Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-240

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 35 ans tôt le 19 septembre 2016, durant une collision de sa motocyclette avec celle d’un agent du Service de police de Hamilton (SPH).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 19 septembre 2016, à 18 h, le Service de police de Hamilton (SPH) a informé l’UES de la blessure subie par l’homme.

Selon l’information fournie, le lundi 19 septembre 2016, à 14 h 25, l’agent impliqué (AI), un agent motocycliste du SPH, appliquait les règles de la circulation routière lorsque sa motocyclette est entrée en contact avec la motocyclette de l’homme. L’incident s’est produit sur le chemin South Bend à proximité de la rue Upper James à Hamilton. Immédiatement après la collision, l’homme a pris la fuite à pied. La police l’a ensuite retrouvé et arrêté dans une résidence de la rue Upper James, où il se cachait sous une terrasse. L’homme a été transporté par ambulance de cette adresse à l’hôpital; selon le diagnostic posé, il avait subi des fractures au bras gauche. Il était à l’hôpital en garde à vue au moment de la notification.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes en reconstitution des collisions de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont repéré et préservé des éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 39 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT n° 4  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 5  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 6  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 7  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

De plus, une déclaration préparée et les notes d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit sur le chemin South Bend Ouest, à l’ouest de la rue Upper James, à Hamilton. Le chemin South Bend Ouest est une route résidentielle est-ouest. Il s’agit d’un chemin asphalté droit et à niveau égal à deux voies, dont une permet la circulation vers l’est et l’autre, vers l’ouest. Les voies ne sont pas délimitées, et des trottoirs de béton longent le chemin.

Deux véhicules ont été impliqués dans cet incident : Une Harley Davidson 2014 identifiée du SPH et une Suzuki 2001 bleue et blanche. La Harley Davidson était couchée sur les arceaux de capotage droits et faisait face au sud-ouest, sur le côté nord de la voie ouest du chemin South Bend Ouest. La Suzuki 2001 était également couchée sur son côté droit et faisait face à l’ouest sur le côté nord et sur le trottoir nord de la voie ouest du chemin South Bend Ouest.

Les dégâts aux deux motocyclettes étaient minimes. Il y avait quelques traces de pneus sur la route et sur le trottoir directement derrière la Suzuki, ainsi que quelques éraflures sur la route sous les deux motocyclettes.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

On a examiné la motocyclette Harley Davidson du SPH sur les lieux et après son remorquage. Une entaille fraîche était évidente sur la surface du côté droit inférieur du carénage avant. En dessous et à la droite de celui-ci, il y avait une tache de peinture bleue transférée dont la couleur était semblable à celle des bouts du guidon de la motocyclette Suzuki impliquée dans l’accident. Deux éraflures sur la partie inférieure droite du carénage avant étaient semblables, du point de la forme et de l’écart, à deux éraflures sur les jointures du petit doigt et de l’annulaire du gant de motocyclette gauche du plaignant. Le rétroviseur du côté droit était plié et il y avait des griffes sur le miroir. Les arceaux de capotage avant et arrière droits en chrome présentaient des éraflures aux extrémités extérieures, et le pare-brise était relativement indemne. Les deux pneus étaient des Dunlop qui étaient gonflés et à profondeur de roulement appropriée. Le moteur était éteint sur les lieux, mais lorsqu’on l’allume dans la cour de remorquage, il tournait à 1 400 tr/min au ralenti. Les freins et la direction fonctionnaient bien au moment de leur vérification. Le phare s’est allumé lorsqu’on a fait démarrer la motocyclette et que le levier de transmission était en deuxième vitesse. L’éclairage d’urgence bleu et rouge fonctionnait correctement sur 360 degrés et les deux sirènes marchaient bien lorsqu’on les a essayés. Tous les clignotants fonctionnaient correctement. La radio de police était à la position « off ».

La motocyclette Suzuki a été examinée sur les lieux et après son remorquage. Le bout bleu du guidon gauche s’était détaché et se trouvait sur le dessus du côté gauche du carénage avant. Il y avait des égratignures fraîches sur l’extérieur du rétroviseur gauche. Les deux pneus étaient des Michelin et semblaient suffisamment gonflés avec une profondeur de roulement appropriée. Les flancs des pneus avaient été enduits récemment d’une substance noire esthétique. Quelques traces de frottement étaient visibles au côté droit du pneu avant. Le moteur était éteint sur les lieux de l’incident. Au ralenti, d’après le tachymètre, le moteur tournait rondement à 1 000 tr/mn. Les freins et la direction fonctionnaient bien au moment de leur vérification. Le phare s’est allumé lorsqu’on fait démarrer la motocyclette. Tous les clignotants fonctionnaient correctement, sauf le signal avant droit. Le levier de transmission était en première vitesse.

Témoignage d’expert

Rapport du spécialiste en reconstitution :

Une évaluation de la collision par le spécialiste en reconstitution renfermait les conclusions suivantes :

Vers 14 h 25, le 19 septembre 2016, l’AI conduisait une motocyclette Harley Davidson du SPH en direction ouest sur la voie ouest du chemin South Bend Ouest, après avoir effectué un virage depuis la rue Upper James à Hamilton. Tout en se déplaçant à lente vitesse et dans l’intention de procéder à un arrêt routier, il s’est rendu au côté gauche d’une motocyclette Suzuki [dont il a été déterminée maintenant qu’elle était conduite par le plaignant] qui se déplaçait dans la direction ouest sur le chemin South Bend Ouest, près du trottoir nord à droite.

Le chemin South Bend Ouest n’a pas de limite de vitesse affichée et on a présumé qu’elle est de 50 km/h dans une zone résidentielle dense.

Juste à l’ouest de la rue James, la Harley Davidson du SPH se penchant vers la droite, la partie inférieure et extérieure droite de son carénage avant a heurté le guidon gauche de la Suzuki. Le bout bleu du guidon gauche de la Suzuki s’est détaché, ce qui a eu pour effet de laisser s’écouler de l’eau comportant de la rouille se trouvant à l’intérieur du guidon. Tout en continuant à se pencher vers la droite, la Harley Davidson du SPH a ralenti et puis s’est arrêtée complètement ou presque, légèrement en avant et à l’ouest de la Suzuki.

Peut-être en raison du relâchement de l’embrayage, la Suzuki a accéléré vers l’ouest, de sorte que le gant gauche du plaignant a heurté la partie inférieure droite du carénage avant de la Harley Davidson du SPH. Le miroir gauche et possiblement le bras gauche du plaignant ont heurté le miroir droit de la Harley Davidson du SPH. Peut-être parce que l’AI tentait de maintenir la Harley Davidson du SPH dans la position droite, sa botte gauche a glissé sur la chaussée sur environ 0,3 mètre et sa motocyclette est tombée sur le côté droit et a glissé sur la chaussée à une vitesse entre 6 km/h et 7 km/h. La Harley Davidson du SPH s’est arrêtée en faisant face au sud-ouest sur le côté nord de la voie ouest du chemin South Bend Ouest. Le flanc droit du pneu avant de la Suzuki a heurté la bordure sud du trottoir au nord de la chaussée et puis la Suzuki est tombée vers la droite pour s’arrêter en faisant face à l’ouest sur le trottoir nord et la voie ouest du chemin South Bend Ouest, à côté mais légèrement en avant de la Harley Davidson du SPH.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications obtenus du SPH ont révélé ce qui suit :

  • L’AI a informé le répartiteur qu’il se déplaçait sur la rue Upper James et se dirigeait dans la direction nord vers le chemin Mohawk Est, à la poursuite d’un homme [aujourd’hui connu comme étant le plaignant] portant un casque de motocyclette
  • L’AI a informé le répartiteur que le plaignant s’était enfui à pied et se trouvait derrière une résidence située sur la 1re rue Ouest et qu’il retournait à pied à sa motocyclette
  • L’AI a fourni une description du plaignant
  • L’AI a informé le répartiteur qu’il avait laissé sa motocyclette sur le chemin South Bend
  • L’AI a informé le répartiteur que le plaignant avait sauté par-dessus la clôture d’une résidence située sur la 1re rue Ouest et qu’il courrait vers l’est; et
  • Un agent de police sur les lieux a informé le répartiteur qu’on avait trouvé le plaignant sur la propriété d’une résidence située sur la rue Upper James et qu’on avait appelé une ambulance

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPT et puis les a examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Chronologie des événements
  • Rapport sur la collision de véhicules à moteur
  • Notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7
  • Notes d’un agent non désigné
  • Rapport sur les biens
  • Rapport d’incident supplémentaire
  • Déclarations préparées des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7; et
  • Déclaration préparée d’un agent non désigné

Description de l’incident

Les événements en question sont relativement clairs lorsqu’on examine les éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les déclarations de l’agent impliqué et du plaignant, ainsi qu’une analyse judiciaire des lieux et des motocyclettes impliquées dans l’accident. L’après-midi du 19 septembre 2016, le plaignant a été impliqué dans une collision de véhicules à moteur sur le chemin South Bend, juste à l’ouest de la rue Upper James, à Hamilton. Il conduisait une motocyclette Suzuki 2001 au moment où son véhicule est entré en contact avec la Harley Davidson 2014 identifié de l’AI, et les deux motocyclettes et leurs conducteurs se sont retrouvés au sol. Le plaignant a fui les lieux de la collision à pied, mais on l’a découvert peu de temps après alors qu’il se cachait dans l’arrière-cour d’une propriété résidentielle située à proximité, où il a été mis en état d’arrestation. Puis, il a été transporté de cette adresse à l’hôpital où l’on a constaté qu’il avait de multiples fractures à son avant-bras gauche.

Juste avant leur collision, l’agent impliqué était de service et patrouillait pour veiller au respect du Code de la route, quand il a croisé le plaignant sur sa motocyclette. Au moment où ils se sont passés, l’agent impliqué a commencé à avoir des soupçons lorsque le plaignant n’a pas réagi à son hochement de tête courtois. L’agent a fait demi-tour et a commencé à suivre le plaignant. En bref, l’agent impliqué a décidé d’arrêter le plaignant lorsqu’il a observé la Suzuki se déplacer vers l’est et dépasser un autre véhicule du côté passager dans la même voie et faire un virage à l’intersection dans la direction sud pour s’engager dans la rue Upper James sans s’arrêter à un panneau d’arrêt. Une fois qu’il se dirigeait vers le sud sur la rue Upper James, l’agent impliqué s’est rendu à côté de la motocyclette du plaignant et lui a demandé de s’arrêter près du trottoir. Le plaignant a décéléré et a tourné sur le chemin South Bend. L’agent impliqué a suivi lentement et est passé à côté de la motocyclette du plaignant dans l’intention de placer son véhicule devant la Suzuki pour lui bloquer le chemin. C’est ici que la preuve renferme des éléments controversés quant au déroulement des événements.

D’une part, il y a des éléments de preuve indiquant que la motocyclette de l’agent a heurté le côté gauche de la motocyclette du plaignant alors qu’il la dépassait, ce qui a amené le plaignant à relâcher l’embrayage alors qu’il tentait d’arrêter son véhicule. Cela a causé un soudain mouvement en avant de la motocyclette du plaignant, qui a heurté le véhicule de l’agent. D’autre part, il y a des éléments de preuve indiquant que la motocyclette de l’agent impliqué n’a pas heurté le plaignant ou sa motocyclette alors qu’il passait à côté de lui sur le chemin South Bend. Selon cette preuve, l’agent impliqué avait arrêté sa motocyclette à environ deux pieds devant le véhicule du plaignant à un angle de 45 degrés avec le trottoir au nord lorsque la Suzuki a accéléré soudainement de sa position fixe et a heurté sa motocyclette. L’impact a causé la chute des deux véhicules et de leurs occupants. Par la suite, le plaignant a tenté de se redresser et de redresser sa motocyclette pour pouvoir prendre la fuite, mais il a été forcé de s’enfuir à pied après que l’agent l’a repoussé et a repoussé sa motocyclette vers le sol.

Lois pertinentes

Alinéa 249(1)a), Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules automobiles

249 (1) a) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu.

Article 221, Code criminel – Causer des lésions corporelles par négligence criminelle

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui

Article 266, Code criminel – Voies de fait

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du Directeur

En ce qui concerne la responsabilité criminelle potentielle de l’agent impliqué, les circonstances entourant ces événements donnent lieu à deux séries de considérations juridiques. La première concerne la collision ou les collisions entre les motocyclettes, où il est approprié de déterminer si la conduite de l’agent équivalait à de la conduite dangereuse ou à de la négligence criminelle causant des lésions corporelles en contravention des articles 249 et 221 du Code criminel, respectivement. La seconde se rapporte à la preuve selon laquelle l’agent impliqué a poussé le plaignant et sa motocyclette sur le sol après leur chute initiale et consiste à déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que cette conduite équivalait à une agression en vertu de l’article 266 du Code criminel.

La conduite dangereuse et la négligence criminelle causant des lésions corporelles sont des infractions de négligence criminelle et pour qu’elles s’appliquent, il faut qu’il y ait eu une conduite qui constituait un écart marqué par rapport à la prudence dont aurait fait preuve une personne raisonnable dans les circonstances. À mon avis, s’il y a eu un manque de diligence dans la conduite de l’agent impliqué, elle est bien inférieure à la norme imposée par le droit criminel. Pour en arriver à cette conclusion, j’accepte aux fins des présents motifs la version des événements selon laquelle la motocyclette de l’agent impliqué aurait été la première à heurter le véhicule du plaignant, alors qu’il passait à côté du véhicule de ce dernier sur le chemin South Bend, mettant ainsi en branle une série d’événements ayant entraîné une seconde collision. Je le fais pour deux raisons malgré les aspects contradictoires que présente la preuve. Tout d’abord, ce compte rendu des faits trouve appui dans la preuve matérielle, qui laisse supposer qu’il se peut fort bien qu’il y ait eu collision entre le côté droit de la motocyclette de l’agent et le côté gauche du véhicule du plaignant, alors que l’agent impliqué manœuvrait sa motocyclette pour la placer devant la Suzuki. Deuxièmement, il est utile de soumettre la version la plus incriminante des événements à une analyse de responsabilité civile. Si l’analyse ne réussit pas à confirmer cette responsabilité civile dans ce scénario, il faudra nécessairement se pencher sur le scénario moins incriminant qui ressort également de la preuve.

Premièrement, il faut noter qu’il est clair que l’agent impliqué se livrait à l’exécution légitime de ses fonctions lorsqu’il a décidé d’obliger le plaignant à s’arrêter parce qu’il avait commis une infraction au Code de la route; il venait tout juste d’observer le plaignant dépasser illégalement un autre véhicule et omettre de s’arrêter à un panneau d’arrêt. Au cours de la brève période qui a suivi, avant que le plaignant et l’agent impliqué amorcent leur virage sur le chemin South Bend, les deux véhicules se déplaçaient à une vitesse modérée, et en toute sécurité. La visibilité était bonne et les routes étaient sèches. De plus, la preuve ne suggère aucunement qu’il y avait de la circulation à proximité, qu’il s’agisse de piétons ou de véhicules, qui auraient été entravés ou mis en danger par la conduite de l’agent. Bien que l’agent impliqué aurait certainement dû faire davantage attention pour éviter de heurter la motocyclette du plaignant alors qu’il passait à côté de lui, il est évident que tout impact de ce genre s’est produit à vitesse lente et était mineur et involontaire. Pour la suite, le plaignant doit assumer sa part du blâme pour la deuxième collision, qui était plus grave, et qui a fait tomber au sol les deux véhicules et leurs passagers. L’agent impliqué, ayant placé sa motocyclette devant la Suzuki pour bloquer son chemin, était en droit de s’attendre à ce que le plaignant arrête sa motocyclette de façon sécuritaire. Au lieu de cela, en raison de l’effet combiné d’un problème mécanique du système d’embrayage du véhicule et d’une perte de contrôle causée par la collision initiale avec la motocyclette de l’agent, le véhicule du plaignant a fait un bond en avant et a heurté la motocyclette de la police. Compte tenu du problème mécanique de la motocyclette et du fait qu’il était un conducteur non assuré dont le permis avait été suspendu, le plaignant n’aurait pas dû conduire le véhicule au moment de l’accident. Bien que ces circonstances n’absolvent pas l’agent impliqué de faire preuve de diligence raisonnable et de bien contrôler sa motocyclette, il s’agit d’importantes considérations contextuelles à soupeser. Compte tenu de l’ensemble de ce dossier, je suis convaincu que la prudence dont l’agent impliqué a fait preuve globalement tombait dans les limites prescrites par le droit criminel.

En ce qui a trait à la conduite de l’agent impliqué une fois qu’il se trouvait au sol et qu’il s’est servi de ses mains pour pousser le plaignant et sa motocyclette au sol alors que ce dernier tentait de fuir les lieux, je suis aussi convaincu que la conduite de l’agent ne peut être interprétée comme de la culpabilité criminelle. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les policiers ont le droit d’employer la force raisonnablement nécessaire dans l’exercice de leurs fonctions légitimes. Il est clair pour moi que l’agent impliqué n’a rien fait de plus que cela. Le plaignant était assurément exposé à la possibilité d’une arrestation légale pour plusieurs motifs différents, y compris sa tentative de fuir les lieux d’un accident en contravention de l’article 252 du Code criminel, et l’agent avait entièrement le droit d’empêcher sa fuite pour cette raison. L’utilisation, par l’agent impliqué, de ses mains pour pousser le plaignant sur le sol constituait une tentative raisonnable et mesurée de le faire, même si elle a échoué.

Il reste la question de l’origine des blessures du plaignant. La preuve indique que ces blessures sont survenues lors de l’impact avec la motocyclette de l’agent lorsque la Suzuki du plaignant a bondi vers l’avant. Or, surtout à la lumière de la preuve médicale, on ne peut rejeter l’hypothèse que la chute du plaignant au sol, soit après la collision avec la motocyclette de la police, soit après que l’agent l’avait poussé, a causé ou à contribué à causer les fractures subies. Cependant, en dernière analyse, l’incertitude entourant cet aspect de la preuve n’a aucune conséquence, étant donné mon analyse de la conduite de l’agent. Ce qui je veux dire est que, bien que je sois convaincu que les blessures subies par le plaignant résultaient de sa collision avec la motocyclette de l’agent impliqué ou de la chute de sa motocyclette, ou d’une combinaison des deux, il n’y a rien dans ce que l’agent a fait ou omis de faire qui justifierait des poursuites criminelles contre lui. Par conséquent, ce dossier est fermé.

Date : 3 octobre 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur par intérim
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.