Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-383

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 29 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 15 septembre 2023, à 22 h 26, le Service de police de Sault Ste. Marie (SPSSM) a laissé un message sur la boîte vocale de l’UES pour signaler l’arrestation du plaignant. Le 18 septembre 2023, à 9 h 25, l’UES a appelé le SPSSM en retour [2] et a laissé un message, demandant qu’on communique avec elle. À 13 h 4, le SPSSM a fait savoir que le 15 septembre 2023, à 14 h 23, le plaignant a été amené à son commissariat en raison de mandats d’arrêt non exécutés dont il faisait l’objet, suivant son arrestation aux mains de l’AI no 2 de la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) et d’un agent du Service de police anishinabek (SPA), soit l’agent no 1 du SPA. Le plaignant avait, semblait-il, été fouillé avant d’arriver au commissariat du SPSSM; il a été fouillé de nouveau à son arrivée au commissariat, avant d’être placé dans une cellule de détention par l’AI no 1 et l’AT no 1. À 14 h 45, le surveillant du bloc cellulaire, l’AT no 4, a remarqué que le plaignant s’agitait dans sa cellule. L’AT no 4 et l’AT no 1 ont examiné le plaignant, l’ont fouillé de nouveau et ont trouvé des sachets transparents contenant de la méthamphétamine en cristaux, du fentanyl et de la cocaïne dans une poche de son pantalon. Ils ont ensuite procédé à une fouille à nu, ont trouvé un autre sachet dans ses sous-vêtements contenant du cannabis et un briquet, et ont vu une petite bande de papier hygiénique enroulée et logée dans son rectum. On a demandé au plaignant de la retirer. Le plaignant a refusé et a été transporté en ambulance à l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie, escorté par l’AI no 1 et un agent spécial du SPSSM. Au service d’urgence, le plaignant a encore une fois refusé de retirer l’objet de son rectum et a été admis pour observation, le personnel de l’hôpital refusant également de le faire. Le plaignant a été menotté à une civière dans l’attente de l’enquête sur le cautionnement, prévue le lendemain matin. À 19 h 50, le plaignant a été vu en train de s’agiter sous sa couverture, puis de tenter d’ingérer quelque chose qu’il semblait avoir extrait de son rectum. Les agents sont alors intervenus et l’objet a été saisi. L’AI no 1 et l’agent spécial ont ensuite été relayés par l’AT no 2 et l’AT no 3. À 21 h 13, l’AT no 2 a informé le sergent d’état-major que le plaignant avait perdu connaissance et qu’il était tombé dans le coma. Il avait depuis été acheminé à l’unité de soins intensifs (USI) et n’avait pas repris connaissance, mais l’on s’attendait à ce qu’il survive.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 18 septembre 2023, à 16 h 42

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 19 septembre 2023, à 19 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés:        3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 29 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 26 septembre 2023.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’AI a participé à une entrevue le 24 octobre 2023.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 25 septembre 2023 et le 17 octobre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits à l’extérieur de la coopérative régionale d’Algoma, situé au 3475, route ON-17B Ouest, à Echo Bay, ainsi qu’à l’intérieur et aux alentours du commissariat du SPSSM, situé au 580, route Second Line Est, à Sault Ste. Marie.

Éléments de preuve matériels

Le SPSSM indique avoir saisi du fentanyl, de la méthamphétamine et de la cocaïne sur le plaignant lors de la fouille à nu et à l’hôpital.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Enregistrements vidéo captés par une caméra de la coopérative

Les enregistrements vidéo captés par une caméra installée sur le site du magasin où le plaignant a été arrêté montrent ce dernier debout sur la chaussée, devant l’entrée du stationnement, vers 12 h 58, le 15 septembre 2023. Tenant une pancarte en carton, le plaignant fait des allers-retours entre la route et le magasin, où il s’assied sur une balançoire avant de retourner sur la chaussée, ce qu’il fait à plusieurs reprises. Lorsque la pancarte passe dans le champ de la caméra, on peut y lire que le plaignant voulait qu’on le conduise quelque part.

Le plaignant porte deux vestes avec un chandail à capuchon en dessous, un pantalon en molleton, des chaussures de course, des chaussettes et une casquette.

À 13 h 18, le plaignant est assis sur la balançoire lorsque l’agent no 1 du SPA [4] arrive en uniforme, à bord d’un véhicule de police de marque Ford F-150 du SPA. L’agent no 1 descend de son véhicule, s’approche du plaignant et s’entretient avec lui. Il fouille la poche droite de la veste du plaignant et en retire des objets, puis fouille la poche gauche de la veste. Les deux hommes s’entretiennent tandis que le plaignant retire des objets des poches de sa veste lorsqu’un autre véhicule arrive. À 13 h 20, un homme habillé en civil – on sait maintenant qu’il s’agit de l’agent no 2 du SPA –, gare son véhicule à côté du véhicule de patrouille de l’agent no 1 du SPA, en descend et s’approche de l’agent no 1 et du plaignant. Les trois hommes s’entretiennent jusqu’à 13 h 25, heure à laquelle le plaignant retire ses chaussures. Ensuite, le plaignant remet ses chaussures et replace ses objets personnels dans les poches de sa veste.

Ni l’agent no 1 ni l’agent no 2 de la SPA n’ont poursuivi ou achevé la fouille au-delà de la fouille des poches de la veste du plaignant et de la demande faite à ce dernier de retirer des objets des autres poches de sa veste.

À 13 h 31, un véhicule de police de type berline de la Police provinciale – on sait maintenant qu’il était conduit par l’AI no 2 – arrive sur les lieux et se gare à côté du véhicule de l’agent no 1 du SPA. L’AI no 2 descend du véhicule et s’approche du plaignant.

L’agent no 1 du SPA descend de son véhicule avec un sac de plastique transparent. Le plaignant y place ses biens personnels.

À 13 h 35, le plaignant suit l’AI no 2 jusqu’à la portière arrière droite du véhicule de police de la Police provinciale et monte à bord du véhicule. Le plaignant n’a pas été menotté et aucune autre fouille n’a été effectuée. L’IA no 2 n’est jamais entrée en contact physique avec le plaignant avant qu’il ne se soit assis dans la voiture de police.

L’IA no 2 s’entretient ensuite avec l’agent no 1 du SPA.

À 13 h 39 min 52 s, l’AI no 2 ouvre la portière arrière droite et semble s’entretenir avec le plaignant. L’agent no 1 du SPA s’approche de la portière ouverte. À 13 h 42 min 15 s, alors que le plaignant est assis dans le véhicule, l’agent no 1 du SPA semble fouiller le plaignant et lui prendre des objets.

À 13 h 44 min 10 s, on fait sortir le plaignant du véhicule. Debout entre la portière ouverte et le siège arrière, l’agent no 1 du SPA semble fouiller le plaignant.

À 13 h 44 min 35 s, la fouille prend fin. Le plaignant est de nouveau placé dans le véhicule de police, toujours sans menottes, et la portière est refermée à 13 h 45 min 24 s.

À 13 h 48, les agents remontent à bord de leurs véhicules respectifs et quittent les lieux.

Enregistrements vidéo du SPSSM

Caméras installées à extérieurs du bâtiment

Les enregistrements vidéo captés par une caméra installée à l’extérieur du bâtiment du commissariat du SPSSM, côté ouest, ne permettent pas de voir clairement la fouille du plaignant par l’AI no 2, car celle-ci s’est déroulée juste au-delà du champ de la caméra, du côté gauche. L’AI no 2 et l’agent no 1 du SPA s’approchent du côté droit du véhicule de police de l’AI no 2, où ils semblent s’entretenir avec le plaignant.

Au bout d’environ deux minutes, la grande porte basculante s’ouvre et un agent de police s’approche. Environ deux minutes et demie après que les agents eurent commencé à interagir avec le plaignant, celui-ci a été escorté à l’intérieur du bâtiment. À ce moment-là, le plaignant porte un chandail à capuchon et l’AI no 2 tient sa veste.

Dans l’embrasure de l’entrée des véhicules, il semble qu’une autre fouille a eu lieu hors du champ de la caméra. L’enregistrement montre l’agent no 1 du SPA en train de placer les survêtements du plaignant sur un banc pour les fouiller.

Enregistrements vidéo captés par la caméra de l’aire de mise en détention et des cellules

Une caméra installée dans l’aire de mise en détention a capté des images claires du plaignant alors qu’il arrive au bureau de mise en détention, escorté par l’AI no 2 et l’agent no 1 du SPA, à 14 h 20.

Pendant la prise en charge du plaignant, ce dernier retire son chandail à capuchon; on voit qu’il porte un t-shirt en dessous. L’AI no 1, portant des gants noirs, fouille le plaignant pendant que l’AI no 2 et l’agent no 1 du SPA se tiennent à proximité. À environ 8 min 56 s, la poche droite du pantalon du plaignant semble normale. Environ 4 secondes plus tard, l’AI no 1 est placé devant le champ de la caméra, empêchant ainsi de voir ce qui semble être sa fouille de la poche droite du pantalon du plaignant.

À 9 min 10 s, on voit que la poche droite du pantalon du plaignant semble avoir été retournée au cours de la fouille.
Bien que l’AI no 1 ait procédé à une fouille par palpation de la jambe gauche du pantalon du plaignant, qu’il ait enlevé les chaussures de ce dernier et qu’il ait procédé à une fouille par palpation au niveau des pieds, la poche gauche du pantalon du plaignant n’a pas été retournée, contrairement à la poche droite.

Le plaignant semble lent et léthargique alors qu’il marche dans la zone du bureau de mise en détention.

Enregistrements vidéo captés par les caméras de l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie

L’UES a obtenu des enregistrements vidéo captés par une caméra de sécurité installée dans la pièce de l’hôpital où le plaignant a été emmené.

À 16 h 29, le plaignant est sur une civière, menotté, les mains devant le corps. Il est allongé sur le côté droit, dos au mur; il fait plus ou moins face à un agent qui est assis sur une chaise (on sait maintenant qu’il s’agit de l’AI no 1).

À 17 h 10, l’AI no 1 se lève et aide le plaignant à remonter sa couverture sur son corps, jusqu’à sa poitrine, tout en laissant ses mains visibles.

À 17 h 38, le plaignant semble soulever la couverture avec sa main gauche et met sa main droite sous la couverture, au niveau de l’aine, alors qu’il soulève et écarte sa jambe gauche. L’AI no 1 se lève rapidement et s’approche du lit.

Un autre agent entre dans la chambre alors que l’AI no 1 semble lutter avec le plaignant, qui se tortille. L’AI no 1 retire les menottes du plaignant pour le menotter de nouveau, cette fois ci aux montants latéraux du lit. La couverture lui est retirée.

À 18 h 12, un membre du personnel de l’hôpital entre dans la pièce avec une couverture et recouvre le haut du corps du plaignant, laissant ses bras à découvert.

À 19 h 39, l’éclairage de la pièce diminue et le plaignant n’est plus clairement visible.

À 19 h 49, le plaignant bouge la tête vers sa main gauche et semble placer quelque chose dans sa bouche.

Les agents s’approchent du lit et interviennent physiquement auprès du plaignant en utilisant une lampe de poche pour éclairer la partie du matelas située sous la partie inférieure du corps du plaignant. Ils semblent également inspecter la bouche du plaignant.

Ensuite, à plusieurs reprises, des membres du personnel de l’hôpital entrent dans la chambre avec du matériel et prodiguent des soins au plaignant.

Vers 20 h 25, le plaignant semble être pris de convulsions, ses jambes et son bras droit se contractant et bougeant constamment.

À 20 h 39, on transporte la civière du plaignant hors de la pièce.
 

Enregistrements des communications de la Police provinciale

Le 15 septembre 2023, à 13 h 59, la Police provinciale a reçu un appel d’une personne signalant la présence d’un homme qui tenait une pancarte à proximité de la coopérative régionale d’Algoma, à Echo Bay, et qui sautait sur la chaussée devant les véhicules qui passaient.

À 13 h 2, des agents sont dépêchés sur les lieux pour remédier au danger quant à la circulation automobile. L’AI no 2 demande à être affecté à l’appel, puisqu’il se trouve à proximité, tandis qu’un autre agent (on sait maintenant qu’il s’agit de l’agent no 1 du SPA) répond en disant qu’il croit que l’homme en question est celui avec lequel il a eu une interaction plus tôt dans la journée. L’homme, recherché par le SPSSM, s’était éloigné de lui avant de disparaître, un peu plus tôt dans la journée.

L’agent no 1 du SPA fait savoir qu’il est avec l’homme en question et qu’il s’agit bien du plaignant, soit l’homme qu’il a vu plus tôt dans la journée, et ajoute que l’agent no 2 du SPA l’a rejoint sur les lieux.

On signale ensuite que le plaignant est en état d’arrestation et qu’il se trouve dans le véhicule de police. L’agent demande que l’on confirme si le plaignant est visé par des mandats d’arrestation non exécutés. Une fois la confirmation obtenue, un agent demande au répartiteur de confirmer si le SPSSM souhaite obtenir un rapport sur les mandats.

À 13 h 49, le répartiteur de la Police provinciale appelle le SPSSM pour savoir si le service souhaite obtenir un rapport sur les mandats visant le plaignant. L’AT no 1 répond par l’affirmative et prend des dispositions pour que le plaignant soit amené au commissariat.

L’AI no 2 escorte le plaignant jusqu’au commissariat du SPSSM.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part du SPSSM entre le 19 septembre 2023 et le 31 octobre 2023 :
  • rapport de mise en détention à la suite de l’arrestation;
  • rapports d’arrestation et listes de vérification;
  • enregistrements vidéo captés par les caméras du commissariat;
  • sommaire du dossier de la Couronne;
  • registre de contrôle des éléments de preuve;
  • formulaire d’évaluation de la garde et du contrôle des détenus;
  • déclarations des témoins et notes des agents concernés;
  • enregistrement de l’appel aux services médicaux d’urgence;
  • politique – arrestation;
  • politique – garde et contrôle des détenus;
  • politique – fouille des personnes détenues;
  • enregistrements vidéo captés par la caméra installée du côté ouest du bâtiment du commissariat du SPSSM;
  • photographies d’éléments de preuve médicolégaux.
Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale entre le 26 septembre 2023 et le 19 octobre 2023 :
  • rapport d’incident général;
  • rapport d’arrestation;
  • enregistrements des communications.
Les ordonnances de la Police provinciale relatives à l’arrestation de personnes et à la fouille de détenus ont également été examinées dans le cadre de cette enquête.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources :
  • enregistrements vidéo captés par la caméra de la coopérative régionale d’Algoma;
  • dossiers médicaux du plaignant;
  • enregistrements vidéo captés par les caméras de l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec le plaignant et l’AI no 1, ainsi que les enregistrements vidéo qui ont capté en partie l’incident, permettent d’établir le scénario suivant. L’AI no 2 n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à ce qu’on remette ses notes, comme la loi l’y autorise.
 
Dans l’après midi du 15 septembre 2023, le plaignant a été arrêté à Echo Bay par l’agent no 1 du SPA et l’AI no 2 de la Police provinciale. Les agents, qui ont été dépêchés sur les lieux à la suite du signalement d’un homme sautant sur la chaussée devant les véhicules qui passaient, se sont rendus auprès du plaignant et ont procédé à son arrestation en vertu d’un mandat non exécuté émis par le SPSSM. Le plaignant a été fouillé par l’agent no 1 du SPA et placé sur la banquette arrière du véhicule de police de l’AI no 2, avant d’être escorté jusqu’au commissariat du SPSSM.

Une fois sur les lieux du commissariat de police, le plaignant a été fouillé par l’AI no 2, à l’extérieur des installations, avant d’être escorté à l’intérieur afin que l’on procède à sa mise en détention, lors de laquelle il a été fouillé de nouveau par l’AI no 1, avant d’être placé dans une cellule vers 14 h 45, dans l’attente de l’audience de l’enquête sur le cautionnement à son endroit. Environ 10 minutes plus tard, l’agent affecté à la surveillance du plaignant dans sa cellule, l’AT no 4, a constaté la présence d’une poudre blanche sur le banc de la cellule. L’AT no 1 et lui sont entrés dans la cellule, ont menotté le plaignant et l’ont emmené dans une autre pièce pour procéder à sa fouille à nu.
 
Lors de la fouille à nu, on a trouvé trois ou quatre sachets en plastique contenant des substances illicites dans la poche gauche du pantalon du plaignant, en plus d’un autre sachet en plastique contenant du cannabis et d’un briquet, ceux-là dans ses sous vêtements. Les sachets ont été saisis. L’AT no 1 et l’AT no 4 ont également remarqué la présence de ce qui semblait être un autre sachet dans l’anus du plaignant. Puisqu’on craignait que le sachet soupçonné de contenir de la drogue n’éclate, provoquant ainsi une urgence médicale chez le plaignant, l’AT no 1 a pris des dispositions pour que le plaignant soit transporté à l’hôpital. Les ambulanciers paramédicaux ont été appelés et sont arrivés au commissariat vers 15 h 10.
 
L’AI no 1 est monté à bord de l’ambulance avec le plaignant, en route vers l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie. Avec l’aide d’un agent spécial, il a surveillé le plaignant pendant qu’Il était l’hôpital. À un certain moment, ayant remarqué que le plaignant tentait de passer la main sous sa couverture pour saisir quelque chose à l’intérieur de son pantalon, l’AI no 1 et l’agent spécial ont décidé de menotter les bras du plaignant aux montants du lit.
 
L’AT no 2 a relayé l’AI no 1 à l’hôpital vers 19 h. L’AT no 3 s’est joint à lui peu après. Vers 19 h 50, le plaignant a réussi à récupérer un sachet en plastique sous sa couverture et a tenté d’en vider le contenu dans sa bouche. L’AT no 2 s’est approché du plaignant et lui a pris le sachet des mains. Pour l’empêcher d’accéder à quoi que ce soit d’autre, l’agent a menotté la main droite du plaignant au montant du lit, au dessus de la tête de celui-ci. Le plaignant avait ingéré une certaine quantité de cocaïne.

L’état du plaignant a manifestement commencé à se détériorer vers 20 h 20, lorsqu’il a commencé à avoir des convulsions. On a alors entrepris des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR) à l’endroit du plaignant, qui a ensuite été acheminé à l’unité de soins intensifs, inconscient.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221,Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. 

Analyse et décision du directeur

Le 15 septembre 2023, alors qu’il se trouvait à l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie, le plaignant est tombé dans un état de détresse médicale aiguë. Comme il était alors sous la garde du SPSSM, l’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête. Deux agents impliqués ont été désignés au cours de l’enquête : L’AI no 2 de la Police provinciale et l’AI no 1 du SPSSM. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents a commis une infraction criminelle relativement à l’état médical du plaignant.
 
L’infraction possible à l’étude est la négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles, aux termes de l’article 221 du Code criminel. Cette infraction est réservée aux cas de négligence graves qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction est fondée en partie sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances similaires. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part des agents impliqués, un manque de diligence qui aurait causé l’état médical du plaignant, ou qui y aurait contribué, et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.
 
Les éléments de preuve ne soulèvent aucune question quant à la légitimité de l’arrestation du plaignant et de la période qu’il a passée sous garde. Le plaignant était visé par un mandat d’arrêt décerné sur le siège en vigueur lors des événements en question.
 
En ce qui concerne les soins prodigués au plaignant pendant la période qu’il a passée sous garde, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’un ou l’autre des agents impliqués a manqué à son devoir de diligence ou d’égard quant à la santé et au bien être du plaignant. La question concerne essentiellement les fouilles effectuées par les agents et les raisons pour lesquelles le plaignant est parvenu à introduire des substances illicites dans les cellules de détention du commissariat de police. Si des éléments de preuve permettaient d’établir que les drogues confisquées dans la poche gauche du pantalon du plaignant s’y trouvaient lorsqu’il a été arrêté pour la première fois et qu’il est entré dans les cellules, il y aurait des motifs de croire que les fouilles effectuées par l’AI no 2 et l’AI no 1 n’avaient pas été menées avec toute la rigueur voulue. Cette inférence est toutefois spéculative compte tenu des circonstances. Lors de son entrevue avec l’UES, l’AI no 1 a dit être persuadé d’avoir procédé à une fouille minutieuse et qu’il n’y avait aucune autre substance dans les poches du plaignant. Il a émis l’hypothèse, non sans raison, que les drogues étaient probablement dissimulées dans les sous vêtements du plaignant lorsqu’il est entré dans les cellules et qu’il les avait vraisemblablement transférées dans ses poches par la suite. En effet, d’autres drogues ont été trouvées dans un sachet dissimulé dans les sous vêtements du plaignant lors de la fouille à nu effectuée par l’AT no 4 et l’AT no 1. Si c’est effectivement ce qui s’est passé, et il y a lieu de croire que c’est le cas, il semble alors que rien de moins qu’une fouille à nu n’aurait permis de découvrir les drogues en question.

Dans l’arrêt R c. Golden, [2001] 3 RCS 679, la Cour suprême du Canada a établi clairement qu’une fouille à nu n’est justifiable que lorsqu’il y a des motifs raisonnables et probables de conclure que cette fouille est nécessaire dans les circonstances de l’arrestation. D’un côté, une feuille d’aluminium brûlée avait été trouvée en possession du plaignant – un indice de consommation de drogue – au moment de son arrestation. Par contre, le motif de son arrestation n’était pas lié à la drogue. De plus, lors de sa mise en détention au commissariat du SPSSM, il semblait cohérent et à jeun, et niait avoir consommé de la drogue récemment. Enfin, suivant les fouilles par palpation qu’ils ont effectuées, les agents impliqués n’avaient aucune raison de soupçonner que le plaignant dissimulait des substances dans ses sous vêtements, et encore moins dans son rectum. Ainsi, il n’y a pas lieu de croire que l’omission de procéder à une fouille à nu avant l’entrée du plaignant dans les cellules n’ait constitué un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable dans les circonstances [5].
 
En conclusion, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel lors de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 12 janvier 2024


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) L’UES s’emploie actuellement à établir pourquoi l’appel initial du Service de police n’a pas été pris en compte plus tôt. [Retour au texte]
  • 3) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]
  • 4) L’agent no 1 et l’agent no 2 du SPA ont tous deux décliné la demande d’entrevue de l’UES. [Retour au texte]
  • 5) Je suis également convaincu que le fait que le plaignant ait pu accéder à de la cocaïne et en consommer alors qu’il était sous la garde de la police à l’hôpital ne constitue pas un motif raisonnable de porter des accusations de négligence criminelle causant des lésions corporelles. Lorsque le plaignant a récupéré un sachet de cocaïne à l’intérieur ou près de son anus, l’AI no 2 a réagi rapidement pour le lui enlever de la main, après quoi il a réarrangé la position dans laquelle le plaignant était menotté pour rendre toute tentative ultérieure plus difficile. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.