Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PVI-331

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 21 ans, une femme de 20 ans et un policier de 29 ans lors d’une collision entre un véhicule automobile civil et un véhicule de police survenue le 9 novembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 10 novembre 2017, vers 11 h 29, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant no 1 lors d’une collision de véhicules.

La PPO a déclaré que le jeudi 9 novembre 2017, vers 23 h, deux agents de la PPO transportaient un prisonnier à bord d’un véhicule de la PPO lorsqu’un véhicule civil a fait un virage à gauche devant leur véhicule.

Les agents de police et les occupants du véhicule civil ont été transportés à l’hôpital. Le conducteur du véhicule civil (le plaignant no 1) a reçu un diagnostic de fracture au pied, et sa passagère (la plaignante no 2) était toujours en train d’être évaluée pour des blessures au moment de la notification.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignants

  • Plaignant no 1 Homme de 21 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
  • Plaignante no 2 Femme de 20 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
  • Plaignant no 3 (qui est aussi l’AT no1) Agent de police de 29 ans; a participé à une entrevue

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 Ne s’est pas rendu disponible pour une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A fourni une déclaration écrite

TC no 6 A fourni une déclaration écrite

Les enquêteurs de l’UES ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le TC no 2, mais ils n’ont pas réussi à le joindre, et il n’a pas non plus communiqué avec l’UES.

Agents témoins (AT)

  • AT no1 (qui est aussi le plaignant no 3) A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

  • AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène était située à l’intersection des rues Dundas Ouest et Sidney, dans la ville de Belleville.

La rue Dundas Ouest est une route asphaltée à quatre voies qui permet la circulation de véhicules sur un axe est-ouest et dont la limite de vitesse affichée est 60 km/h. Une voie distincte longe les voies de circulation en direction est et ouest de la rue Dundas Ouest pour permettre aux véhicules de tourner à l’intersection et de continuer en direction nord sur la rue Sidney.

La rue Sidney est une route asphaltée à trois voies qui permet la circulation routière nord-sud et dont la limite de vitesse affichée est de 50 km/h.

La Volkswagen du plaignant no 1 circulait en direction est sur la voie de virage de la rue Dundas Ouest avant de tourner à gauche sur la rue Sidney. Le véhicule de police roulait en direction ouest dans la voie de dépassement de la rue Dundas Ouest avant la collision.

Un examen des véhicules impliqués dans la collision a révélé des dommages importants à l’avant de la Volkswagen. Le véhicule n’avait pas de données sur les collisions parce qu’il s’agissait d’un modèle antérieur. La Volkswagen s’est immobilisée sur la voie de dépassement en direction ouest de la Dundas Ouest.

Le véhicule de police avait des dommages importants à l’avant et sur l’aile côté conducteur. L’UES a téléchargé du véhicule de police les données générées par l’outil d’extraction de données sur les collisions. Le véhicule de police s’est immobilisé après avoir heurté un feu de circulation.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Données GPS (système de positionnement mondial par satellite) et données de visionnement I/Tracker Playback (animation numérique de la trajectoire suivie par le véhicule de police selon ses coordonnées GPS

L’UES a examiné les données GPS du véhicule de police de l’AI. Les données ont révélé ce qui suit :

  • À 22 h 19 m 13 s L’AI quitte le poste du Service de police de Belleville (SPB)
  • À 22 h 20 m 08 s Le véhicule de police de l’AI roule en direction ouest sur la rue Dundas Ouest à une vitesse de 42 km/h
  • À 22 h 21 m 15 s Le véhicule de police de l’AI roule à 84 km/h à l’approche de l’intersection des rues Dundas Ouest et Sidney
  • À 22 h 21 m 25 s Le véhicule de police de l’AI roulait à 87 km/h avant de s’engager dans l’intersection des rues Dundas Ouest et Sidney

Les données de visionnement I/Tracker Playback obtenues de la PPO concordaient avec les données GPS ci-dessus.

GPS ci-dessus

Preuve criminalistique

Les enquêteurs judiciaires de l’UES ont pris des photographies numériques des lieux de l’incident, ont recueilli des éléments de preuve matérielle et des pièces à conviction, ont pris des mesures et ont fait des croquis à l’échelle de la scène.

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve d’expert

Rapport de reconstitution de la collision provenant du SPB

En raison du délai dans le signalement de l’incident par la PPO, l’UES a demandé au SPB de réaliser une reconstitution de la collision sur les lieux de l’incident. Le rapport de reconstitution de la collision obtenu du SPB a ensuite été examiné par l’UES et décrivait ce qui suit :

Le véhicule de police de l’AI roulait à la vitesse de 87 km/h cinq secondes avant la collision. Le lieu de l’impact indiquait que le véhicule de police de l’AI circulait en direction ouest sur la voie pour tourner de la rue Dundas Ouest lorsqu’il est entré en collision avec la Volkswagen du plaignant no 1, après que la Volkswagen eut tourné à gauche devant le véhicule de police.

Preuve vidéo/audio/photographique

Les enquêteurs de l’UES ont examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements de télévision en circuit fermé, mais ils n’en ont pas trouvé.

Enregistrements de communications

Enregistrements de communications et rapport sur la chronologie des événements

L’UES a écouté les enregistrements de communications et examiné le rapport chronologique des événements obtenus de la PPO. Les enregistrements de communications ont révélé ce qui suit :

  • À 22 h 06 m 42 s L’AI a dit au répartiteur qu’il se rendait au poste du SPB avec l’AT no 1 pour ramasser un prisonnier (TC no 2)
  • À 22 h 18 m 02 s L’AI a dit au répartiteur que l’AT no 1 et lui étaient en train d’escorter le TC no 2 jusqu’au détachement de la PPO de Quinte West
  • À 22 h 23 m 02 s L’AI a dit au répartiteur qu’il était impliqué dans une grave collision de véhicules et que lui, l’AT no 1 et le TC no 2 étaient blessés. L’AI a demandé à ce qu’on envoie des ambulanciers paramédicaux et a fourni des coordonnées de son emplacement
  • À 22 h 26 m 14 s L’AT no 1 a demandé que le répartiteur envoie d’autres agents de police sur les lieux. L’AT no 1 a dit au répartiteur qu’il était blessé et que l’AI avait subi une blessure à la jambe
  • À 22 h 26 m 47 s L’AT no 1 a demandé à ce qu’un superviseur se rende sur les lieux, car le TC no 2 était blessé

Le rapport chronologique des événements obtenu de la PPO correspondait aux enregistrements des communications.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au détachement de la PPO de Quinte West et au SPB, puis obtenu et examine les éléments et documents suivants :

  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapport sur une collision de véhicules automobiles
  • notes de l’AT no 1
  • enregistrement de communications obtenu de la PPO
  • chronologie des événements obtenue de la PPO
  • déclaration de témoin du TC no 1 datée du 9 novembre 2017 obtenue de la PPO
  • demande des communications du détachement de la PPO à Smith Falls
  • données GPS et données de visionnement I/Tracker Playback
  • données GPS cartographiées
  • données de collision provenant du véhicule de police
  • liste des témoins
  • rapport de reconstitution de la collision obtenu du SPB

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers des plaignants nos 1 et 2
  • déclaration écrite des TC nos 5 et 6

Nature des blessures/traitement

Le plaignant no 1 a subi de multiples fractures à la jambe gauche, et la plaignante no 2 a subi des fractures à la colonne vertébrale et au pied gauche.

L’AT no 1 n’a pas consenti à la divulgation de son dossier médical, mais il a déclaré avoir subi une commotion et des dommages aux tissus mous de la jambe gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse – Véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Paragraphe 1(1) du Code de la route de l’Ontario – Définition : voie publique

1(1) « voie publique » S’entend notamment d’une route ordinaire ou d’une voie publique, d’une rue, d’une avenue, d’une allée, d’un boulevard, d’une place, d’un pont, d’un viaduc ou d’un pont sur chevalets dont une partie quelconque est prévue pour le passage de véhicules ou utilisée par le public à cette fin. Est incluse dans la présente définition la zone comprise entre les limites latérales de propriété de ces ouvrages.

Article 128 du Code de la route – Vitesse – Exception prévue au paragraphe 13 (b) pour les véhicules de police

128 (1) Nul ne doit conduire un véhicule automobile à une vitesse supérieure :

  1. à 50 kilomètres à l’heure sur une voie publique située dans une municipalité locale ou une agglomération
  2. malgré l’alinéa a), à 80 kilomètres à l’heure sur une voie publique qui n’est pas située dans une agglomération mais est située dans une municipalité locale qui avait le statut de canton le 31 décembre 2002 et, n’eût été l’édiction de la Loi de 2001 sur les municipalités, aurait conservé ce statut le 1erjanvier 2003, si la municipalité est prescrite par règlement
  3. à 80 kilomètres à l’heure sur une voie publique que le lieutenant-gouverneur en conseil désigne comme route à accès limité en vertu de la Loi sur l’aménagement des voies publiques et des transports en commun, qu’elle soit située ou non dans une municipalité locale ou une agglomération
  4. à la vitesse prescrite pour les véhicules automobiles sur une voie publique conformément au paragraphe (2), (5), (6), (6.1) ou (7)
  5. à la vitesse maximale fixée en vertu du paragraphe (10) et affichée dans une zone de construction désignée en vertu du paragraphe (8) ou (8.1)
  6. à la vitesse maximale affichée sur une voie publique ou section de voie publique conformément à l’article 128.0.1

[…]

(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

[…]

  1. au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions

[…]

Paragraphe 141 (5) du Code de la route – Virage à gauche au moment où un véhicule approche en sens inverse

À une intersection, nul conducteur d’un véhicule ne doit tourner à gauche au moment où un véhicule approche en sens inverse, à moins de fournir au conducteur du véhicule qui approche une occasion raisonnable d’éviter une collision.

Description de l’incident

Le 9 novembre 2017, vers 22 h 10, l’AI et l’AT no 1, de la PPO ont été chargés de transporter une personne détenue du poste du Service de police de Belleville au détachement de la PPO à Quinte West. En chemin, leur VUS de police et un véhicule civil effectuant un virage à gauche et conduit par le plaignant no 1, avec comme passagère la plaignante no 2, sont entrés en collision à l’intersection des rues Dundas Ouest et Sidney, dans la ville de Belleville. Bien que les deux occupants du véhicule civil et les trois occupants du véhicule de police aient été blessés à divers degrés, les personnes suivantes ont subi des « blessures graves » aux fins de la compétence de l’UES : le plaignant no 1 (plusieurs fractures à la jambe gauche), la plaignante no 2 (fractures à la colonne vertébrale et au pied gauche) et l’AT no 1 (commotion et dommages aux tissus mous de la jambe gauche). Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que le conducteur du véhicule de police et l’agent impliqué (AI) ont commis une infraction criminelle en lien avec la collision de véhicules à moteur.

La séquence des événements ayant mené à la collision est claire compte tenu du poids prépondérant de la preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend les déclarations des deux policiers, du plaignant no 1, de la plaignante no 2 et d’un témoin oculaire civil indépendant, une reconstitution de l’accident, les enregistrements de communications de la police et, surtout, les données GPS et d’autres données téléchargées du véhicule de police concernant sa vitesse et son emplacement à l’approche du lieu de la collision. Au moment de la collision, les chaussées étaient mouillées, la circulation routière était légère et la limite de vitesse affichée sur la rue Dundas Ouest était de 60 km/h. Vers 22 h 20, le plaignant no 1, qui circulait en direction est sur la rue Dundas Ouest dans une Volkswagen, s’est approché de l’intersection avec la rue Sidney, où il avait l’intention de tourner à gauche pour continuer en direction nord sur la rue Sidney. L’AI roulait simultanément en direction ouest sur la rue Dundas Ouest, conduisant un VUS de police pleinement identifié, s’approchant de la rue Sidney, ayant l’intention de continuer tout droit en franchissant l’intersection. Le plaignant no 1 était arrêté à l’intersection, attendant qu’un véhicule non identifié, circulant en direction ouest, franchisse l’intersection. Le plaignant no 1 a amorcé son virage à gauche devant le véhicule de police de l’AI, ce qui a obligé l’AI à freiner et à essayer de manœuvrer vers la droite afin d’éviter le véhicule du plaignant no 1. Les deux véhicules sont entrés en collision à l’intersection, le véhicule de police virant alors vers la droite et heurtant un lampadaire au coin nord-ouest de l’intersection. La collision a amené le véhicule du plaignant no 1 à tourner dans le sens antihoraire et à s’immobiliser en faisant face à l’ouest dans la voie de dépassement en direction ouest de la rue Dundas Ouest, juste à l’ouest de l’intersection.

Analyse et décision du directeur

L’infraction dont il faut tenir compte dans ce dossier, en ce qui concerne la conduite de l’AI, est celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles en vertu du paragraphe 249(3) du Code criminel. Comme elle ressortit à de la négligence pénale, cette infraction repose en partie sur une conduite qui équivaut à un écart marqué par rapport au degré de précaution qu’une personne raisonnable aurait pris dans les circonstances. Manifestement, c’est le plaignant no 1 qui est à blâmer en grande partie, voire entièrement, pour la collision en question. En vertu du Code de la route, il incombe de façon stricte aux conducteurs de n’effectuer un virage à gauche que lorsqu’aucun véhicule ne circule en sens inverse et lorsqu’il est sécuritaire de le faire. Le plaignant no 1 a manqué à cette obligation et, ce faisant, a provoqué la collision avec le véhicule de l’AI. La question est de savoir si l’AI assume ou non une part de cette responsabilité.

Sauf pour ce qui est de sa vitesse dans les secondes qui ont précédé la collision, j’estime que l’AI n’a rien fait de répréhensible lorsqu’il conduisait son véhicule en provenance du quartier général du Service de police de Belleville. La preuve indique que les phares de son véhicule de police étaient allumés et que le véhicule était visible, tant des piétons que des véhicules circulant dans le secteur. La preuve établit en outre que l’AI a roulé à des vitesses qui n’ont jamais été plus que légèrement supérieures à la limite de vitesse de 60 km/h pour la majeure partie du trajet menant à l’intersection des rues Dundas Ouest et Sidney. Il convient également de noter que l’AI a appliqué les freins de son véhicule et a tenté une manÅ“uvre d’évitement, alors que le plaignant no 1 effectuait un virage à gauche en se mettant à travers de son chemin, ce qui porte à croire que le policier était alerte et qu’il faisait dûment attention à ce qui se passait autour de lui à ce moment‐là. Cependant, alors que l’AI s’approchait du lieu de la collision, sa vitesse avait sensiblement augmenté. Quinze secondes avant l’impact, le véhicule de police roulait à une vitesse de 84 km/h; sa vitesse était de 87 km/h cinq secondes avant l’impact. Ces vitesses dépassaient de 40 % la limite de vitesse de 60 km/h et, à mon avis, pourraient bien avoir contribué à la collision avec le véhicule du plaignant no 1.

Il est vrai qu’aux termes du paragraphe 128(13) du Code de la route, les limites de vitesse ne s’appliquent pas aux véhicules de police qui sont utilisés dans l’exercice légitime des fonctions d’un agent de police. Toutefois, cela ne veut pas dire que les policiers ont carte blanche pour faire de la vitesse comme bon leur semble; leur devoir premier est de s’assurer qu’ils conduisent leurs véhicules de police en prenant dûment en considération la sécurité du public. À mon avis, il était malavisé pour l’AI de conduire à cette vitesse dans les secondes qui ont précédé la collision, d’autant plus que les chaussées étaient mouillées et glissantes à certains endroits, et en l’absence de toute preuve qu’il était nécessaire de faire de la vitesse alors que les agents se rendaient au détachement de la PPO à Quinte West. Ainsi, bien que l’AI ait pu être attentif alors qu’il s’approchait de l’intersection avec la rue Sidney, le fait qu’il dépassait de beaucoup la limite de vitesse lui a laissé une marge plus petite pour réagir au véhicule du plaignant no 1 et, éventuellement, pour éviter une collision.

Cela dit, je suis convaincu que l’indiscrétion de l’AI quant à sa vitesse n’est pas de nature à faire de sa conduite un écart marqué par rapport à un degré raisonnable de précaution. Encore une fois, sauf en ce qui concerne la vitesse de l’AI aux lieux de l’accident, rien n’indique que sa façon de conduire n’était pas tout à fait sécuritaire et raisonnable. Bien que les routes étaient mouillées le soir de l’incident, il importe également de souligner que les chaussées étaient en bon état, que la visibilité était décente, compte tenu de l’éclairage artificiel dans le secteur, et que la circulation automobile était légère, ce qui, à mon avis, vient tempérer si ce n’est excuser la vitesse de l’AI. En dernière analyse, même si la façon de conduire de l’agent n’était pas parfaite, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que cette façon de conduire était tout à fait dans les limites de diligence prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles en l’espèce.

Date : 22 août 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.