Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OFD-243

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 56 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 25 juin 2023, à 15 h 16, le Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’UES du décès d’un homme, plus tard identifié comme étant le plaignant.

D’après les renseignements fournis par le SPO, à 14 h 8, le 25 juin 2023, des agents du SPO ont été dépêchés dans le secteur de la rue St. Patrick et de l’avenue Parent, à Ottawa, car on avait signalé qu’un homme brandissait un couteau et se précipitait vers des voitures. Des agents en uniforme sont arrivés sur les lieux et ont interpellé l’homme. Les communications tactiques ont échoué et l’homme a refusé de lâcher le couteau. Un pistolet à impulsion électrique (PIE) a été déployé, puis un agent a déchargé son pistolet et a touché l’homme. Les services médicaux d’urgence (SMU) ont été dépêchés et les ambulanciers paramédicaux ont constaté le décès de l’homme.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 juin 2023 à 15 h 45

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 juin 2023 à 20 h 35

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 56 ans; décédé


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 25 juin 2023 et le 10 juillet 2023.
 

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; notes reçues et examinées


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 26 juin 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le secteur de la rue St. Patrick et de la promenade Sussex, à Ottawa.

Le 25 juin 2023, à 23 h 15, deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux. La rue St. Patrick est une route bordée d’arbres qui s’étend d’est en ouest. Il s’agit d’une route à sens unique comportant deux voies de circulation en direction ouest et une voie réservée aux cyclistes. Il y a des trottoirs des deux côtés de la rue. Il y a des résidences sur le côté sud de la rue et la cathédrale Notre-Dame sur le côté nord. La fusillade s’est produite sur la chaussée.

L’avenue Parent se trouve à l’est des lieux de l’incident et la promenade Sussex se trouve à l’ouest.

Il y avait une mare de sang (pièce à conviction no 16) au milieu de la rue, ainsi que du matériel et des débris médicaux autour de la mare de sang.

Des douilles ont été retrouvées au nord et à l’ouest de la mare de sang. Cinq douilles de calibre .40 (pièces à conviction nos 1 à 5) ont été retrouvées sur les lieux. Le culot de ces douilles arborait l’inscription « WIN. 40 S&W ». Ces douilles ont été trouvées au nord de la mare de sang, sur la bordure de trottoir nord de la rue St. Patrick. Trois douilles de 9 mm (pièces à conviction nos 6 à 8) ont également été retrouvées. Le culot de ces douilles arborait l’inscription « Luger 9 mm WIN ». Elles se trouvaient sur la bordure de trottoir nord de la rue St. Patrick, à l’ouest du groupe de douilles de calibre .40. [D’après certains renseignements fournis, le SPO avait commencé à délaisser les pistolets de calibre .40 et avait amorcé une transition vers des pistolets de 9 mm, mais certains agents utilisaient encore des pistolets de calibre 40.]

Sur la chaussée, à l’ouest de la mare de sang, il y avait un PIE de type Taser 7 (pièce à conviction no 15). Le Taser 7 contenait deux cartouches différentes. Il n’a pas été possible de télécharger les données du Taser 7 afin d’examiner son registre des activités. La cartouche déployée a été recueillie à titre de pièce à conviction (pièce no 12). Un confetti d’identification du PIE (pièce no 9) a été retrouvé au nord de la mare de sang alors qu’un autre (pièce no 10) a été retrouvé dans la mare de sang. L’une des portes de cartouche du PIE (pièce no 11) a été retrouvée sur le côté ouest de la mare de sang et une cartouche X2 de PIE (pièce no 12) a été retrouvée au sud de la mare de sang.

Un grand couteau de cuisine (pièce no 13) se trouvait sur le trottoir du côté sud.

La porte d’entrée d’une résidence située sur le côté sud de la rue affichait des marques correspondant à des dommages par balle. La balle a perforé la porte et a été retrouvée sur le plancher, à l’intérieur de la résidence. Les trous de balle dans la porte, à l’intérieur et à l’extérieur, ont été photographiés et la balle a été recueillie à titre de pièce à conviction (pièce no 14).

Trois véhicules de police et une ambulance des SMU se trouvaient sur les lieux. L’ambulance faisait face à l’ouest, dans la voie de circulation nord, à l’est des débris médicaux. Elle avait été laissée sur les lieux, car le corps du plaignant y avait été placé en attendant d’être amené à la morgue. Aucun élément de preuve n’a été relevé dans l’ambulance. Des photos de l’ambulance ont été prises et son emplacement a été marqué.

Le véhicule conduit par l’AT no 1, un Ford Explorer bleu et blanc du SPO entièrement identifié, était orienté vers l’ouest, dans la voie de circulation sud, à l’est des débris médicaux, et se trouvait derrière le véhicule de l’AI no 1 et de l’AT no 2.

Le véhicule du SPO dans lequel étaient arrivés l’AI no 1 et l’AT no 2, un Ford Explorer bleu et blanc entièrement identifié, était orienté vers l’ouest, dans la voie de circulation sud, à l’est des débris médicaux. Ses gyrophares étaient allumés et le hayon arrière était ouvert.

Le véhicule du SPO conduit par l’AI no 2, un Ford Explorer bleu et blanc entièrement identifié, était immobilisé dans la voie de circulation sud et faisait face à l’ouest. Le moteur était en marche, les phares étaient allumés, mais les gyrophares étaient éteints. Le véhicule se trouvait à l’ouest des débris médicaux, à une distance considérable de ces derniers.

Tous les éléments de preuve ont été identifiés à l’aide d’indicateurs numériques et recueillis, et des photos des lieux ont été prises pour montrer où se trouvaient les différents éléments de preuve et leur position.

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est ensuite rendu sur le deuxième lieu d’incident, situé plus à l’ouest sur la rue St. Patrick, près de la rue Murray. D’après les informations reçues, le plaignant avait confronté un conducteur d’un véhicule et le véhicule en question se trouvait toujours sur les lieux. Le véhicule du TC no 8 était stationné à l’angle de la rue St. Patrick et de la rue Murray. Ce véhicule n’arborait aucun dommage et a été photographié.

À 1 h 54, le 26 juin 2023, le SPO a établi un périmètre de sécurité autour du premier lieu d’incident pour la nuit.

À 8 h 55, deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont retournés sur les lieux afin de trouver et de recueillir d’autres pièces à conviction. La zone a été ratissée à l’aide d’un détecteur de métal afin de recueillir toute autre douille et tout autre projectile pouvant s’y trouver. Les enquêteurs de l’UES ont utilisé un scanneur Leica 360 pour documenter la scène.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels


Équipement des agents

AI no 2

Le ceinturon de service de l’AI no 2 comprenait ce qui suit :

  • Un pistolet Glock 17, Gen 5, 9X19, contenant 14 cartouches de 9 mm dans le chargeur et 1 cartouche de 9 mm dans la chambre.
  • Deux chargeurs, chacun contenant 17 cartouches de 9 mm.
  • Un Taser 7 contenant deux cartouches non déployées.
  • Un bâton télescopique.
  • Un vaporisateur de gaz poivré.
  • Une paire de menottes.
L’UES a récupéré le pistolet, le chargeur et les munitions qu’il contenait.

L’uniforme de l’AI no 2, y compris son gilet de police arborant son nom et des marques distinctives de la police, a été photographié. L’uniforme n’affichait aucun transfert de sang manifeste ni dommage notable.


Figure 1 — L’arme à feu de l’AI no 2

Figure 1 — L’arme à feu de l’AI no 2


AI no 1

Le ceinturon de service de l’AI no 1 comprenait ce qui suit :

  • Deux chargeurs, chacun contenant 15 cartouches de calibre .40.
  • Un pistolet Glock 22, Gen 4 de calibre .40, contenant 9 cartouches de calibre .40 dans le chargeur et 1 cartouche de calibre .40 dans la chambre. Le pistolet était également muni d’une lampe Surefire sous le canon de l’arme.
  • Un Taser 7 contenant deux cartouches non déployées.
L’UES a récupéré le pistolet, le chargeur et les munitions qu’il contenait.

L’uniforme de l’AI no 1, y compris son gilet de police arborant son nom et des marques distinctives de la police. L’uniforme n’affichait aucun transfert de sang manifeste ni dommage notable.


Figure 2 — L’arme à feu de l’AI no 1

Figure 2 — L’arme à feu de l’AI no 1


AT no 1

Le SPO a fourni le pistolet à impulsion électrique Taser X2 noir de l’AT no 1. Le PIE contenait une cartouche non déployée; l’autre cartouche était manquante.

Figure 3 — La cartouche de PIE déployée

Figure 3 — La cartouche de PIE déployée

Autres articles

L’UES a recueilli sur les lieux un couteau en acier inoxydable composé d’un manche de 12 centimètres et d’une lame de 20 centimètres.


Photo 4 — Le couteau que tenait le plaignant

Photo 4 — Le couteau que tenait le plaignant

Éléments de preuves médico-légaux


Centre des sciences judiciaires (CSJ) — projectiles

L’UES a soumis les projectiles recueillis par les enquêteurs au CSJ à des fins d’analyse.

Données sur le déploiement du PIE de l’AT no 2

Les données téléchargées depuis le PIE de l’AT no 2 ont révélé que la gâchette a été actionnée vers 14 h 17, le 25 juin 2023, pour une durée de charge de 1,58 seconde [2].

Données sur le déploiement du PIE de l’AT no 1

À 14 h 17 min 15 s, le 25 juin 2023, la gâchette de sécurité est passée de la position « safe » (verrouillé) à « armed » (armé) et, peu après, la cartouche un, une cartouche de 25 pieds, a été déployée pendant cinq secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]


Enregistrements de communications de la police

Le 25 juin 2023, vers 14 h 8, le TC no 7 a téléphoné à la ligne 911 du SPO et a signalé qu’un homme (plus tard identifié comme étant le plaignant) faisait les cent pas sur la rue St. Patrick, près de la galerie d’art, et avait un grand couteau à la main. Le TC no 7 a fourni une description du plaignant et a signalé que ce dernier avait pointé le couteau en direction de certains passants. Le TC no 6 a également appelé à ce sujet et a décrit le couteau comme un gros couteau de boucher.

Vers 14 h 11, le TC no 8 a téléphoné au 911 et a signalé que le plaignant se trouvait sur la rue St. Patrick, près de la cathédrale Notre-Dame, et qu’il y avait des gens sur le trottoir à côté de l’église.

Vers 14 h 12, l’AI no 2 est arrivé sur les lieux. Il a indiqué qu’il s’était approché du plaignant et que ce dernier avait refusé de lâcher le couteau.

Vers 14 h 13, l’AT no 2 a signalé que des coups de feu avaient été tirés et qu’un PIE avait été déployé. L’AT no 2 a ensuite signalé que le plaignant avait été atteint par balle à plusieurs reprises et a demandé qu’une ambulance soit dépêchée.

Vers 14 h 14, l’AT no 1 a indiqué que la situation avait été maîtrisée.

Vers 14 h 14, l’AT no 2 a indiqué que des agents poursuivaient les manœuvres de RCP.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et les éléments suivants auprès du SPO, entre le 26 juin 2023 et le 22 août 2023 :
  • Rapport d’incident général
  • Déclaration écrite de l’AI no 1
  • Notes de l’AI no 1
  • Déclaration écrite de l’AI no 2
  • Notes de l’AI no 2
  • Dossier de formation – AI no 1
  • Dossier de formation – AI no 2
  • Politique – arrestations
  • Politique – santé mentale
  • Politique – usage de la force
  • Renseignements provenant du système de répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrements de communications
  • Liste des témoins civils
  • Information sur les proches
  • Profil du sujet
  • Données sur le déploiement du PIE — AT no 2 et AT no 1

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 17 juillet 2023 et le 28 août 2023 :
  • Rapport sur l’envoi de l’ambulance
  • Rapport d’incident rédigé par les ambulanciers paramédicaux

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec les agents témoins et les témoins civils qui étaient présents lors des événements en question, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, ni l’AI no 1 ni l’AI no 2 n’ont accepté de participer à une entrevue avec l’UES. Ils ont toutefois accepté que leurs notes soient transmises à l’UES.
 
Vers 14 h 10, le 25 juin 2023, le SPO a commencé à recevoir des appels au 911 signalant qu’un homme — le plaignant — brandissait un couteau à l’intersection de la rue St. Patrick et de la promenade Sussex. Des agents de police ont été dépêchés sur les lieux.

Les facultés mentales du plaignant étaient altérées à ce moment-là. Avec un couteau à la main, le plaignant faisait les cent pas dans la zone de l’intersection et a été vu au moins une fois en train de parler à sa main comme s’il s’agissait d’un téléphone portable.
 
L’AI no 2 a été le premier à arriver sur les lieux dans son véhicule de police. Un passant a indiqué à l’AI no 2 où se trouvait le plaignant, puis l’agent a arrêté son véhicule sur la chaussée, un peu à l’est de la promenade Sussex. Le plaignant se trouvait sur le trottoir du côté sud de la rue St. Patrick et tenait le couteau dans sa main droite. L’AI no 2 est sorti de son véhicule, a dégainé son arme à feu et a ordonné au plaignant de lâcher le couteau. Le plaignant n’a pas obtempéré et s’est plutôt mis à avancer vers l’agent tout en ayant le couteau à la main. L’AI no 2 a reculé afin de maintenir une distance entre lui et le plaignant.

L’AI no 1 est arrivé sur les lieux quelques secondes après l’AI no 2 et a arrêté son véhicule dans la voie de circulation sud. Il était accompagné de l’AT no 2. L’AI no 1 et l’AT no 2 ont dégainé leurs armes à feu et ont rejoint l’AI no 2 sur la chaussée. Ils se sont tous trois positionnés en demi cercle, à distance de largeur d’épaules, l’AI no 2 se trouvant le plus à l’ouest, l’AT no 2 au milieu et l’AI no 1 le plus à l’est. Ils ont continué d’ordonner au plaignant, qui se trouvait au sud des agents, de lâcher le couteau. L’AT no 2 a rengainé son arme, puis a dégainé son PIE.

Le prochain agent qui est arrivé sur les lieux était l’AT no 1. Il a immobilisé son véhicule de police juste derrière le véhicule de l’AI no 1 et est sorti sur le trottoir du côté sud. Le plaignant s’est dirigé vers l’est, en direction de l’agent qui se trouvait sur le trottoir. L’AT no 1 a pointé son arme à feu en direction du plaignant et lui a ordonné de lâcher le couteau. Le plaignant a continué d’avancer sur une certaine distance avant de tourner sur sa gauche et de se diriger rapidement vers le nord, en direction du trio d’agents.

Alors que le plaignant avançait dans leur direction, l’AT no 2 a déchargé son PIE, mais en vain. Le plaignant a continué d’avancer et l’AI no 2 et l’AI no 1 ont riposté par des tirs. Le premier a tiré trois fois, touchant le plaignant une fois ou plus. Le dernier a tiré à cinq ou six reprises, infligeant de multiples blessures au plaignant. Le plaignant est resté debout pendant un moment avant de s’effondrer au milieu de la chaussée, devant le véhicule de l’AI no 2. Il était 14 h 13.

L’AT no 1, qui se trouvait toujours sur le trottoir du côté sud, s’est approché du corps du plaignant depuis l’est. Comme le plaignant tenait toujours le couteau et bougeait au sol, l’agent a décidé de déployer son PIE. Les sondes ont atteint le plaignant et celui-ci s’est immobilisé. L’AT no 1 s’est alors approché pour retirer le couteau de sa main.

Les agents ont prodigué des premiers soins d’urgence au plaignant, notamment en procédant à des manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire et en utilisant un défibrillateur externe automatisé, jusqu’à l’arrivée des ambulanciers paramédicaux. Le décès du plaignant a été constaté sur les lieux.

Cause du décès

De l’avis préliminaire du pathologiste chargé de l’autopsie, le plaignant est décédé d’une « blessure par balle à la poitrine ».

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense de la personne -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Paragraphe 88(1) du Code criminel -- Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé le 25 juin 2023 à la suite de coups de feu tirés par la police à Ottawa. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que les deux agents du SPO qui avaient déchargé leurs armes à feu sur le plaignant — l’AI no 1 et l’AI no 2 — étaient les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec la fusillade et le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’emploi de la force, qui constituerait une infraction en temps normal, est légalement justifié s’il vise à éviter une attaque raisonnablement appréhendée, qu’il s’agisse d’une menace ou d’une attaque réelle, et si l’emploi de la force est lui-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la conduite doit être évalué à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si l’une des parties en cause a utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force. À mon avis, les coups de feu tirés par l’AI no 2 et l’AI no 1 tombaient dans les limites des justifications prévues à cette disposition.

Les agents impliqués exerçaient leurs fonctions de façon légitime tout au long de la série d’événements qui a mené aux tirs sur le plaignant. Comme ils avaient été dépêchés parce qu’un homme menaçait des passants avec un couteau à l’intersection de la promenade Sussex et de la rue St. Patrick, les agents étaient fondés à se rendre sur les lieux en vue d’arrêter le plaignant pour « port d’arme dans un dessein dangereux », en contravention de l’article 88 du Code criminel, et d’assurer la sécurité du public.

Bien que ni l’un ni l’autre des agents impliqués n’a accepté de participer à une entrevue avec l’UES, comme ils sont en droit de le faire, je suis convaincu qu’ils ont tous deux agi comme ils l’ont fait afin de prévenir une attaque au couteau de la part du plaignant et qu’ils avaient de bonnes raisons d’appréhender une telle attaque lorsqu’ils ont fait feu. C’est ce qu’ils affirment dans leurs déclarations écrites et leurs notes sur l’incident, et la preuve circonstancielle étaye leurs déclarations. Au moment où les agents ont fait feu, le plaignant avançait vers l’AI no 2, l’AT no 2 et l’AI no 1 en brandissant un couteau et n’était qu’à quelques mètres des agents — à distance de frappe — lorsque les agents ont fait feu. Les agents avaient de bonnes raisons de craindre que le plaignant utilise le couteau contre eux — des citoyens avaient téléphoné à la police, car ils craignaient que le plaignant ait de telles intentions et les agents eux-mêmes n’avaient pas réussi à convaincre le plaignant d’arrêter d’avancer et de lâcher l’arme. Pour ces raisons, je suis également convaincu que la force utilisée par les agents était de nature défensive.

Je suis également persuadé que les coups de feu tirés par l’AI no 2 et l’AI no 1 constituaient une force raisonnable dans les circonstances. Les événements se sont déroulés très rapidement et les agents n’ont pas réellement eu l’occasion d’envisager d’autres solutions. Malgré cela, l’AI no 2, le premier agent sur les lieux, a tenté de désamorcer la situation. Il semblait avoir compris que le plaignant traversait une crise de santé mentale et a tenté de le calmer en lui demandant son nom et en lui expliquant qu’il était là pour l’aider. Malheureusement, dans l’état d’esprit dans lequel il se trouvait, le plaignant n’a pas été réceptif à ce que l’agent lui disait. Les agents n’avaient pas non plus l’option de battre en retraite. Même s’il est possible que leur présence ait contribué à l’agitation du plaignant, il y avait des passants dans la zone et la sécurité de ces passants aurait été menacée si les agents avaient décidé de s’éloigner. Les agents ont demandé au plaignant de s’arrêter et de laisser tomber le couteau à plusieurs reprises. Alors qu’il se dirigeait vers le nord, soit en direction des agents se trouvant sur la rue St. Patrick, l’AT no 2 a déchargé son PIE. Si les sondes avaient atteint leur cible, cela aurait pu neutraliser le plaignant momentanément, ce qui aurait permis aux agents de le désarmer en toute sécurité. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et les agents n’ont eu d’autre option que de décharger leurs armes à feu afin de se protéger et de protéger leurs collègues. S’ils avaient physiquement tenté d’arrêter le plaignant ou s’ils avaient tenté d’utiliser d’autres armes à leur disposition (comme du gaz poivré ou une matraque) qui n’ont pas la puissance d’arrêt immédiat d’une arme à feu, ils auraient mis leur vie en danger et se seraient exposés à des lésions corporelles graves ou même à la mort en raison du couteau. Quant au nombre de coups de feu tirés par les agents, je suis persuadé que la menace appréhendée par les agents était présente tout au long de la fusillade — les balles ont été tirées en succession rapide, avec possiblement une très brève pause entre une première et une deuxième volée — et rien n’indique que les agents ont continué à tirer une fois le plaignant au sol. Dans ces circonstances, la preuve établit que la conduite des agents impliqués, qui ont choisi de répondre à une menace de mort imminente en recourant eux-mêmes à une force létale, était adaptée aux exigences du moment.
 
Je n’ai donc aucun motif raisonnable de conclure que l’AI no 1 ou l’AI no 2 se sont comportés autrement qu’en toute légalité durant la totalité de leur interaction avec le plaignant. Il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 23 octobre 2023

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) L’heure provient de l’horloge interne des armes et n’est pas nécessairement synchronisée avec les autres armes ni avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.