Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCI-262

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 42 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 4 octobre 2022, à 13 h 42, le Détachement de Hawkesbury de la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant.

Selon la Police provinciale, vers 5 h du matin, l’agent témoin (AT) no 1 et l’agent impliqué (AI) ont répondu à un appel pour aider quelqu’un à entrer dans une résidence. Le plaignant avait appelé la police en disant qu’il avait peur d’entrer chez lui à cause de l’état mental de sa femme. Une altercation a éclaté entre les agents et le plaignant, qui a alors été arrêté. Les agents ont conduit et enregistré le plaignant au poste du Détachement de Hawkesbury. Comme le visage du plaignant était enflé, les agents l’ont conduit à l’Hôpital général de Hawkesbury et district (HGH), où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbitaire. Le plaignant a été libéré à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 octobre 2022 à 8 h 18

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 octobre 2022 à 8 h 25

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 42 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 octobre 2022.


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 11 octobre et le 9 décembre 2022.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre les 11 et 28 octobre 2022.


Éléments de preuve

Les lieux

L’UES ne s’est pas rendue sur les lieux de l’arrestation, dans l’allée de garage d’une maison de L’Orignal.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Enregistrements des communications de la Police provinciale

Le 17 octobre 2022, à 15 h 55, l’UES a reçu une copie des enregistrements des communications de la Police provinciale de l’Ontario concernant l’incident. Voici un résumé des renseignements pertinents.

Le 4 octobre 2022, à 4 h 41, le plaignant appelle le 9-1-1 pour demander une vérification du bien-être de la TC no 1. Il veut parler d’abord aux agents au téléphone, car il craint d’entrer dans la maison et veux que des agents viennent sur les lieux sans allumer leurs gyrophares. Le plaignant précise qu’il est dans un véhicule garé dans l’allée et que la TC no 1 est dans la maison.

L’AT no 2 et l’AI arrivent sur les lieux à 4 h 49, suivis de l’AT no 1 à 4 h 56.

Un répartiteur les avertit que le plaignant a été impliqué dans de nombreux conflits familiaux et domestiques à cette adresse et qu’il est signalé dans les dossiers pour « littéralement tout ».

On demande aux services médicaux d’urgence venir sur les lieux, mais cette demande est annulée par la suite parce que la police va conduire le plaignant à HGH. Un agent demande qu’on prévienne le service des urgences de l’hôpital de l’arrivée imminente du plaignant.

L’AI dit au répartiteur qu’il va enregistrer un nouvel appel pour voies de fait contre un agent et décrit le plaignant comme étant connu de la police.


Vidéo du système de caméra à bord du véhicule de police de l’AT no 1

Le 5 octobre 2022, à 17 h 26, l’UES a reçu une copie de la vidéo en lien avec l’incident enregistrée par la caméra du véhicule de police de l’AT no 1. La vidéo était horodatée et en couleur; la partie audio était en français. Un enquêteur francophone de l’UES a visionné cette vidéo dont voici un résumé des renseignements pertinents :

La vidéo commence le 4 octobre 2022, à 5 h 14 min 11 s. Le plaignant est assis à l’arrière du véhicule de police.

À 5 h 14 min 52 s, l’AT no 1 dit au plaignant qu’il est enregistré en vidéo et audio. Le plaignant confirme qu’il comprend.

Le plaignant déclare qu’il veut déposer une plainte auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police parce qu’il a reçu des coups de poing au visage.

L’AT no 2 avertit le plaignant et lui dit qu’il est accusé de « voies de fait contre un agent de police » et de « proférer des menaces ». Le plaignant demande à parler à un avocat.

À 5 h 23 min 40 s, le plaignant déclare qu’il veut voir un médecin, car les agents l’ont brutalisé « quelques fois » et que son dos s’est bloqué. Le nez du plaignant est couvert de sang.

À 5 h 25 min 23 s, on aide le plaignant à sortir du véhicule de police et la vidéo prend fin.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 6 et le 26 octobre 2022 :
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéo de la caméra du véhicule de l’AT no 1;
  • Dossier de la répartition assistée par ordinateur;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Dossier de formation de l’AI.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossiers médicaux du plaignant (HGH);
  • Photographies des blessures et de la scène fournies par le plaignant.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec le plaignant et des entrevues avec des agents qui ont participé à son arrestation. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Dans la matinée du 4 octobre 2022, des agents ont été dépêchés à une résidence de L’Orignal. Ils répondaient à un appel à la police de l’un des occupants de la maison – le plaignant. Préoccupé par la santé mentale de sa partenaire (la TC no 1), le plaignant voulait qu’on appréhende cette dernière en vertu de la Loi sur la santé mentale.

L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux. Les agents ont rencontré le plaignant devant la maison et lui ont parlé de la situation. L’AI et l’AT no 2 sont ensuite entrés dans la maison pour parler à la TC no 1. Convaincus qu’il n’y avait aucun motif d’appréhender la TC no 1 en vertu de la Loi sur la santé mentale, les agents sont sortis de la maison et ont expliqué la situation au plaignant.

Le plaignant n’a pas apprécié leur décision. Il s’est approché agressivement de l’AT no 2 et l’a poussé à la poitrine. Les agents l’ont averti que son comportement équivalait à une agression. Peu après, le plaignant s’est énervé quand l’AI a pointé sa lampe de poche sur lui. Il a arraché la lampe de poche des mains de l’agent, et une altercation physique s’est ensuivie qui a abouti à son arrestation.

Les agents et le plaignant ont lutté debout pendant un certain temps avant que l’AT no 1 ne le fasse trébucher pour le faire tomber. Une fois le plaignant à terre, comme il refusait de tendre les bras, l’AI lui a asséné plusieurs coups de poing au visage. Les agents ont finalement réussi à maîtriser les mains du plaignant et à le menotter dans le dos.

Après son arrestation, la police a conduit le plaignant à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbitaire gauche et un certain nombre de fractures « subaiguës » de la colonne vertébrale et des côtes. [2]

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 4 octobre 2022, le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents de la Police provinciale. Un de ces agents a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

Le dossier de preuve établit que le plaignant a arraché la lampe de poche des mains de l’AI. Il est aussi entré en contact avec la poitrine de l’AT no 2 possiblement dans l’intention de le faire. Dans ces circonstances, je suis convaincu que les agents étaient en droit de chercher à arrêter le plaignant et à le placer sous garde pour voies de fait.

En ce qui a trait à la force utilisée par les agents, dont une mise à terre et plusieurs coups de poing au visage du plaignant, en me fondant sur les éléments de preuve, je ne peux pas raisonnablement conclure que cette force était excessive. Les éléments de preuve établissent que le plaignant a résisté physiquement aux agents qui s’apprêtaient à l’arrêter, prenant parfois le dessus. Compte tenu de la combativité du plaignant, ce placage à terre était raisonnable. Une fois le plaignant à terre, les agents pouvaient s’attendre à mieux gérer toute résistance que le plaignant pourrait continuer de leur opposer. En fait, le plaignant a continué de résister physiquement aux agents, en refusant de les laisser saisir son bras gauche pour être menotté. Après une période au cours de laquelle l’AI a donné des coups de poing au côté gauche du visage du plaignant, les trois agents ont combiné leurs efforts pour prendre le dessus et menotter le plaignant dans le dos. Selon un élément de preuve, un agent a donné quatre à six coups de poing au plaignant alors que ce dernier avait cessé de résister. Cette affirmation est cependant contestée par les témoignages des AT no 1 et AT no 2 selon lesquels le plaignant a continué de résister jusqu’à ce qu’il soit menotté. Il semble donc tout aussi probable que l’agent ait donné les coups de poing pour maîtriser le plaignant et que ce recours à la force était proportionné à la résistance du plaignant.

En conséquence, bien que j’accepte que le plaignant ait subi la fracture de l’os orbitaire et, possiblement, les fractures de la colonne vertébrale et des côtes, au cours de l’altercation avec la police qui a marqué son arrestation, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que ces blessures aient été le résultat d’un comportement illégal de la part de l’AI. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 31 janvier 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 2) Il n’est pas clair, d’après les éléments de preuve, que les fractures de la colonne vertébrale et des côtes résultaient de l’altercation du plaignant avec la police; il est possible qu’elles aient résulté d’une collision automobile impliquant le plaignant quelques semaines avant son arrestation. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.