Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFI-435

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 29 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 25 octobre 2023, à 10 h 27, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a communiqué à l’UES les renseignements suivants.

Le 25 octobre 2023, vers 9 h 46, des agents du SPRW ont été appelés dans le secteur du 211 Veronica Drive, à Kitchener, pour un homme qui dormait dans une voiture. Les agents se sont approchés du véhicule et ont parlé à l’homme. L’homme n’était pas coopératif. Il a mis le véhicule en marche et a roulé en direction d’un agent. L’agent a dégainé son pistolet et fait feu sur le véhicule. Le véhicule a fui à vive allure et a été impliqué dans un accident non loin de là, sur Old Chicopee Trail. Les Services médicaux d’urgence ont conduit l’homme [maintenant connu comme étant le plaignant] à l’Hôpital Grand River.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 octobre 2023 à 11 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 octobre 2023 à 11 h 57

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 29 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 25 octobre 2023.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre les 25 octobre et le 20 novembre 2023.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 15 novembre 2023.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 30 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur l’un des terrains de stationnement de l’ensemble résidentiel du 211 Veronica Drive, à Kitchener.

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux le 25 octobre 2023.

Il y avait un véhicule aux couleurs du service de police – un Ford Interceptor – à peu près au centre du stationnement. Il était orienté sud-ouest, avec les roues avant tournées à gauche. Le côté conducteur du véhicule présentait des traces récentes de broussailles dans la saleté qui le recouvrait, avec ce qui semblait du jus de baies. Des éraflures de couleur beige marquaient le flanc du pneu avant droit. Les bandes de roulement des pneus du véhicule étaient couvertes de feuilles.

Il y avait une douille – pièce no 1 – par terre dans le stationnement, au nord-est du véhicule de police.

Les deux véhicules suivants étaient garés dans le stationnement :
  • Un véhicule de couleur dorée. Ce véhicule avait été garé en marche arrière dans une place de stationnement. Le pare-chocs avant droit semblait avoir été endommagé récemment par une collision. Le clignotant ambre à l’avant était endommagé et des morceaux de la lentille de couleur ambre jonchaient le sol. Il y avait des traces de pneus à proximité de ce véhicule en direction d’une allée piétonnière et le long de celle-ci. Les traces de pneus continuaient vers l’est sur l’herbe et sur l’allée, puis à travers une ouverture entre la clôture nord et le côté sud du fossé couvert de broussailles. Les traces de pneus continuaient vers l’est, puis viraient vers la gauche (nord) à travers le fossé couvert de broussailles et sur un sentier communautaire, après quoi les traces de pneus se dirigeaient vers l’ouest. Il y avait de nombreuses autres traces de pneus dans l’herbe et sur l’allée.
  • Un véhicule blanc. Ce véhicule avait été garé en marche arrière à côté du véhicule doré.
Un VUS Jeep Grand Cherokee était dans le fossé nord du sentier Dominic Cardillo. Le véhicule était orienté vers le nord-ouest. Il était endommagé à l’avant, et son pare-chocs inférieur s’était détaché et était sous le véhicule. Il y avait une trace de couleur dorée sur le pare-chocs avant gauche du véhicule. Un défaut a été constaté au niveau de la vitre avant droite (passager), à gauche du centre quand on regarde la portière.


Figure 1 – Le Jeep dans le fossé

Selon les renseignements reçus, le plaignant avait été arrêté à environ 300 mètres à l’ouest du Jeep sur le sentier. Il y avait du sang à un endroit sur le sentier.

Le Jeep a été examiné le 26 octobre 2023. Il y avait du sang sur la console centrale et sur le volant, surtout du côté droit du siège du conducteur. Un couteau à manche noir dans un étui était visible entre le côté droit du siège conducteur et la console centrale. Il y avait une bouteille ouverte d’alcool Forty Creek sur le plancher, devant le siège du passager avant.

Il y avait un trou dans la vitre du côté passager avant. Ce trou était circulaire avec des fissures rayonnant depuis le centre. Il était à 24,5 cm à droite du bord de la portière et à 15,5 cm du cadre de la fenêtre. Ce trou circulaire dans la vitre suggérait qu’un projectile était entré suivant un angle d’à peu près 90 degrés.


Figure 2 – Le trou dans la vitre côté passager avant du Jeep

Le 28 octobre 2023, à 15 h 30, à la fin de l’intervention chirurgicale du plaignant, des segments d’un projectile ont été récupérés par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES.

L’UES a examiné le pistolet semi-automatique Glock de l’AI. Il contenait 16 balles dans le chargeur et une balle dans la chambre. Le chargeur avait une capacité maximale de 17 balles. Il a été aussi établi que l’AI avait « rechargé » son pistolet, ce qui signifie qu’il contenait en fait 18 balles avant la fusillade en question.



Figure 3 – L’arme à feu et le chargeur de l’AI

Éléments de preuves médicolégaux

Le 8 novembre 2023, un Glock modèle 45 a été soumis au Centre des sciences judiciaires pour examen.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications de la police – appels téléphoniques

Le 25 octobre 2023, à 9 h 15 min 2 s, le TC no 1 fait un appel non urgent à la police pour signaler un VUS Jeep noir garé dans un stationnement au 211 Veronica Drive. Le véhicule semble avoir été accidenté et la plaque d’immatriculation semble être en papier. Le TC no 1 dit qu’un homme sans réaction, dont il donne la description, est assis au volant et qu’il y a une bouteille d’alcool Forty Creek sur le siège du passager.

Le TC no 4 appelle le 9-1-1 depuis le secteur de la rue Bancroft, à Kitchener. Il dit qu’un Jeep Grand Cherokee roulait à grande vitesse sur un sentier piétonnier et s’est écrasé dans un fossé. Le conducteur s’est enfui en courant dans un sentier en direction d’Old Chicopee Drive. Le SPRW arrive sur les lieux avant la fin de l’appel.

Une autre personne appelle du secteur de River Road East et Old Chicopee Drive pour signaler qu’un véhicule s’est écrasé dans les broussailles. Un homme au bras gauche ensanglanté s’est enfui le long du sentier en direction d’Old Chicopee Drive. On peut entendre le TC no 4 en arrière-plan en train d’appeler le 9-1-1. Le SPRW arrive sur les lieux vers la fin de l’appel.

Enregistrements des communications de la police – radio

L’AI dit que des coups de feu ont été tirés et qu’un véhicule a pris la fuite.

L’AT no 1 dit que le véhicule a tenté de l’écraser. Le conducteur a probablement les facultés affaiblies étant donné la présence d’une bouteille d’alcool sur le siège passager du véhicule.

L’AI n’a aucune idée de l’endroit où le véhicule est allé après avoir franchi la clôture; il pense que le conducteur va abandonner le véhicule. On annonce ensuite que le véhicule se trouve sur un sentier communautaire et que le conducteur s’est enfui à pied.

L’AT no 2 dit qu’il a l’homme sous garde. On lui a fait un garrot. L’AT no 1 dit que l’homme est blessé à l’avant-bras gauche.

Vidéo – Résidence no 1

Le 25 octobre 2023, vers 9 h 45 min 37 s, un VUS noir [maintenant connu pour être conduit par le plaignant] roule vers le nord sur le sentier Dominic Gardillo, un sentier communautaire piétonnier. Le véhicule traverse Old Chicopee Drive perpendiculairement à la circulation normale des véhicules en perdant contact avec le sol. Il n’y a pas d’autre véhicule sur la route. Le véhicule continue vers le nord sur le sentier communautaire.
 

Images fixes – 211 Veronica Drive

Le 25 octobre 2023, entre 4 h 31 et 4 h 44 du matin, un VUS sombre entre dans le stationnement. Le conducteur [maintenant connu pour être le plaignant] est le seul occupant visible. Le VUS fait marche arrière pour se garer, après quoi seul le coin avant gauche est visible.

À 8 h 58, une personne [maintenant connue comme étant le TC no 1] passe en marchant devant le VUS.

Entre 9 h 09 et 9 h 10, un homme s’approche du VUS sombre, côté conducteur, puis s’éloigne.

Vers 9 h 41, un agent de police portant une casquette de baseball – l’AI – est debout à côté de la portière avant gauche du VUS noir. Un VUS de police est garé derrière l’AI, face au VUS noir, suivant un léger angle. Un deuxième agent de police portant une veste réfléchissante – l’AT no 1 – marche entre le VUS de police et le VUS noir tandis que l’AI est debout près du capot du VUS noir, côté conducteur, et regarde à l’intérieur. Les deux agents sont face à face, entre le coin avant gauche du VUS noir et le VUS de police. L’AI est face au VUS noir, à une faible distance du coin passager avant du VUS de police. L’AT no 1 n’est plus visible.

Vers 9 h 43, l’AI marche entre le VUS de police et le VUS noir, puis se retourne et fait face aux deux VUS. Il est alors légèrement plus près du coin avant, côté conducteur, du VUS noir. L’AI se dirige ensuite vers le côté conducteur du VUS noir et disparaît du champ de vision.

Vers 9 h 44, l’AT no 1 s’approche du coin avant, côté conducteur, du VUS noir. L’AI est debout, tenant son arme de poing dégainée à deux mains, dans un espace ouvert à environ un mètre et demi du coin avant, côté passager, du VUS de police. Le VUS noir avance et commence à virer vers l’AI.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPRW a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre les 26 et 27 octobre 2023 :
  • Liste de contacts – le plaignant;
  • Sommaire du dossier de la Couronne;
  • Détails du système de répartition assistée par ordinateur;
  • Photos d’identité;
  • Notes de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéo – résidence no 1;
  • Procédures – recours à la force, arrestation et remise en liberté;
  • Dossier de formation de l’AI;
  • Déclaration d’un témoin – TC no 4;
  • Déclaration d’un témoin – TC no 5.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants d’autres sources entre le 25 octobre et le 7 novembre 2023.
  • Vidéo et photos du TC no 1;
  • Photos du 211 Veronica Drive;
  • Vidéos de la résidence no 1;
  • Dossiers médicaux du plaignant obtenu de l’Hôpital Grand River et de l’Hôpital général de Hamilton;
  • Courriel du TC no 1 concernant la vidéo et les photos ;
  • Dossiers des services paramédicaux de la région de Waterloo;
  • Notes manuscrites des pompiers TC no 7, TC no 8, TC no 10 et TC no 9;
  • Schémas des lieux dessinés par les pompiers TC no 9, TC no 7, TC no 8 et TC no 10;
  • Enregistrements des communications du service d’incendie de Kitchener.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, l’AI et d’autres témoins civils et de la police.

Dans la matinée du 25 octobre 2023, l’AI et l’AT no 1 ont été dépêchés pour vérifier l’état d’un conducteur qui dormait, assis au volant d’un Jeep noir à l’arrêt. Un résident des environs avait remarqué le véhicule et le conducteur dans un stationnement de l’ensemble de maisons en rangée du 211 Veronica Drive, à Kitchener, et avait contacté la police. Le Jeep s’était garé à reculons dans une place de stationnement.
 
Les agents, chacun au volant de son propre VUS de police, sont arrivés sur les lieux et ont positionné leurs véhicules devant le Jeep. L’AT no 1 a arrêté son véhicule pratiquement nez à nez avec le Jeep, à faible distance de celui-ci. L’AI a manœuvré son VUS face au coin avant du Jeep, côté passager, suivant un angle d’environ 45 degrés. Les agents sont sortis de leurs véhicules respectifs et ont contourné le Jeep. Ils ont remarqué une bouteille d’alcool presque vide dans l’habitacle avant du Jeep. Ils ont également appris que le véhicule avait été volé.
 
Le plaignant était la personne qui dormait dans le Jeep. Les agents l’ont réveillé et lui ont demandé à plusieurs reprises de sortir du véhicule. À un moment donné, il a allumé une cigarette et a commencé à fumer. Après plusieurs minutes pendant lesquelles les agents ont tenté de le convaincre de sortir, le plaignant a démarré le Jeep et a commencé à avancer.

À ce moment-là, l’AI avait dégainé son arme à feu et était debout devant le côté gauche du Jeep, dans l’alignement de la trajectoire du véhicule. Il a fait un pas à gauche, vers le véhicule de police de l’AT no 1, pour s’écarter de la trajectoire du Jeep. Le Jeep a continué d’avancer et a heurté le véhicule garé sur sa gauche. L’AI s’est alors retrouvé coincé entre le côté passager du VUS de police et le côté passager du Jeep. Comme le VUS Jeep continuait d’avancer, l’agent a fait feu une fois. Il était 9 h 45.

La balle a traversé la vitre du côté passager avant et a frappé l’avant-bras gauche du plaignant.
Le plaignant a continué d’accélérer vers le nord-est en direction d’une allée piétonnière qui menait du stationnement à l’ensemble résidentiel. Il a suivi l’allée puis a tourné à gauche dans une zone de broussailles au nord de l’allée pour aboutir dans un champ. Le plaignant a ensuite tourné sur le sentier Dominic Cardillo, de l’autre côté du champ, pour continuer vers le nord-ouest. Il a continué sur le sentier à vive allure avant de perdre le contrôle du Jeep et de s’écraser dans un fossé. Le plaignant est sorti du véhicule et s’est enfui à pied, mais a finalement été retrouvé et arrêté.

L’AI avait suivi le Jeep dans l’allée piétonnière après avoir fait feu, en brandissant son pistolet devant lui. Il a rapidement abaissé son pistolet et est retourné à son véhicule de police avec l’intention de poursuivre le plaignant. Il a parcouru une faible distance avant de revenir dans le stationnement.
L’AT no 1 était également parti à bord de son véhicule de police pour poursuivre le plaignant après la fusillade.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été blessé par balle le 25 octobre 2023. Comme le coup de feu avait été tiré par un agent du SPRW, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’agent qui a fait feu a été désigné en tant qu’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.
L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle, ou une menace d’agression, et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’usage possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’usage ou à la menace d’usage de la force.

L’AI exerçait ses fonctions tout au long de la série d’événements qui ont abouti à la fusillade. Il avait été appelé sur les lieux pour vérifier un véhicule et son conducteur, et avait alors appris que le Jeep était un véhicule volé. Après avoir vu la bouteille d’alcool dans le véhicule, l’AI avait aussi des motifs de s’inquiéter du fait le conducteur – le plaignant – avait la garde et le contrôle du Jeep alors que ses facultés étaient affaiblies. Par conséquent, l’agent avait le droit de demander au plaignant de sortir du véhicule afin de le placer sous garde.

En ce qui concerne le coup de feu, je suis convaincu que l’AI a fait feu parce qu’il croyait devoir se protéger contre une agression raisonnablement appréhendée. C’est ce qu’a affirmé l’agent lors de son entrevue avec l’UES. Les circonstances qui prévalaient au moment du tir tendent à étayer cette affirmation. L’AI venait tout juste d’éviter le Jeep qui se dirigeait vers lui et s’est retrouvé coincé dans un petit espace entre la voiture de l’AT no 1 et le côté passager du Jeep. Il a dit qu’il craignait d’être écrasé si le Jeep tournait à droite, une crainte raisonnable étant donné que le plaignant avait roulé quelques instants auparavant en direction de l’agent pour échapper à son arrestation imminente. Tirer sur le conducteur était logique en tant qu’acte de légitime défense, car cela pouvait empêcher ce risque de se matérialiser en neutralisant le conducteur.
Je suis également convaincu que le recours à l’arme à feu par l’agent constituait une force raisonnable dans les circonstances. Si l’AI avait raison de s’inquiéter de sa position précaire, coincé entre deux véhicules – et j’accepte que c’était le cas pour les raisons susmentionnées – on peut alors comprendre pourquoi l’agent a agi de la sorte pour se protéger. Il devait immédiatement empêcher le plaignant de virer délibérément vers lui, et seule une arme à feu possédait la puissance d’arrêt requise. L’AI n’a pas tiré d’autre coup de feu une fois que le Jeep l’a dépassé et qu’il n’était plus en danger.

Selon une version des événements, l’AI aurait fait feu sur le Jeep par-derrière quand le véhicule se dirigeait vers l’allée piétonnière. À mon avis, ce n’était pas le cas. Cette version des faits est non seulement contredite par un certain nombre de témoins, dont les récits sont généralement conformes au scénario décrit ci-dessus, mais également par les preuves médicolégales. Le trou de balle trouvé sur le Jeep était dans la vitre de la portière avant, côté passager. Ce trou correspondait également au fait que la balle avait traversé la vitre suivant un angle d’environ 90 degrés. La blessure par balle du plaignant était sur son avant-bras gauche. Et, enfin, il n’y avait aucune trace visible de coup de feu ailleurs sur le Jeep.

Pour les raisons exposées ci-devant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire contre l’AI. Le dossier est clos.

Date : 8 mars 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.