Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-229

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 39 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 31 mai 2024, à 14 h 50, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 30 mai 2024, à 13 h 38, le plaignant a été arrêté pour avoir tenté de voler le sac à main d’une femme dans le hall d’entrée du poste du SPRN, à St. Catharines. Les agents se sont précipités à l’avant du bâtiment et y ont arrêté le plaignant, lequel a été placé dans une cellule en attendant son enquête sur la remise en liberté sous caution. Le matin du 31 mai 2024, le plaignant s’est plaint qu’il avait mal à la main droite. Il a été transporté à l’Hôpital général du grand Niagara (HGGN), à Niagara Falls, où on lui a diagnostiqué une fracture du cinquième doigt de la main droite.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 31 mai 2024 à 15 h 43

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 3 juin 2024 à 9 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignants ») :

Homme de 39 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 4 juin 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin a participé à une entrevue le 21 juin 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont produits sur le trottoir situé à l’avant du poste du district 1 du SPRN, au 198, avenue Welland, à St. Catharines.

Figure 1 — Entrée avant du poste du district 1 du SPRN, au 198, avenue Welland, St. Catharines

Figure 1 — Entrée avant du poste du district 1 du SPRN, au 198, avenue Welland, St. Catharines

[Source : Google Earth]

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrement vidéo — SPRN

Le 30 mai 2024, à 13 h 36 min 58 s, le plaignant se tient à un comptoir dans le hall d’entrée du poste de police. Il parle avec une femme qui tient un sac à main dans sa main gauche.

À 13 h 37 min 51 s, le plaignant s’élance soudainement vers la femme et agrippe son sac à main. Elle s’y accroche à deux mains tandis que le plaignant la tire vers lui, s’accrochant au sac à main par les sangles. Il recule et entraîne la femme avec lui dans le hall d’entrée.

À 13 h 38, le plaignant pivote avec force et saisit le bras gauche de la femme de sa main droite, et ils se mettent à se tirer l’un et l’autre d’avant en arrière.

À 13 h 38 min 6 s, à la porte du vestibule du hall d’entrée, le plaignant se retourne, recule et tire la femme devant lui dans le vestibule avant.

À 13 h 38 min 11 s, le plaignant et la femme sortent par les portes avant du poste de police et tombent au sol, en tenant tous deux le sac à main. Le plaignant atterrit plus près de la rue Welland. Le plaignant se relève et commence à traîner la femme vers un escalier.

À 13 h 38 min 16 s, l’AT no 1 sort en courant, suivi de l’AI.

À 13 h 38 min 21 s, l’AT no 1 s’arrête derrière la femme, tandis que l’AI fait le tour de celle?ci et se retrouve légèrement en avant et à gauche du plaignant.

À 13 h 38 min 22 s, la femme lâche le sac à main et le plaignant dégringole l’escalier jusqu’en bas. L’AI, qui se trouve sur les marches, agrippe le manteau du plaignant par le haut du cou et le tire vers la gauche, amenant le plaignant à atterrir sur son côté droit, peut?être sur sa main droite. Le plaignant roule sur le dos, puis sur son côté gauche, sur le trottoir. Le plaignant résiste et essaie de se relever tandis que l’AI se trouve derrière lui.

Tandis que l’AI tente de maîtriser le plaignant, l’AT no 1 arrive avec d’autres agents pour lui prêter main-forte. En raison de l’angle de la caméra et du nombre d’agents du SPRN qui bloquent la vue, on ne voit l’interaction qu’en partie.

À 13 h 39 min 30 s, le plaignant se trouve toujours sur le trottoir, sur le flanc gauche. Il est menotté derrière le dos. L’AI et deux autres agents du SPRN sont présents et tiennent le plaignant.

À 13 h 45 min 41 s, des agents remettent le plaignant sur ses pieds et l’escortent jusqu’au véhicule de police no 180, lequel est stationné à proximité. Des agents placent le plaignant contre l’arrière droit du véhicule de police et le fouillent.

À 13 h 47 min 24 s, le plaignant est placé sur la banquette arrière droite du véhicule de police.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPRN entre le 4 juin 2024 et le 18 juin 2024 :

  • Liste des agents qui sont intervenus
  • Rapport d’incident et rapport sur l’arrestation
  • Enregistrements vidéo captés dans l’entrée du poste de police, le hall d’entrée et l’aire de mise en détention
  • Liste des interactions antérieures impliquant le plaignant
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Dossier de détention du prisonnier — transport du plaignant au HGGN
  • Notes de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 6 juin 2024 et le 18 juin 2024 :

  • Dossier médical du plaignant, fourni par le HGGN

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et un témoin oculaire de la police, ainsi que des enregistrements vidéo ayant capté différentes parties de l’incident, dresse le portrait suivant des événements. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à lui communiquer ses notes.

Le 30 mai 2024, au début de l’après-midi, le plaignant s’est retrouvé dans le hall d’entrée du poste du SPRN, à St. Catharines. Ses facultés mentales étaient altérées à ce moment-là. Il parlait avec une femme lorsqu’il s’est soudainement élancé pour attraper le sac à main de la femme et a tenté de le lui arracher. Elle s’y est accrochée. Tout en tenant le sac à main, le plaignant s’est mis à marcher à reculons en direction des portes du poste de police, entraînant la femme avec lui. Près des portes, la femme, qui s’agrippait aux sangles de son sac à main, est tombée. Le plaignant, qui se trouvait alors à l’extérieur du poste et se dirigeait vers un escalier menant à un trottoir, a traîné la femme sur le dos.

Après avoir été prévenu de ce qui se passait, l’AI a suivi l’homme et la femme à l’extérieur et a vu le plaignant perdre pied et dégringoler les escaliers. L’AI a descendu l’escalier et a saisi le manteau du plaignant par le haut du dos alors qu’il tentait de se relever. L’agent a amené le plaignant sur le trottoir de force et l’y a maintenu en attendant l’arrivée d’autres agents. Peu après, le plaignant a été menotté derrière le dos et placé en état d’arrestation.

Le lendemain, alors qu’il était encore en détention au poste de police, le plaignant s’est plaint qu’il avait mal à la main droite. Il a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture de l’auriculaire.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 31 mai 2024, une blessure grave a été diagnostiquée au plaignant alors qu’il était sous la garde du SPRN. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête dans laquelle l’AI a été désigné comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

L’AI avait des motifs légitimes de chercher à arrêter le plaignant. Alors qu’il se trouvait dans un poste de police, le plaignant a tenté de voler le sac à main d’une femme.

Quant à la force utilisée par l’AI pour parvenir à arrêter le plaignant, notamment la mise au sol du plaignant, j’estime qu’elle était justifiée au sens de la loi. Lorsque l’AI a initialement rattrapé le plaignant, il avait des raisons de croire que le plaignant allait résister physiquement à son arrestation. Après tout, le plaignant venait de traîner une femme par terre sur une certaine distance dans le but de lui voler son sac à main. En amenant le plaignant au sol, l’agent pouvait espérer être mieux à même de gérer cette résistance. Or, le plaignant a effectivement résisté à son arrestation. À un certain moment, le plaignant s’est partiellement relevé, mais l’AI l’a forcé à redescendre. Aucun coup n’a été porté et la mise au sol en soi a été effectuée avec une force modérée.

On ne sait toujours pas exactement à quel moment le plaignant s’est blessé. Outre la mise au sol, la preuve semble indiquer que le plaignant pourrait s’être fracturé le doigt alors qu’il luttait avec la femme pour lui arracher son sac à main. Quoi qu’il en soit, je n’ai aucune raison de croire que l’AI s’est comporté autrement qu’en toute légalité durant son interaction avec le plaignant et il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 23 septembre 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.