Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-166

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par une femme de 33 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 14 avril 2024, à 11 h 29, le Service de police de Thunder Bay (SPTB) a avisé l’UES d’une blessure subie par la plaignante.

D’après les renseignements fournis par le SPTB, le 14 avril 2024, à 10 h 21, des agents du SPTB se sont rendus à une adresse située sur la rue Balmoral, à Thunder Bay, car on avait signalé qu’une femme courait en tenant un couteau et se mutilait, y compris au cou. Une équipe d’impact du SPTB [formée en santé mentale] est arrivée sur les lieux. L’agent impliqué (AI) et le témoin civil (TC) no 3 faisaient partie de cette équipe. Ils ont parlé à la plaignante à travers une porte vitrée et elle s’est donné un coup de couteau dans le cou. La plaignante a été appréhendée en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM), puis a été transportée en ambulance au Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay (CRSSTB). L’agent témoin (AT) no 2 est monté dans l’ambulance pour escorter la plaignante. À 11 h 21, le CRSSTB a indiqué que la plaignante était dans un état stable, mais critique.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 15 avril 2024 à 7 h 43

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15 avril 2024 à 11 h 06

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 33 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 16 avril 2024.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 N’a pas accepté de participer à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 17 avril 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 22 avril 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont déroulés à une adresse située sur la rue Balmoral, à Thunder Bay.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Images captées par les caméras d’intervention — AI, AT no 1, AT no 2, AT no 3 et AT no 4

Le 14 avril 2024, vers 10 h 24, les agents se sont présentés à une adresse en compagnie du TC no 3 [travailleur en santé mentale]. Ils se sont dirigés vers une série de portes fermées à l’un des étages supérieurs et y sont arrivés vers 10 h 25. Les portes étaient percées de petites fenêtres. La plaignante se trouvait de l’autre côté des portes et se tenait dans un coin. L’AI a demandé à la plaignante de poser le couteau et lui a dit qu’ils étaient là pour l’aider. Le TC no 3 a essayé de communiquer avec la plaignante et lui a dit qu’elle était en sécurité. Le TC no 3 a avisé les agents que la plaignante s’était donné un coup de couteau dans le cou. Les agents ont discuté des différentes options de recours à la force.

Vers 10 h 26, la plaignante s’est affalée sur le sol et a jeté le couteau. L’AT no 2 et l’AT no 1 ont pénétré dans le couloir, ont menotté la plaignante derrière le dos, puis lui ont prodigué les premiers soins. Les Services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés.

Vers 10 h 28, la plaignante a semblé cesser de respirer. L’AT no 4 lui a fait des compressions thoraciques jusqu’à ce qu’elle recommence à respirer.

Vers 10 h 32, les SMU sont arrivés et ont pris le relais.

Images de surveillance

Le 14 avril 2024, à 9 h 54 min 48 s, une femme — la plaignante — court dans les couloirs. Elle cogne sur plusieurs portes et essaie de les ouvrir, puis sort un couteau de la poche de son chandail. Elle semble en proie à des hallucinations et crie sur une personne imaginaire, puis donne des coups de couteau en l’air.

À 9 h 57 min 25 s, le TC no 1 et un résident arrivent. La plaignante les poursuit tous les deux, le couteau à la main. La plaignante semble agitée et en détresse.

À 10 h 01 min 05 s, la plaignante se cogne contre un mur dans un coin. Elle crie en tenant le couteau de sa main droite et se tranche le côté droit du cou. Elle se donne ensuite plusieurs coups de couteau dans le cou, l’abdomen et la poitrine. Son attention se tourne ensuite sur l’extrémité du couloir où une personne inconnue passe la tête pour jeter un coup d’œil. Elle lance le couteau dans cette direction, puis s’affale sur le sol dans le coin.

L’AT no 2 et l’AT no 1 s’approchent d’elle, lui passent les menottes derrière le dos et entreprennent, avec l’AT no 4, de lui prodiguer les premiers soins. L’AI et l’AT no 3 établissent un périmètre de sécurité jusqu’à l’arrivée des SMU. Les SMU prennent le relais à leur arrivée.

Enregistrements de communications du SPTB

Le TC no 1 et le TC no 2 ont téléphoné au 911 pour signaler qu’une femme [la plaignante] se trouvait à cette adresse, et qu’elle tenait un couteau et courait dans un couloir.

À 10 h 21, le 14 avril 2024, l’AI, l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3 et l’AT no 4 sont arrivés sur les lieux.

À 10 h 23, l’AI a signalé que la plaignante s’était poignardée et a demandé que les SMU se rendent sur les lieux le plus rapidement possible.

À 10 h 28, l’AI a signalé que la plaignante saignait abondamment au cou et qu’elle n’avait plus de signes vitaux. Ils ont entrepris des manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire.

À 10 h 31, les SMU sont arrivés.

À 10 h 51, la plaignante a été transportée au CRSSTB, escortée de l’AT no 2.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du SPTB entre le 16 avril 2024 et le 17 avril 2024 :

  • Enregistrements captés par les caméras d’intervention
  • Images captées par les systèmes de caméra intégrés aux véhicules
  • Images de surveillance
  • Rapport d’incident
  • Enregistrements de communications
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Politique — personnes atteintes de troubles mentaux
  • Notes de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 1 et de l’AT no 2

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES dresse un portrait clair des principaux événements, lesquels peuvent être résumés succinctement comme suit.

Dans la matinée du 14 août 2024, la plaignante s’est retrouvée à une adresse située sur la rue Balmoral alors qu’elle était en proie à une psychose due à la consommation de stupéfiants. Elle délirait, était très agitée et avait un couteau à la main. Des témoins ont appelé la police.

Une équipe de santé mentale, composée de l’AI et du TC no 3, a été dépêchée à l’adresse, ainsi que plusieurs autres agents. Ils ont trouvé la plaignante dans un couloir. Elle se trouvait derrière des portes et avait toujours le couteau à la main. L’AI et le TC no 3 ont tenté de la calmer, mais en vain. Moins d’une minute après leur arrivée, la plaignante s’est poignardée dans le cou et s’est affalée sur le sol.

Des agents se sont approchés de la plaignante et lui ont prodigué les premiers soins. Elle a été transportée à l’hôpital et a reçu des soins pour de graves blessures par arme blanche.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel — Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la
sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée
par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 14 avril 2024, la plaignante s’est donné des coups de couteau, à Thunder Bay. Puisque des agents du SPTB interagissaient avec la plaignante à ce moment-là, l’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après examen des éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec les blessures subies par la plaignante.

L’infraction possible dans cette affaire est la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 221 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas graves de négligence qui témoignent d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. L’infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué et substantiel par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire en question, il faut donc déterminer si l’AI n’a pas fait preuve de la diligence requise et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir été à l’origine des blessures subies par la plaignante ou y avoir contribué, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction pénale. De toute évidence, cela n’est pas le cas ici.

L’AI, le TC no 3 (un professionnel de la santé mentale) et les autres agents exerçaient leurs fonctions de façon légitime durant toute la durée de leur interaction avec la plaignante. Une fois informés qu’une femme traversait une crise de santé mentale et tenait un couteau, les agents avaient le devoir de se rendre sur les lieux et de faire ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour éviter que la plaignante ou des membres du public ne subissent un préjudice.

Dans le court laps de temps dont ils ont disposé avant que la plaignante ne se poignarde, les agents ont fait preuve d’une diligence et d’une considération adéquates pour le bien?être de la plaignante. L’AI et le TC no 3 ont tenté de faire comprendre à la plaignante qu’elle était en sécurité. Puisque la plaignante tenait un couteau, les agents ont judicieusement décidé de ne pas se précipiter sur elle. L’objectif était de tenter de la calmer et d’éviter de provoquer un comportement irréfléchi. Malheureusement, les événements se sont déroulés avec une telle rapidité que les agents n’ont pas eu l’occasion de recourir à des armes moins létales pour neutraliser temporairement la plaignante. Dès que la plaignante s’est poignardée et est tombée au sol, les agents ont agi rapidement pour lui prodiguer des soins. Au vu de ce qui précède, je n’ai aucun doute que ni l’AI ni les autres agents n’ont transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel. En fait, il est bien possible que les premiers soins qu’ils ont prodigués à la plaignante lui aient sauvé la vie.

Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : Le 12 août 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.