, il a tenu la pagaie au-dessus de sa tête comme s’il se rendait.

Les agents se sont approchés du plaignant sur l’eau, sont embarqués dans son canot et l’ont placé sous garde.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34, Code criminel – Défense de la personne – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 12 juin 2024, la Police provinciale a communiqué avec l’UES pour signaler qu’il y a eu un échange de coups de feu entre des agents de l’unité d’intervention tactique et le plaignant sur le lac Night Hawk plus tôt ce jour-là. Un agent de la Police provinciale a été atteint par balle au cou. Le plaignant a été arrêté sans être blessé. L’UES a entrepris une enquête et a nommé cinq agents impliqués : l’AI no 1, l’AI no 2, l’AI no 3, l’AI no 4 et l’AI no 5. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que tout agent parmi les agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement à l’incident.

Aux termes de l’article 34 du Code criminel, une conduite qui constituerait autrement une infraction est justifiée aux yeux de la loi si cette conduite a pour objet de dissuader une personne de poser un geste qui représente une agression réelle ou une menace d’agression, raisonnablement appréhendée, et que la conduite est elle-même raisonnable. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la conduite, il faut l’évaluer en fonction des facteurs pertinents, notamment en ce qui a trait à des considérations telles que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

Les agents de la Police provinciale prenaient part à une opération policière légitime visant à localiser et à arrêter un homme – le plaignant – dont ils avaient des raisons de croire qu’il était impliqué dans un récent meurtre.

Bien que tous les agents qui ont fait feu ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES, comme la loi les y autorise, les éléments de preuve indiquent qu’ils ont tiré pour se défendre et défendre leurs collègues contre une attaque de la part du plaignant qu’il était raisonnable d’appréhender. Les agents de l’unité d’intervention tactique – l’AI no 1, l’AI no 2, l’AI no 3, l’AI no 4 et l’AI no 5 – n’ont commencé à tirer qu’après que le plaignant a visé les agents sur le lac et a tiré dans leur direction. Même s’il semble que les agents de l’unité d’intervention tactique ont continué à tirer après l’échange initial de coups de feu, soit après que le plaignant ait arrêté de tirer, il semble que leur force a été de nature défensive. Le plaignant était caché sur une île très boisée et, pour les agents, il s’agissait d’un danger réel et immédiat.

Je suis également convaincu que la force utilisée par les agents impliqués – des coups de feu – était raisonnable. La première vague de coups de feu de la police était une réponse directe aux coups tirés dans leur direction par le plaignant. De toute évidence, face à une menace mortelle, le recours à une force létale était une réponse rationnelle et proportionnée. On peut dire de même des coups de feu subséquents tirés par la police. Les agents ne pouvaient pas savoir si le plaignant avait épuisé ses munitions ou s’il avait été neutralisé, car ils se trouvaient dans une position très vulnérable sur le lac, en particulier lorsqu’ils tentaient de s’éloigner de l’île pour évacuer l’AT no 4 en toute sécurité. Dans ces conditions, il était logique de tirer sur l’île pour réduire le risque que le plaignant reprenne son attaque, et donc d’employer ce que certains ont décrit comme des « tirs de suppression ». Il convient de noter que cette tactique était calculée, car l’île était inhabitée (à l’exception de la présence du plaignant), ce qui réduisait la possibilité de blessures chez des tiers. Des éléments de preuve indiquent que le plaignant a été la cible de tirs alors qu’il pagayait vers les agents pour se rendre. Toutefois, dans ce cas aussi, les éléments de preuve ne permettent pas d’établir raisonnablement que les agents ont utilisé une force excessive, car les coups de feu semblent avoir été tirés alors que l’on pensait encore que le plaignant était armé. Aucun autre coup de feu n’a été tiré lorsqu’il s’est approché des agents et que ceux-ci ont bien vu qu’il n’était pas en possession d’une arme à feu.

Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 4 novembre 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.