Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PFP-485

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur deux jeunes âgés respectivement de 16 ans (le plaignant no 1) et de 18 ans (le plaignant no 2).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 21 novembre 2023, à 14 h 07, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES et donné les renseignements suivants.

Dans l’après-midi du 21 novembre 2023, une travailleuse sociale du bureau d’Owen Sound de la Société d’aide à l’enfance (SAE) s’est rendue à une résidence, à Harriston, afin de s’assurer du bien-être d’un bébé. La travailleuse sociale de la SAE s’est éloignée de la résidence et a appelé la Police provinciale de l’Ontario en raison de l’hostilité de deux jeunes hommes présents dans la maison et des menaces qu’ils avaient proférées. La Police provinciale s’est rendue à la résidence où ils ont vu les deux jeunes en train de lancer des briques et de faire des dégâts dans la maison ainsi qu’à une résidence voisine. Après des tentatives de négociation, la police a déployé des armes anti-émeutes Enfield (ARWEN) sur les deux jeunes, qui ont ensuite été conduits à l’Hôpital de Palmerston et du district. Ils avaient des ecchymoses, mais aucune blessure grave.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 novembre 2023 à 14 h 37

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 novembre 2023 à 17 h 40

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Plaignant no 1 Jeune homme de 16 ans; a participé à une entrevue

Plaignant no 2 Jeune homme de 18 ans; a participé à une entrevue

Les plaignants ont participé à une entrevue le 22 novembre 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 8 décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à Harriston, à l’intérieur d’une résidence et aux alentours.

Éléments de preuve matériels

Le 21 novembre 2023, à 17 h 40, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés à la résidence de Harriston et ont pris des photos numériques de la scène. L’équipement de police impliqué consistait en une arme à létalité atténuée ARWEN de 37 mm. L’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) avait déchargé et sécurisé l’ARWEN, puis l’avait photographiée avant de la remettre en service. Deux projectiles avaient été tirés dans la maison.

Une douille noire d’ARWEN était sur le seuil devant et à droite la porte d’entrée. La deuxième douille d’ARWEN était par terre, sur le seuil de la porte de la cuisine. Deux projectiles verts et noirs d’ARWEN ont été trouvés sur le plancher de la cuisine.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéo de la caméra d’intervention de l’AI

Le 21 novembre 2023, à 12 h 29, l’AI et un agent non désigné frappent à la porte de la résidence, à Harriston. Le père des plaignants ouvre la porte et sort pour parler aux agents; le plaignant no 1 fait des commentaires en arrière-plan. L’AI déclare que la police veut parvenir à une solution pacifique dans cette affaire et que la SAE veut retirer le bébé. Le père des plaignants dit que la mère du bébé n’a rien fait de mal et que la police a besoin d’un mandat pour entrer et prendre le bébé. Le père des plaignants ajoute que son fils, le plaignant no 1, n’a pas pris ses médicaments et qu’il « flippe ». L’AI dit que la SAE est préoccupée par le nombre de personnes présentes dans la maison. Le père des plaignants rétorque que dix personnes résident dans la maison voisine et que ce n’est pas un problème. L’AI demande si la police pourrait parvenir à une solution et faire sortir le bébé. Vers 12 h 32, le père des plaignants ouvre la porte et demande à sa famille si c’est possible; quelqu’un répond « non » de l’intérieur. Le plaignant no 1 crie : [traduction] « Vous allez vous faire écraser » et, de sa main, enfonce la moustiquaire supérieure de la porte. L’AI et l’agent non désigné maintiennent la porte moustiquaire fermée. Le plaignant no 2 rejoint le plaignant no 1 au moment où il donne un coup de poing dans la moustiquaire. Le père intervient et dit aux plaignants d’arrêter, mais ceux-ci sont furieux contre la police. Les agents de la Police provinciale s’éloignent de la porte quand le plaignant no 1 déclare qu’il va [traduction] « donner une volée à ce flic » et donne un coup de poing dans la moustiquaire. Le plaignant no 1 ne se calme pas. De l’intérieur de la maison, on peut entendre une voix féminine dire [traduction] : « Ils ne prennent pas le bébé », suivie d’un bruit de verre brisé.

Vers 12 h 33, les agents de la Police provinciale s’éloignent de la maison. Au moment où ils atteignent la chaussée, ils se retournent et voient le plaignant no 1 lancer un objet dans leur direction. Le plaignant no 2 rejoint alors son frère à l’extérieur. L’agent non désigné dégaine son pistolet à impulsions et dit aux plaignants de retourner à l’intérieur. Un autre homme qui était dans la maison sort sur la pelouse et dit au plaignant no 2 et au plaignant no 1 de revenir à l’intérieur. Quelqu’un dit : [traduction] « Vous allez vous faire tirer dessus. » L’AI demande qu’une autre unité vienne en renfort. Avant que la caméra d’intervention ne soit désactivée, les agents ont une brève conversation avec la travailleuse sociale de la SAE, à qui ils disent qu’ils ont tenté de négocier, mais que les plaignants ont perdu la boule.

Vers 13 h 13, le 21 novembre 2023, l’AI est dans la rue lorsque le plaignant no 1 ou le plaignant no 2 lance quelque chose sur la maison d’un voisin. On peut entendre un autre agent de police dire que le plaignant no 1 brise la fenêtre d’un voisin. L’AI, armé de son ARWEN, et d’autres agents courent vers la porte d’entrée. On peut entendre un bris de verre. Les plaignants retournent rapidement à l’intérieur. Un autre agent brandit son pistolet à impulsions, prêt à tirer. La police ouvre la porte intérieure et ordonne au plaignant no 1 de sortir. Un troisième agent arrive. L’AI se place en bas et à droite des marches menant à la porte. La police ordonne à maintes reprises aux plaignants de sortir de la maison. On peut entendre les voix d’un homme et d’une femme à l’intérieur. Un agent est debout sur le seuil de la porte, mais l’ARWEN de l’AI bloque le champ de vision. Quelqu’un ferme ensuite la porte intérieure. On peut voir maintenant cinq agents, dont l’AT no 2, à l’extérieur, devant la porte de la maison. Le plaignant no 1 continue de crier à l’intérieur. Une voix masculine déclare [traduction] : « Ne fais pas ça, putain », tandis qu’un autre agent dit : « On ne peut pas le laisser faire ça. » Un autre agent dit : [traduction] « On ne peut pas le laisser faire ça. » Un autre agent dit : [traduction] « Pour la sécurité des voisins »[3] et un autre agent ajoute : « Ils ont un tout-petit. » Les hurlements continuent à l’intérieur de la maison.

Vers 13 h 14, un agent dit : [traduction] « Ouvrons la porte et pour voir ce qui se passe. » Deux agents ouvrent la porte et commencent à entrer dans la maison. L’AI est sur le seuil, du côté droit. Le plaignant no 1 est à l’entrée de la cuisine, au bout du salon. Le plaignant no 2 ouvre un tiroir, dont le contenu tombe par terre. Le plaignant no 2 passe derrière le plaignant no 1, qui saisit une chaise de cuisine et se prépare à la lancer. L’AI, depuis le seuil de la porte, tire une fois sur chacun des deux frères dans la cuisine. L’AI avance jusqu’à la cuisine. Les agents arrêtent les deux plaignants et les menottent dans le dos.

Vers 13 h 16, l’AT no 2 arrive dans la cuisine et demande si quelqu’un est blessé. Le plaignant no 2 dit qu’on lui a tiré dessus. L’AT no 2 demande où se trouve le bébé.

Vers 13 h 19, l’AI replace l’ARWEN dans son véhicule de police. On entend une conversation mentionnant qu’ils vont aller chercher le bébé maintenant. On dit à l’AI qu’il n’y a pas de réponse chez les voisins. L’AI dit qu’il a fait mouche avec deux projectiles d’ARWEN.

À 13 h 20, l’AI fait une transmission radio au sujet des tirs d’ARWEN.

Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 1

Vers 13 h 13, l’AT no 1 est debout près de la porte d’entrée de la maison avec deux agents en uniforme et l’AI. L’AI est au bas de trois marches avec son ARWEN. Les agents ouvrent la porte moustiquaire extérieure, mais le père des plaignants referme la porte intérieure. On peut voir ensuite l’AT no 1 se diriger vers le jardin à l’arrière de la maison et parler à un autre agent, qui est debout sur des pneus et regarde le jardin. L’AT no 1 dit : [traduction] « Il y a des jeunes enfants dans la maison » et pointe du doigt la résidence de l’autre côté de la clôture. Il mentionne que les plaignants lancent et brisent des objets et qu’ils avaient lancé un bloc de mâchefer dans une fenêtre. L’AT no 1 ajoute que le père est à la porte et essaye de calmer les plaignants. L’AT no 1 retourne devant la résidence où il n’y a plus d’autres agents. Il retourne à l’arrière et dit à l’autre agent que leurs collègues sont dans la maison et que les plaignants sont sous garde.

Vidéo du système de caméra à bord du véhicule de police de l’AT no 2

La vidéo montre le devant de la résidence. Des communications radio captent ce qui se passe dans la résidence, notamment l’AI qui dit que deux projectiles d’ARWEN ont été tirés sur deux suspects. Le plaignant no 1, menotté dans le dos, est escorté hors de la maison jusqu’à la voiture de l’AT no 2.

Environ 13 minutes après l’arrivée de l’AT no 2, on peut entendre un agent de police parler avec la travailleuse sociale de la SAE et dire qu’il faut prendre une décision. La travailleuse sociale de la SAE est conduite à la résidence. L’AI demande les SMU pour le plaignant no 2, qui se plaint d’ecchymoses. L’AI mentionne que le plaignant no 2 est sous garde pour avoir agressé la travailleuse sociale de la SAE.

Enregistrements des communications et rapport de répartition assistée par ordinateur (RAO)

Le 21 novembre 2023, vers 10 h 54, une travailleuse sociale de la SAE du comté de Perth appelle la Police provinciale pour signaler qu’elle est allée à une résidence de Harriston pour la visite à domicile d’un bébé. La veille, la mère avait laissé un message lui demandant de ne pas venir. La travailleuse sociale dit que le plaignant no 1 est sorti brusquement de la maison, l’a poussée dans les marches, l’a poursuivie jusqu’à sa voiture et l’a menacée avec une brique. Un deuxième frère est également sorti et a demandé de manière agressive à la travailleuse sociale pourquoi elle était chez eux. La travailleuse est dans sa voiture garée au coin de la rue. Elle demande l’aide de la Police provinciale pour [traduction] « vérifier que le bébé va bien et possiblement élaborer un plan pour le bébé ».

À 11 h 23, un agent non désigné est envoyé sur les lieux pour venir en aide à la travailleuse sociale.

À 11 h 51, l’agent non désigné arrive et dit que la famille va laisser la travailleuse sociale s’assurer que le bébé va bien.

À 12 h 12, l’agent non désigné dit qu’il a été déterminé que le bébé doit être retiré de la résidence et demande du renfort. D’autres agents, dont l’AI, se rendent à la résidence.

À 13 h 17, un agent dit qu’il y a du mouvement dans la cuisine et, à 13 h 21, un autre agent dit que deux projectiles d’ARWEN ont été tirés sur deux suspects.

Appels téléphoniques

Il y a eu un appel entre un agent et un sergent du Centre provincial des opérations de la Police provinciale. L’agent dit que la Police provinciale s’est rendue à une résidence pour une appréhension par la SAE. Deux plaignants étaient sur place et sont devenus agressifs. Ils ont commencé à jeter des briques en direction des agents de la Police provinciale qui se trouvaient devant chez eux ainsi que sur la résidence voisine. Deux projectiles d’ARWEN ont été tirés et ont atteint les deux plaignants. Un frère a été touché au bras et l’autre au torse. Le sergent a résumé la situation en déclarant notamment que des agents de l’ÉIU équipés de caméras d’intervention s’étaient présentés à la résidence et avaient négocié à la porte; on les avait menacés avec des briques, puis on avait lancé des briques dans leur direction. D’autres ressources sont arrivées et le père et les plaignants ont battu en retraite dans la maison. Une arme ARWEN a été déployée.

Au cours d’une autre conversation, un agent de police dit au sergent que la SAE était dans la résidence pour enquêter. La SAE a décidé qu’il fallait retirer le bébé et la travailleuse sociale de la SAE a été agressée. Trois personnes sont devenues violentes et deux projectiles d’ARWEN ont été déployés.

Dans une autre conversation téléphonique, l’AT no 2 appelle pour demander qu’on avise l’UES, à cause d’une situation de « personne quasi -barricadée » qui a évolué très rapidement. Une travailleuse de la SAE avait vérifié l’état du bébé, avait décidé de le retirer et avait été agressée, puis avait appelé la police à l’aide. Les gens ont « perdu la tête » et ont commencé à détruire une maison et à jeter des briques en direction des agents et des véhicules de police. Il a été décidé d’intervenir « de manière dynamique pour placer ces personnes sous garde » et une ARWEN a été déployée.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis les éléments suivants à l’UES entre le 21 novembre 2023 et le 1er mars 2024 :

  • Vidéo de la caméra d’intervention de l’AT no 1;
  • Vidéo de la caméra d’intervention de l’AI;
  • Vidéo de la caméra du véhicule de l’AT no 2
  • Rapport général d’incident;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Rapport d’accusation - plaignant no 2;
  • Rapport d’accusation - plaignant no 1;
  • Rapport de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Enregistrements d’appels téléphoniques.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des témoins de la police et civils, ainsi que de vidéos qui montraient certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Dans la matinée du 21 novembre 2023, un agent de la Police provinciale de l’Ontario a été dépêché à une résidence, à Harriston, à la suite d’un appel à la police d’une intervenante en services d’aide sociale à l’enfance. La travailleuse sociale, qui s’était rendue à la résidence pour vérifier le bien-être d’un bébé, avait été menacée et chassée par deux jeunes hommes – le plaignant no 1 et le plaignant no 2. À l’arrivée de l’agent, lui-même et la travailleuse sociale ont été autorisés à entrer dans la maison, mais pas pour longtemps. Le plaignant no 1 et le plaignant no 2 sont devenus de nouveau hostiles et ont commencé à proférer des menaces. L’agent et la travailleuse sociale sont sortis et l’agent a demandé du renfort.

D’autres agents, dont l’AI, sont arrivés sur les lieux. À ce moment-là, la travailleuse sociale avait décidé que le bébé avait besoin de protection et qu’il fallait le retirer de la maison. Les agents sont venus à la porte d’entrée vers 12 h 30 et ont parlé avec le père des plaignants pour tenter de négocier le retrait du bébé de la maison en toute sécurité. Le père leur a dit qu’ils ne pouvaient pas entrer dans la maison sans mandat. De l’intérieur de la résidence, les plaignants no 1 et no 2 ont menacé les agents. Alors que les agents s’éloignaient de la porte, l’un des plaignants a lancé un objet dans leur direction.

Vers 13 h 13, les plaignants no 1 et no 2 sont sortis de la maison et ont lancé un objet sur la résidence de leur voisin, endommageant une fenêtre. L’AI et d’autres agents ont couru vers la porte d’entrée de la maison tandis que les plaignants battaient en retraite à l’intérieur. Les agents ont ouvert la porte et ont ordonné aux plaignants de sortir, sans succès. La porte a ensuite été fermée alors que les agents attendaient dehors. Quelques minutes plus tard, les agents ont rouvert la porte et sont entrés dans la maison.

L’AI faisait partie de ces agents et était équipé d’une ARWEN. Depuis le seuil de la porte, l’AI a tiré deux fois avec son arme sur les plaignants, les atteignant chacun une fois. À ce moment-là, les plaignants étaient au fond de la pièce, sur le seuil de la porte de la cuisine : l’un s’apprêtait à lancer une chaise en direction des agents tandis que l’autre venait de sortir un tiroir et d’en vider le contenu. Les agents sont entrés dans la cuisine et ont menotté les plaignants sans autre incident.

Après leur arrestation, les plaignants ont été conduits à l’hôpital. Ni l’un ni l’autre n’ont été grièvement blessés par les projectiles d’ARWEN.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier,

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public,

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public,

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire à cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 21 novembre 2023, la Police provinciale a contacté l’UES pour signaler qu’un de ses agents avait déchargé un fusil à létalité atténuée sur deux hommes plus tôt dans la journée. L’UES a ouvert une enquête et a désigné l’AI en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’utilisation de son ARWEN.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qu’ils sont tenus ou autorisés à faire en vertu de la loi.

Au moment où les agents, y compris l’AI, sont entrés dans la maison pour les mettre sous garde, les plaignants avaient proféré des menaces à l’encontre de la travailleuse sociale et des agents de police et avaient endommagé des biens. L’arrestation des plaignants était donc justifiée pour ces menaces et ces méfaits.

Je suis également d’avis que les agents sont entrés légalement dans la maison. Bien qu’un mandat Feeney [4] soit habituellement requis pour entrer de force dans une maison d’habitation afin de procéder à une arrestation, la loi prévoit des exceptions, comme la doctrine de la poursuite immédiate. L’un des plaignants venait d’endommager la fenêtre d’un voisin et était retourné dans la maison quand les agents se sont approchés. Même si ces mêmes agents ne sont pas entrés immédiatement dans la maison, la doctrine de la poursuite immédiate n’exige pas une série ininterrompue d’événements dans la maison. Dans les circonstances, je suis convaincu qu’il existait un lien temporel suffisant entre l’infraction et la poursuite par les policiers et leur entrée dans la maison pour justifier l’application de la doctrine.

Une fois à l’intérieur de la maison, il apparaît que l’utilisation de l’ARWEN par l’AI était légalement justifiée. Compte tenu du comportement hostile et violent des plaignants à leur égard avant leur entrée, les agents avaient de bonnes raisons de craindre qu’ils résistent à leur arrestation. En effectivement, la preuve indique que les plaignants s’apprêtaient à lancer des objets sur les policiers lorsque l’AI a tiré avec son arme à deux reprises. Je ne peux donc pas raisonnablement conclure que l’AI a agi de manière déraisonnable lorsqu’il a déchargé son arme. En effet, si l’arme fonctionnait comme prévu, elle neutraliserait temporairement les plaignants, ce qui donnerait aux agents le temps de les arrêter en toute sécurité. C’est exactement ce qui s’est produit.

Pour les raisons exposées ci-dessus, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire contre l’AI. Le dossier est clos.

Date : 20 mars 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Les voisins n’étaient pas chez eux durant l’incident. [Retour au texte]
  • 4) Obtenu en vertu de la procédure prévue aux articles 529 et 529.1 du Code criminel et nommé d’après la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Feeney, [1997] 2 RCS 13, un mandat Feeney autorise les agents de police à entrer de force dans une maison d’habitation pour procéder à une arrestation. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.