Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-135

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet des blessures graves subies par une femme de 32 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 25 mars 2024, à 10 h 15, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 25 mars 2024, le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP) a avisé le SPRN qu’une allégation d’agression avait été déposée en lien avec un incident survenu à Thorold en août 2023. La plaignante avait signalé au BDIEP qu’un agent du SPRN l’avait blessée le 6 août 2023. Ce jour-là, le SPRN s’était présenté à une résidence de Thorold pour donner suite à un appel concernant une personne non autorisée se trouvant sur les lieux. Les rapports de police indiquent que la police a obligé la plaignante à quitter la résidence à cette date. Cependant, la plaignante n’a déposé aucune plainte auprès du SPRN quant à une blessure subie à ce moment-là. La plaignante a déposé une plainte auprès du BDIEP le 23 février 2024.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 mars 2024 à 11 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 mars 2024 à 14 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 32 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 26 mars 2024.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 28 mars 2024 et le 25 avril 2024.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 3 mai 2024.

Agent témoin (AT)

AT A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent témoin a participé à une entrevue le 8 avril 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements sont survenus dans le vestibule d’une résidence située à Thorold.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements de communications — téléphone

Le 6 août 2023, vers 2 h 7, le TC no 1 a composé le 911 et a demandé que des agents du SPRN soient envoyés à une résidence de Thorold. Le TC no 1 a signalé que son ancienne petite amie, la plaignante, se trouvait dans la résidence et était très agitée. Il n’y a eu aucune mention de présence d’armes. Le TC no 1 a indiqué au téléphoniste que la plaignante le suivait partout dans la maison. Le téléphoniste lui a suggéré de se rendre dans une pièce et de verrouiller la porte. Juste avant de s’enfermer dans sa chambre à coucher, il a indiqué au téléphoniste que la plaignante l’avait agrippé. Le TC no 1 a également indiqué que la plaignante avait consommé de l’alcool.

Enregistrements de communications — radio

Le 6 août 2023, vers 2 h 10, des agents en uniforme [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI et de l’AT] ont été dépêchés dans une résidence de Thorold pour une querelle de ménage.

L’AI a indiqué au répartiteur qu’il n’était pas nécessaire que l’AT se rende sur les lieux : [Traduction] « Vous pouvez aviser l’autre unité que sa présence n’est pas nécessaire, tout est sous contrôle ici ».

Après cela, l’AI a informé le répartiteur qu’il se trouvait avec une femme — la plaignante — et qu’il allait l’amener à un domicile situé à St. Catharines. L’AI est arrivé au domicile à St. Catharines à 3 h 8.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants auprès du SPRN entre le 25 mars 2024 et le 11 avril 2024 :

  • Enregistrements de communications
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Notes de l’AT
  • Dossier médical du service des urgences
  • Rapport d’incident général
  • Politique — usage de la force
  • Politique — pouvoirs d’arrestation
  • Détails de l’agent
  • Antécédents policiers — la plaignante

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources le 8 avril 2024 :

  • Dossiers médicaux de la plaignante, fournis par Niagara Health

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec la plaignante, l’AI et les témoins civils, dresse le portrait suivant des événements.

Au petit matin du 6 août 2024, l’AI s’est rendu à une résidence située à Thorold. Le TC no 1, qui habitait dans cette résidence, avait téléphoné à la police pour signaler une querelle de ménage impliquant la plaignante. Il avait indiqué qu’ils avaient tous les deux consommé de l’alcool, et que la plaignante était très agitée et le suivait partout dans la maison.

L’AI est arrivé sur les lieux vers 2 h 20. Il s’est entretenu avec le TC no 1 et a appris qu’il était l’unique locataire de la maison, même s’il permettait parfois à la plaignante de coucher dans une chambre du sous-sol. Le TC no 1 voulait qu’elle quitte la maison. À ce moment-là, la plaignante se trouvait dans sa chambre au sous-sol.

L’AI s’est rendu dans la chambre et a expliqué à la plaignante qu’elle devait quitter la résidence. Ils sont tous deux montés au rez-de-chaussée afin que la plaignante sorte de la maison. Pendant qu’elle était dans le vestibule, la plaignante est tombée et s’est blessée. Elle s’est relevée et l’agent l’a escortée jusqu’à son véhicule de police.

L’AI a amené la plaignante chez un ami. Le lendemain, elle est allée à l’hôpital et on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule et d’une côte du côté gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 6 août 2023, la plaignante a été grièvement blessée lors de son arrestation par un agent du SPRN. La blessure a été portée à l’attention du service de police le 25 mars 2024, et le service a informé l’UES de l’incident le jour même. L’UES a ouvert une enquête, dans laquelle l’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation de la plaignante et les blessures qu’elle a subies.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Il existe des témoignages contradictoires quant à la nature de la résidence de la plaignante à ce domicile. On ne sait pas exactement si elle était locataire au moment de l’incident ou simplement une invitée du TC no 1. Selon l’AI, comme le TC no 1 semblait plus sobre que la plaignante, il a fini par accepter sa version des faits, à savoir qu’il était l’unique locataire de la résidence et qu’elle n’était qu’une invitée. Au vu de ce qui précède, je ne peux raisonnablement conclure que l’AI a agi de façon contraire à la loi lorsqu’il a déterminé que la plaignante se trouvait dans la résidence de façon non autorisée et l’a obligée à quitter la résidence malgré ses protestations.

La preuve ne permet pas non plus d’établir raisonnablement que l’AI a recouru à une force illégale contre la plaignante à un moment ou un autre de leur interaction. Là encore, les témoignages divergent considérablement quant à la nature des échanges entre la plaignante et l’agent une fois qu’ils étaient dans le vestibule et se préparaient à partir. Selon l’une des versions des événements, l’AI aurait poussé la plaignante après qu’elle se soit élancée vers lui. D’après une autre version des événements, l’AI l’aurait poussée pour aucune raison que ce soit. Pour sa part, l’AI affirme que la plaignante a perdu pied et a trébuché sur la couverture qu’elle avait sur les épaules et qui était tombée par terre. La version des événements de l’AI me semble la plus plausible, car il est le seul des témoins qui n’avait pas bu de l’alcool ce soir-là. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu, malgré les divergences entre les versions des événements, que toute allusion de recours à une force excessive de la part de l’AI n’est pas suffisamment convaincante pour la soumettre à un juge des faits.

Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 23 juillet 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.