Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFI-420

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 34 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 0 h 51 le 15 octobre 2023, le Service de police régional de Waterloo a transmis à l’UES les renseignements suivants.

Le 15 octobre 2023, des agents du Service de police régional de Waterloo ont été dépêchés à une résidence près de l’intersection entre Sunnyhill Road et le boulevard Franklin, à Cambridge, après avoir reçu un appel signalant que quelqu’un troublait la paix. À l’arrivée des agents, le plaignant a été aperçu avec une arme tranchante en sa possession. Il y a eu une interaction et un agent, soit l’agent impliqué (AI), aurait tiré avec son arme à feu sur le plaignant, lui infligeant des blessures indéterminées. Les services médicaux d’urgence de la région de Waterloo se sont rendus sur les lieux et ont conduit le plaignant à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 15 octobre 2023, à 2 h 9

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 15 octobre 2023, à 3 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 34 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 8 novembre 2023.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue.

TC no 2 A participé à une entrevue.

TC no 3 A participé à une entrevue.

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 15 et le 17 octobre 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue.

AT no 2 A participé à une entrevue.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 16 octobre 2023 et le 1er décembre 2023.

Retard de l’enquête

L’entrevue avec le plaignant a tardé, à cause de son état de santé et du fait qu’il souhaitait d’abord consulter son avocat.

Les AT nos 1 et 2 ont participé à une entrevue le lendemain de l’incident, sauf que des enregistrements vidéo obtenus par la suite ont soulevé des questions concernant le nombre de coups de feu et l’intervalle entre chaque coup de feu, ce qui a mené à une nouvelle entrevue avec les agents témoins le 1er décembre 2023.

Le retard est aussi en partie attribuable à la complexité inhérente à l’affaire.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus directement dans l’entrée de cour ou autour de cette entrée à une résidence dans le secteur de l’intersection entre Sunnyhill Road et le boulevard Franklin, à Cambridge.

Éléments de preuve matériels

Le 15 octobre 2023, deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux. Le ciel était couvert et il faisait frais. La température était de 9 degrés Celsius.

Sunnyhill Road, sur un axe approximatif est-ouest à partir du boulevard Franklin, est une rue résidentielle comportant des maisons isolées des deux côtés. L’incident en question s’est produit dans une entrée de cour de ce secteur.

Des photos de l’ensemble des lieux ont été prises à titre de preuves et des recherches préliminaires ont permis de trouver plusieurs douilles, un couteau de cuisine et un projectile. Les douilles étaient regroupées à deux endroits, soit principalement dans l’entrée de cour et également dans l’entrée de cour d’une propriété voisine. Des marqueurs de preuve ont été placés pour permettre de recueillir les preuves par la suite et de procéder à une numérisation 3D des lieux.

Figure 1 – Couteau

Figure 1 – Couteau

Figure 2 – Douille

Figure 2 – Douille

À 5 h 28, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a rencontré un agent, qui avait obtenu les vêtements et l’équipement de police de l’AI. Des photos de l’uniforme, des options de recours à la force et du reste de l’équipement ont été prises. Son arme à feu de service, de modèle Glock 45, 9 X 19 (9 mm), et le chargeur y étant fixé avec sept cartouches, ont été saisis, tout comme deux autres chargeurs de rechange pleins de 17 cartouches. Le pistolet de service, les chargeurs et les munitions ont été mis en lieu sûr pour servir d’éléments de preuve et permettre d’éventuelles analyses. Le reste de l’équipement a été remis à l’agent pour qu’il soit conservé par son service de police.

Figure 3 – Pistolet de l’AI

Figure 3Pistolet de l’AI

On a déterminé que dix coups de feu avaient été tirés durant l’incident.

Des fouilles plus approfondies des lieux ont été réalisées à l’aide d’un détecteur de métal et d’une lumière vive et à travers le feuillage. Au total, neuf douilles, un projectile déformé, une trace d’impact d’un projectile sur une voiture de police (celle de l’AI) et le couteau de cuisine ont été marqués, photographiés et saisis. La trace d’impact était du côté gauche, sur le coin arrière de la voiture de police identifiée. La voiture de police était stationnée sur le bord de la rue, en face de l’entrée de cour où l’incident est survenu.

Figure 4 – Trace d’impact d’un projectile à l’arrière de la voiture de police de l’AI

Figure 4 – Trace d’impact d’un projectile à l’arrière de la voiture de police de l’AI

À 6 h 40, deux projectiles récupérés durant une chirurgie pratiquée sur le plaignant ainsi qu’un sac de vêtements ont été remis à un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES.

Les objets sur les lieux ont été photographiés et saisis.

Une autre fouille a été faite à la lumière du jour au cas où d’autres traces d’impact et éléments de preuve seraient trouvés, mais sans résultat.

À 10 h 18, un autre projectile retrouvé dans le corps du plaignant durant une chirurgie a été reçu.

Tous les autres objets ont été mis en lieu sûr et transportés jusqu’aux installations de l’UES aux fins d’entreposage et d’analyse.

Le 16 octobre 2023, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au quartier général du Service de police régional de Waterloo à Cambridge pour récupérer le projectile qui avait percuté la voiture de police. Des photos de la voiture de police, des dommages et de la procédure d’examen du véhicule ont été prises. Il a été déterminé que le projectile avait suivi une trajectoire allant de l’avant à l’arrière, selon un angle légèrement ascendant. Le projectile avait pénétré la carrosserie externe de métal devant le clignotant arrière du côté gauche. Des fragments de cuivre et de plomb ont été récupérés et photographiés. Ils ont été prélevés et saisis à titre d’éléments de preuve.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement de la caméra interne avant de la voiture de police de l’AT no 2

À 0 h 16 le 15 octobre 2023, trois voitures du Service de police régional de Waterloo ont été observées stationnées les unes à côté des autres dans le stationnement du centre commercial situé au 480 Hespeler Road. L’AT no 2 a suivi une voiture de police pleinement identifiée [soit celle de l’AI, comme on le sait maintenant] sur Hespeler Road. Les deux voitures de police roulaient avec leurs gyrophares activés jusqu’à la rue Harvey, où ils les ont éteints, après quoi la caméra interne a été désactivée.

Enregistrement de la caméra interne avant de la voiture de l’AI

À 0 h 16 le 15 octobre 2023, trois voitures du Service de police régional de Waterloo ont été observées stationnées les unes à côté des autres dans le stationnement du centre commercial situé au 480 Hespeler Road.

À 0 h 20, l’AI a viré en direction sud sur la rue Harvey.

Vers 0 h 21, l’AI a tourné vers l’ouest sur Sunnyhill Road. L’agent a signifié qu’il avait entendu un message radio de répartition disant que l’individu faisant l’objet d’une enquête, soit le plaignant, avait été signalé comme violent. Il a de nouveau demandé qu’une ambulance soit envoyée. L’AI a stationné sa voiture de police sur le bord de la rue, devant la résidence où l’incident est survenu. Il est sorti de sa voiture, et lui ainsi que deux autres agents en uniforme du Service de police régional de Waterloo ont avancé dans l’entrée de cour du côté droit de la résidence. L’AI avait laissé la radio de sa voiture allumée, et le volume faisait en sorte qu’il était difficile d’entendre les sons en dehors de la voiture.

Autour de 0 h 22, l’AT no 1 et l’AT no 2 se sont approchés de la cour arrière d’une résidence voisine en marchant, tandis que l’AI approchait de la porte de devant de la résidence. Les agents avaient tous leur lampe de poche à la main. À 0 h 22 min 33 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 ont couru en direction de la porte de devant de la résidence où se trouvait l’AI.

Vers 0 h 23 min 19 s, des mouvements étaient perceptibles dans une partie sombre de l’entrée de cour, à gauche de la résidence, là où se trouvait un escalier de béton. La silhouette d’une personne [maintenant identifiée comme l’AT no 2] était visible, avec les deux bras tendus vers l’avant. L’AT no 2 pointait en direction du haut de l’escalier. L’AT no 1 s’est engagé rapidement sur le chemin menant à la porte de devant avec sa lampe de poche allumée. Il a pris position devant le véhicule se trouvant dans l’entrée de cour.

Autour de 0 h 23 min 58 s, l’AT no 2 est allé à l’est de l’entrée de cour, les bras pointant toujours vers le haut de l’escalier. Une autre silhouette, celle de l’AI, tenait une lampe de poche pointée vers le haut de l’escalier, depuis le bas de l’escalier. L’AI s’est alors mis à reculer rapidement.

Vers 0 h 24 min 12 s, l’un des agents dans l’entrée de cour, qui avait les bras tendus vers l’avant, s’est mis à reculer tout à coup.

À environ 0 h 24 min 20 s, le plaignant a été aperçu se dirigeant vers l’est le long du haut d’un mur de soutènement. Il bougeait les bras et les mains de manière déroutante autour de sa tête. Un objet se trouvait au bout de sa main droite. Le plaignant était éclairé par les lampes de poche des agents. Il s’est retourné et a rebroussé chemin, sortant du champ de la caméra.

Autour de 0 h 24 min 25 s, un des agents [présumément l’AT no 1] s’est approché du côté de la voiture de police de l’AI, qui était stationnée. Son ombre était visible sur le mur est de l’immeuble. On pouvait voir le plaignant courir le long du haut du mur.

Entre environ 0 h 24 min 31 s et 0 h 24 min 33 s, six coups de feu ont retenti, et le plaignant est tombé au sol, puis il a roulé en bas du mur de soutènement.

Entre à peu près 0 h 24 min 34 s et 0 h 24 min 36 s, trois autres coups de feu ont été entendus, ainsi que la voix d’un homme.Ses paroles n’étaient pas discernables. Le son du neuvième coup de feu était différent [présumément parce que c’était le son du projectile qui a perforé la voiture de police.]

Autour de 0 h 24 min 42 s, on entendait le plaignant hurler de douleur, ainsi que plusieurs autres voix masculines.

Vers 0 h 24 min 50 s, un coup de feu isolé a retenti.L’ombre d’un agent était visible sur le côté de la résidence. Il avait les bras tendus devant lui tout en reculant. On pouvait voir l’ombre de l’AT no 1 avec sa lampe de poche dans les airs derrière l’AI. L’AT no 1 a aussi reculé et, avec sa main droite, il a attrapé le dos de l’AI pour le guider vers l’arrière. Après le dixième coup de feu, on a entendu [Traduction] « Jetez votre couteau », puis [Traduction] « Merde », d’au moins deux voix différentes.

À environ 0 h 24 min 56 s, l’AI, avec son arme de poing pointée qu’il tenait des deux mains, est entré dans le champ de la caméra, avec l’AT no 1, qui tenait une lampe de poche de la main gauche, à la hauteur de l’épaule, tandis qu’il tenait la veste de l’AI de la main droite.

Autour de 0 h 25 min 36 s, l’AT no 1 a dit à l’AI de rengainer son arme à feu.

Enregistrement vidéo de la résidence de Sunnyhill Road

Vers 0 h 22 le 15 octobre 2023, trois agents en uniforme, soit l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1, avançaient dans l’entrée de cour de la résidence avec leur lampe de poche à la main. Les AT nos 2 et 1 ont poursuivi leur chemin dans l’entrée de cour, et l’AI a emprunté le chemin menant à la porte de devant de la résidence. Une voiture de police était stationnée au bas de l’entrée de cour, juste à l’est de la porte de devant. On a entendu la voix d’un homme, après quoi l’AT no 2 et l’AT no 1 ont couru le long de l’entrée de cour pour se rendre jusqu’au chemin menant à la porte de devant. Un homme [le plaignant] a dit : [Traduction] « Sortez de là. »

Autour de 0 h 23 min 32 s, l’AT no 1 était debout dans l’entrée de cour, avec une lampe de poche dans la main gauche et un pistolet à la main droite. On entendait le plaignant parler de façon incohérente et l’ordre suivant a été donné : [Traduction] « Jetez votre couteau. » Le plaignant a riposté : [Traduction] « Qu’est-ce que c’est? Pourquoi c’est si christement… [paroles inaudibles]… c’est pour ça qu’il faut le faire, c’est pour ça qu’on n’a pas le Christ de choix de le faire. C’est ça la règle, c’est la maudite règle. » On a entendu un homme parler à voix basse avec le plaignant, mais les paroles étaient inaudibles.

Vers 0 h 23 min 57 s, l’AT no 1 a rebroussé chemin et s’est mis à courir vers le devant de la résidence, une lampe de poche allumée à la main, après quoi il a tourné dans l’entrée de cour, avec une arme à feu dans la main.

À environ 0 h 24 min 1 s, le plaignant a continué à dire : [Traduction] « Vous devez le faire. Il le faut, vous devez le faire… Je demande justice. » Le plaignant a ensuite dit : [Traduction] « Je vous demande justice. » Une voix d’homme a répliqué : [Traduction] « Je ne vous veux mal. »

Autour de 0 h 24 min 25 s, le plaignant a dit : [Traduction] « Allez-y; tirez. » Un agent avec une lampe de poche allumée à la main s’est mis à reculer, juste au sud d’une voiture de police stationnée, près de la porte du conducteur.

À 0 h 24 min 26 s, six coups de feu ont retenti. Le tout a duré environ deux secondes.

À 0 h 24 min 30 s, des voix ont été entendues et l’agent se trouvant derrière la voiture de police [présumément l’AT no 2] s’est dirigé vers le milieu de la rue, après quoi une autre série de trois coups de feu ont été tirés. Ces trois coups de feu ont été suivis de l’ordre suivant répété plusieurs fois : [Traduction] « Jetez votre couteau. »

À 0 h 24 min 45 s, un coup de feu isolé a été tiré. LAT no 1 se tenait près de la porte du conducteur d’une voiture de police.

Enregistrements des communications de la police;

À 0 h 16 le 15 octobre 2023, la TC no 1 a appelé le Service de police régional de Waterloo pour demander l’aide de la police à une résidence sur Sunnyhill Road. Elle a déclaré avoir été attaquée par le plaignant, et on pouvait entendre les sons d’une lutte ont été entendus en arrière-plan. La TC no 1 a indiqué qu’elle était cachée dans la salle de bains que le TC no 2 avait réussi à maîtriser le plaignant.

Le centre de répartition a demandé à la TC no 1 si le plaignant avait une arme, ce à quoi elle a répondu qu’elle ne pensait pas, mais que le plaignant était près de la cuisine. La TC no 1 a signalé que le plaignant et le TC no 2 avaient bu plus tôt ensemble et qu’ils avaient consommé du [Traduction] « chocolat au cannabis » devant un feu de bois. Elle avait l’impression que le chocolat avait une concentration élevée en cannabis et avait des effets très néfastes sur le comportement du plaignant. Elle croyait qu’il faisait une sorte de crise psychotique. Le centre de répartition a annoncé à la TC no 1 que la police était en route.

À 0 h 16, des agents ont été dépêchés sur les lieux.

À 0 h 18, l’AI a demandé une ambulance.

Vers 0 h 20, des agents ont été prévenus que le plaignant avait un casier judiciaire et qu’il était mentionné qu’il était violent. L’AI a dit avoir lu qu’il s’agissait d’une infraction de nature sexuelle et il a encore une fois demandé de faire venir une ambulance. L’AI a demandé de garder le canal radio disponible.

À environ 0 h 23, l’AI a dit : [Traduction] « Il a un couteau. »

Autour de 0 h 24, un agent a diffusé le message suivant : [Traduction] « Coups de feu tirés, coups de feu tirés », et on a entendu un coup de feu.

À 0 h 24 min 39 s, un agent indéterminé a dit : [Traduction] « Il est à pied, il est… »

À 0 h 24 min 58 s, l’AI a déclaré : [Traduction] « Touché plusieurs fois. »

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Waterloo entre le 17 et le 23 octobre 2023 :

  • la liste des chefs d’accusation contre le plaignant;
  • les enregistrements des communications;
  • les enregistrements de caméra interne des voitures de police;
  • les notes des AT;
  • l’historique du plaignant;
  • la liste de tous les agents en cause;
  • les rapports d’incidents généraux;
  • le résumé d’un mémoire de la Couronne;
  • le plan de gestion des enquêtes criminelles du Service de police régional de Waterloo;
  • le rapport de formation du Service de police régional de Waterloo concernant l’AI;
  • la politique relative au recours à la force du Service de police régional de Waterloo.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources entre le 17 octobre 2023 et le 22 novembre 2023 :

  • l’enregistrement vidéo de la résidence sur Sunnyhill Road;
  • le dossier médical du plaignant provenant du Hamilton Health Sciences;
  • les rapports d’appel d’ambulance.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant, les agents témoins et les témoins civils présents durant l’incident ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI a refusé de participer à une entrevue avec l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Très tôt dans la matinée du 15 octobre 2023, l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2, chacun dans une voiture de police différente, se sont rendus à une résidence sur Sunnyhill Road, à Cambridge, pour répondre à un appel. La TC no 1 avait appelé la police pour signaler que le plaignant venait de pénétrer dans sa résidence et de l’agresser. La TC no 1 a dit au réceptionniste du 911 que le TC no 2 luttait avec le plaignant à l’intérieur de la maison.

Les agents se sont présentés à la porte de devant de la résidence où le TC no 2 leur a ouvert. Le plaignant a alors été aperçu dans la cuisine, juste à gauche de la porte d’entrée. Il a sorti un couteau et s’est mis à avancer vers les agents.

L’AI a dégainé son arme à feu et ordonné au plaignant de jeter son couteau, tandis que lui ainsi que les AT nos 1 et 2 reculaient. Le plaignant est sorti par la porte de devant et a continué d’avancer vers les agents. L’AI, avec l’AT no 2 derrière lui, a descendu quelques marches menant à l’entrée de cour commune avec la résidence adjacente. Le plaignant a reçu à plusieurs reprises l’ordre de jeter son couteau.

Il a néanmoins conservé le couteau. Pendant que les agents se trouvaient alors dans l’entrée de cour, le plaignant est monté sur un mur de soutènement de béton peu élevé en bordure de l’entrée de cour. Tout à coup, le plaignant, tenant le couteau dans sa main droite, s’est mis à courir sur le dessus du mur en direction des agents. Il avait avancé d’environ six pas lorsqu’une série de coups de feu ont été tirés sur lui.

Ces coups de feu, six au total, ont été tirés par l’AI. Il en a tiré trois autres rapprochés moins de deux secondes après les six premiers lorsque le plaignant, qui était tombé du mur de soutènement et avait roulé jusque dans l’entrée de cour après la première série, s’est relevé ou était en train de le faire, le couteau toujours à la main. Environ 14 secondes après, l’agent a tiré un dernier coup sur le plaignant. Ce dernier était alors encore une fois en train de se relever. Il est cependant resté au sol après le dixième coup de feu.

Les agents se sont alors approchés du plaignant et lui ont passé les menottes. L’AT no 1 a utilisé des pansements comme tampons pour les plaies du plaignant en attendant l’arrivée des ambulanciers.

Le plaignant avait plusieurs blessures par balle, y compris des plaies à la poitrine, à l’abdomen et aux deux jambes.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 34 du Code criminel : Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été gravement blessé à Cambridge par des coups de feu tirés par la police le 15 octobre 2023. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agent impliqué. Cette enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec les blessures du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, des actes qui constitueraient autrement une infraction sont légalement justifiés pourvu que ce soit pour éviter une attaque raisonnablement redoutée, qu’elle soit réelle ou potentielle, à condition que ces actes soient raisonnables dans les circonstances. Pour ce qui est du caractère raisonnable des actes en question, il doit être évalué en fonction des circonstances pertinentes, notamment en tenant compte de facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

L’AI ainsi que les AT nos 1 et 2 étaient fondés à être sur les lieux et ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions pendant la série d’événements qui ont mené à l’usage d’une arme à feu. Ils savaient que le plaignant avait prétendument agressé la TC no 1 et il était donc légitime qu’ils se soient rendus sur les lieux afin de faire tout ce qui était raisonnablement possible pour faire les vérifications d’usage sur la plainte, préserver la paix et assurer la sécurité du public.

Pour ce qui est des coups de feu tirés par l’AI, j’estime que l’agent a utilisé son arme dans l’intention de se protéger lui-même et, vraisemblablement, de protéger ses collègues également contre une attaque au couteau, raisonnablement redoutée, par le plaignant. Même si l’AI a refusé, comme la loi l’y autorise, de participer à une entrevue qui lui aurait permis de témoigner directement, cette interprétation est raisonnable compte tenu des circonstances qui sont ressorties de l’enquête : le plaignant avait un couteau à la main, il a refusé de jeter son couteau même si les agents lui ont ordonné de le faire à plusieurs reprises et le plaignant a tenté de se rapprocher des agents, toujours le couteau à la main, après la première et la deuxième série de coups de feu.

Je considère également que les éléments de preuve ne fournissent pas de motifs raisonnables de croire que les coups de feu n’étaient pas justifiés. En effet, chaque fois que l’AI a fait feu, que ce soit lors de la première série, de la deuxième série ou du dernier coup de feu, le plaignant présentait une menace, compte tenu de son couteau, une arme ayant le potentiel d’infliger des blessures graves et même la mort, et il se trouvait, ou était sur le point de se trouver, assez proche des agents pour utiliser son arme contre eux. Au vu du dossier, il semblerait que la force remployée par l’AI pour se défendre était proportionnelle à la nature de la menace à laquelle il tentait d’échapper. Le dernier coup de feu pourrait mériter d’être examiné de plus près, vu le temps écoulé depuis la fin de la deuxième série. On pourrait effectivement faire valoir que l’AI aurait eu le temps d’aller se mettre à l’abri à un endroit à partir duquel il aurait pu continuer de demander au plaignant de jeter son couteau et de se rendre. Cela dit, la situation était très instable et dynamique et il était possible que le plaignant s’en prenne alors à la TC no 1 ou au TC no 2 si les agents s’éloignaient. À la lumière de ces considérations, il m’est impossible de conclure hors de tout doute raisonnable que l’AI a agi de manière déraisonnable en choisissant d’agir comme il l’a fait.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.

Date : Le 17 septembre 2024

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

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