Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OFI-129

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par une femme de 25 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 22 mars 2024, à 14 h 09, le Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’UES de la décharge d’une arme à feu sur une personne.

D’après les renseignements fournis par le SPO, le 22 mars 2024, à 13 h 33, l’agent impliqué (AI) a tenté de procéder à un contrôle routier dans le secteur de l’avenue Tweedsmuir et de l’avenue Avondale. L’occupante[2] du véhicule, qui s’est avérée être la plaignante, est sortie du véhicule et a pris la fuite. L’AI l’a poursuivie à pied. À un certain moment, l’AI s’est aperçu que la plaignante tenait une arme de poing. La plaignante s’est arrêtée et a fait face à l’AI, lequel a déchargé son pistolet de service dans sa direction à quatre reprises. La plaignante a reçu des soins médicaux et a été transportée à l’Hôpital Civic d’Ottawa (HCO) dans un état critique.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 22 mars 2024 à 14 h 48

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 mars 2024 à 0 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 25 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 27 mars 2024.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 26 mars 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur l’avenue Avondale et dans les environs, dans le secteur de l’avenue Churchill et de l’avenue Avondale, à Ottawa.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux le 23 mars 2024, à 0 h 15[3]. Deux enquêteurs de l’UES ont également été envoyés au HCO pour récupérer les vêtements de la plaignante auprès des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires du SPO.

Les lieux de l’incident, sur l’avenue Avondale, avaient été sécurisés avec du ruban de sécurité jaune, et au moyen de véhicules et d’agents du SPO. L’avenue Avondale est une rue résidentielle orientée est-ouest comportant des maisons des deux côtés de la rue. Des arbres et des poteaux électriques bordent la rue. Des véhicules étaient garés dans plusieurs entrées et des lampadaires éclairaient certaines portions de la rue.

Deux véhicules de police identifiés du SPO et un VUS noir se trouvaient à l’intérieur de la zone bouclée. De petits cônes orange numérotés avaient été posés sur la chaussée, à l’intérieur de la zone bouclée. Il y avait également sur la chaussée un sac de fournitures paramédicales et des débris d’intervention médicale. La porte d’entrée de l’une des maisons avoisinantes avait été touchée par une balle et la vitre de la porte d’entrée était visiblement endommagée.

La température ambiante était d’environ -15 °C et la chaussée était sèche. Lorsque les enquêteurs sont arrivés à Ottawa, les précipitations de neige annoncées n’étaient pas tombées. Les lieux ont été photographiés et cartographiés.

Plus tard dans la journée, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus au Bureau des normes professionnelles du SPO et ont pris des photos de l’équipement de recours à la force et du ceinturon de service de l’AI. Ils ont confirmé que le pistolet de l’AI avait été sécurisé, puis ils ont photographié et recueilli le pistolet. Les éléments qui avaient été recueillis par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires du SPO en raison des mauvaises conditions météorologiques anticipées ont été remis aux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires du SPO avaient également saisi certains effets appartenant à la plaignante, notamment une arme de poing. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES les ont photographiés. L’arme de poing était un Smith & Wesson. L’arme était munie d’un chargeur contenant dix balles et une balle se trouvait dans la chambre.

Figure 1 — L’arme de poing Smith & Wesson que tenait la plaignante lors de la poursuite à pied

Figure 1 — L’arme de poing Smith & Wesson que tenait la plaignante lors de la poursuite à pied

À 17 h 28, l’enquêteur principal de l’UES a informé les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES qu’une journaliste avait communiqué avec le service des médias de l’UES pour les aviser qu’elle avait trouvé un projectile sur les lieux. L’UES a communiqué avec la journaliste et a pris des dispositions pour récupérer le projectile endommagé à 18 h 40. Le projectile a été trouvé sur la chaussée, entre deux maisons de l’avenue Avondale, dans la zone où la fusillade a eu lieu.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli quatre douilles Luger de 9 mm sur la chaussée.

Un projectile a été retrouvé dans la porte d’entrée d’une maison de l’avenue Avondale.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli le pistolet Glock 17, le chargeur et les munitions de l’AI. Le chargeur qui était inséré dans le pistolet contenait douze cartouches pleines. Une autre cartouche pleine a été retrouvée dans la culasse du pistolet lorsque les enquêteurs ont vérifié que le cran de sûreté de l’arme à feu était enclenché. Le pistolet contenait donc 13 cartouches pleines lorsqu’il a été examiné et quatre douilles ont été trouvées sur les lieux, ce qui correspond aux 17 cartouches que peut contenir le Glock 17. Les deux chargeurs de rechange de l’AI ont été examinés et les enquêteurs ont constaté qu’ils contenaient chacun 17 cartouches.

Figure 3 — Le pistolet Glock 17 et le chargeur de l’AI

Figure 3 — Le pistolet Glock 17 et le chargeur de l’AI

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]

Enregistrements vidéo

Vingt-deux enregistrements vidéo ont été obtenus dans le cadre de l’enquête. Les enregistrements provenaient principalement du secteur de l’avenue Avondale (les lieux de l’incident), mais quelques enregistrements pertinents d’une poursuite à pied commençant sur l’avenue Tweedsmuir ont également été obtenus. Certains enregistrements ont été obtenus suivant les requêtes de l’UES, mais d’autres ont été obtenus en personne et d’autres encore ont été fournis par le SPO. Aucun des enregistrements ne montre la fusillade en soi, mais l’un d’entre eux montre la plaignante qui court en tenant une arme à feu, puis se retourne vers l’AI.

Enregistrement vidéo — caméra no 1

Cet enregistrement de quatre secondes montre l’intersection en T de l’avenue Avondale et de l’avenue Tweedsmuir. Dans l’intersection, il y a une Audi en panne. Le véhicule est abandonné et semble reposer sur ses jantes.

Enregistrement vidéo — caméra no 2

Le 22 mars 2024, à 13 h 33 min 37 s, la plaignante court en direction ouest. Pendant qu’elle court, elle jette un sac ou un sac à main par terre, de sa main gauche. L’AI, qui est en uniforme, poursuit la plaignante à pied en tenant son pistolet de service pointé sur elle.

Enregistrement vidéo — caméra no 3

L’enregistrement dure 21 secondes. En arrière-plan de la vidéo, on entend quatre coups de feu et une sirène de police.

Enregistrement vidéo — caméra no 4

Dans l’enregistrement, on voit la plaignante courir en direction ouest sur l’avenue Avondale et l’AI qui la poursuit à pied. On peut également entendre les voix de l’AI et de la plaignante. L’AI crie : [Traduction] « Lâchez votre arme, sinon je vais tirer. » La plaignante répond en criant : « Laissez-moi tranquille ». L’AI dit ensuite : « Lâchez votre arme, lâchez votre arme, lâchez votre arme, lâchez votre arme, lâchez votre arme, lâchez votre arme. Lâchez-la ou je tire. Me comprenez-vous? Lâchez-la. Lâchez-la. Lâchez votre arme, lâchez votre arme. Lâchez?la. »

Enregistrement vidéo — caméra no 5

Les images de cet enregistrement sont en couleur, mais il n’y a pas de son. On voit l’AI courir derrière la plaignante en direction ouest sur l’avenue Avondale. La plaignante tient une arme de poing dans sa main droite. Au moment où la plaignante est sur le point de sortir du champ de la caméra, on la voit commencer à se tourner vers l’AI.

Enregistrement vidéo — caméra no 6

Cet enregistrement montre ce qui s’est passé après que l’AI ait déchargé son pistolet. L’AI marche vers la plaignante et, de sa main gauche, ramasse l’arme de poing de la plaignante, sur le sol, et l’amène vers le trottoir du côté nord. L’AT no 2 surveille la plaignante au sol en la tenant en joue. L’AI et l’AT no 2 avancent vers la plaignante en tenant leurs pistolets pointés sur elle. Une fois rendus près d’elle, ils rengainent leurs pistolets et menottent la plaignante derrière le dos. L’AT no 1 se tient en retrait et couvre l’AI et l’AT no 2 pendant qu’ils menottent la plaignante. L’AI et l’AT no 2 font tourner la plaignante sur le côté. L’AI pointe et donne des consignes verbales à l’AT no 1, lequel se trouve hors champ. On ne peut entendre ces consignes. Des sirènes se font entendre en arrière-plan et la vidéo prend fin.

Enregistrements de communications du SPO

Un répartiteur du SPO appelle l’AT no 2 pour l’informer qu’une Audi a été vue se dirigeant vers le nord sur l’avenue Tweedsmuir à une vitesse élevée. L’AT no 2 indique à la radio que l’Audi a pris la fuite et qu’aucune poursuite n’est en cours. La conductrice, une femme, est sortie de l’Audi et s’est mise à courir sur l’avenue Avondale.

L’AI indique à la radio que la plaignante tient une arme de poing dans sa main droite, qu’elle refuse de la lâcher et qu’il est à sa poursuite. L’AI diffuse ensuite : [Traduction] « Elle court dans ma direction ». Il lui ordonne ensuite de lâcher son arme et l’avertit qu’il va tirer si elle n’obtempère pas. Il crie : « Me comprenez-vous? » L’AI diffuse ensuite : « Coups de feu ». La plaignante est au sol, mais tient toujours son arme de poing.

L’AT no 1 indique à la radio que l’AI, l’AT no 2 et lui-même ont procédé à l’arrestation devant une demeure de l’avenue Avondale, et il demande qu’on envoie une ambulance.

Le reste des enregistrements de communications se rapportaient au contrôle des lieux, à l’ambulance et la sécurisation de l’Audi.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPO entre le 24 mars 2024 et le 29 mai 2024 :

  • Copies des enregistrements vidéo civils fournis au SPO
  • Notes et compte rendu de l’AT 1
  • Notes et compte rendu de l’AT 2
  • Notes et compte rendu de l’AT 3
  • Politiques pertinentes du SPO sur le recours à la force et la décharge d’une arme à feu
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Résumé des accusations
  • Rapports d’enquête
  • Enregistrements de communications
  • Déclarations des témoins (x5)

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 24 mars 2024 et le 4 avril 2024 :

  • Dossier médical de la plaignante, fourni par le HCO
  • Enregistrements vidéo fournis par des civils

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec la plaignante, l’AI et plusieurs témoins oculaires civils, ainsi que des enregistrements vidéo montrant certaines parties de l’incident, dresse le portrait suivant.

Dans l’après-midi du 22 mars 2024, une Audi circulant sur l’avenue Lepage a attiré l’attention des agents du SPO. Les vitres du véhicule étaient excessivement teintées et le véhicule arborait une plaque d’immatriculation d’une autre province. L’AI a rattrapé l’Audi sur l’avenue Carling, s’est approché du côté passager et a activé ses gyrophares. L’Audi a accéléré en direction ouest et a tourné vers le nord sur Saigon Court, non loin de là.

La plaignante était au volant de l’Audi. Elle a continué vers le nord, sur Saigon Court, et a franchi des roches qui marquaient la fin de la chaussée. Cette manœuvre a eu raison de ses pneus, mais elle a réussi à continuer en direction nord sur l’avenue Tweedsmuir, jusqu’à l’intersection avec l’avenue Avondale. C’est à cet endroit que la plaignante a abandonné l’Audi et a pris la fuite à pied en direction ouest sur l’avenue Avondale en tenant une arme de poing Smith & Wesson chargée dans sa main droite.

L’AI a suivi la plaignante jusqu’à l’intersection de l’avenue Tweedsmuir et de l’avenue Avondale, où il s’est arrêté, est sorti de son véhicule de police et s’est lancé à sa poursuite. Il a constaté que la plaignante tenait une arme de poing et lui a crié à plusieurs reprises de lâcher l’arme. L’agent courait en tenant son pistolet dans sa main droite et a averti la plaignante qu’il allait tirer si elle ne lâchait pas son arme. La plaignante lui a rétorqué de la laisser tranquille et a continué de courir vers l’ouest sur la chaussée, plusieurs mètres devant l’agent. Alors qu’elle approchait d’un certain point de l’avenue Avondale, à environ 180 mètres à l’ouest de l’avenue Tweedsmuir, elle a commencé à se retourner en direction de l’agent. L’AI a déchargé son pistolet semi-automatique à quatre reprises.

La plaignante a lâché son arme et a rapidement été menottée derrière le dos par l’AI et d’autres agents qui sont arrivés sur les lieux.

Des ambulanciers paramédicaux se sont rendus sur les lieux et ont transporté la plaignante à l’hôpital, où elle a reçu des soins pour de multiples blessures par balle au torse.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel — Défense de la personne — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

(a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

(b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

(c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace;

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser
une arme;

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 22 mars 2024, la plaignante a été blessée par des tirs de la police, à Ottawa. L’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête dans laquelle l’AI a été désigné comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la fusillade.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’emploi de la force, qui constituerait une infraction en temps normal, est légalement justifié s’il vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si l’emploi de la force est lui-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si l’une des parties en cause a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi de la force ou à la menace d’emploi de la force.

L’AI exerçait ses fonctions de façon légitime tout au long de la série d’événements qui se sont soldés par la fusillade. Avant son arrivée sur l’avenue Avondale, il avait vu la plaignante conduire dangereusement et franchir un cul-de-sac, ce qui, en soi, constituait une raison suffisante de la placer en garde à vue.

La preuve indique que l’AI a tiré des coups de feu pour se protéger contre une attaque raisonnablement appréhendée. La plaignante, qui était munie d’une arme de poing chargée, était en train de se retourner ou s’était déjà retournée en direction de l’agent tout en ayant cette arme à la main. L’agent avait de bonnes raisons de croire que sa vie était en danger à ce moment-là et qu’il devait recourir à une force défensive pour se protéger.

La preuve établit également que la force utilisée par l’agent, à savoir les coups de feu, était raisonnable. La plaignante, qui avait refusé à plusieurs reprises de lâcher son arme et qui avait commencé à se retourner pour faire face à l’AI, a donné à l’agent toutes les raisons de craindre qu’elle était sur le point de lui tirer dessus. Dans ces circonstances, l’agent se devait de neutraliser la plaignante immédiatement et la seule arme ayant le pouvoir d’arrêt nécessaire pour ce faire était le pistolet de l’AI. Il y a certaines divergences dans la preuve en ce qui concerne les actions précises de la plaignante juste avant les tirs de l’AI. Selon certains témoignages, elle aurait été debout lorsqu’elle s’est retournée et a pointé son arme sur l’agent. Selon d’autres témoignages, elle aurait été en train de trébucher vers l’avant lorsqu’elle a pivoté dans la direction de l’agent, que ce soit complètement ou partiellement. D’autres encore ont indiqué qu’elle était déjà tombée sur la chaussée lorsque l’AI a tiré un ou plusieurs coups de feu. Quoi qu’il en soit, ce que les témoignages ont en commun, et ce qui est primordial en ce qui concerne la défense, c’est que la plaignante tenait encore son arme de poing lorsqu’elle s’est retournée vers l’agent ou a commencé à se retourner. Au vu de ces renseignements, je suis convaincu que la conduite de l’AI était justifiée.

Pour les motifs qui précèdent, je conclus donc qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 18 juillet 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) La plaignante était l’unique occupante d’une Audi. [Retour au texte]
  • 3) L’arrivée des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES et de l’enquêteur principal de l’UES a été retardée en raison d’une importante tempête de neige et d’un avertissement de conditions météorologiques extrêmes. [Retour au texte]
  • 4) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.